Eduquer à la vie
L’écho de la fête de Chavouot retentit encore dans l’âme de chacun, il résonne avec force dans notre esprit et notre cœur. Certes, au seul examen du calendrier, la célébration est passée mais, profondément, elle ne peut cesser de nous accompagner tant il est vrai qu’elle constitue le fondement même de ce que nous sommes : le peuple choisi pour réaliser la volonté de D.ieu dans ce monde et mener ainsi celui-ci à son accomplissement. Tout a donc bien commencé lors du premier Chavouot de l’histoire, lorsque D.ieu «descendit sur le mont Sinaï» pour donner la Torah aux hommes. Les commentaires soulignent le rôle éminent tenu par les enfants dans la révélation. A la demande de D.ieu, ils furent les «garants» du peuple juif et permirent ainsi que le nouveau temps de lumière commence : celui où l’action des hommes prend tout son sens, le temps de la Torah.
C’est dire que toute réflexion post-Chavouot ne peut que conduire à un souci renouvelé porté à l’enfant. Si cette fête est, d’une certaine façon, le début de l’éducation millénaire de tout notre peuple, elle doit être aussi le commencement de celle de nos enfants. Nous le savons tous : si le peuple juif a pu traverser l’histoire, en affronter les vicissitudes, connaître toutes les errances, la cruauté des temps et les illusions de bonheur, sans jamais oublier ce qu’il est, sa grande histoire et son long espoir, c’est à son attachement à ses enfants qu’il le doit. Et il ne s’agit pas d’une simple proximité théorique. Cet attachement s’exprime, jour après jour, dans les actes concrets de la vie. Il s’exprime dans la bénédiction que l’on fait répéter, dans la phrase de Torah que l’on enseigne, dans l’amour du judaïsme que l’on inspire et, sans doute, dans l’exemple que l’on donne.
Ce sont là des idées à toujours garder en tête, en particulier quand le temps des vacances approche. Voici, en effet, venir le moment privilégié où, la liberté reconquise, un espace se libèrera pour justement le consacrer aux enfants. Ceux-ci vont avoir la chance prodigieuse de vivre le judaïsme plutôt que de simplement l’apprendre. Il faut, à présent, savoir leur montrer qu’il existe un bonheur d’être juif, à nul autre pareil. Du temps pour soi et du temps pour les siens, pour soi et pour les autres, c’est le prodigieux cadeau qui nous est ainsi donné. Quand le soleil brille, laissons-le pénétrer notre cœur. L’éducation réussie est bien plus qu’un rêve. C’est l’appel de notre temps comme un prélude au temps de tous les bonheurs.
L’attente confiante
Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 12) expose les lois relatives à Machia’h. Il y indique notamment : «En cette époque, il n’y aura plus de famine ni de guerre». Cette phrase fait pendant à l’injonction (Psaumes 34 : 15) «Ecarte-toi du mal» qui nous enjoint d’éliminer tous les éléments négatifs.
Mais, pour que le processus soit complet, il faut également y joindre l’aspect positif. C’est pourquoi le texte de Maïmonide continue en soulignant qu’en ce nouveau temps, le souci de chacun «ne sera que de connaître D.ieu». Ceci correspond à l’injonction (Psaumes 34 : 15) «Fais le bien», c’est-à-dire accroître la lumière de la Torah par l’intensification de son étude.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XXV, p. 462) H.N.
Chela’h : De Sarah à Yehochoua
L’épisode des Explorateurs envoyés par Moché pour observer la Terre d’Israël est relaté dans la Paracha de cette semaine.
Et D.ieu parla à Moché en ces termes : «Envoie pour toi des hommes qui exploreront la Terre de Canaan que Je donnerai aux Enfants d’Israël. Tu enverras un homme par tribu de ses pères : chacun sera un prince parmi eux ». Moché les envoya depuis le désert de Parane, selon la parole de D.ieu. Tous étaient des hommes de distinction, ils étaient les chefs des Enfants d’Israël. (Bamidbar 13 :1-3)
Dix des douze Explorateurs rapportèrent des charges effrayantes sur le pays et instillèrent la peur et le découragement dans le cœur de la nation. La réaction du Peuple Juif fut empreinte de désespoir et de manque de foi en D.ieu. Ils furent punis d’un décret qui les condamnait à rester quarante ans dans le désert. La génération qui ne voulait pas entrer en terre Promise mourrait dans le désert.
Le cri de désespoir de la nation se fit entendre le 9 Av. D.ieu dit : «Ils pleurent aujourd’hui pour rien, mais Je fixerai ce jour comme une occasion de pleurer pendant des générations». L’effet de cette faute se répercute dans l’histoire juive et, à ce jour, elle est encore marquée par un jour de deuil, de tristesse et de destruction.
Deux des Explorateurs, Kalev et Yehochoua refusèrent de se joindre au rapport des autres explorateurs et tentèrent d’encourager la nation à ne pas se désespérer.
Avant d’envoyer son proche disciple, Moché avait ajouté, à son nom hébreu Hochéa, la lettre youd, le changeant en Yehochoua.
Et Moché appela Hochéa, le fils de Noun, Yehouchoua. (Bamidbar 13 :16)
Ce nom signifie littéralement «que D.ieu te sauve» et en transformant son nom, Moché priait donc en sa faveur pour que «D.ieu [le] sauve des conseils des Explorateurs».
Le nom hébreu d’un individu possède une force et une influence spirituelles extraordinaires. C’est la raison pour laquelle quand quelqu’un est en danger, on a l’habitude de lui ajouter un nom supplémentaire comme par exemple «‘Haïm « (la vie), «Rafaël» (D.ieu guérira) ou tout autre nom suggérant la longévité ou la bénédiction. En ajoutant ce nom, nous espérons ajouter une nouvelle source d’énergie spirituelle et un nouvel élan vital. Moché espérait également pourvoir Yehochoua de forces spirituelles supplémentaires pour lui permettre de résister à l’influence de ses acolytes.
Le Talmud explique que le youd ajouté au nom de Yehouchoua prend sa source dans le nom de notre Matriarche Sarah, qui représente donc ses forces spirituelles et put donc lui donner le courage de ne pas pêcher.
Quelles forces particulières propres à Sarah aidèrent-elles Yehochoua ?
Le Midrach rapporte qu’alors que le rapport négatif des explorateurs influença pratiquement toute la population masculine, les femmes, quant à elles, gardèrent leur foi en D.ieu et en Sa promesse et ne participèrent pas au rejet de la Terre.
Les douze explorateurs étaient tous, comme l’atteste la Torah, «des hommes de distinction» et «princes de leur tribu», choisis tout particulièrement par Moché pour cette tâche. Comment des hommes de cette stature purent-ils proférer des paroles si décourageantes sur la Terre d’Israël, être si effrayés de conquérir ses villes fortifiées, d’autant plus qu’ils avaient été constamment entourés des miracles protecteurs de D.ieu ?
Qu’est ce qui animait ces hommes, qu’est-ce qui faisait si peur à Moché pour son disciple Yehochoua ? Et que comprirent d’emblée les femmes, et qui leur fit garder un amour si fort et immuable pour la Terre d’Israël ?
La ‘Hassidout enseigne que ces hommes étaient envahis par la peur d’une défaite spirituelle. Dans le désert, la nation jouissait d’une subsistance miraculeuse. Ils passaient leur temps à étudier la Torah. Mais ils redoutaient qu’une fois en Israël, une toute autre existence les attendait. Les miracles seraient remplacés par un travail physique. Ils craignaient que travailler la terre ne leur laisse guère de temps et d’énergie pour leur service divin.
Ils se trompaient dans leur approche. D.ieu désire établir une relation avec nous, ici, dans le monde de la matière. D.ieu n’est pas à l’extérieur de notre monde mais dans son sein.
Les femmes, dont le rôle est essentiellement axé vers la réalité concrète pour y déceler la Divinité, l’avaient saisi. Cette connaissance faisait partie de leur héritage spirituel, transmis de mère en fille depuis Sarah.
Sarah avait transformé sa maison en sanctuaire spirituel et pouvait ainsi influencer son entourage. La nuée qui planait au-dessus de sa maison représentait la Présence Divine dans une réalité concrète. Ses lumières de Chabbat brûlaient d’une semaine à l’autre et prouvaient ainsi qu’elle avait su apporter un rayonnement de spiritualité dans l’obscurité et la matérialité du quotidien. La bénédiction qui planait sur la pâte qu’elle confectionnait montrait qu’elle apportait une reconnaissance et une sensibilité spirituelles dans les besoins matériels.
Ses descendantes, les femmes du désert, avaient absorbé son message et étaient impatientes de le mettre en pratique dans la vie qu’elles allaient mener dans leur propre terre.
Contrairement aux explorateurs, elles savaient que la spiritualité ne se referme pas sur elle-même mais que nous avons la responsabilité de changer le monde pour en faire une demeure pour D.ieu.
Tel était l’héritage transmis par Sarah aux femmes d’Israël et qu’elle partagea avec Yehochoua en lui donnant une lettre de son nom.
Comment adresser des reproches à son prochain ?
Si on voit son ami commettre une faute, c’est une Mitsva de le ramener dans le droit chemin. (Le Tanya précise que le mot «ami» signifie celui qui est ton égal dans le domaine de l’étude juive et de la crainte de D.ieu, celui qui n’a pas connu des épreuves trop grandes, que D.ieu nous en préserve).
Si l’ami réagit mal aux reproches, il faudra les répéter aussi souvent que nécessaire, jusqu’à ce que ce soit accepté ou que, au contraire, l’amitié risque de s’achever par une brouille.
Si les reproches risquent d’attirer presque obligatoirement la haine et l’envie de vengeance que D.ieu préserve – il sera interdit de les adresser.
Si vraiment l’autre personne est «un ami», il est obligatoire de lui faire connaître son opinion. Par mesure d’«Ahavat Israël», l’amour du prochain, il est nécessaire de faire connaître à son ami la Hala’ha, ce que préconise la loi juive, afin d’éviter de futures transgressions.
Cependant, que ce soit dans le domaine social (entre le Juif et son prochain), ou dans le domaine religieux (entre le Juif et D.ieu, la pratique religieuse) les reproches ne doivent être formulés qu’en privé, de façon calme et courtoise, sans élever le ton. Il doit être évident par la façon dont on parle qu’on n’agit ainsi que pour le bien de l’autre et non pour l’humilier. On sera particulièrement attentif à ne pas blesser par des paroles dures une veuve ou un orphelin, même s’ils sont riches.
F. L.
(d’après Rav Yosef Kolodny – N’shei Chabad Newsletter n°7104
Un mariage prédestiné
Bien que Yaakov le fermier ait été un expert dans son domaine d’activité – l’agriculture –, il ne s’y connaissait pas vraiment dans la sagesse de la Torah. Cependant, pour ses fils, il souhaitait le meilleur. Il les envoya étudier dans une autre ville, dans une très bonne Yechiva : les fils s’appliquèrent et, bien vite, devinrent parmi les meilleurs éléments de cette institution.
Un jour, ils entendirent un discours de Rabbi Israël Baal Chem Tov et s’intéressèrent passionnément à sa nouvelle façon d’éclairer la compréhension de la Torah. Dès qu’ils en avaient la possibilité, ils se rendaient à Medziboz ; leur père avait du mal à comprendre leur attitude mais ils expliquèrent qu’ils trouvaient auprès du Rabbi la réponse à de nombreuses questions de la vie.
Yaakov était perplexe et décida de se rendre compte par lui-même. Il voyagea jusqu’à Medziboz et entreprit de «faire passer» un examen au Rabbi : s’y connaissait-il autant que lui dans les questions agricoles ? Après avoir été rassuré par les réponses judicieuses du Baal Chem Tov, Yaakov en devint lui aussi un grand admirateur et, de temps en temps, se rendait lui-même à Medziboz.
Les années passèrent, la fille de Yaakov atteignit l’âge du mariage. Il fallait lui trouver un bon mari. Yaakov décida de demander conseil au Baal Chem Tov qui répondit : «Envoyez-moi vos fils et je les ferai rentrer chez vous avec le mari qui convient à votre fille !»
Les deux fils arrivèrent et se rendirent avec le Baal Chem Tov dans une ville lointaine où le Tsaddik demanda où se trouvait un certain jeune homme appelé Chmerel. Ils restèrent plusieurs semaines dans la ville mais nul ne connaissait Chmerel. La veille de Roch ‘Hodech (le premier jour du nouveau mois), la communauté se rassembla pour un repas festif en l’honneur de leur distingué visiteur ; un jeune homme à l’aspect sauvage et mal élevé entra dans la salle. Il courait de ci de là et ses propos étaient incohérents. C’était justement ce Chmerel que le Baal Chem Tov avait recherché. Bien que les fils de Yaakov ne puissent lui trouver aucune qualité, ils informèrent leur Rabbi que Chmerel était enfin là.
Le Baal Chem Tov fut satisfait ; il demanda que le jeune homme soit lavé et habillé proprement puis qu’on lui donne une place d’honneur à côté de lui. Durant le repas, le Baal Chem Tov fit passer son mouchoir devant le visage de Chmerel et lui demanda de prononcer un discours. A la surprise de tous les convives, Chmerel se mit à exposer de façon claire et compréhensible de profondes idées ‘hassidiques pendant plusieurs heures ! Très impressionnés, les deux frères s’empressèrent, suivant le conseil du Baal Chem Tov, d’emmener Chmerel avec eux.
On présenta les deux jeunes gens l’un à l’autre et le mariage fut rapidement décidé. Durant toute la semaine des «Chéva Bera’hot» (les réjouissances qui suivent la cérémonie), le jeune marié prononça à chaque repas des discours extraordinaires qui provoquèrent la fierté de la jeune femme et sa famille. Les frères ne pouvaient attendre que cette semaine s’achève afin d’étudier avec ce jeune homme qui promettait d’être une fontaine inextinguible de la sagesse de la Torah. Cependant ils furent bien vite déçus.
Le premier jour, comme Chmerel n’apparut pas dans la synagogue puis à la maison d’études, leur sœur déclara laconiquement : «Mon mari dort !» Le lendemain : «Mon mari est très fatigué». Il s’avéra bien vite que le jeune marié était non seulement paresseux mais que, de plus, il négligeait les lois et coutumes de base de la vie juive !
Horrifiés, ils retournèrent à Medziboz demander au Baal Chem Tov ce que cela signifiait : «Voyez-vous, répondit le Rabbi, il existe au ciel des «marieurs» comme il en existe sur terre. Il avait été décidé au ciel que Chmerel deviendrait le mari de votre sœur mais c’était particulièrement difficile à arranger : comment une jeune fille de famille riche, dont les frères étaient déjà des érudits accepterait-elle d’épouser quelqu’un comme Chmerel ? D’abord il fut envisagé de la rendre elle-même mentalement dérangée mais, vu la fortune de sa famille, elle aurait encore pu refuser ce mariage. Puis il fut décidé qu’elle serait dérangée et que son père mourrait. C’est alors que je me suis mêlé de la discussion et que je me suis engagé à mener à bien ce mariage. Le seul moyen était d’ouvrir l’esprit de Chmerel à la sagesse de la Torah et, de cette manière, vous accepteriez de la présenter à votre sœur.
Si Chmerel s’était rendu méritant, il aurait pu conserver cette sagesse et cette connaissance. Mais hélas, il n’en a pas compris la valeur. La Torah que j’ai introduite dans son esprit n’a duré que les sept jours du mariage puis elle s’est perdue. Il est impossible de réparer cette situation car Chmerel était le mari prévu au ciel pour votre sœur. Encouragez-la à rester mariée avec lui et je leur garantis des enfants dont ils pourront être fiers. Quant à vous, continuez à lui enseigner la Torah et vous le verrez progresser lentement mais sûrement !»
Cette histoire était souvent racontée par le saint Rabbi de Apta qui ajoutait pensivement que les descendants de ce couple comptaient parmi ses plus proches disciples.
L’Chaim n°1166
traduit par Feiga Lubecki