D’abord la victoire !
Le mois de Tamouz présente des côtés surprenants. Il semble fait de facettes multiples, apparemment presque incohérentes. C’est ainsi que, successivement en cette première partie de mois, nous allons trouver deux dates dont les connotations semblent bien éloignées l’une de l’autre : le 12 et le 17 Tamouz. Cinq jours seulement les séparent mais elles paraissent quasiment à un univers de distance. Le 12 Tamouz est le jour où Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, fut libéré de l’exil où l’avaient envoyé les autorités soviétiques de l’époque. On le sait, d’abord condamné à mort, il avait vu sa peine commuée en relégation puis se terminer au bout de quelques jours avant d’être autorisé à quitter le pays. Cette date est donc l’anniversaire d’une véritable victoire de la ténacité, des forces de la sainteté, du don de soi aussi, sur l’oppression et l’obscurité de l’esprit. Le 17 Tamouz est bien loin de telles réflexions. Il commémore la première brèche faite dans la muraille de Jérusalem par l’envahisseur romain à l’époque du second Temple. L’événement allait déboucher, un peu plus tard, sur la destruction du Temple et l’exil du peuple juif. Comment une si courte période du calendrier peut-elle rappeler deux souvenirs si différents : celui de la liberté retrouvée, de la victoire du bien, et celui de la fin d’une époque bénie ? Une unité de temps n’a-t-elle donc d’autre sens que celui du hasard ? Ce serait là une idée bien étrange au regard de la tradition juive.
Il faut aussi relever que, chronologiquement, les événements du 12 Tamouz arrivèrent en Union soviétique, au vingtième siècle, tandis que ceux du 17 Tamouz remontent à l’antiquité. Pourtant, dans le déroulement du calendrier, le 12 Tamouz intervient, par définition, avant le 17. N’y aurait-il pas dû y avoir ici une sorte de plus grande cohérence ? Si toute date est le fait de la Providence Divine, les événements n’auraient-ils pas dû se produire dans un ordre inverse ? C’est justement dans cette interrogation que tient la réponse. A tout drame, il faut un remède. Et, plus le drame est grand, plus le remède doit l’être. La bonté de D.ieu est infinie ; cela veut dire aussi que, parfois, Il envoie le remède avant même le drame. C’est ainsi qu’il faut comprendre la succession d’événements : le 17 Tamouz est une tragédie mais le 12 est une victoire éternelle. Celle-ci arrive pour nous dès la semaine prochaine. Elle est en premier dans le calendrier des souvenirs et des célébrations car elle ne fait pas que nous permettre de surmonter l’épreuve, elle est une clé pour l’avenir. La liberté est devant nous, nous dit-elle, il nous appartient d’en franchir les portes. Par la venue de Machia’h.
Une prière à voix haute
La ‘Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l’on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.
L’origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par notre matriarche Ra’hel à D.ieu en faveur du Peuple juif : « Une voix est entendue à Rama ». Le mot « Rama » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ». Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746)
‘Houkat
D.ieu enseigne à Moché les lois de la Vache Rousse.
Après quarante ans d’errance dans le désert, le Peuple juif arrive dans le désert de Tsine. Myriam quitte ce monde et le peuple, privé du puits de Myriam, réclame de l’eau. C’est alors que Moché va frapper le rocher pour qu’en jaillisse de l’eau (au lieu de lui parler). L’eau jaillit mais ni Moché ni Aharon ne pourront entrer en Terre Sainte.
Aharon meurt et lui succède son fils Elazar. Le peuple parle encore une fois contre D.ieu et Moché. Une épidémie s'ensuit alors et frappe le camp. Elle sera enrayée par un serpent d’airain brandi par Moché.
Moché mène des batailles contre les rois Si’hon et Og, conquiert leurs terres, à l’est du Jourdain.
Le lien entre le corps et l’âme
La Paracha ‘Houkat nous livre les lois de purification pour un individu devenu rituellement impur par un contact avec un corps sans vie. Cette impureté est appelée : Toumeat Mèt (« l’impureté liée à la mort »).
Le Midrach relate, à ce propos, l’incident suivant : quand Moché prit conscience du degré d’impureté provoqué par Toumeat Mèt, il demanda à D.ieu : « Si une personne devient tellement impure, comment peut-elle obtenir la purification ? » Et même après la réponse de D.ieu : « Ils prendront pour la personne impure des cendres de l’offrande expiatoire que l’on brûle… », Moché ne fut pas complètement satisfait. Il rétorqua : « Cela est-il vraiment une purification ? »
Pourquoi Moché était-il si profondément troublé par la difficulté d’obtenir la purification de Toumeat Mèt? Il se trouve qu’il existe un bon nombre d’autres types d’impureté qui sont, par bien des aspects, encore plus sévères que celle de Toumeat Mèt.
Pourquoi donc Moché ressentait-il qu’assurer cette purification précise serait particulièrement difficile ?
Toutes les autres impuretés rituelles sont liées à un corps vivant. Même une fois qu’il a été rendu impur, il continue à abriter une âme qui est « véritablement une partie de D.ieu En Haut ». Puisque D.ieu est omnipuissant, l’on peut aisément comprendre que l’âme est capable de rectifier l’impureté, de sorte que finalement (par exemple en s’immergeant dans un Mikvé) la personne sera purifiée.
En revanche, ce n’est pas le cas de Toumeat Mèt, circonstance où l’impureté elle-même est la conséquence du fait que le corps, que l’âme a quitté, a cessé de vivre. Un corps séparé de son âme n’est qu’un objet inanimé.
Moché était donc perplexe : « Comment la purification d’une telle impureté est-elle possible ? » se demandait- il.
D.ieu le soulagea de son anxiété : « Voici les lois de la Torah » : l’effet de la Torah et des Mitsvot est si puissant qu’il peut apporter la purification même une fois que l’âme a quitté le corps.
A un niveau plus profond et plus ésotérique, l’aspect spirituel d’une impureté évoque une imperfection dans la relation entre le Juif et D.ieu. Les Juifs sont considérés comme « vivants » en conséquence de leur attachement à Lui. Quand un juif erre, ce lien avec D.ieu s’en trouve affaibli. Il est donc « moins » vivant et devient impur. Plus sa relation avec D.ieu s’amoindrit, plus grand est son état d’impureté. Cependant, quand bien même la brèche est importante dans sa relation avec D.ieu et, par conséquent, son impureté très sérieuse, tant que ce lien n’est pas brisé, le Juif garde son aptitude à redevenir pur en renforçant son engagement à Dieu et par l’étude de la Torah et l’accomplissement des Mitsvot. Néanmoins, quand un Juif commet des péchés si graves que son attachement à D.ieu est totalement coupé, il en résulte alors l’impureté de Toumeat Mèt.
Moché fut déconcerté quand il fut question des moyens de purification d’une telle dégradation. Il ne pouvait comprendre comment il était possible de parvenir à la purification de Toumeat Mèt. D.ieu vint à bout de sa perplexité en lui assurant qu’une relation entre un Juif et D.ieu n’est jamais totalement interrompue. Le lien inné du Juif avec D.ieu et l’effet de ses observances antérieures de la Torah et des Mitsvot sont si intenses que même la Toumeat Mèt peut passer par le processus de sa purification.
La dixième Vache Rousse
La Paracha commence par les lois concernant la Vache Rousse : Para Adouma, dont les cendres étaient utilisées pour purifier rituellement une personne qui avait été en contact avec un corps sans vie.
Dans son ouvrage Yad Ha’hazaka, le Rambam (Maïmonide) statue, dans les lois de la Para Adouma : « Neuf vaches ont été utilisées entre le moment du commandement et la destruction du second Beth Hamikdach (Temple de Jérusalem). Moché fit la première, Ezra la seconde, et il y en eut encore sept entre l’époque d’Ezra et la destruction du Second Temple. La dixième sera faite par le Machia’h, puisse-t-il se révéler rapidement, Amen. Qu’Il l’accomplisse ».
Yad Ha’hazaka est un livre de lois et non un livre d’Histoire. Du point de vue de la loi de la Torah, quelle importance a le nombre de Vaches Rousses offertes dans les générations précédentes ? De plus, une seconde question se pose : pourquoi le Rambam continue-t-il en ajoutant une prière pour la venue du Machia’h ?
Nous devons donc conclure que, par ces indications et cette prière, le Rambam évoque de façon allusive un point de la loi. En effet, il lui est coutumier de faire allusion à un aspect de la loi par l’exactitude de la terminologie qu’il utilise et en préfaçant une loi par une autre.
En ce qui concerne l’obligation de croire en la venue du Machia’h, le Rambam statue : « Celui qui ne croit pas en lui, ou n’attend pas sa venue, non seulement apporte-t-il une dénégation aux [déclarations des] prophètes mais aussi à [celles de] la Torah et de Moché notre maître ». En d’autres termes, la simple foi en la venue du Machia’h ne suffit pas, nous avons également l’obligation de l’espérer et d’attendre son arrivée.
Cela va encore plus loin. Cette attente doit se faire dans l’esprit de ce que nous récitons trois fois par jour dans la prière de la Amida : « Rapidement fais en sorte que la pousse de David Ton serviteur fleurisse… car nous souhaitons Ton salut chaque jour ».
Cette aspiration à la venue du Machia’h naît du sentiment des Juifs que tant que le Machia’h n’est pas arrivé, ils ne se sentent pas accomplis.
A la lumière de ce qui précède, il est clair qu’il suffit, pour que son désir soit réveillé, qu’un individu, attendant impatiemment le Machia’h, mentionne quelque chose qui le concerne, même si sa connexion n’est qu’extérieure. Surgit alors un besoin personnel qui le pousse à prier pour être le témoin de la venue du Machia’h aussi rapidement que possible.
En insérant la prière : « Qu’il se révèle rapidement, Amen. Qu’Il l’accomplisse », et plus encore, en le faisant à la première occasion qui se présente, le Rambam met l’accent sur l’intensité que doit caractériser « l’impatience de sa venue ». Chaque fois qu’il le peut, même dans un contexte banal, le Juif doit avoir envie de prier : « Qu’il se révèle rapidement, Amen. »
Puisque tous les aspects de la Torah sont précis et significatifs, il s’en suit une relation conceptuelle entre les lois de la Para Adouma et la venue du Machi’ah. C’est la raison pour laquelle le Rambam mentionne l’attente de la venue du Machia’h dans les lois de la Vache Rousse, alors qu’il l’a déjà mentionnée au préalable.
Le lien entre ces lois et la venue du Machia’h est le suivant : L’exil est en relation avec le concept de l’impureté rituelle, survenant suite à un contact avec un corps sans vie. En effet, l’exil est la conséquence des iniquités, l’attachement à D.ieu, source de vie, venant à manquer.
Les cendres de la Para Adouma, offrant une purification de l’impureté de la mort, évoquent le moment de la venue du Machia’h, le moment de la Rédemption de l’exil. Les Juifs déchireront alors les liens qui les ligotent à la mort spirituelle et ils s’attacheront tous à D.ieu et seront pleins de vie et de vitalité.
Que le Machia’h vienne et nous délivre rapidement, de nos jours, selon les mots du Rambam : « Qu’il se révèle rapidement, Amen. Qu’Il l’accomplisse. »
Se soigner Chabbat
Il est permis de transgresser Chabbat pour venir en aide à un malade en danger et même à une personne agonisante. En effet, il est écrit : « L’homme les accomplira et vivra grâce à eux (les commandements divins) ». Même un instant supplémentaire de vie est précieux.
Ces maladies incluent : une grande fièvre, des organes intérieurs douloureux, des hémorragies internes, des fractures ouvertes, coupures avec un instrument métallique, une écharde entrée sous l’ongle, piqûre de guêpe ou d’abeille ou morsure d’animal, coup de soleil ou de chaleur, empoisonnement, évanouissement…
Cependant, dans la mesure du possible, on évitera les transgressions inutiles ou on les exécutera de façon inhabituelle – par exemple avec la main gauche plutôt qu’avec la main droite etc.
On peut poser de la crème sur une plaie mais sans l’étaler.
Celui qui souffre vraiment d’insomnie peut prendre des cachets pour l’aider à dormir.
(d’après Chemirat HaChabbat)
Livraison au bon moment
C’était un Juif américain qui avait décidé de monter en Israël et de s’y installer. Auparavant, il se rendit un dimanche matin au 770 Eastern Parkway à Brooklyn afin de recevoir la bénédiction du Rabbi de Loubavitch. En effet, tous les dimanches matin, le Rabbi se tenait debout et distribuait aux foules de personnes qui passaient devant lui un billet d’un dollar à remettre à la Tsedaka (charité). Des Juifs de partout venaient et acceptaient de faire la queue durant plusieurs heures pour mériter éventuellement de parler avec le Rabbi, lui demander des conseils et garder précieusement le dollar qu’il leur remettait (en donnant l’équivalent à des caisses de bienfaisance). L’homme se tint devant le Rabbi qui lui remit non pas un mais deux dollars en précisant : « Un sera pour vous et l’autre pour le chauffeur de taxi ».
L’homme était étonné de ce second dollar qui n’avait pas d’adresse précise si on peut s’exprimer ainsi. Il garda soigneusement les deux billets dans son portefeuille. Quand il arriva en Israël avec sa famille, il prit un taxi de l’aéroport jusqu’au Centre d’Intégration où il devrait passer quelques mois pour apprendre la langue, trouver un appartement et un travail. Cependant, ce chauffeur lui semblait trop nerveux et désagréable et il décida de ne pas lui remettre ce dollar qui ne ferait sans doute qu’ajouter à son stress : certainement, se dit-il, le Rabbi n’avait pas eu ce chauffeur à l’esprit.
Durant les vingt années suivantes, l’homme prit d’autres taxis mais aucun des chauffeurs ne lui semblait correspondre à ce que le Rabbi lui avait demandé. Et le dollar resta dans son portefeuille. Et il l’oublia.
Vingt ans !
Il n’y a pas si longtemps, notre « nouvel immigrant » devenu depuis un vétéran prit un taxi dans la région de Tel Aviv. Le chauffeur ne portait pas de Kippa mais il avait un petit livre de Tehilim (Psaumes) ainsi qu’une photo du Rabbi sur la boîte à gants. Au cours de la conversation, le chauffeur raconta que, depuis peu, il s’était mis à fréquenter un Beth ‘Habad et avait décidé de se renforcer dans le judaïsme : il étudiait régulièrement la Torah et s’intéressait de plus en plus à tous ces textes que son éducation laïque ne lui avait pas permis de connaître auparavant.
- Enfin, se dit l’homme, se souvenant tout à coup de la mission que le Rabbi lui avait confiée : voilà quelqu’un qui saura apprécier le dollar du Rabbi !
Il sortit le précieux dollar de son portefeuille : celui-ci était un peu écorné et avait perdu de son éclat mais sa valeur était ailleurs, bien sûr.
- Voilà ! Prenez ce dollar, c’est le Rabbi de Loubavitch qui me l’avait donné il y a vingt ans pour que je le remette « au chauffeur de taxi ».
Le conducteur freina brusquement, si brutalement que les véhicules derrière lui durent s’arrêter eux aussi pour éviter de provoquer un accident. Le taxi se gara enfin sur le bas-côté et il n’y eut aucune victime à déplorer, fort heureusement. Le chauffeur se retourna vers son passager et, très ému, s’exclama :
- Vous rendez-vous compte de ce que votre geste signifie pour moi ? Depuis que je m’intéresse à la Torah et au judaïsme, la situation à la maison est devenue très difficile. Ma femme n’est pas du tout d’accord avec moi ! Aujourd’hui encore, elle m’a nargué : Pourquoi te rends-tu ridicule avec ces pratiques d’un autre âge ? Pourquoi t’intéresser au Rabbi de Loubavitch ? Il n’est plus là ! Ce n’est pas lui qui va te donner un dollar aujourd’hui !
Et vous me tendez justement ce dollar inespéré !
Le passager avait enfin compris quelle avait été l’intention du Rabbi quand il lui avait remis ce billet vingt ans auparavant !
Comme le Rabbi lui-même affirmait à propos de son beau-père : « Le Rabbi trouvera toujours le moyen de vous faire connaître sa réponse ! ».
Yerachmiel Tilles - Ascent Safed
Traduit par Feiga Lubecki