Semaine 23

  • Kora’h
Editorial

Une clé d’infini

La vie de l’homme se construit jour après jour. C’est pourquoi chacun des instants qui la compose est précieux et nécessaire. Alors qu’elle se déroule, seconde après seconde, elle ouvre à l’homme le champ de tous les possibles. Elle lui donne toutes ces occasions-là – spirituelles – qui peuvent changer une vision, une existence, donner un sens aux choses qui, autrement, ne seront qu’éphémères et sans portée. Le calendrier ne fait pas exception à ce qui paraît bien être une règle fixée au cœur de la création.
Ainsi, c’est au début de la semaine prochaine que reviendra le 3 Tamouz, le jour du départ de ce monde du Rabbi. Un tel jour est grand et solennel, chargé de puissance aussi. Il sera temps d’y revenir le moment venu. Mais comment pourrait-on vivre une telle journée si on se contentait de laisser filer les heures et d’y arriver comme par accident ? Comment pourrait-on en ressentir le caractère infini sans, au préalable, s’être efforcé de sortir de ses propres limites ? Peut-être une clé est-elle cachée ici ? Peut-être tout tient-il en un mot si facile à comprendre et à dire et si difficile à mettre en œuvre : se préparer ?
La parabole ‘hassidique est connue : dans un petit village vivait un homme qui, toujours fatigué, n’aspirait jamais qu’au sommeil. Arriva Roch Hachana. Sa femme se leva de bon matin pour se rendre à la synagogue et tenta, en vain, de le réveiller. La prière commença, avança et l’homme manquait toujours. Sa femme vint, à plusieurs reprises, pour tenter de le réveiller, sans plus de succès. Ce fut l’heure de la sonnerie du Choffar. Cette fois, la digne épouse courut à la maison avec une énergie décuplée. Elle supplia son mari endormi : «C’est le Choffar, lève-toi !». Les mots se frayèrent leur chemin jusqu’au cerveau et au cœur du dormeur et il se leva d’un bond tandis que sa femme repartait. Affolé à l’idée de manquer la cérémonie, il ne réfléchit à rien et c’est dans son vêtement de nuit, encore ébouriffé, qu’il apparut dans la synagogue, vite et trop tard conscient de son… impréparation.
Le 3 Tamouz approche. Il est déjà présent, juste derrière l’horizon. Il n’en est que temps : s’y préparer est indispensable. Quoi qu’il en soit, la journée sera là et elle sera essentielle. Mais il dépend de nous de nous en saisir. Comment ? L’étude, la charité, le retour à D.ieu ouvrent décidément toutes les portes.
 
Haim Nisenbaum

Etincelles de Machiah

Il est temps d’être joyeux!

Dans l’un des psaumes qui traitent du retour final des exilés en Israël, il est écrit (126: 2-3): “Alors ils diront parmi les nations: ‘D.ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci’. D.ieu a fait de grandes choses pour nous; nous étions joyeux”. Un des Maîtres polonais a commenté ces mots de la façon suivante: “Alors ils diront parmi les nations”: quand Machia’h viendra, les nations du monde diront, “D. ieu a fait de grandes choses pour ceux-ci”: D.ieu a fait des merveilles pour le peuple juif. Nous répondrons à ces propos: “D.ieu a certes fait de grandes choses pour nous”. Quelle en est la raison? “Nous étions joyeux!” (d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch) H.N.

Vivre avec la Paracha

Kora’h : Trois miracles naturels

Dans notre Paracha, on relate l’histoire du bâton d’Aharon qui fleurit. Kora’h et sa faction rebelle avaient contesté le droit d’Aharon à la Kéhounah Guedola (Grande Prêtrise). Afin de réitérer Son choix d’Aharon pour Le servir dans le Sanctuaire, en tant que représentant de la nation juive, D.ieu ordonna à Moché :
«Prends… un bâton de chaque chef (de tribu)… chacun écrira son nom sur son bâton… Ecris le nom d’Aharon sur le bâton de Lévi… et l’homme que Je choisirai verra son bâton fleurir…»
Moché plaça chaque bâton devant D.ieu dans le Sanctuaire… Le jour suivant… voici que le bâton d’Aharon était en fleurs : des fleurs surgissaient, produisant des fruits et portant des amandes mûres» (Bamidbar 17 :16-24).

Dans un discours qu’il prononça Chabbat Kora’h, en 1991, le Rabbi cita l’incident décrit ci-dessus comme un exemple classique de ce qu’il appela un «miracle naturel». D.ieu ne fit pas seulement en sorte que des amandes apparaissent sur le bâton d’Aharon. Mais Il stimula tout le processus de l’éclosion, de l’apparition et de la maturation du fruit. Comme l’indique le verset, toutes ces phases se produisirent simultanément sur le bâton d’Aharon. Le bâton d’Aharon défiait les lois de la nature et ses restrictions, tout en se conformant aux phases naturelles par lesquelles passe la croissance de l’amande. Il transcendait la nature mais selon les propres termes de cette nature.
En d’autres termes, dit le Rabbi, il existe deux types de miracles :
a) le miracle qui renverse et déplace les normes naturelles, créant une réalité complètement opposée aux lois de la nature
b) le miracle naturel, pas moins «impossible» selon les normes naturelles, et donc preuve de la main de D.ieu, mais qui a lieu dans le cadre de phénomènes naturels.
Pour comprendre les différences entre ces deux types de miracles, il nous faut tout d’abord examiner le but des miracles, en général.
Le mot hébreu pour miracle, Ness, signifie «spirituel» et «élevé». La régularité et la prédictibilité de la nature créent ce que l’on appelle des «lois». «C’est ainsi», stipule l’ordre naturel, et l’on ne peut que se conformer à cette réalité limitée et définie. Néanmoins, la vérité est toute autre. Le monde et l’homme ont été imprégnés par leur Créateur d’un potentiel pour s’élever et élever leur existence, pour se porter au-delà de ce qu’implique la phrase : «c’est comme ça». Un miracle, avec son déploiement de force divine, peut élever ceux qui l’expérimentent, leur permettant de voir à travers la façade de la nature et les inspirant à s’élever au-delà des limites de leur propre nature et des normes acceptées dans leur société.
A première vue, il peut sembler que le «besoin» du miracle naturel de se servir des processus naturels en fait moins un miracle. En réalité, un miracle qui agit par la nature est encore plus «miraculeux» qu’un miracle qui la dépasse. Un changement soudain, bouleversant ne transforme pas la nature : il la dépasse. Mais un miracle intégré dans les œuvres de la nature, non seulement la dépasse mais élève la nature elle-même. Un miracle surnaturel libère la personne qui le vit de l’ordre naturel. Un miracle naturel libère la substance de la nature elle-même.

Le jour où le soleil s’arrêta
On lit généralement la Paracha de Kora’h la première semaine du mois de Tamouz. Le Chabbat où le Rabbi parla du bâton d’Aharon était le 3 Tamouz et le Rabbi cita deux exemples historiques de «miracles naturels» qui eurent lieu, tous les deux, en ce jour.
Le 3 Tamouz 2488 depuis la Création (en 1273 avant l’ère commune), Yehochoua conduisait le Peuple Juif dans l’une de ses batailles pour conquérir la terre d’Israël. La victoire était imminente mais l’obscurité allait tomber. «Soleil ! Arrête-toi à Givon, lune, à la vallée d’Ayalon !» s’écria Yehochoua (Yehochoua 10 :12). Les corps célestes acquiescèrent, arrêtant leur progression dans le ciel jusqu’à ce que l’armée d’Israël conclut victorieusement la bataille.
Nos Sages ont dit que D.ieu n’accomplit pas de miracle en vain. Qu’accomplirent donc ces changements drastiques des astres ? N’aurait-il pas suffi d’accomplir un miracle plus limité, comme par exemple une illumination soudaine du champ de bataille de Givon ?
Mais une lumière «artificielle» aurait alors signifié que les lois de la nature étaient simplement ignorées et non transformées. Pour que le peuple d’Israël soit inspiré, non seulement à transcender sa nature mais aussi à la transformer et la sublimer, D.ieu insista pour que la lumière naturelle qui leur était donnée soit une véritable lumière du soleil, même si cela supposait que soit créé un nouvel ordre naturel dans les cieux.

Un miracle par étapes
Le second «miracle naturel» dont il est question se situe 3199 ans plus tard, mais cette fois ci en termes encore plus naturels (et donc plus miraculeux).
Le 3 Tamouz 5687 (1927) fut le jour où le sixième Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, fut libéré de la prison de Spalerna à Léningrad (aujourd’hui Petersbourg).
Rabbi Yossef Its’hak avait été arrêté par des agents de la GPU (police secrète soviétique, précurseur du KGB) et la Yevsektsia (la section juive du parti communiste) pour les efforts qu’il déployait pour soutenir et promouvoir la vie juive sous le régime communiste. Il avait été condamné à mort. Mais sous les pressions internationales, le régime soviétique avait commué cette peine en sentence de dix ans de travaux forcés en Sibérie puis en un exil de trois ans à Kostroma, ville intérieure de la Russie. Le 3 Tamouz, il fut libéré de prison et envoyé en exil. Neuf jours plus tard, le 12 Tamouz se produisit une nouvelle phase de la libération du Rabbi : un ordre le libérant et lui permettant de regagner son domicile de Leningrad. Quelques mois plus tard, il fut autorisé à quitter le pays. En dehors des frontières de la Russie, le Rabbi continua à diriger ses réseaux souterrains d’émissaires et d’activistes qui apportèrent et continuent d’apporter de l’aide matérielle et spirituelle aux Juifs dans tous les recoins de l’empire soviétique.
Dans une lettre écrite lors du premier anniversaire de sa libération, Rabbi Yossef Its’hak écrit : «Ce n’est pas seulement moi que D.ieu a libéré ce jour, mais également tous ceux qui s’appellent Israël». Rabbi Yossef Its’hak s’en était pris au parti tout puissant et il l’avait emporté. Ceux qui cherchaient à détruire la vie juive en Union Soviétique furent eux-mêmes obligés de concéder qu’ils n’avaient pas le droit d’empêcher un Juif de pratiquer sa foi.
Maintenant, conclut le Rabbi, en 1991, « après plus de six décades, nous avons eu le privilège d’assister à une autre réalisation de la victoire du Rabbi et du judaïsme soviétique. La transformation miraculeuse qui est en route dans ce pays est le développement consécutif au miracle du 3 Tamouz. »
Nous avons ici un «miracle naturel» des plus grands. D’une part, c’est une chaîne d’événements qui transcendent l’ordre et les termes naturels. Suggérer dans les heures les plus noires du stalinisme qu’un individu unique pouvait contrer tous les droits du parti tout puissant pour déraciner le Judaïsme en Union Soviétique et persévérer en affirmant que l’étranglement de millions de personnes cesserait, autrement dit, prévoir 1991 en 1927, était aussi prodigieux que le fait que le soleil change sa course. Toutefois et en même temps, c’était un miracle naturel comme le montrent tout d’abord le fait que le sauvetage du Rabbi put avoir lieu avec le consentement de ceux-là mêmes qui l’avaient condamné (un changement de l’intérieur) et d’autre part le fait que la victoire ne fut ni immédiate ni complète d’emblée, mais qu’elle survint par phases et continua à se déployer durant de nombreuses années.

Le Coin de la Halacha

Coutumes liées au jour de la Hilloula du Rabbi 3 Tamouz (cette année mardi 11 juin 2013)

Le Rabbi avait fixé un certain nombre de coutumes à respecter à l’occasion de la Hilloula du Rabbi précédent. Ce sont ces mêmes coutumes qui ont été reprises pour le 3 Tamouz. En voici quelques-unes :
• On allumera une bougie de vingt-quatre heures depuis lundi soir 10 juin.
• Pendant chacune des trois prières du jour, cinq bougies resteront allumées devant l’officiant.
• On donnera de la Tsedaka (charité), au nom de chacun des membres de sa famille, pour une institution du Rabbi.
• On consacrera un moment dans la journée pour parler du Rabbi et de sa grande Ahavat Israël (amour du prochain) à sa famille et son entourage.
• On étudiera les chapitres de Michnayot correspondant aux lettres qui constituent le nom du Rabbi.
• On étudiera le Maamar « Véata Tetsavé ».
• On étudiera les enseignements du Rabbi.
• On aura rédigé un «Pane», «Pidyone Néfech», une lettre de demande de bénédictions (en y précisant les prénoms et les prénoms des mamans de chacun) qui sera lue sur le Ohel du Rabbi.
N° de fax du Ohel : 00 1718 723 44 44
N° de fax du Beth Loubavitch : 01 45 26 24 37
Adresse du Ohel : 226-20 Francis Lewis Blvd – Cambria Heights, New York 11411
E-mail : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

Le Recit de la Semaine

Retour du Ohel...

Il y a quelques mois, alors que j’arrivais au Ohel pour prier auprès de la tombe du Rabbi, je rencontrai un homme qui me demanda s’il pouvait retourner avec moi à Crown Heights, le quartier ‘hassidique de Brooklyn : il faisait trop froid, il n’avait pas la force d’attendre un bus à l’extérieur.
Dans la voiture, nous avons fait connaissance : en 1976, à l’âge de six ans, il avait contracté une maladie grave qui ne pouvait pas être traitée en Russie (où il habitait) mais seulement à Boston, aux États-Unis et à un coût astronomique. Quelqu’un contacta le Rabbi à New York qui, grâce à l’aide de diverses organisations philanthropiques, put récolter de l’argent. Mais le plus difficile était d’obtenir une autorisation de sortie d’Union Soviétique ; les autorités locales refusèrent mais la mère connaissait quelqu’un qui était devenu officier du gouvernement et qui, miraculeusement, accepta de délivrer les autorisations nécessaires. C’est ainsi que le père, la mère et l’enfant purent se rendre à Boston où l’enfant séjourna deux mois à l’hôpital.
Avant de retourner en Russie, ils se rendirent à New York pour remercier le Rabbi qui s’était tellement dévoué pour eux. C’était la semaine de la Paracha Kora’h et le Rabbi – qui, bien entendu, parlait couramment le russe puisqu’il était originaire d’Ukraine – mentionna qu’à la suite de sa rébellion, Kora’h avait été englouti dans la terre. Le petit garçon, A.B., demanda innocemment : «Dans le métro ?», ce qui fit bien rire ses parents.
Le Rabbi répondit : «Ne riez pas ! Nous apprenons souvent des leçons importantes des questions posées par les enfants !»
Autant que A.B. puisse s’en souvenir, le Rabbi avait alors expliqué : le système du métro souterrain ne fonctionne que dans les grandes villes connaissant une intense circulation en surface. Le métro permet de mieux circuler d’un point de la ville à l’autre. C’est aussi particulièrement les grandes villes (comme New York – A.B. se souvenait que le Rabbi avait mentionné cette ville) qui offrent malheureusement de nombreuses destinations peu recommandables moralement. Kora’h aurait utilisé le métro pour parvenir à ces endroits mais nous ne devons l’utiliser que pour les bonnes destinations. Le Rabbi avait alors donné deux billets d’un dollar à l’enfant (au lieu de l’habituel billet unique) en lui demandant d’en remettre un à la Tsedaka et l’autre au Kotel, le Mur Occidental à Jérusalem.
Les parents s’écrièrent alors : «Rabbi ! C’est absolument impossible !». Il faut se souvenir qu’à l’époque, il était pratiquement impossible de sortir d’Union Soviétique. Mais le Rabbi répliqua : «Vous verrez !».
Les années passèrent, la famille était retournée en Russie. Puis, en 1989, le régime soviétique s’écroula, les frontières s’ouvrirent. A.B. put se rendre en Israël et donna le dollar qu’il avait reçu du Rabbi dans une boîte devant le Kotel. Il profita de son séjour pour épouser une jeune fille juive qu’il connaissait, avec une ‘Houppa, un rabbin et tous les documents légaux.
Par la suite, il devint citoyen américain, s’installa à Brooklyn tandis qu’elle retourna en Russie. Le fait est qu’ils n’étaient pas mariés civilement (ce qui n’est pas nécessaire en Israël) et ils devaient donc se contenter de se voir occasionnellement, en tant que visiteurs et non citoyens du pays du conjoint. Quand leur fille eut six ans, ils se rendirent avec elle à ‘Haïfa. Comme par hasard, c’était la Paracha Kora’h… Ils entendirent un certain rabbin mentionner que Kora’h avait été englouti par la terre et la fillette demanda innocemment : «Dans le Carmélit (le métro de ‘Haïfa) ?». Cette question rappela à A.B. que lui-même avait posé la même question des années auparavant devant le Rabbi et il répéta à sa fille ce que le Rabbi lui avait répondu.
Songeur, je demandai à A.B. s’il était pratiquant : il ouvrit sa mallette et me montra les Téfiline qu’il mettait tous les jours : «Et je peux vous assurer que cela me pose bien des soucis quand je me rends à St Pétersbourg pour rejoindre ma femme : les douaniers russes soupçonnent à chaque fois qu’il s’agit d’une nouvelle sorte de bombe !»
- Et quelles bénédictions avez-vous demandé auprès du tombeau du Rabbi aujourd’hui ? demandai-je.
- Ma mère a «la maladie» et mon père un glaucome : j’ai donc demandé une bénédiction pour leur santé ; j’ai aussi demandé que ma femme obtienne enfin les papiers nécessaires pour venir s’installer avec moi à Brooklyn.
- Je peux vous aider ! Je connais un très bon avocat !
Immédiatement, encore dans la voiture, je téléphonai à mon avocat, un expert dans ces questions. Contrairement à son habitude, il répondit au lieu de me laisser déposer un message sur son répondeur qui était souvent trop plein pour qu’on puisse y rajouter un mot… Il accepta de discuter pendant dix minutes avec A.B. pour bien définir la situation et lui fixa un rendez-vous le jour-même !
Leur conversation se termina juste au moment où je garai ma voiture sur Kingston Avenue…
Un des problèmes de A.B. était déjà résolu !

Rav Yeheskel Lebovic – Collive.com
Traduit par Feiga Lubecki

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