S'attacher à l'Arbre de Vie
C'est, en ce début de semaine, un jour de grandeur et de solennité sur lequel il nous faut nous arrêter. Car la simple fuite des heures fait qu'on pourrait ne pas le percevoir avec toute la hauteur voulue, emportés par le torrent impitoyable du quotidien. Alors, il faut savoir le regarder, ce jour du 3 Tamouz, le mardi de la semaine que nous vivons à présent. Il faut savoir le regarder autant avec les yeux qui balaient le calendrier qu'avec ceux de l'esprit. Il faut savoir y réfléchir car ce jour, loin des commémorations inévitables, est d'abord celui de l'élévation pour chacun.
Il n'est sans doute pas utile de le dire encore : le 3 Tamouz est le jour où le Rabbi quitta matériellement ce monde. Il est ce jour aussi où il s'élève spirituellement de degré en degré. Mais il faut se garder de commettre une erreur : il n'est pas question ici de départ au sens de séparation ni d'élévation au sens d'éloignement. En sa forte formule, le Zohar l'enseigne avec une clarté absolue : « Le Juste qui s'en va se trouve dans tous les mondes plus que de son vivant » - car, enseigne Rabbi Chnéour Zalman de Liady, l'auteur du Tanya, « il est libéré de ses limites physiques ». Cela n'est pas qu'une manière positive de regarder l'événement. Cet enseignement entreprend de décrire une réalité objective : «le berger n'abandonne jamais son troupeau.» C'est dire que l'élévation incarnée par le 3 Tamouz est aussi la nôtre parce que nous accompagnons celle du Rabbi et qu'ainsi, nous la vivons avec lui.
Pourtant, chacun se connaissant, nous savons que notre niveau spirituel n'est pas d'une envergure suffisante. Comment prétendre connaître cette élévation qui dépasse tout ce que nous saurions formuler ? Là est justement la place de la liberté et de l'effort. Nous sommes capables, en ce jour, d'aller au-delà de nous-mêmes. Nous sommes capables d'un dépassement, possible parce que le jour du 3 Tamouz est pénétré de cette puissance spirituelle particulière, parce que le Rabbi ouvre le chemin à celui qui désire s'y engager. Parlant de Jacob que les textes qualifient de vivant après son décès, les Sages commentent : «Comme sa descendance est vivante, lui aussi est vivant». N'est-ce pas aussi une manière de nous dire qu'il nous faut être vraiment « vivants », au plein sens du terme ? Etre vivant, c'est avancer dans la voie ouverte par le Rabbi, d'étude et de diffusion de la Torah, de pratique et de partage des Mitsvot. Etre vivant c'est s'attacher ainsi à l'Arbre de Vie, jusqu'à ce que la venue de Machia'h donne Vie à la vie.
Haim Nisenbaum
Une prière à voix haute
La 'Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l'on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.
L'origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par Rachel à D.ieu en faveur du peuple juif : « Une voix est entendue à Ramah ». Le mot Ramah » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ».Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d'après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746) H.N.
'Houkat
Deux 'hassidim et un Juif laïc, nommé Bernhardt, avaient été incorporés dans une unité de travaux forcés, obligés d'accompagner les troupes allemandes, fuyant à travers la Hongrie, devant l'avancée de l'armée russe, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.
Les Allemands réalisaient alors qu'ils avaient perdu la guerre. Effrayés et frustrés, ils assouvissaient leur véhémence et leur peur, prenant pour cibles les Juifs de cette unité de travaux forcés. Devant l'intensité des menaces et de la violence, les trois hommes décidèrent de planifier leur fuite. «Il est vrai, se dirent-ils, que nous n'avons pas de grandes chances de réussir mais celles de vivre ne sont pas plus grandes, devant les brutalités que nous subissons dans cette retraite.»
Ils organisèrent donc leur fuite. Ils imaginaient bien que les Allemands ne les poursuivraient pas très loin. Ils ne risqueraient pas un affrontement avec les sentinelles russes. S'ils pouvaient parvenir au-delà des limites du camp sans être détectés la première nuit, ils avaient une chance d'être saufs.
Un jour, à la tombée de la nuit, ils se cachèrent derrière la cuisine et quand la nuit tomba, ils rampèrent jusqu'à la forêt proche. Dès qu'ils ne furent plus à portée de vue, ils se relevèrent et coururent de toutes leurs forces.
Les Allemands ne se rendirent pas immédiatement compte de leur absence. Quand ils le réalisèrent, nos trois hommes étaient bien loin des limites du camp. La peur des Russes dissuada les Allemands de se mettre à leur poursuite trop loin. Après quelques heures, les hommes prirent conscience qu'ils étaient libres.
Ils errèrent pendant trois jours à travers la forêt hongroise, subsistant grâce à la végétation qui y poussait et ne dormant que de brefs moments. Un soir, ils découvrirent une cabane abandonnée avec trois matelas et des restes de nourriture. Ils n'avaient pas besoin d'invitation ! Ils festoyèrent sur les quelques croûtons de pain qu'ils avaient trouvés et s'allongèrent pour dormir. Au bout de nombreuses heures, ils furent pétrifiés en entendant la porte s'ouvrir en grinçant. Soudain, des fusils furent pointés en leur direction. Par réaction instinctive, l'un d'entre eux cria : «Chema Israël...»
Un commandement fut immédiatement émis en russe et les fusils s'abaissèrent. Le chef de la troupe russe était juif et avait reconnu qu'il ne s'agissait pas là de soldats allemands.
Les deux 'hassidim se regardèrent avec stupéfaction. C'était Bernhardt, le Juif «laïc» qui avait crié «Chema Israël». Leurs vies étaient le témoignage qu'aucun Juif ne peut être ou ne sera séparé de son héritage.
Chacun possède une identité individuelle, particulière et ses propres moyens d'expression. Mais au-delà de tout cela, au fond de nos êtres, réside une âme divine intrinsèque. Il ne s'agit que de mettre en accord cette identité et cette âme.
Lorsqu'elle évoque les différentes mitsvot, la Torah distingue les 'Houkim comme étant uniques. Une catégorie de Mitsvot, les Michpatim, prescrit des actions qui tombent sous le sens. Même si la Torah ne les avait pas prescrites, nous aurions compris par nous-mêmes la nécessité de les observer. Il est par exemple aisé de savoir qu'il ne faut pas tuer, voler ou commettre d'adultère.
D'autres Mitsvot, les «Edot» commémorent certains événements de notre histoire. Nous cessons toute activité le Chabbat pour rappeler la création de notre monde en sept jours. Nous mangeons des Matsot à Pessa'h pour rappeler les Matsot que consommèrent nos ancêtres durant leur exode d'Egypte. Si D.ieu n'avait pas commandé ces mitsvot, il est probable que nous ne les aurions pas inventées. Mais une fois qu'Il les instaura, nous en comprenons la raison et apprécions leur observance.
Les 'Houkim appartiennent à une autre catégorie. Aucune raison n'est invoquée pour leur observance. Nous ne connaissons aucun des avantages spirituels ou matériels qui en découleraient. Nous ne les accomplissons que parce que D.ieu nous a enjoints de le faire.
Certains expliquent qu'il est important de posséder de tels commandements pour montrer que la Torah implique un engagement qui va au-delà de notre volonté personnelle. Même lorsque nous ne comprenons pas ce que D.ieu nous a ordonné, nous voulons accomplir Ses commandements. Mais alors, le respect de ces Mitsvot risque de rester quelque peu «sec». Bien sûr, il est nécessaire mais il ne comporte pas de véritable chaleur, de véritable enthousiasme.
Pourtant, ce n'est pas ainsi que tous accomplissent ces Mitsvot. Bien au contraire, nous en voyons qui les accomplissent avec une joie très spéciale. Pourquoi ? Parce que les 'Houkim nous mettent en relation avec un point dans l'âme qui se situe au-delà de notre volonté et de notre compréhension. Par le respect de ces Mitsvot, l'homme s'identifie à D.ieu dans Ses termes. Il fait ce que D.ieu désire parce qu'Il le désire et pour aucune autre raison. Et par essence, c'est la forme de satisfaction la plus absolue que l'on puisse ressentir.
Ce qui précède nous permet d'apprécier l'une des dimensions uniques de l'ère messianique. Le Rambam statue que «à cette époque, l'occupation du monde entier sera exclusivement de connaître D.ieu». En fait, la qualité unique d'aspiration à la Divinité qui caractérise les 'Houkim résonnera à travers toute l'humanité, comme l'annonce le prophète : «Toutes les nations seront transformées pour (parler) un langage pur... pour Le servir dans un but unique». Car nos énergies se concentreront pour comprendre la Vérité de D.ieu.
Nous possédons une multitude de désirs différents les uns des autres. Mais il est vrai que la motivation profonde pour n'importe lequel d'entre eux est la Divinité. Cependant, aujourd'hui, la motivation profonde en est couverte par beaucoup d'autres, superficielles. Nous pensons rechercher des choses comme l'amour, la richesse ou la puissance. Mais nous ne sommes pas conscients de la dynamique essentielle qui propulse notre volonté. Car dans chaque expérience, ce que nous cherchons réellement est la Divinité qu'elle recèle. Par contre, à l'ère de la Rédemption, la vérité fera surface et dans tout ce que nous ferons, nous pourrons apprécier l'intention Divine.
Qu'est-ce que la Tsedaka ?
C'est une obligation de la Torah de subvenir aux besoins des pauvres comme il est dit : «Tu ouvriras certainement ta main pour lui» (Vayikra – Lévitique 25 : 37).
La Tsedaka est une très grande Mitsva : notre ancêtre Avraham a mérité des louanges de D.ieu Lui-même parce que «Je sais qu'il ordonnera à ses fils de pratiquer la Tsedaka...» (Béréchit – Genèse 18 : 19).
Chacun doit donner la Tsedaka : même celui qui dépend de la Tsedaka pour vivre doit donner une partie de ses «revenus» à la Tsedaka.
On donnera au pauvre ce dont il a besoin : nourriture, vêtements, meubles... S'il n'est pas marié, on lui trouvera une épouse et on participera aux frais du mariage puis de l'installation du couple. Si le pauvre était habitué à un train de vie confortable, on s'efforcera de lui rendre son ancien cadre de vie mais on n'est pas tenu de l'enrichir.
Chacun doit consacrer au moins un dixième (ou mieux : un cinquième) de ses revenus à la Tsedaka. Il est recommandé de donner la Tsedaka avec joie, avec un visage avenant, avec des paroles de réconfort et d'encouragement.
Les pauvres de sa famille (parents, enfants, fratrie, parents du conjoint...) ont priorité sur les pauvres de sa ville ; ceux-ci ont priorité sur les pauvres d'une autre ville ; les pauvres qui habitent en Terre Sainte ont priorité sur ceux des autres pays ; la femme a priorité sur l'homme et le mariage de l'orpheline sur celui de l'orphelin.
En plus d'aider les pauvres, il est une Mitsva d'aider les institutions éducatives : ainsi, on participe à la Mitsva de l'étude de la Torah.
La plus grande forme de Tsedaka est le «rachat des prisonniers» qui sont détenus alors qu'ils ne sont pas coupables. Cependant, même cette Mitsva doit se faire selon les modalités prévues par la Hala'ha (loi juive définie par les autorités compétentes en la matière).
Celui qui ramasse l'argent pour la Tsedaka a encore plus de mérite que celui qui donne effectivement ; cependant, il doit agir avec courtoisie et ne pas causer de honte à son interlocuteur.
F. L. (d'après Hamitsvaim Kehala'ha)
Combien coûte le trône ?
Il y a quelques années, le regretté Grand-Rabbin d'Israël, Rav Morde'haï Elyahou, reçut du Président français, M. Jacques Chirac, une invitation pour une visite officielle en France.
Ces deux hommes avaient des opinions différentes quant à la politique israélienne et Rav Elyahou n'avait que peu de patience pour les mondanités et le protocole qui sont l'essence de la culture française. La perspective d'un incident diplomatique rendait les membres de l'Ambassade Israélienne assez tendus : le Grand-Rabbin allait-il dire tout haut ce qu'il pensait et envenimer encore davantage les relations entre les deux pays ou saurait-il s'en tenir aux discours imposés par la diplomatie ?
Cependant, dès qu'il arriva, leurs craintes s'évanouirent : Rav Elyahou savait se rendre agréable et il devenait évident que les rencontres se dérouleraient dans la plus grande courtoisie avec des formules convenues d'avance, des sourires et des courbettes.
Mais tout le monde se trompait.
Comme tous les visiteurs étrangers, Rav Elyahou eut droit à une visite guidée des plus grands musées nationaux. Étrangement, Rav Elyahou, qui était pourtant un homme extrêmement cultivé, posa des questions qui traduisaient apparemment une grande ignorance de l'histoire de France.
Par exemple, quand on lui montra le trône de Napoléon, Rav Elyahou demanda qui avait été Napoléon, si on pouvait acheter ce trône et à quel prix ! Les guides étouffèrent un fou rire. Puis on lui montra une des chambres de Louis XIV. Là encore, Rav Elyahou demanda quand ce roi avait vécu et s'il avait été un modèle de vertu dans sa vie privée. Très gênés devant cette ignorance mais surtout ces questions saugrenues, les diplomates qui accompagnaient le Grand-Rabbin expliquèrent que le trône de Napoléon était une relique d'une grande importance historique et nationale et n'était certainement pas à vendre. Quant à Louis XIV, il n'était effectivement pas renommé pour sa vertu morale mais la France était néanmoins fière de lui et de ce qu'il avait fait pour la grandeur du pays.
Ensuite, la délégation fut accueillie au Palais de l'Élysée. Après plusieurs discours officiels, le Grand-Rabbin Elyahou fut invité à s'exprimer en hébreu : son discours serait traduit simultanément. Rav Elyahou raconta qu'il avait été impressionné par le musée et répéta les questions qui avaient tellement fait rire ses accompagnateurs.
L'épouse de Rav Elyahou remarqua cependant que la traduction n'était pas exacte et Rav Elyahou demanda alors que ce soit le Grand-Rabbin de France qui assure la traduction puis il reprit : « J'ai ainsi appris que le trône de Napoléon n'était pas à vendre et que Louis XIV, bien que n'étant pas un modèle de vertu, était cependant révéré et honoré comme un héros du peuple français. J'ai remarqué que vous vous attendiez à ce que je comprenne vos sentiments et que j'accorde moi aussi du respect à ces deux personnalités alors que je ne suis pas français et que je n'habite pas votre beau pays. Alors, chers amis, j'attends la même chose de vous : nous, les Juifs, nous révérons les fondateurs de notre peuple, Avraham, Its'hak et Yaakov (Abraham, Isaac et Jacob) qui, contrairement à vos grands hommes, ont vécu il y a près de quatre mille ans et qui ont été des modèles d'intégrité morale et de dévouement.
« Est-ce trop vous demander que, de la même manière que vous nous demandez de respecter vos rois, vous respectiez aussi nos Patriarches ? Par exemple, il y a plus de 3300 ans, Moïse nous a amenés vers la Terre Promise et environ 400 ans plus tard, les rois David et Salomon ont agrandi et embelli la ville de Jérusalem. C'est notre histoire. Si le trône de Napoléon n'est pas à vendre, comment pouvez-vous nous demander de donner des parts de notre pays et de notre capitale bien-aimée ? »
Les membres de la délégation qui accompagnaient le Grand-Rabbin Elyahou étaient horrifiés : l'incident diplomatique n'était pas loin, pensaient-ils avec angoisse. Le silence se fit et chacun s'attendait à ce que le Président tourne les talons et claque la porte devant cet invité si embarrassant.
Mais il n'en fut rien. Au contraire.
Tous les ministres et conseillers présents applaudirent le Grand-Rabbin à tout rompre. Le Président Chirac s'empressa de serrer chaleureusement la main de Rav Elyahou puis murmura quelque chose à l'oreille d'un de ses assistants qui revint avec une petite boîte posée sur un coussin de velours.
« Cette médaille est normalement réservée pour des présidents, déclara Jacques Chirac. Mais je n'avais jamais entendu pareil discours : vos paroles m'ont tellement impressionné que je vous l'offre aujourd'hui en témoignage de ma profonde admiration et de celle du peuple français ! »
Rav Morde'haï Elyahou avait parlé avec son cœur et ses paroles percutantes avaient adouci les cœurs les plus endurcis.
Rav Tuvia Bolton – Sichat Hachavoua N° 1331
Traduit par Feiga Lubecki