Semaine 26

  • Kora’h
Editorial
Les « Jardins d’Israël »

Il y a comme un air de joie qui court dans les rues ces temps-ci. C’est même parfois si sensible qu’on en vient à s’interroger : l’époque y est-elle si propice, y a-t-il des événements porteurs de tant d’enthousiasme que l’on aurait, par mégarde, manqués ? Certes, nous venons de vivre, il n’y a encore pas si longtemps, la fête de Chavouot et sans doute cela est-il un véritable motif de joie intense et profonde. On l’a abondamment dit : recevoir la Torah est toujours une expérience à la fois essentielle et bouleversante. Cependant, la joie qui transpire à présent semble comme plus intime que toutes les autres, comme s’il s’agissait d’un motif quasi familial. Alors, il faut le dire : c’est bien de cela qu’il s’agit ! Nous sommes déjà sur le deuxième versant du mois de juin et, dans moins de deux semaines, commenceront les Gan Israël. Gan Israël, c’est un titre naturel pour une entreprise extraordinaire. Des centres aérés ouverts à tous, où l’enfant, pendant les vacances, dès le début du mois de juillet, peut vivre le bonheur d’être Juif – de tels centres pouvaient-ils se nommer autrement que « Jardin d’Israël » ?
Qu’est-ce donc qu’un jardin ? En ces périodes où les fleurs écloses rendent le monde plus beau, la réponse est concrètement visible par chacun. Le jardin n’est pas un endroit utilitaire, il n’est pas fait pour produire, par exemple, des céréales, bases de la vie. Il permet, en revanche, de créer un espace de pur plaisir, un espace pour la joie et le bonheur. Il est, en quelque sorte, ce lieu qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Le « Jardin d’Israël – Gan Israël » exprime cette idée de la manière la plus grande et la plus fidèle. Comme des fleurs aux mille couleurs, les enfants juifs y trouvent l’endroit de l’harmonie et de la croissance, de la chaleur et du développement. Ils sont ce que nous avons de meilleur et, vivant dans un tel jardin, ils manifestent qu’ils portent encore bien plus et bien mieux que tout ce que nous avions pu rêver.
C’est pour cela qu’un air d’allégresse flotte aujourd’hui dans les rues des villes, partout dans le monde. C’est une douce musique que celle du bonheur de donner et de recevoir, celle de l’étude et de l’amour. Elle enchante les cœurs et entraîne les âmes. Elle donne au monde entier un visage nouveau qu’il importe de savoir découvrir. Quand les enfants sont heureux, tous les hommes le sont. Il faut le dire : les Gan Israël vont, sous peu, ouvrir leurs portes. Il faut les partager, inviter ceux qui ne les connaissent pas encore. C’est un bonheur infini, plus on le donne à autrui, plus il y en a pour tous. Des phrases de Torah pleines de vie dans la bouche d’enfants heureux, c’est un avant-goût du temps prochain de la Délivrance.
Etincelles de Machiah
La Techouva par choix

Maïmonide enseigne : « La Torah a promis que finalement le peuple juif fera Techouva à la fin de son exil et il sera immédiatement libéré. » (Michné Torah, Hile’hot Techouva 7:5).
A la lecture de cet enseignement, il apparaît que le peuple juif fera Techouva de sa propre initiative, sans que D.ieu l’y ait contraint. Ainsi ce sera vraiment sa Techouva qui amènera la Délivrance. Pourquoi Maïmonide choisit-il cette approche ?
Dans les deux chapitres qui précèdent dans le Michné Torah, Maïmonide a abondamment souligné l’idée du libre arbitre. Puis il commence celui où se trouve la citation ci-dessus par les mots : « Puisque tout homme en a reçu la permission… il doit entreprendre de faire Techouva… » Il veut dire ainsi que l’homme doit s’efforcer à une Techouva sincère, qui procède de sa libre volonté et non d’une quelconque forme de coercition. Après avoir posé ce principe, Maïmonide poursuit : « finalement le peuple juif fera Techouva » : son retour à D.ieu sera décidément le résultat d’un libre choix.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. XXVII, p. 215)
Vivre avec la Paracha
Kora’h : L’histoire de deux femmes

La Paracha de cette semaine relate l’histoire et la chute de Kora’h et de ses adeptes, dans leur révolte contre Moché.
Kora’h, le fils d’Ytsar, fils de Kehat, fils de Lévi, prit [se mit de côté avec] avec Datan et Abirame, les fils d’Eliab et One, fils de Pélét, les fils de Réouven.
Ils affrontèrent Moché avec deux cent cinquante hommes parmi les Enfants d’Israël, des chefs de la communauté, représentants de l’assemblée, des hommes de renommée. Ils se liguèrent contre Moché et Aharon et leur dirent : «Vous prenez trop sur vous car toute l’assemblée est sainte et D.ieu réside parmi eux. Alors pourquoi vous élevez-vous au-dessus de la communauté de l’Eternel ?»
Le fondement de la plainte de Kora’h s’appuyait sur l’idée que la nation entière étant sainte, Moché n’avait donc nul besoin de servir de dirigeant et Aharon de Grand-Prêtre.
La Paracha de Kora’h suit l’épisode des explorateurs que nous avons lu la semaine passée. L’erreur des explorateurs avait été de croire que pour atteindre la sainteté, il nous faut nous retirer de la sphère matérielle et nous concentrer exclusivement sur le spirituel. C’était la raison pour laquelle ils ne voulaient pas entrer en Terre d’Israël où ils devraient mener une vie naturelle, aux prises à la matérialité. Nous l’avons vu, ils se trompaient. D.ieu veut notre investissement dans la réalité matérielle pour y relever le spirituel. Les femmes de cette génération n’avaient pas commis cette erreur.
Kora’h et ses adeptes appliquèrent la leçon de cet épisode dans l’extrême inverse. Kora’h prétendait que rien n’est matériel dans le profane. «Nous sommes tous saints», tous grâce à nos activités quotidiennes dans le service divin. Pourquoi donc devrait-il y avoir une hiérarchie de prêtres et un Grand-Prêtre ? Pourquoi l’heure ou les deux heures qu’un Juif consacre à l’étude ou à la prière seraient-elles plus saintes, plus spirituelles ou plus proches de D.ieu que le reste de sa journée ?
Kora’h avait raison en arguant que chacun est saint et que la réalité matérielle possède le potentiel d’être élevée dans des objectifs divins. La sanctification de l’homme dans la vie matérielle est le dessein ultime de la création puisque «D.ieu a désiré une résidence dans les royaumes inférieurs».
Cependant, là où il se trompait, c’était dans son refus de reconnaître que bien que la sainteté existe potentiellement, elle doit être constamment redirigée et élevée pour qu’elle puisse se réaliser concrètement. Chaque homme, chaque partie de la création possèdent, de manière inhérente, du bien mais il ne se concrétise que dans une vie matérielle menée au service d’un but spirituel plus élevé, spirituel.
Le rôle des femmes dans notre monde est à la base de travailler avec la réalité matérielle dans leur service divin. Pour réussir, elles doivent comprendre que ce n’est qu’en respectant une «hiérarchie» dans la sphère matérielle, qu’en se pliant à la spiritualité que nous pouvons réaliser nos buts et faire jaillir le potentiel spirituel qui se cache dans la matérialité. Sans ces priorités et cette hiérarchie, il est aisé de se tromper et de céder aux plaisirs et aux ambitions narcissiques.
Rien d’étonnant alors que deux femmes jouèrent un rôle prédominant dans la révolte de Kora’h. Leurs approches différentes, dans la façon dont elles abordèrent la réalité matérielle, conduisirent à deux issues opposées : l’une à la destruction totale de toute sa maisonnée alors que l’autre fut celle par qui son entière famille fut sauvée.
Le Midrach relate que Kora’h parlait souvent à sa femme de sa jalousie des positions que tenaient Moché et Aharon.
Un jour, à son retour de l’étude, sa femme l’interrogea :
- Quelle loi Moché vous a-t-il enseignée aujourd’hui ?
- Il nous a enseigné les lois des tsitsit, le fait de porter aux vêtements des fils noués dont l’un est te’hélet, répondit Kora’h.
- Te’héleth ? Qu’est-ce ?
- Moché a dit «attachez des fils à vos vêtements, l’un d’entre eux doit être en laine bleue…», expliqua Kora’h.
A cela, la femme de Kora’h rétorqua :
- Pourquoi ne devriez-vous attacher qu’un seul fil te’hélet à votre habit ? Je peux t’en confectionner un qui sera entièrement te’hélet !
Les fils des tsitsit sont censés ne comporter qu’un seul fil bleu pour qu’il ressemble au ciel et nous rappelle constamment de diriger nos entreprises vers Celui Qui est au-dessus de nous.
Ce que la femme de Kora’h voulait faire comprendre à son époux c’est qu’à partir du moment où tout le peuple et toute la création sont saints, il n’est nul besoin d’une hiérarchie qui met à son sommet Moché et Aharon. Elle refusait d’admettre que le résultat final d’une vie où ne nous est pas rappelé de diriger sans cesse nos activités matérielles vers le projet divin est une vie où les moyens (matériels) deviennent peu à peu le seul but. Et c’est ce qui advint à Kora’h. La terre sous eux ([ses adeptes et lui] ouvrit sa bouche et les avala, eux et leurs maisons et tous les hommes qui étaient avec Kora’h et toutes leurs propriétés.
Le Midrach rapporte qu’un autre des disciples de Kora’h, One ben Pélet, fut également conseillé par sa femme, mais vers une conclusion toute autre.
One, un proche de la famille de Kora’h, fut enrôlé dans cette rébellion. Quand il revint chez lui et relata à son épouse la part qu’il prenait dans la révolte, elle s’exclama :
- Mais qu’y gagnes-tu ? Ta place sera la même, qu’Aharon ou Kora’h soit le Grand-Prêtre !
One se plia à la logique de ses paroles mais lui expliqua qu’il ne pouvait se désengager puisqu’il avait juré de participer à l’insurrection le lendemain matin. Pour sauver son mari, la femme l’endormit avec un mélange de boissons très fortes puis elle se découvrit les cheveux et s’assit à l’entrée de sa tente. Les messagers, envoyés par Kora’h pour chercher One rebroussèrent chemin devant l’apparente impudeur de la femme.
Pour le reste de sa vie, One fut endeuillé et se repentit pour sa faute, reconnaissant pour le miracle dont il avait bénéficié grâce à sa femme.
Elle avait compris que malgré nos meilleures intentions dans l’usage que nous faisons de la réalité matérielle pour un service divin, nous avons besoin de la hiérarchie qui élève le Grand Prêtre afin qu’il nous rappelle nos priorités. Ce n’est que lorsque nous comprenons que le meilleur de notre existence matérielle doit être offert à D.ieu que nous pouvons utiliser convenablement et élever nos bénédictions matérielles.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que l’humilité ?

L’humilité consiste à reconnaître ses qualités tout en étant persuadé que si quelqu’un d’autre avait été doté de ces mêmes qualités, il aurait agi bien davantage et bien mieux que lui.
Celui qui est humble est considéré comme s’il avait offert tous les sacrifices ; D.ieu répond à ses prières, D.ieu est proche de lui.
Celui qui se gonfle et devient arrogant, D.ieu l’abaissera ; celui qui s’abaisse et se conduit vraiment humblement sera élevé par D.ieu.
Voici quelques attitudes de l’homme humble :
- Il parvient à pardonner à celui qui lui a fait du mal, bien qu’il aurait pu saisir l’occasion de se venger.
- Quand les difficultés le poursuivent, il accepte avec amour le jugement de D.ieu, sachant qu’il a certainement mérité ces épreuves pour une raison ou une autre.
- Même celui qui reçoit des honneurs doit rester humble et continuer à se conduire comme auparavant.
- Si des malheurs lui arrivent, il cherche à se repentir et ne répond pas par l’arrogance.
- Celui qui est vraiment humble partagera volontiers ses biens avec ceux qui sont moins bien nantis que lui.

F. L. (d’après Rav Arie Citron – Floride)
www.chabad.org
De Recit de la Semaine
Le problème du vendredi soir

Je venais d’achever mes études à l’Université et avais été engagée comme «thérapeute par l’art» dans une maison de retraite juive. La plupart des employés et la moitié des pensionnaires n’étaient pas juifs. Souvent, le personnel grognait mais, quand le week-end approcha, je réalisai que les plaintes augmentaient.
- Pourquoi cette tension le vendredi ? demandai-je aux jeunes femmes qui prenaient soin des retraités.
- Nous ne voulons pas te faire de la peine, répondit Diane en pesant ses mots pour ne pas me choquer. Nous savons que tu es juive mais pour nous, le vendredi soir représente une telle charge, avec l’allumage des bougies, tu comprends…
- « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidechanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech » ! répéta machinalement Courtney.
J’étais perplexe : elle avait prononcé à la perfection les mots de la bénédiction, alors que l’hébreu est parfois difficile à mémoriser pour ceux qui n’en ont pas l’habitude.
- Mais quel est le problème ? continuai-je. J’avais aperçu la grande salle vouée aux bougies : des paires de bougeoirs en argent étaient alignés sur des étagères ; ils étaient artistiquement décorés, avec des morceaux de vitraux.
Chaque vendredi vers 15h, les résidentes qui en avaient émis la volonté pouvaient allumer leurs bougies de Chabbat. Pour mes collègues, c’était une corvée : elles devaient amener les dames et leur laisser la possibilité d’entrer une par une dans cette pièce et, avec l’assistance de Marla, de réciter la bénédiction. Marla était la directrice et elle était aussi le seul membre juif de l’équipe. Apparemment, elle laissait les résidents prendre leur temps, ce qui mettait en retard les employées.
Je n’avais pas très bien compris le problème. Comme en hiver, le Chabbat tombait très tôt, parfois à 16h, je m’arrangeais pour quitter la résidence plus tôt et je rattrapais mes heures le dimanche. Je n’avais donc jamais expérimenté ce moment fatidique et, chaque fois que j’entendais mes collègues se plaindre, je rongeais mon frein et bouillais intérieurement devant leur énervement.
Un matin de février, Marla me convoqua dans son bureau. Elle devait s’absenter pour deux semaines et me demanda si je pouvais la remplacer pour les deux vendredis à venir : «Je sais que les autres filles en sont capables, elles connaissent parfaitement la bénédiction, mais vous comprenez…» Oui, j’avais compris : comment celui qui n’a jamais expérimenté la sainteté d’une Mitsva pouvait-il aider l’autre à la ressentir ?
J’acceptais ; je croyais rendre simplement service à Marla. Je n’avais pas réalisé à quel point c’était à moi qu’elle rendait service.
Un peu nerveuse le premier vendredi, j’ouvris la porte de la chambre aux chandeliers et accueillis la première résidente pour éventuellement l’aider à allumer ses bougies. Mon appréhension disparut bien vite alors que l’atmosphère de la pièce avait complètement changé. Je me sentais physiquement enveloppée de sainteté en regardant chaque résidente entrer dans cette pièce si spéciale, là où l’âme rejoint son Créateur. Je constatais l’effet de la prière sur ces femmes juives dont le visage changeait en fonction des murmures de l’âme.
Selma avait 97 ans. Elle éclata en sanglots alors qu’elle allumait ses propres bougies puis deux autres pour sa meilleure amie qui était trop faible pour être déplacée jusque-là. Hélène, une femme élégante qui était parmi les rares à n’avoir besoin d’aucune assistance, me supplia par son regard à l’aider à se souvenir des mots de la bénédiction. Gertrude, une survivante de la Shoah, observait attentivement mon visage tandis que je prononçais les mots qu’elle ne parvenait plus à réciter. Anne que sa famille avait rejetée quand elle avait épousé un non-juif, pleurait à chaudes larmes tandis qu’elle murmurait une prière. Sur tous ces visages, je pouvais lire prière et confiance, espoir, amour et chagrin…
Soudain, je comprenais l’importance et la puissance de notre tradition, cette Massorah qui relie les générations.
La situation était curieuse. J’avais toujours allumé les bougies de Chabbat, une quand j’étais petite fille puis deux à partir de mon mariage. Mais je n’avais jamais ressenti la sainteté de cette Mitsva autant que dans «la pièce aux chandeliers», parmi ces «seniors» dont le cœur se déversait en prière muette.
Je fus ramenée à la réalité quand Diane me tira par la manche : «Trop long ! Nous devons avoir terminé avant 16h, n’oublie pas !» Je l’assurai que j’allais accélérer la cadence tout en chérissant chaque minute de cette expérience inoubliable.
Et je me promis de ne plus prêter attention aux grognements du vendredi de mes collègues.

Miriam Duskis - www.chabad.iorg
traduit par Feiga Lubecki