Faisons grandir la lumière !
Comment faire grandir la Lumière au point de vivre en elle et par elle ? Comment ressentir ainsi la plus grande, la plus authentique et la plus sereine des joies ? Et, si c’est le cas, peut-on vraiment rester le même ? C’est ‘Hanouccah. Les lumières de la célébration, chez soi et au dehors, annoncent pour tous que l’obscurité des esprits et des âmes n’aura qu’un temps, que le Bien est plus fort que le Mal et la paix plus puissante que la violence. Toutes ces idées, pendant toute cette semaine, sont présentes dans la tête de chacun. Et, jour après jour, l’illumination grandit au rythme des flammes que l’on ajoute : une le premier jour, deux le second etc. Lorsque nous sommes dans l’obscurité, la plus petite lumière est remarquable. Elle est porteuse d’une véritable présence. Lorsqu’elle grandit et emplit notre champ de vision, la conscience que l’on en a doit s’élever avec elle.
C’est que, de même que l’air est indispensable à la vie et que pourtant, lorsqu’on est en bonne santé, on respire sans même y penser, ainsi la lumière fait plus que nous éclairer. Elle révèle le monde et ce qu’il contient. Elle nous guide aussi sur les chemins parfois obscurs de la vie. Peut-être vivre dans la Lumière, c’est d’abord lui donner cette majuscule que l’on ne dit pas mais qu’il nous faut entendre. Peut-être est-ce décider de regarder au devant de nous en même temps qu’en nous-mêmes et décider que l’obscurité y a perdu le droit de cité, que le monde est décidément plus beau parce qu’il prend peu à peu les couleurs de notre espoir et de notre attente.
La fête de ‘Hanouccah avance et, pour chacun, elle change quelque chose au fil de son avancée. Même quand les huit flammes auront couronné le chandelier de la fête et que l’on saura que, dès le lendemain, celle-ci sera terminée, nous serons également pénétrés d’une évidence essentielle : la lumière ne disparaît jamais. Elle ne passe jamais au rang du souvenir. Elle est toujours un acteur vivant de l’existence. Et nous pouvons en être – nous en sommes – les porteurs. Vivre la Lumière, c’est ainsi, d’une certaine façon, la faire vivre au-delà d’elle-même. C’est aussi transformer le monde en commençant par ce qui importe : en faire un lieu de vie pour tous les hommes, pour tous ceux qui portent le beau nom de «créature Divine». Et si tout cela devait débuter par nous-mêmes ? Si tout cela demandait, pour se concrétiser totalement, un acte fondateur ? Notre décision. Pour trouver la voie de la libération – celle, individuelle, de notre âme et celle, universelle, que les temps messianiques nous apporteront. Pour un monde de bonheur.
Plus grand que Moïse
Machia’h a une certaine supériorité même sur Moïse. Au début du texte de la Torah (Gen. 1 : 2), il est dit : «Et l’esprit de D.ieu planait…». A ce sujet, Les Sages enseignent (Berechit Rabba 2 : 4) : «Ceci fait allusion à l’esprit de Machia’h». Puis le verset continue : «…sur la face des eaux» ; ceci dénote un degré plus élevé que celui de Moïse qui reçut ce nom car «je t’ai tiré des eaux».
C’est la raison pour laquelle cet exil est si long – pour que ce niveau si élevé soit enfin atteint.
(D’après les Maamarim de l’Admour Hazakène sur les Parchiot, p.237)
Mikets
Résumé de la Paracha
L’emprisonnement de Yossef s’achève enfin quand le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches maigres et de sept épis de blé pleins de grains avalés par sept épis rabougris. Yossef interprète ces rêves comme annonçant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine. Il conseille au Pharaon d’emmagasiner du grain pendant les années d’abondance. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur d’Egypte. Yossef se marie avec Asnat, la fille de Poutiphar et a deux fils, Menaché et Ephraïm.
La famine se répand dans la région et seule l’Egypte dispose de nourriture. Dix des frères de Yossef s’y rendent pour y acheter du grain. Le plus jeune, Binyamin, reste à la maison car Yaacov a peur pour lui. Yossef reconnaît ses frères mais eux ne le reconnaissent pas. Il les accuse d’espionnage, insiste pour qu’ils fassent venir Binyamin, afin de prouver leur honnêteté, et garde Chimon en otage. Ils découvriront plus tard que l’argent qu’ils ont payé leur a été mystérieusement restitué.
Yaacov n’accepte d’envoyer Binyamin qu’après que Yehouda ait pris la responsabilité de le ramener. Cette fois-ci, ils sont cordialement reçus par Yossef qui libère Chimon et les convie à dîner chez lui. Il cache un gobelet d’argent, aux pouvoirs magiques, dans le sac de Binyamin. Le lendemain matin, alors que les frères s’apprêtent à prendre le chemin du retour, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés lorsque le gobelet est découvert. Yossef offre de les libérer à condition de garder Binyamin comme esclave.
La vérité de la Torah
Plusieurs opinions existent, selon l’opinion générale, à propos des récits de la Torah. Certains affirment que toutes les histoires doivent être comprises comme symboliques et allégoriques. Leur but, disent-ils, est de nous enseigner des leçons dans le service Divin et non de relater l’histoire.
La perspective traditionnelle veut que chaque récit de la Torah soit considéré comme la chronique d’événements s’étant réellement produits.
L’approche ‘hassidique emprunte une troisième voie. Pour citer une référence cabalistique, disons que «la Torah parle des royaumes supérieurs et fait allusion aux royaumes inférieurs».
Cela signifie que tous les récits de la Torah sont une description des relations qui unissent les attributs Divins, dans les sphères célestes. Néanmoins, puisque l’existence matérielle est une expansion de l’existence spirituelle, tout ce qui se passe dans le monde spirituel est reflété dans ce monde. Chaque récit de la Torah est donc le rappel d’un événement concret mais cet événement lui-même évoque bien plus que ce qui ne fait qu’apparaître dans le monde matériel. Il s’agit d’une dynamique qui commence dans les sublimes sphères spirituelles et a des ramifications dans notre existence elle-même.
L’infini dans des chaînes
Ces concepts apparaissent dans la Paracha de cette semaine, Mikets, qui se concentre sur la libération de prison de Yossef. Yossef sert d’analogie pour le Peuple Juif. Car son nom, signifiant «ajouter», se réfère à un potentiel infini et illimité de croissance, c’est-à-dire à l’âme que chacun de nous possède : «une réelle partie de D.ieu, En-Haut».
Cela va encore plus loin. La prière que récite Ra’hel, quand elle nomme son fils Yossef, «Que D.ieu m’ajoute (Yossef) un autre fils (Ben A’hèr)» fait allusion à la mission spirituelle du Peuple juif. Les entités qui, jusqu’ici, ont été A’hèr, («autre», étranger à son essence divine) sont rapprochées et considérées avec la proximité d’un ben («un fils»).
La prison dans laquelle Yossef est retenu se réfère au corps, à l’existence matérielle en tant qu’entité. Cela tend à confiner la force infinie de l’âme et à en nier l’expression. Bien que D.ieu ait donné à l’homme Sa Torah, Sa Volonté et Sa Sagesse, la Torah n’en est pas moins affectée par les limites de l’existence matérielle et sa source Divine n’est pas toujours évidente.
Une fin aux limites
Le premier verset de la Paracha de cette semaine évoque ces concepts : Vayehi Mikets Chnatayim Yamim, «et il se produisit à la fin de deux années». «Deux années» renvoie à la Torah qui comporte deux éléments : la Torah Ecrite et la Torah Orale. Dans son existence confinée dans la matérialité, sa force paraît avoir un kets, «une fin» et «une limite». Pourtant, parce que Yossef, c’est-à-dire dans notre analogie le Peuple juif, est illimité dans son essence, le Kets, c’est-à-dire les restrictions de l’existence matérielle, deviendront finalement Vayehi, quelque chose qui appartient au passé.
Yossef quitte la prison et devient dirigeant de l’Egypte.
Dans notre analogie, cela signifie qu’un Juif est envoyé dans ce monde pour révéler la Divinité. C’est le but de son existence et ce but sera finalement atteint. La nature matérielle de l’existence profane peut, initialement restreindre l’expression de la véritable nature du Juif. Mais ces limites ne sont que temporaires. En dernier ressort, tout comme Yossef devint le maître de l’Egypte, chaque Juif deviendra une source de puissance spirituelle, démontrant à quel point l’infinie Divinité peut imprégner l’existence matérielle finie.
Faire de la fin un commencement
On peut encore approfondir cette idée en faisant le lien entre un point de grammaire hébraïque et un concept mystique. Le mot Mikets peut signifier «au commencement» ou «à la fin». Dans la même veine, le Zohar parle de Kets Dismola, «la fin gauche» et de Kets Hayamin, «la fin droite».
Pour appliquer ces concepts à notre Paracha, la question est de savoir si Mikets se réfère à la fin des deux années d’épreuves et de tribulations de Yossef en Egypte ou au commencement des deux années menant à sa prise de pouvoir.
Selon la première interprétation, Mikets fait allusion aux épreuves les plus difficiles que Yossef rencontra en Egypte, car c’est avant l’aube que l’obscurité se fait la plus sombre. Selon la seconde interprétation, Mikets évoque l’aube de la rédemption de Yossef.
Il existe un lien entre les deux. Enfouies dans les difficultés de Kets Dismola, les derniers moments de l’exil, se trouvent des étincelles divines. Faire face à ces difficultés fait jaillir ces étincelles et apporte Kets Hayamin, le commencement de la Rédemption.
Il arrive que l’on parle du Peuple juif en l’appelant Yossef. Que la transition vécue par Yossef se manifeste pour notre peuple dans son intégralité. Car nous aussi avons rencontré les difficultés de l’exil et attendons avec impatience la révélation de Kets Hayamin, les premiers rayons de la Rédemption. Que cela se produise dans le futur immédiat !
Comment allume-t-on les 6 lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 11 décembre 2015 ?
Il convient, avant l’allumage, de faire d’abord la prière de Min’ha. On ne peut allumer qu’à partir de 16h 35 (horaire de Paris).
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamine Hahème, Bizmane Hazé ».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 6 godets (ou d’avoir prévu 6 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 17h 50 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ».
Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 35 (heure de Paris) le vendredi 11 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.
Une toupie sur la plage
Ilan ajusta son sac à dos sur les épaules et salua ses parents, ses frères et sœurs venus l’accompagner à l’aéroport. Ses parents semblaient très inquiets, ses frères et sœurs ne souriaient pas mais lui ne cachait pas sa joie :
- Ne vous inquiétez pas, tout ira bien ! Je vous téléphonerai régulièrement ! Ce n’est pas le bout du monde…
Ilan venait d’achever son service militaire et maintenant, comme tant d’autres jeunes Israéliens, il souhaitait faire le tour du monde, seul. Pour combien de temps ? Il ne le savait pas. Il avait acheté un aller simple et, comme aucune obligation ne le forçait à revenir plus ou moins tôt, il avait décidé de ne rien décider : il rentrerait quand bon lui semblerait.
Il atterrit en Extrême-Orient : comme c’était différent de ce qu’il avait toujours vu en Israël ! Il avait l’impression que le temps s’était arrêté au siècle dernier, des régions entières étaient sous-développées, les gens lavaient leur linge à la main, près du fleuve ; la nuit, ils s’éclairaient faiblement avec des lampes à pétrole…
Au moins, les merveilles de la nature ne manquaient pas : des montagnes immenses, des animaux en liberté, le ciel étoilé, les excursions dans des paysages féeriques… Ilan passa trois ans à randonner, loin de la maison, loin de ses amis, loin de la Torah et des Mitsvot.
Un jour, alors qu’il se trouvait en Thaïlande, ses pas le menèrent dans une région isolée, une île déserte et sauvage du nom de Ko Pha Ngan. Il y vécut trois mois dans une cabane qu’il avait louée à une femme thaïe. Chaque jour, il s’asseyait sur la plage et écoutait le murmure des vagues. Il contemplait l’horizon et observait les vagues qui s’écrasaient sur les rochers.
C’était pour lui des moments de profonde concentration, de réflexion sur les enseignements qu’il avait reçus de divers gourous, de principes contraires qu’il fallait chercher à satisfaire, de forces étranges et effrayantes… Mais il ne pensait pas à D.ieu, à la Torah : il avait entendu tant de bêtises sur les Juifs pratiquants dans son enfance, dans son école qu’il n’allait pas, ici, au bout du monde, s’intéresser à cela. Oui il avait promis de rester en contact avec ses parents mais cela faisait déjà cinq mois qu’il ne leur avait pas téléphoné, par paresse, par manque d’intérêt. Il procéda aux exercices de respiration qu’il avait appris, tout en se tournant vers le soleil qui amorçait déjà sa course vers l’ouest.
Soudain il aperçut un petit objet qui venait de s’échouer sur la plage. Curieux, il le ramassa et n’en crut pas ses yeux : une toupie de ‘Hanouccah ! Avec les quatre lettres traditionnelles : noun, guimel, hé, pé !
Une toupie sur une plage en Thaïlande ?
Comment était-ce possible ? Il n’y avait pas un seul Juif à des kilomètres à la ronde !
Ilan retrouva instinctivement les gestes familiers, l’excitation de faire tourner la toupie le plus longtemps possible, le suspense de prévoir sur quelle lettre elle allait tomber… Il était soudain submergé par les souvenirs d’enfance, son père qui allumait cérémonieusement la Menorah, sa mère préparant de délicieux beignets, les chants et la chaude atmosphère familiale… Il se leva d’un bond et se dirigea vers la cabine téléphonique la plus proche, c’est-à-dire à une demi-heure de marche.
Il se souvenait encore par cœur du numéro et, quand sa mère décrocha le combiné, il comprit qu’elle avait failli s’évanouir en reconnaissant sa voix :
- Ilan ! Comment vas-tu ? Tu nous manques tellement ! Pourquoi n’as-tu pas appelé plus tôt ? Où es-tu ?
- Maman ! Tout va bien ! Je suis à la plage, avec une vue magnifique…
- C’est vraiment le bon moment pour nous téléphoner, Ilane. Papa va justement allumer la Menorah ! Tu peux écouter et participer avec nous !
Ilan se sentit défaillir : ‘Hanouccah ? Une toupie ? Incroyable « coïncidence » !
- C’est ‘Hanouccah aujourd’hui ?
Mais sa voix s’étranglait dans sa gorge. Ému aux larmes, il écoutait son père chanter les bénédictions tandis qu’il serrait très fort dans sa main la toupie qui lui avait été envoyée du ciel ou plutôt de la mer. Les signes qu’il avait reçus ce jour étaient trop évidents, il ne pouvait les ignorer.
Quand il acheva de parler à ses parents, il retourna à la plage et chercha des éléments qu’il pourrait assembler pour construire une Menorah. Il trouva une feuille de bananier et des coques de noix de coco. C’était parfait pour symboliser les huit godets. Quand il contempla son œuvre, il en fut très fier et alluma les bougies que sa logeuse lui avait données.
Non loin de là, quelqu’un d’autre observait la scène et les flammes qui s’élevaient silencieusement devant Ilan, fasciné.
- Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi allumer des bougies d’une manière aussi peu habituelle ? Et pourquoi réfléchissez-vous si profondément ?
- Heu… Ilan cherchait à se souvenir de ce qu’il avait appris au Gan, à l’école maternelle il y avait si longtemps : Oui, c’est une fête juive, une victoire sur les ennemis…
- Une victoire sur qui ?
- La victoire des Juifs sur les Grecs !
- Hum… Je suis grec, je suis né en Grèce ! remarqua l’étranger.
Ilan n’avait pas besoin de davantage de signes.
Le lendemain matin, il prit son sac à dos et se rendit au Beth ‘Habad de Bangkok : il devait en apprendre davantage sur le judaïsme et ne pouvait plus se contenter de ce qu’il avait appris à la maternelle : il y avait là quelque chose de plus profond qu’il se devait de connaître et d’étudier, au moins autant que toutes les philosophies bizarres auxquelles il s’était consacré jusqu’à présent.
Quelques mois plus tard, il retourna chez ses parents en Israël et compléta ses études à la Yechiva ‘Habad de Katamone à Jérusalem. Il se maria et sa maison devint un havre de ‘hassidout pour d’autres jeunes gens comme lui – une véritable satisfaction pour le Rabbi.
Tsivot Hachem
Traduit par Feiga Lubecki