Rendez-vous avec la lumière
On la voyait naître peu à peu à l’horizon, on la pressentait encore davantage, et cela seul suffisait à nous emplir d’une joie singulière. La lumière de ‘Hanoucca est enfin présente et, pour chacun, c’est une grande nouvelle. Certes, elle revient parmi nous d’année en d’année et peut-être certains finissent-ils par n’y voir qu’une forme de festivité routinière comme nos sociétés affadies savent en fabriquer pour combler les vides du temps. Et pourtant, quelque chose ici se passe… Le dicton est connu dans la tradition juive : « Les hommes se rassemblent autour de la lumière. » Et, de fait, celle-ci attire toujours à elle. Est-ce sa présence rassurante, son côté victorieux, sa lueur montante ? En tous cas, elle est facteur de bien et d’harmonie. Aussi, quand ‘Hanoucca commence, il s’agit d’un véritable lever de rideau devant la réalité nouvelle qui s’offre à qui veut s’en saisir.
Fort heureusement, nous vivons aujourd’hui dans des conditions infiniment plus faciles que celles qu’ont connues nos ancêtres. Sans même remonter aux temps historiques de ‘Hanoucca et aux combats des héros contre l’oppresseur grec, en nous contentant de nous souvenir de cette vie encore à portée de mémoire humaine, où rien ne semblait aller de soi, où les difficultés étaient le lot de chaque jour, nous savons que nous jouissons de vastes possibilités, dans un environnement matériel incomparablement plus favorable. Mais force est de constater que l’obscurité n’a pas disparu. Sans doute a-t-elle pris d’autres formes, plus subtiles, mais c’est bien elle qui est à l’œuvre. Dans le passé, une oppression matérielle l’incarnait et le combat de la lumière était celui de la liberté de vivre et de penser. Aujourd’hui, de façon plus insidieuse, elle est ce qui voudrait éteindre notre foi et notre confiance, étouffer la flamme du judaïsme dans les illusions d’un monde de plaisir immédiat et sans lendemain. La menace est là mais la résistance est puissante et la conviction qui l’entraîne est toute-puissante.
‘Hanoucca est ainsi cette fête qui nous dit que, au cœur même de la nuit, la victoire de la lumière est certaine. La célébration nous fait entendre la leçon des siècles : quelles que soient les vicissitudes, la lumière triomphe toujours et nous en sommes, fidèlement, les porteurs.
Une prière à voix haute
La ‘Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l’on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.
L’origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par Rachel à D.ieu en faveur du peuple juif : « Une voix est entendue à Ramah ». Le mot « Ramah » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ». Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746)
Mikets
L’emprisonnement de Yossef s’achève enfin quand le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches maigres et de sept épis de blé pleins de grains avalés par sept épis maigres. Yossef interprète ces rêves comme annonçant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine. Il conseille au Pharaon d’emmagasiner du grain pendant les années d’abondance. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur d’Egypte. Yossef se marie avec Asnat, la fille de Potiphar et a deux fils, Menaché et Ephraïm.
La famine se répand dans la région et seule l’Egypte dispose de nourriture. Dix des frères de Yossef s’y rendent pour y acheter du grain. Le plus jeune, Binyamine, reste à la maison car Yaakov a peur pour lui. Yossef reconnaît ses frères mais eux ne le reconnaissent pas. Il les accuse d’espionnage, insiste pour qu’ils fassent venir Binyamine, afin de prouver leur honnêteté, et garde Chimon en otage. Ils découvriront plus tard que l’argent qu’ils ont payé leur a été mystérieusement restitué.
Yaakov n’accepte d’envoyer Binyamine qu’après que Yehouda a pris la responsabilité de le ramener. Cette fois-ci, ils sont cordialement reçus par Yossef qui libère Chimon et les convie à dîner chez lui. Il cache une coupe en argent, « aux pouvoirs surnaturels », dans le sac de Binyamine. Le lendemain matin, alors que les frères s’apprêtent à prendre le chemin du retour, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés lorsque la coupe est découverte. Yossef offre de les libérer à condition de garder Binyamine comme esclave.
‘Hanouccah et Chabbat
La fête de ‘Hanouccah s’étend sur huit jours et comporte donc obligatoirement un Chabbat. Le Chabbat de ‘Hanouccah indique la synthèse de deux concepts celui de Chabbat et celui de ‘Hanouccah.
Quel est le sens simple du Chabbat ‘Hanouccah ?
Chabbat et ‘Hanouccah supposent tous deux l’idée de repos. Nos Sages disent que quand « Chabbat arrive, vient le repos, » et ‘Hanouccah dérive des mots ‘hanou ‘haf hé, « ils se sont reposés le vingt-cinquième. » Cela signifie que les Asmonéens se sont reposés le 25 Kislev, après leur combat contre les Grecs. ‘Hanouccah exprime donc l’idée de repos après la guerre.
La différence entre le repos du Chabbat et celui de ‘Hanouccah est que le premier consiste à se reposer de tout travail : « tout ton travail est accompli ». Cependant, à ‘Hanouccah, le travail est permis, le repos ne concernant que la guerre. Ces deux types de repos possèdent une différence inhérente. Le repos de tout travail, le Chabbat, ne consiste pas seulement à s’abstenir de tout travail mais également de s’imprégner de l’idée que « tout ton travail est accompli ». Non seulement ne doit-on pas s’inquiéter, le Chabbat, de ce qu’il y a encore à faire mais vraiment considérer que tout est fait. De plus, comme le statue Rachi, « que manquait-il au monde (après les six jours de la création) ? Le repos. Quand Chabbat arriva, vint le repos. »
En d’autres termes, le repos du Chabbat est la touche finale qui rend parfaite la création du monde. Ainsi, la particularité de Chabbat est qu’il renferme un repos qui transcende le travail et les préoccupations hebdomadaires, l’idée de sainteté.
A ‘Hanouccah, il est vrai que le travail est permis. Mais en revanche, il possède l’avantage de transformer l’obscurité en lumière puisque le repos de ‘Hanouccah fit suite à l’obscurité et l’exil imposés par le régime grec. Bien que le Beth Hamikdach existât même avant la victoire de ‘Hanouccah, et donc qu’il ne semblait pas apparemment y avoir d’exil, par certains aspects, l’exil était encore plus grave qu’après la destruction du Beth Hamikdach. Les Grecs y avaient pénétré, avaient souillé l’huile. Ils envisageaient de corrompre le concept-même du Beth Hamikdach. C’était encore pire que la destruction réelle. C’est ainsi que le repos qui suivit la victoire contre les Grecs permit de transformer l’obscurité en clarté, ce qui constitue un service divin extrêmement élevé.
L’on peut également établir un lien entre ‘Hanouccah et la Rédemption future (qui ne sera plus jamais suivie d’un autre exil, qui sera éternelle). Transformer l’obscurité en lumière permet, même en exil, de faire surgir l’élément d’éternité (« Les lumières de ‘Hanouccah ne seront jamais éteintes »).
Et c’est pour cette raison que le travail est permis à ‘Hanouccah. Le travail, les occupations profanes, sont considérés comme un « exil » par rapport au réel statut du Juif. C’est ainsi qu’à l’avènement de l’ère future, le Juif n’aura pas besoin de travailler. Mais puisqu’à ‘Hanouccah, cela est permis, il s’ensuit que la révélation de la fête affecte même les éléments profanes de la semaine. ‘Hanouccah c’est l’idée de la transformation des sujets mondains en sainteté.
Le concept de ce type de repos qu’est celui de ‘Hanouccah est évoqué dans la Paracha de cette semaine, qui évoque la grandeur de Yossef. Le commencement de Mikets parle du séjour de Yossef en prison, l’idée d’exil. Juste après, la Torah relate comment Yossef fut libéré de prison et devint vice-roi d’Égypte, second personnage du royaume après le roi. Le passage se fit immédiatement de l’emprisonnement à la royauté. C’est similaire à l’idée du repos de ‘Hanouccah : la victoire suivant l’obscurité et l’exil, la transformation de l’obscurité en lumière.
Revenons à ce qui différencie Chabbat et ‘Hanouccah. Chabbat est le repos du travail. C’est alors que le Juif se consacre aux sujets saints et s’élève. ‘Hanouccah permet d’élever le monde du concret, d’illuminer le monde. Ainsi, la différence entre Chabbat et ‘Hanouccah est-elle semblable à la différence entre « chez soi » et « l’extérieur ». Le service de ‘Hanouccah consiste à affecter le monde, « l’extérieur ». Chabbat, il s’agit de s’élever soi-même, « le chez soi ».
La particularité de Chabbat ‘Hanouccah est donc la synthèse de ces deux concepts : le service personnel et le travail pour élever le monde. Aussi, bien que Chabbat et ‘Hanouccah proposent deux concepts opposés, il n’en reste pas moins que le fait que chaque année, ‘Hanouccah doit contenir un Chabbat nous enseigne qu’il y a là une synthèse. Non seulement ne se minimisent-ils pas réciproquement mais au contraire, ils s’optimisent et s’élèvent mutuellement.
Il se peut qu’un Juif pense que le Chabbat (la sainteté), il peut se reposer de tout travail. Et puisqu’il s’est déjà engagé dans la campagne de ‘Hanouccah ou dans toute autre campagne de propagation des Mitsvot (l’amour du prochain et l’unité, l’éducation, l’étude de la Torah, les Tefilines, la Mezouza, la Tsédaka, une maison remplie de livres juifs, les lumières du Chabbat, la Cacherout, la Pureté familiale et l’union de tous les Juifs dans l’écriture de rouleaux de la Torah), il proclame qu’il a atteint le niveau de Chabbat et n’a pas besoin de continuer à progresser dans son travail. Les jours de la semaine, affirme-t-il, il comprend qu’il doit prier et s’unir avec D.ieu pour conserver cette relation même quand il est engagé dans les activités du monde. Mais Chabbat, quand l’on reconnaît que D.ieu a créé le monde et qu’en tout état de cause l’on est uni à Lui, à quoi sert de prier ?
A un tel Juif, l’on répond que le principal service du Chabbat est la prière. Cela se déduit de ‘Hanouccah : même un service accompli dans des domaines saints (s’élever soi-même) doit se faire, le Chabbat, sous forme de travail (l’idée de ‘Hanouccah). Le repos du Chabbat n’est relatif qu’aux sujets mondains. Mais en ce qui concerne les sujets saints, il faut se travailler encore plus le Chabbat.
Chabbat donne également une dimension supplémentaire à ‘Hanouccah. Il enseigne qu’un Juif peut apporter la sainteté du Chabbat dans le travail qui consiste à élever les sujets mondains.
Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?
Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne.
Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quittes, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.
Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?
Normalement, on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant, celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.
Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.
Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Les bougies d’Amsterdam
C’est une ville dont j’avais toujours rêvé, une ville de légende où j’avais enfin atterri. J’avais 19 ans et je cherchai l’aventure à Amsterdam. J’errai dans ses rues, prête à rencontrer la légende : un jour passa, puis un autre et j’étais un peu déçue.
Avant que je parte, mon frère m’avait remis trois livres, dont le Tanya, en me faisant promettre de les garder toujours avec moi : « ils te protégeront… - et, de plus, ils contiennent une profonde sagesse : promet-moi de les lire ».
J’avais trouvé un travail bien payé dans un petit restaurant mal éclairé et j’y emportai chaque jour les trois livres puisque je l’avais promis.
Un jour, je téléphonai à la famille en Israël qui m’informa que, le soir-même, ce serait ‘ Hanouccah. Comment avais-je pu oublier ? C’est une fête si bien célébrée là-bas, avec des bougies aux fenêtres, des beignets à profusion, des fêtes… Moi aussi, j’allais allumer non pas une bougie mais huit ! Pourquoi ? Je ne sais pas, je trouvais sans doute cela plus joli. C’est ainsi que j’allumai huit bougies à côté du bar aux boissons fortes. Et le lendemain aussi.
L’après-midi, un homme entra ; il me semblait bizarre. Il avait une petite barbe et une casquette. Il regarda mes bougies et se figea sur place. Je compris : c’était un Juif lui aussi. Les jambes flageolantes, il s’assit et je lui demandai en anglais ce qu’il voulait boire :
- Une bière !
- Vous êtes juif n‘est-ce pas, continuai-je en hébreu.
- Exact, répondit-il, surpris, en hébreu lui aussi.
- Vous êtes pratiquant ? D’une famille religieuse ?
- Alors pourquoi venir ici dans cet endroit mal famé ? (En fait, je me posai la question à moi-même …)
- J’ai juste voulu boire une bière, se défendit-il.
- Alors pourquoi ne pas en acheter une dans le supermarché en face ? Ce sera bien moins cher ! Vous êtes un garçon pur qui connait la vérité mais qui veut la fuir, n’est-ce pas ? Pourquoi vous faire volontairement du mal ?
- Et vous alors ? La vérité vous appartient aussi …
- C’est vrai mais aucune comparaison n’est possible. Moi, je ne viens pas d’une maison pratiquante, même pas traditionnelle mais je sais où est la vérité. Dans ces livres à côté de moi. Peut-être un jour, D.ieu me permettra de retourner à Lui complètement.
Il paya sa bière et sortit précipitamment. Je pleurai et m’adressai à D.ieu : « Si moi-même je n’y parviens pas, permet au moins à ce jeune homme de retourner vers Toi ! ».
A ce moment, le jeune homme revint, d’un pas assuré et déposa sur le comptoir un gros billet : « Pour vous ! Merci ! ». Je me promis qu’un jour, je donnerai ce billet à la Tsedaka à mon retour en Israël. Je me sentais seule, je n’aimais plus cette ville. Puis je me souvins du Rabbi, j’avais rêvé de lui, mon frère m’en parlait souvent avec enthousiasme, on pouvait lui écrire et demander son aide. C’est ce que j’ai fait, j’ai raconté au Rabbi la tristesse que je ressentais puis je fourrais la lettre dans ma poche. Tout à coup j’étais soulagée, débarrassée de ces sentiments négatifs. Non seulement je savais qu’en fait, le Rabbi m’avait déjà répondu mais, de plus, me laissait comprendre que tout dépendait de moi, que je devais oublier le passé et me concentrer sur l’avenir… Une semaine plus tard, je retournai en Israël, mon frère m’y attendait et m’aida à trouver le bon chemin : l’histoire ne faisait que commencer et n’aurait pas de fin…
Je suis devenue strictement pratiquante, je me suis mariée, j’attendais un bébé. Je suis allé visiter le quartier de Crown Heights à Brooklyn, pour m’imprégner de la ferveur ‘hassidique. Une amie m’entraîna à Borough Park pour une conférence avec toutes sortes de femmes juives. Au début, je m’ennuyai puis j’écoutai attentivement le conférencier : il avait visité une Yechiva qui accueillait des jeunes gens revenus à la Torah. L’un d’entre eux lui avait raconté comment, lors d’un séjour à Amsterdam, il avait rencontré dans un bar louche une serveuse qui avait allumé huit bougies de ‘ Hanouccah alors qu’on n’était que le troisième jour de la fête. Ce fut elle qui lui donna « un coup sur la tête » : à lui, issu d’une famille pratiquante, elle reprocha sa présence dans cet endroit – alors qu’elle-même priait pour se rapprocher un jour de la vérité de la Torah… Ce fut le coup de grâce, il repartit chez ses parents et se mit à étudier sérieusement la Torah ; il s’est marié, tient une maison ‘hassidique et attend un enfant…
A ces mots, je ne pus m’empêcher d’éclater en sanglots et de crier devant la salle stupéfaite : « C’était moi ! Je suis cette serveuse et moi aussi je suis devenue pratiquante ! Comme je suis heureuse d’avoir pu aider involontairement ce jeune homme à trouver, comme moi la vérité : grâce aux bougies de ‘ Hanouccah ! ».
Edith Aharone
(racontée par Mena’hem Zigelbaum)
Traduit par Feiga Lubecki