Temps de lumières
La lumière est un élément profondément étonnant de la création. Seule l’habitude fait qu’on ne la considère pas avec le regard qu’elle devrait requérir. Certes matérielle, elle présente pourtant un aspect si éthéré qu’elle confine au spirituel. Ce n’est évidemment pas un hasard si l’image de la lumière est traditionnellement utilisée pour désigner la Torah. De fait, elle transfigure tout ce qu’elle touche. Qu’une de nos fêtes lui soit associée dans sa célébration est donc, par nature, significatif.
Observons-le. Il existe d’autres dates que celle de ‘Hanouccah qui marquent le salut miraculeux du peuple juif : Pessa’h et la sortie d’Egypte, Pourim et la victoire sur nos ennemis à Babylone… Dans tous ces cas, la délivrance est célébrée par des actes liés au matériel : la consommation de Matsa pour Pessa’h ou le banquet pour Pourim. A ‘Hanoucca, tout est différent. Le danger n’était pas matériel. Le peuple juif demeurait sur sa terre. Lui n’était pas en exil, c’est la Torah qui l’était ! La célébration doit donc être comme détachée des contingences du monde. Le combat fut spirituel, la victoire l’est aussi, la lumière doit l’exprimer. C’est ainsi que nous allumons les flammes de la fête pendant huit jours, entrant véritablement dans un temps de lumières multiples afin que grandisse une Lumière unique.
Tout cela est bien précieux car cette histoire nous parle avec toute la force des événements éternels. Nous vivons dans un monde souvent bien obscur. Des valeurs qui paraissaient inviolables, perçues comme l’héritage collectif de toute l’humanité, constitutives naturelles de toute civilisation, peuvent être aujourd’hui battues en brèche sans que l’on s’en émeuve. Dans les relations entre les hommes ou entres les nations, l’individualisme conduit de façon croissante à une violence qui en devient presque admise. Les consciences semblent avoir perdu leurs points de repère dans une errance dont tout but a disparu. C’est au cœur de ce profond exil des âmes que monte une lumière nouvelle. Portée par ‘Hanouccah, elle est celle d’un miracle, celui de la renaissance et de la pérennité.
Aussi, quand la fête revient, elle entraîne avec elle des tourbillons de joie et des clameurs d’espérance. Et elle n’incarne pas qu’une allégresse passagère. Elle ouvre un temps de lumières dont chaque seconde éclaire. Le monde change à présent. A nous d’y entrer !
Une foi parfaite
Notre foi en la venue du Machia’h est une foi parfaite, au-delà de la logique et même si la raison ne parvient pas à comprendre comment cela serait possible. C’est là le sens de l’enseignement talmudique (Sanhédrin 97a) selon lequel le Machia’h vient « sans qu’on y pense ». Cela signifie : par une foi au-delà de la « pensée raisonnable ».
Le fait même que certaines disent que la génération n’en est pas digne est ainsi le signe certain que nous nous trouvons au seuil de la Délivrance.
(D’après Likoutei Si’hot vol 10 p. 171)
Mikets
L’emprisonnement de Yossef s’achève enfin quand le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches maigres et de sept épis de blé pleins de grains avalés par sept épis rabougris. Yossef interprète ces rêves comme annonçant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine. Il conseille au Pharaon d’emmagasiner du grain pendant les années d’abondance. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur d’Egypte. Yossef se marie avec Asnath, la fille adoptive de Potiphar et a deux fils, Menaché et Ephraïm.
La famine se répand dans la région et seule l’Egypte dispose de nourriture. Dix des frères de Yossef s’y rendent pour y acheter du grain. Le plus jeune, Binyamin, reste à la maison car Yaacov a peur pour lui. Yossef reconnaît ses frères mais eux ne le reconnaissent pas. Il les accuse d’espionnage, insiste pour qu’ils fassent venir Binyamin, afin de prouver leur honnêteté, et garde Chimon en otage. Ils découvriront plus tard que l’argent qu’ils ont payé leur a été mystérieusement restitué.
Yaacov n’accepte d’envoyer Binyamin qu’après que Yehouda a pris la responsabilité de le ramener. Cette fois-ci, ils sont cordialement reçus par Yossef qui libère Chimon et les convie à dîner chez lui. Il cache un gobelet d’argent, aux pouvoirs surnaturels, dans le sac de Binyamin. Le lendemain matin, alors que les frères s’apprêtent à prendre le chemin du retour, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés lorsque le gobelet est découvert. Yossef offre de les libérer à condition de garder Binyamin comme esclave.
La prosternation des bergers
« Yossef était le gouverneur du pays, il distribuait l’alimentation à tout le peuple ; et les frères de Yossef vinrent (en Égypte) et se prosternèrent devant lui… Et Yossef se rappela des rêves qu’il avait rêvés à leur propos… » (Beréchit 42 : 6-9)
Presque vingt-deux ans auparavant, Yossef avait fait deux rêves qui prédisaient les événements de ce jour. Dans son premier rêve, « nous formions des gerbes dans le champ. Et voici vos gerbes entourèrent et s’inclinèrent devant ma gerbe ». Dans le second, Yossef dit avoir vu : « le soleil, la lune et onze étoiles s’incliner devant moi ».
Les frères de Yossef, déjà jaloux de l’affection toute particulière que portait leur père Yaakov à Yossef, « le haïrent encore plus pour ses rêves et ses paroles ». Cependant, Yaakov « garda le sujet en tête » et « attendit et patienta jusqu’à son accomplissement ».
Il fallut attendre vingt-deux ans pour que cela se produise, durant lesquels Yaakov serait endeuillé pour la perte de son fils bien-aimé, Yossef subirait l’esclavage et l’emprisonnement et ses frères, vivraient dans un remords rempli d’angoisse. Vingt-deux années douloureuses pour que les fils de Yaacov puissent se prosterner devant le vice-roi d’Égypte, qui, sans qu’ils le sachent, était ce rêveur lui-même qu’ils avaient vendu comme esclave.
Pourquoi était-il nécessaire qu’ait lieu cette marque de soumission ?
Pourquoi Yaacov « attendit et patienta jusqu’à l’accomplissement » des rêves de Yossef, malgré le fait qu’il connût la terrible animosité qu’il avait suscitée entre ses enfants ?
Le nouveau Juif
Avraham, Its’hak et Yaacov avaient été des bergers, comme l’étaient les fils de Yaacov. Ils avaient choisi cette vocation parce qu’ils estimaient que la vie d’un berger, faite de retrait, de communion avec la nature et éloignée du tumulte et des vanités de la société, était plus propice à leurs quêtes spirituelles. Garder leurs troupeaux dans les vallées et sur les collines de Canaan leur permettait de tourner le dos aux affaires humaines, de contempler la majesté du Créateur et de Le servir avec un esprit clair et un cœur tranquille.
Yossef était différent. C’était un homme du monde, « quelqu’un qui avait la chance de réussir » dans le commerce et dans la politique. Vendu comme esclave, il eut tôt fait de devenir le responsable en chef des affaires de son maître. Jeté en prison, il occupa rapidement un haut rang dans l’administration de la prison. Il allait devenir vice-roi d’Égypte, tenir le second rôle derrière le pharaon, dans la nation la plus puissante de la terre, et le seul distributeur de l’alimentation dans tout le pays.
Et pourtant, rien de tout cela ne l’affecta. Il resta le Juste Yossef qui avait étudié la Torah aux pieds de son père. Qu’il soit esclave, prisonnier, dirigeant de millions d’hommes, contrôleur de la richesse d’un empire, tout cela ne faisait aucune différence : le même Yossef qui avait médité dans les collines et les vallées de Canaan avançait dans les rues dépravées de l’Égypte. Sa personne morale et spirituelle ne puisait ses sources qu’à l’intérieur de lui-même et n’était en rien affectée par la société environnante ou par son occupation qui exigeait une implication de vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Le conflit qui l’opposait à ses frères avait des sources bien plus profondes qu’un manteau multicolore et que la place favorite dans l’affection de leur père.
Il s’agissait d’un conflit entre une tradition spirituelle et une nouvelle mondanité, entre une communauté de bergers et un homme politique. Les frères ne pouvaient admettre qu’une personne puisse mener une existence mondaine sans devenir matérialiste, qu’une personne puisse reste unie à D.ieu tout en habitant des palais et les salles de gouvernement de l’Égypte païenne.
Là est le sens plus profond du fait que lors de la première rencontre des frères, en Égypte, « Yossef reconnut ses frères mais eux ne le reconnurent pas ». Les fils de Yaacov étaient incapables de percevoir « un frère » (c’est-à-dire quelqu’un qui est leur égal spirituel) dans celui qui est impliqué dans un monde matériel.
Cela ne veut pas dire pour autant que Yossef représente une approche plus matérialiste de la vie alors que les frères et les Patriarches étaient plus transcendants dans leur attitude à l’égard du monde physique.
Bien au contraire, le fait même que les « bergers » ressentent le besoin d’échapper à la société humaine et à ses quêtes matérialistes, de peur qu’elles ne les distraient de leur lien avec D.ieu et obstruent leur service divin, indique que la matérialité avait pour eux assez de substance pour leur lancer un tel défi.
Yossef, quant à lui, transcendait si complètement la réalité matérielle qu’il pouvait s’y impliquer complètement tout en restant complètement attaché à D.ieu.
Parce que les « habits » matériels, qui revêtent la Présence Divine dans ce monde étaient complètement transparents pour lui, ils ne pouvaient, en aucune façon, interférer dans son attachement à D.ieu.
Les trois premières générations de l’histoire juive avaient brandi le credo du berger. Mais Yaakov savait que si ses descendants devaient survivre au galout (exil) égyptien et aux millénaires d’autres exils économiques, religieux et culturels que l’histoire leur avait réservés, il lui fallait subordonner sa propre approche à celle de Yossef.
Si les enfants d’Israël devaient réussir à traverser toutes les convulsions sociales et culturelles des prochains quatre mille ans, et persévérer en tant que peuple de D.ieu, ils devaient devenir les sujets de Yossef, intériorisant la vision de Yossef et son approche de la vie dans le monde matériel.
Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?
Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne.
Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quittes, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.
Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?
Normalement, on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant, celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.
Comment agissent les élèves d’un internat ?
Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir la « Kavana », l’intention de ne pas se rendre quitte et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.
D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent a priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.
Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quitte de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.
Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.
Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.
Trouver de la lumière à ‘Hanouccah
« Tu t’es promené dans les jungles de Bornéo, tu as escaladé les plus hautes montagnes d’Afrique et tu as passé des mois dans un camp de boxe en Thaïlande… Comment as-tu respecté le repos du Chabbat et mangé cachère dans tous ces endroits ? » me demandent mes amis.
Oui, c’est vrai, je voyage depuis 1997. Ma maison est mon sac à dos et j’y transporte tout ce dont j’ai besoin : vêtements, brosse à dents, des balles pour jongler et une paire de Téfilines.
Les gens s’étonnent gentiment : « Ben ! Tu auras visité le monde entier avant d’avoir 25 ans. Où iras-tu en voyage de noces ? » Et je réponds : « Il me reste encore quelques endroits très intéressants à visiter : l’Irak, l’Afghanistan, le Yémen… ».
Ce que j’aime dans ces voyages, c’est que j’ai pu être ‘Hazane (cantor) dans de nombreuses synagogues de par le monde. Depuis ma Bar Mitsva, j’aime chanter lors des offices, j’aime aider d’autres Juifs à prier et je remercie D.ieu de m’avoir donné une voix qui plaît aux gens. Quand les circonstances le permettent, je profite de l’occasion pour parler aux Juifs que je rencontre de Torah et de Mitsvot ; quant aux non-Juifs de bonne volonté, je leur expose la nécessité de se conformer aux Sept Lois des Enfants de Noé et je leur explique ce qui se passe vraiment en Israël. J’agis comme un rabbin et un peu comme un ambassadeur.
L’Indonésie est le 4ème pays le plus peuplé du monde : 250 millions d’habitants. C’est aussi le plus grand pays musulman du monde et il ne s’y trouve que quelques douzaines de Juifs, sans un seul Séfer Torah. Les détenteurs de passeports israéliens sont interdits d’entrée et l’atmosphère anti-israélienne et même anti-juive contribue à en faire un pays rarement prisé par des touristes juifs.
Mais j’y suis allé malgré tout. Surtout à Bali car ce sont plutôt des Hindous qui y habitent et qui sont plus tolérants. J’y ai évolué en moto, j’ai adoré la plongée sous-marine et j’ai même observé de loin quelques temples peuplés de singes. La plupart des touristes ne vont pas plus loin que Bali mais il y a encore beaucoup à visiter : Java, Sumatra, des volcans en activité, des villages…
A un moment donné, sur la côte Est de Bali, j’avais prévu d’explorer Tullamben, en plongée. J’étais le seul touriste sur le site. Un Chabbat après-midi, assis sur un banc, j’ai parlé à D.ieu : « Cela fait plusieurs semaines que je suis à Bali et je n’ai pas encore rencontré un seul Juif ; de grâce, envoie-moi quelqu’un à qui parler en ce bel après-midi chabbatique ! »
Quelques minutes plus tard, j’ai entendu des voix d’une famille qui discutait bruyamment : je me suis retourné : un père, une mère et des enfants qui parlaient anglais. Je me suis présenté et j’ai tout de suite reconnu l’accent :
- D’où venez-vous ?
- De Montréal !
- Ah ! Comme moi ! Peut-être nos familles se connaissent-elles : votre nom ?
- Je ne pense pas que vous puissiez nous connaître, nous nous appelons Cohen…
- Chabbat Chalom ! répondis-je en riant.
- Cohen était stupéfait de rencontrer un Juif de Montréal sur une plage à Bali. Je leur rappelai que le lendemain soir, ce serait ‘Hanouccah et Mme Cohen renchérit : « Je t’avais demandé avant de partir de vérifier la date de la fête ! ». Il lui promit qu’il achèterait des bougies le lendemain.
J’étais heureux : D.ieu m’avait donné l’occasion de rappeler aux Cohen que c’était bientôt ‘Hanouccah. On dirait que, où qu’on aille, on finit toujours par rencontrer un Juif.
Je me souviens, il y a quelques années, je me trouvai au Laos pour ‘Hanouccah ; cherchant au marché de l’huile d’olive : j’aurais pu allumer des bougies mais je préférai allumer avec de l’huile d’olive comme on le faisait dans le saint Temple de Jérusalem. J’aperçus alors un homme visiblement occidental qui avait l’air de se débrouiller dans le langage local. Nous avons fait connaissance : Daniel était américain et vivait au Laos depuis plusieurs années pour mieux connaître les instruments de musique locaux. Barbu, il arborait des dreadlocks hirsutes, des tatouages, des piercings un peu partout sur le corps ainsi qu’une sorte de tunique étrange. Et surtout les lobes de ses oreilles étaient percés de clous…
Il m’accompagna chez un pharmacien qui vendait des fioles d’huile d’olive, préconisées pour le traitement des maladies de la peau. Quand j’annonçai que je voulais acheter toutes ses bouteilles, lui et Daniel n’en revenaient pas : j’expliquai à Daniel que ce serait bientôt la fête juive de ‘Hanouccah et que j’avais besoin d’huile pour allumer les mèches de ma Ménorah pendant huit jours.
- Oh ! Cela fait au moins 20 ans que je n’ai pas vu de Ménorah, murmura Daniel comme s’il se parlait tout seul. Mes parents en allumaient une quand j’étais petit…
On était vendredi. J’invitai Daniel à allumer lui aussi la ‘Hanoukia puis à partager mes repas de Chabbat. Le vendredi, il faut allumer avant l’entrée du Chabbat. J’attendis Daniel jusqu’au dernier moment possible puis, déçu, j’allumai tout seul. Quand il arriva, le soleil était déjà couché à l’horizon. Il s’assit devant les godets allumés, contempla intensément les flammes. Quand je lui proposai de manger, il ne voulut pas quitter les flammes des yeux. Durant trois heures, il resta assis sans bouger, comme hypnotisé, laissant sa flamme intérieure jaillir comme les lumières de ‘Hanouccah.
Rav Ben Tanny - travelingrabbi.com
Traduit par Feiga Lubecki