Editorial
Quand la vie foisonneLa marque caractéristique de la vie est, sans doute, le mouvement ou, plus largement, la croissance. Ainsi, l’arbre mort a perdu définitivement toute capacité de développement et ne peut plus que tendre vers le ciel ses branches désespérées. En revanche, vivant, il ne cesse de grandir. Il s’élance ainsi toujours à la conquête de l’espace qu’il n’a pas encore atteint, certain de parvenir au but fixé au terme de l’effort. La vie est ainsi faite : elle construit, jour après jour, des lendemains plus beaux, plus chatoyants, meilleurs.
Cette semaine, se déroule à New York, comme chaque année, le Congrès International des Chlou’him, ces émissaires du Rabbi aux quatre coins du monde qui, d’Alaska en Afrique du Sud et de Chine en Uruguay en passant par l’Europe et l’Océanie, donnent fierté et enthousiasme à la vie juive. Tout a été dit sur leur dynamisme, leur amour de l’autre, leur cœur ouvert à tous et leur volonté d’agir. Tout a été dit également sur la force qui les anime et qui leur permet, dans des circonstances parfois difficiles, alors qu’ils se trouvent loin de tous les centres de la vie communautaire, de poursuivre leur œuvre sans relâche. Cette force porte un nom : l’enseignement du Rabbi. Celui-ci les accompagne, ils le portent en cœur et en tête et il guide tous leurs pas.
Une commémoration marque cette année le congrès : il y a un an, le centre communautaire Beth ‘Habad de Bombay subissait les assauts de la barbarie terroriste, les Chlou’him – Rav Gavriel Noa’h et sa femme Rivka Holtzberg – étaient assassinés avec ceux qui se trouvaient sur les lieux. Seul leur jeune enfant échappa au massacre. Un nouveau Séfer Torah sera inauguré à la mémoire de toutes ces victimes innocentes.
Cette tragédie est toujours présente dans tous les cœurs et les mémoires mais elle n’a rien arrêté ni même ralenti. Peut-être ce sacrifice est-il, au contraire, au-delà du drame, une inspiration… Car, pendant l’année écoulée, le grand arbre a encore grandi, de nouveaux Chlou’him ont commencé leur travail et le monde continue de changer sous leur impulsion. Les racines bien ancrées dans l’enseignement qui les nourrit, ils continuent leur avancée. De tout cela, nous reparlerons.
Etincelles de Machiah
Machia’h en chacunLa capacité de Machia’h à délivrer tout le peuple juif vient du fait qu’il possède un lien avec le peuple tout entier c’est-à-dire qu’il existe une partie de lui en chaque Juif.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la déclaration de Moïse (Bamidmar 11 : 21) : «Le peuple au sein duquel je suis est constitué de six cent mille hommes». Il signifie, par ces mots, qu’une parcelle de lui-même se trouve littéralement dans chacun des individus concernés.
C’est grâce à cela qu’il put tous les libérer d’Egypte.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Pessa’h 5743) H.N.
Vivre avec la Paracha
‘Hayé Sarah : La vie continueLa Paracha ‘Hayé Sarah («la vie de Sarah») commence par le récit de la mort de Sarah qui va marquer la plus grande partie de la suite du récit. Une question bien connue se soulève : pourquoi cette Paracha s’intitule-t-elle «la vie de Sarah» ?
Une réponse y est apportée sur la base de la déclaration de nos Sages : «Yaakov, notre Patriarche, n’est pas mort. Bien qu’il fût pleuré et enterré, ses descendants perpétuent son héritage spirituel. Et ainsi donc, Yaakov est toujours vivant».
La même chose est vraie pour chaque individu. C’est le contexte spirituel de notre vie, et non notre existence physique, qui est fondamental. Les limites d’une existence mortelle ne peuvent contenir cette dimension spirituelle.
C’est là le message caché dans le nom de cette portion de la Torah : l’idée que l’arbre spirituel de Sarah continue à donner des fruits, bien longtemps après que sa vie physique se soit achevée. Les trois éléments principaux de cette Paracha : l’acquisition de la grotte de Ma’hpélah, la mission d’Eliézer pour trouver une épouse pour Its’hak et le remariage d’Avraham et la naissance de sa nouvelle progéniture sont tous la continuation du travail de l’esprit de Sarah.
Concentration et direction
Quelle était l’essence du service divin de Sarah ? Elle était l’épouse d’Avraham. En tant que telle, elle nourrissait son potentiel, faisant en sorte qu’il l’utilise réellement de la manière la plus bénéfique.
Avraham dispensait gratuitement la bonté, offrant l’hospitalité à tous les voyageurs, même à ceux qui déifiaient la poussière sur leurs propres pieds. Il donnait généreusement, sans se préoccuper de savoir si l’influence qu’il exerçait serait durable. Sarah, par contre, (et tout particulièrement à partir de la naissance d’Its’hak), aspirait à concentrer l’influence de son mari. Elle cherchait à la diriger vers des réceptacles qui l’exprimeraient dans la sainteté.
Cette démarche se reflète dans la progéniture d’Avraham. Il engendra de nombreux enfants. Sarah, au contraire, n’eut qu’un fils : Its’hak. La générosité illimitée d’Avraham le poussait à considérer comme méritant Ichmaël lui-même. Après que D.ieu lui eut annoncé la naissance imminente d’Its’hak, il pria : «Qu’Ichmaël puisse vivre devant Toi». Et bien que D.ieu lui eût promis : «Je garderai Mon alliance avec [Its‘hak] comme lien», Avraham, aimant toujours Ichmaël, voulait l’élever dans sa propre maisonnée.
Ce fut Sarah qui demanda : «Renvoie cette servante et son fils car ils n’hériteront pas avec mon fils, avec Its’hak». Sarah avait compris que tous les membres de la maisonnée d’Avraham devaient être des individus dont la conduite personnelle refléterait l’héritage spirituel d’Avraham.
Erets Israël, notre héritage
C’est sur cette base que nous pouvons apprécier l’influence de Sarah sur les événements décrits dans notre Paracha.
Avraham avait déjà reçu la promesse qu’il aurait Erets Israël en héritage, mais cette promesse devait encore se réaliser. C’est par le biais de l’acquisition de la grotte de Ma’hpélah, évidemment associée à Sarah puisque c’est là qu’elle allait être enterrée, que pour la toute première fois, une partie d’Erets Israël devint l’héritage éternel du Peuple Juif. Pour la toute première fois, la nature spirituelle de notre Terre Sainte put trouver une expression concrète.
Mais il existe également une dimension plus profonde à ces faits. Nos Sages déclarent qu’Adam et ‘Hava, ancêtres de toute l’humanité, sont également enterrés à Ma’hpélah. Il en résulte donc qu’avant l’enterrement de Sarah, la grotte de Ma’hpélah avait un lien avec l’humanité en tant qu’entité. L’enterrement de Sarah dans ce lieu, en continuation avec la conduite qu’elle montra durant toute sa vie, établit ce site comme l’héritage exclusif du Peuple Juif.
Une femme pour Its’hak
Par le même biais, en ce qui concerne le mariage d’Its’hak. C’est le fait que les vertus spirituelles de Sarah se reflètent chez Rivka qui le poussa à la chérir. Quand il vit que ses lumières du Chabbat brûlaient d’un Chabbat à l’autre, que sa pâte à pain montait avec une bénédiction particulière et qu’une nuée de gloire planait au-dessus de sa propre tente, il comprit que l’œuvre de sa mère ne s’était pas achevée avec sa disparition physique et c’est alors qu’il en fut consolé.
[Ces trois signes reflètent les trois Mitsvot de la femme : l’allumage des bougies de Chabbat, le prélèvement de la ‘Hala (et par extension tout le domaine de la Cacherout) et l’observance des lois de pureté familiale, «la nuée de gloire».]
Plus encore, le récit lui-même du voyage d’Eliézer, serviteur d’Avraham imparti de la mission de trouver l’épouse adéquate, et son choix de Rivka témoignent de l’initiative de Sarah pour garantir que cette épouse serait celle qui assurerait les bénédictions dans la maisonnée d’Avraham. C’est pour cette raison que malgré le fait qu’Eliézer fût un serviteur dévoué et un disciple assidu d’Avraham, ce dernier refusa de prendre sa fille pour belle-fille. La femme d’Its’hak devait être issue des mêmes racines que celles qui avaient rendu possible le dessein spirituel et la bonté dont Avraham et Sarah étaient l’exemple.
L’héritier d’Avraham
Enfin, le dernier événement de cette Paracha, le fait qu’Avraham ait d’autres enfants, montre tout autant l’influence de Sarah. Car bien qu’il eût engendré ces autres enfants, il donna tout ce qu’il possédait à Its’hak. A ces enfants, il fit des dons et, encore de son vivant, il les envoya vers des terres à l’est, loin de son fils Its’hak. Répondant à l’influence perpétuelle de Sarah, il démontrait ainsi que seul Its’hak était son véritable héritier.
Bien plus, Ichmaël lui-même reconnut cette distinction et, lors des funérailles d’Avraham, bien que plus âgé, il donna la préséance à Its’hak. En convenant que c’était à Its’hak que revenait l’obligation d’enterrer Avraham, il soulignait le fait que c’était à Its’hak de perpétuer l’héritage spirituel d’Avraham.
Telle était la contribution de Sarah. Quand Ichmaël s’était vanté d’être l’aîné et de mériter une double portion de l’héritage d’Avraham, Sarah s’était assurée qu’il comprenne qu’Its’hak serait le seul héritier.
Une influence qui se poursuit toujours
Le nom de Sarah est associé au mot hébreu srarah qui signifie «domination». Car le travail de la vie de Sarah avait pour but de montrer la suprématie de l’esprit d’Avraham et de révéler que le but de son existence était d’exprimer cet esprit. Sa mort n’interrompit pas son influence, comme l’indiquent les événements relatés dans la Torah,
Ce que nous faisons dans notre vie, nos actes ont un impact sur les autres. Ainsi la bonté que fait régner une personne dans sa famille et dans son environnement crèe une dynamique dirigée vers le bien. Et cette dynamique perdure même après le départ de la personne, aidant à augmenter le bien et la vertu dans le monde et ce, jusqu’à la venue de l’Ere de la Rédemption où ces forces imprégneront toute existence.
Le Coin de la Halacha
Pourquoi est-il plus recommandable de prêter que de donner ?C’est une Mitsva de la Torah (Exode 23.24) que de prêter à un Juif sans intérêt, même si on aurait pu laisser cet argent en banque produire des intérêts (Choul’hane Arou’h Harav – Lois sur les prêts 1).
Il est écrit que la récompense pour cette Mitsva se trouve aussi bien dans ce monde-ci que dans le monde futur (Talmud – Peah 1.1). Cette Mitsva est considérée comme plus importante que la Tsedaka (donner de l’argent aux pauvres) parce que :
- la personne qui demande un prêt est moins gênée que si elle demandait un don
- quand on prête de l’argent, on peut ainsi empêcher l’autre d’atteindre le niveau de pauvreté.
- quand on prête, l’argent «travaille» et ajoute donc continuellement au mérite de celui qui a prêté, même quand il mange, dort etc…
Celui qui dispose d’argent et est sollicité pour un don et pour un prêt donnera la préférence au prêt : celui qui demande un don est probablement habitué à demander et n’hésitera pas à solliciter quelqu’un d’autre tandis que celui qui demande un prêt n’en a peut-être pas l’habitude et hésitera peut-être à demander à quelqu’un d’autre.
Il convient que chaque communauté établisse une caisse de prêt sans intérêt ; ceux qui l’administrent honnêtement sont dignes de grandes récompenses comme il est dit : «Celui qui poursuit la charité et la bonté trouvera la vie, la charité et l’honneur (Proverbes 21.21).
(à suivre).
F. L. (d’après Rav Arie Citron - www.chabad.org/Reeh)
De Recit de la Semaine
Le dollar et le frèreLes Garbovski étaient des Juifs de Russie typiques. Ils habitaient à Kiev en Ukraine dans un modeste logement avec leurs deux fils Igor et Vladimir. Ils ignoraient tout du judaïsme sauf qu’ils étaient juifs et ils désiraient par-dessus tout s’installer en Israël.
Vladimir, l’idéaliste, ne voulait pas attendre : il était certain que son diplôme d’ingénieur serait validé et qu’il trouverait très vite un travail. Mais Igor et ses parents préféraient attendre jusqu’à ce qu’ils aient amassé un petit pécule pour ainsi émigrer tous ensemble.
Un jour Vladimir annonça qu’il avait acheté son billet et… s’en alla seul.
Au début, malgré les difficultés que cela impliquait, il téléphonait régulièrement chaque semaine pour donner de ses nouvelles : il était devenu citoyen israélien, il apprenait la langue, il était hébergé dans un centre d’intégration, tout allait bien. On lui avait promis un poste d’ingénieur dès que possible.
Mais quelques mois plus tard, il n’était plus aussi enthousiaste : il n’était pas redevenu ingénieur et, entre temps, se contentait d’un poste de… jardinier ; il avait trouvé un logement précaire à Ramleh, une ville poussiéreuse où l’idéalisme n’était pas récompensé… Il semblait déprimé. Ses parents suggérèrent qu’il revienne quelques mois «au pays», le temps que toute la famille émigre ensemble. Mais Vladimir ne voulait pas en entendre parler, il se mit en colère : non seulement le gouvernement israélien ne l’aidait pas mais, de plus, sa famille se liguait contre lui ?
Il se mit à téléphoner moins souvent, les conversations étaient tendues et se terminaient mal. Jusqu’à ce qu’il arrête complètement de téléphoner.
Igor s’affola. Il fit appel à la police israélienne pour retrouver son frère mais sans succès. Il se sentait coupable : peut-être était-ce de sa faute, il avait été trop négatif, il aurait dû l’encourager davantage… Pour apaiser ses remords, il n’avait plus qu’à se rendre lui-même en Israël et y rechercher son frère.
Il connaissait déjà un peu la langue et s’intégra très facilement: il trouva un bel appartement à Tel-Aviv, s’installa comme agent immobilier pour le public russophone et réussit.
Mais comment retrouver Vladimir ? Le centre pour nouveaux immigrants avait perdu sa trace. Son appartement de Ramleh était vide et, tout ce que ses anciens voisins savaient, c’est que la dernière fois qu’on l’avait vu, il semblait vraiment très déprimé et désemparé.
La firme qui l’avait employé comme jardinier n’avait pas eu à se plaindre de lui pendant un mois mais, par la suite, il s’était plaint : ce n’était pas normal qu’avec ses diplômes, il en soit réduit à cette profession et il avait démissionné. On ne l’avait plus revu.
Igor employa les grands moyens : il contacta les médias russophones, lança des appels dans les radios russes, publia la photo de son frère mais en vain.
Il craignait le pire.
Au bout d’un an de vaines recherches, Igor décida soudain d’aller enquêter… aux Etats-Unis ! Après tout, de nombreux immigrants russes qui ne s’étaient pas intégrés en Israël avaient tenté le rêve américain. Bien que réalisant l’énormité du paradoxe – s’il n’avait pas retrouvé Vladimir dans le petit état d’Israël, comment le localiserait-il dans l’immensité du continent américain ? – il s’envola pour Los Angeles où vivait une importante colonie israélo-russe. Encore une fois, ses recherches n’aboutirent pas.
Il se rendit alors à New York où, un vendredi – alors que son billet de retour était prévu pour le dimanche soir – quelqu’un lui suggéra : «Si j’étais vous, j’irais demander une bénédiction au Rabbi de Loubavitch !»
«De quoi parle-t-il ?» se demanda Igor qui n’avait jamais entendu ces mots étranges.
- Rabbi ? Loubavitch ? Non, mon frère n’était pas du tout pratiquant, jamais il ne se rendrait chez un Rabbi !
On lui expliqua que le Rabbi de Loubavitch aidait les gens de façons parfois miraculeuse ; on lui raconta plusieurs anecdotes, comment le Rabbi avait résolu bien des problèmes lorsque les gens défilaient devant lui le dimanche matin et qu’il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka (charité).
De toute manière, Igor n’avait rien à perdre, il n’avait rien prévu pour le dimanche matin et, de plus, le Rabbi parlait le russe !
Comme on le lui avait dit, le Rabbi n’était pas austère ; il était chaleureux et amical. Alors Igor demanda : «Depuis un an, je recherche mon frère. Pouvez-vous m’aider ?»
Le Rabbi sourit, lui remit deux billets d’un dollar en recommandant : «L’un est pour vous, l’autre est à remettre à la Tsedaka et vous retrouverez votre frère !»
Septique, Igor remercia poliment le Rabbi, fourra les billets dans sa poche et reprit le métro pour préparer ses bagages. Puis il reprit l’avion pour Israël, sans plus penser à son entrevue avec le Rabbi, très banale en somme.
A son arrivée, il prit un taxi pour Jérusalem et, dès qu’il en sortit, cinq mendiants l’entourèrent pour lui demander de contribuer à des causes charitables. D’habitude il les ignorait mais, soudain, il se souvint des paroles du Rabbi : il mit la main dans sa poche, et, avec un grognement énervé, tendit un dollar au premier mendiant tout en pensant : «On verra bien si cette bénédiction se réalise…»
Mais il n’eut pas à attendre longtemps. L’homme à qui il avait tendu le dollar avait les larmes aux yeux et le regardait intensément. Il le fixa également et faillit s’évanouir : c’était Vladimir !
Inutile de le préciser mais les deux frères ne se quittèrent plus et décidèrent – ensemble – d’en apprendre davantage sur le judaïsme…
Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki