Samedi, 28 décembre 2019

  • Mikets
Editorial

 L’éternité et la vie

Les lumières augmentent jour après jour au sommet du chandelier de ‘Hanoucca et, en soi, cela est déjà porteur d’un puissant message. On relève légitimement que cette fête est le signe d’une victoire éternelle de la lumière sur l’obscurité, de la supériorité définitive de la liberté sur l’oppression. Tout cela est vrai. Choisissons ici de souligner un aspect supplémentaire : la fidélité ou, si l’on veut dire, l’authenticité. Car il faut mesurer de quoi ‘Hanoucca nous parle. L’époque historique de la fête est un de ces temps de désarroi que le peuple juif connaît parfois. Alexandre le grand a conquis l’ensemble du monde connu. Impressionné par le judaïsme, il ne porte pas atteinte à sa pensée ni à sa pratique. Toutefois, la présence de ses puissantes armées diffuse, au sein du peuple juif, la vision portée par la culture grecque. Le phénomène ne fait que s’amplifier après sa mort et se transforme même en oppression chez ses successeurs. L’idée centrale de ‘Hanoucca est là : quel chemin suivre, celui de l’antique foi juive ou celui de valeurs grecques souvent opposées à elle ?

En ces temps anciens, pour certains membres du peuple juif, le débat est loin d’être tranché. Pour eux, la culture grecque représente une forme de « modernité » tentante tandis que le judaïsme, avec l’éternité chevillée à son âme, peut paraître « dépassé », à réinterpréter… Les Hasmonéens, qui lancent la révolte contre l’oppression, perçoivent le danger : un judaïsme aménagé selon le goût du temps et la pensée des hommes est voué à la disparition car il aura trahi la Vérité révélée au Sinaï. Leur combat est celui-là et il les mènera jusqu’à dans le Temple de Jérusalem profané par les Grecs, enfin réhabilité, et dont ils consacreront la pérennité en trouvent une « fiole d’huile pure » intacte avec laquelle la Menora sera rallumée. Et cette huile « pure » souligne encore que rien ne peut en détourner ou modifier l’éclat.

Cela n’est pas qu’une histoire du passé. La tentation de dévier le message de la Torah, du judaïsme existe en tout temps. Croire que ce message doit être « modernisé », plus ou moins subtilement modifié pour mieux plaire, réapparaît de façon récurrente, jusqu’en notre temps. Sachons-le : ‘Hanoucca nous dit que l’expérience a déjà été tentée. Elle ne mène qu’à la dissolution de l’unique vision juive. La lumière de la fête est ici beaucoup plus qu’un signe de victoire. Elle est la manifestation de l’éternité et de la vie.

Etincelles de Machiah

 L’œuvre urgente

En ce temps des « talons de Machia’h », qui précède immédiatement sa venue, chaque Juif a l’obligation de rechercher le bien de son prochain, qu’il soit jeune ou vieux.

Chacun doit éveiller l’autre au retour à D.ieu afin qu’il ne sorte pas de la communauté d’Israël et mérite la Délivrance complète.

 (D’après Hayom Yom 18 Sivan)

Vivre avec la Paracha

 Mikets

L’emprisonnement de Yossef s’achève enfin quand le Pharaon rêve de sept vaches grasses avalées par sept vaches maigres et de sept épis de blé pleins de grains avalés par sept épis rabougris. Yossef interprète ces rêves comme annonçant que sept années de richesse seront suivies de sept années de famine. Il conseille au Pharaon d’emmagasiner du grain pendant les années d’abondance. Le Pharaon nomme Yossef gouverneur d’Egypte. Yossef se marie avec Asnath, la fille de Poutiphar et a deux fils, Ménaché et Ephraïm.

La famine se répand dans la région et seule l’Egypte dispose de nourriture. Dix des frères de Yossef s’y rendent pour y acheter du grain. Le plus jeune, Binyamin, reste à la maison car Yaakov a peur pour lui. Yossef reconnaît ses frères mais eux ne le reconnaissent pas. Il les accuse d’espionnage, insiste pour qu’ils fassent venir Binyamin, afin de prouver leur honnêteté, et garde Chimon en otage. Ils découvriront plus tard que l’argent qu’ils ont payé leur a été mystérieusement restitué.

Yaakov n’accepte d’envoyer Binyamin qu’après que Yehouda ait pris la responsabilité de le ramener. Cette fois-ci, ils sont cordialement reçus par Yossef qui libère Chimon et les convie à dîner chez lui. Il cache un gobelet d’argent, aux pouvoirs magiques, dans le sac de Binyamin. Le lendemain matin, alors que les frères s’apprêtent à prendre le chemin du retour, ils sont poursuivis, fouillés et arrêtés lorsque le gobelet est découvert. Yossef offre de les libérer à condition de garder Binyamin comme esclave.

Pourquoi offrons-nous de l’argent à ‘Hanouccah ?

La Paracha Mikets commence avec le rêve de Pharaon où il se voit devant le Nil et observe que sept vaches grasses sortent de la rivière, suivies de sept vaches maigres. Ces dernières dévorent alors les premières.

‘Holam

Les mots : « Et Pharaon rêva » se disent en hébreu dans la Torah : ouParo ‘Holèm. Mais ils peuvent également se lire comme signifiant : « Et Pharaon possèdait un ‘Holam ». Le ‘Holam est la voyelle hébraïque (un point) placée en haut de la lettre ‘Hèt pour obtenir le son « o ».

Que peut bien signifier que Pharaon possédait un ‘Holam ?

Dans son rêve apparaissent sept vaches. ‘Hanouccah a huit lumières. Quelle différence de sens y a-t-il entre sept et huit ?

Et finalement, quel est le lien entre ‘Hanouccah et le rêve de Pharaon ?

‘Hanouccah : l’éducation et le renouvellement

L’un des sens du mot « ‘Hanouccah » est ‘Hinou’h, « éducation », comme l’enseigne le roi Chlomo : « ‘Hano’h, éduque, ton enfant de telle sorte que lorsqu’il grandira, il ne s’écarte pas.»

La bataille de ‘Hanouccah était essentiellement spirituelle : l’âme juive se trouvait bien plus gravement mise au défi que le corps juif. C’est la raison pour laquelle, malgré l’interdiction qu’avaient jetée les Hellénistes contre l’éducation basée sur la Torah, les enfants juifs l’étudiaient en secret, feignant de jouer à la toupie. Les Maccabim se battirent pour le Judaïsme, quitte à en mourir, car, pour eux, une vie sans Torah était plus amère que la mort. Leur victoire miraculeuse et leur esprit de sacrifice trouvèrent écho dans la découverte d’une fiole d’huile suffisante pour un seul jour mais qui brûla huit jours.

‘Hanouccah signifie également « renouvellement » comme le suggère le Psalmiste (30, 1) : « Un chant de ‘Hanouccah, « inauguration » pour le Temple. »

Historiquement, les Grecs s’emparèrent du Temple, souillèrent ses ustensiles et tentèrent de détourner sa force de spiritualité au profit de leur culte païen. Les Juifs se soulevèrent, reprirent possession du Temple et le ré-inaugurèrent, renouvelant le service Divin commandé par la Torah.

‘Hanouccah est donc la période propice pour renouveler notre engagement dans l’éducation juive.

La coupe de cheveux : une catapulte spirituelle

Tous les renouvellements ou tous les commencements sont difficiles. Pour la plupart d’entre nous, le fait même de se lever le matin est difficile. Achever nos préparatifs du Chabbat avant l’heure du Chabbat semble mouvementé. Même en été, lorsque le soleil se couche bien plus tard, nous sommes toujours pressés, jusqu’à la dernière minute. Pourquoi cela ? Parce que ce sont des moments où nous sommes enjoints de faire un saut significatif entre un état et un autre. Pour chaque commencement ou transition dans la vie, nous avons besoin de passer en mode accéléré.

Pour lancer un avion à partir du pont d’un porte-avion, une catapulte puissante est indispensable pour lui permettre d’accélérer et de passer de la position d’arrêt à une vitesse de vol.

Quelles catapultes spirituelles le Judaïsme nous offre-t-il pour nous aider à accomplir ces grands commencements et ces transitions dans la vie ?

Un exemple se rencontre quand l’enfant atteint l’âge de trois ans et qu’on entame son éducation juive formelle. C’est à cet âge qu’on a l’habitude de lui faire sa première coupe de cheveux. On l’enveloppe ensuite dans un Talit, on lui jette des bonbons. Puis on commence à lui enseigner officiellement le Alèf-Bèt. Les bonbons signifient « des bénédictions qui s’ajoutent » à la douceur et à l’amour qui s’écoulent d’En Haut, pour rendre cette transition plus facile. Le Talit fait également partie intégrante de la catapulte spirituelle qui propulse ce jeune enfant vers sa mission de servir D.ieu.

L’argent de ‘Hanouccah

‘Hanouccah se célèbre pendant huit jours. Le nombre « sept » représente le monde naturel comme l’illustre le cycle naturel des sept jours de la semaine, le cycle agricole de sept années, etc. En revanche, le nombre « huit » représente la transcendance ou une force qui est au-delà de la nature. La puissance de « huit » nous impulse l’énergie nécessaire pour nous consacrer à nouveau à la Torah, malgré tous les obstacles et les défis naturels.

Cela explique la coutume de donner de l’argent pour ‘Hanouccah : des dons de pièces pendant chacun des huit jours de la fête. De cette façon, nous agissons en tant qu’émissaires de D.ieu, faisant jaillir sur nos enfants encore plus d’amour, en leur donnant de nouvelles forces pour qu’ils se consacrent à l’étude de la Torah et à la pratique des mitsvot.

Holam : révéler la force 

Nous pouvons dès lors comprendre le lien entre ‘Hanouccah et le rêve de Pharaon. En effet, le ‘Holam est placé au-dessus d’une consonne. En d’autres termes, son origine est au-dessus de la norme. La Cabbale révèle que le sens du mot « Pharaon » est « découvrir » ou « révéler ». C’est pourquoi « ouParo ‘Holèm », « et Pharaon rêva », signifie : « révéler en soi la force (au-dessus) qui transcende la nature ».

Comment expliquer que les sept vaches grasses furent avalées par sept vaches maigres ? Les êtres humains sont capables de manipuler la nature et faire naître « sept vaches grasses », une productivité qui semble robuste et saine. Et pourtant d’autres forces naturelles risquent d’émerger pour les absorber et les détruire.

Cependant, à ‘Hanouccah, D.ieu Tout Puissant nous donne la force du « huit », la force du ‘Holam. Elle jaillit lorsque l’on renouvelle notre engagement aux valeurs juives, à l’étude de la Torah et à l’observance des Mitsvot.

D.ieu nous donnera alors le plus grand des cadeaux de ‘Hanouccah jamais reçu : la venue de notre Juste Machia’h !

Le Coin de la Halacha

 Comment allume-t-on les 6 lumières de ‘Hanouccah

le vendredi après-midi 27 décembre 2019 ?

Il convient, avant l’allumage, de procéder à la prière de Min’ha. On peut allumer à partir de 16h05 et jusqu’à 16h41 (en Ile-de-France).

Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah. »

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci. »

On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède en allant vers la droite… à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».

On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 6 godets (ou d’avoir prévu 6 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h21 (en Ile-de-France). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ».

Avant 16h41, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat, après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.

Puis, en se couvrant les yeux de leurs mains, elles réciteront la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat. »

Tout ceci devra être terminé avant 16h41 (en Ile-de-France) le vendredi 27 décembre.

Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

Le Recit de la Semaine

 La Menorah attendait…

Comme chaque année, à l’époque de ‘Hanouccah, les élèves de la Yechiva Loubavitch de Tsfat (Safed), se rendaient dans différents endroits pour aider d’autres Juifs à allumer les lumières de la fête, la Menorah, à partir du coucher du soleil.

Le plateau du Golan est constitué de plusieurs villages éparpillés auxquels on accède par des routes tortueuses et les groupes de jeunes gens se dispersèrent pour contacter commerçants et familles en leur apportant la lumière de la fête.

Vers 22 heures, fatigués, ils reprirent la route de retour. Alors qu’ils approchaient la sortie de l’autoroute vers la ville de ‘Hatsor – 15 minutes avant la ville de Tsfat – ils décidèrent de tenter encore leur chance dans un grand centre commercial : ils savaient que les magasins y restaient ouverts très tard. Entrant dans un magasin après l’autre, ils étaient accueillis diversement : certains se réjouissaient de les voir et allumaient avec joie tandis que d’autres ne cachaient pas leur agacement. Puis ils remarquèrent un spectacle curieux : dans la vitrine d’un magasin se trouvait une Menorah avec le nombre correct de bougies mais celles-ci n’étaient pas allumées. Comme si la Menorah les attendait…

Ils entrèrent. Immédiatement la commerçante s’approcha d’eux et les accueillit joyeusement :

- Je priais pour que vous arriviez. Je sais que les lumières de ‘Hanouccah apportent la réussite dans mes affaires et je n’aurais pas voulu qu’elles ne soient pas allumées même un soir !

- Mais il est déjà très tard ! s’étonnèrent les deux jeunes gens. Pourquoi attendre que quelqu’un d’autre les allume ? Pourquoi ne les allumez-vous pas vous-même ?

- Parce que… sourit-elle gênée, parce que je ne suis pas juive… Je suis druze ; j’habite dans le village de Touba az-Zanghariyya…

Les deux jeunes gens étaient encore plus surpris :

- Pourquoi les bougies de ‘Hanouccah sont-elles alors si importantes pour vous ?

Elle expliqua longuement et sincèrement pourquoi cet allumage était important à ses yeux. Les jeunes gens réalisaient que, pour elle, les bougies n’étaient pas une amulette, un porte-bonheur pour ses affaires. Il était évident qu’elle comprenait qu’accomplir un commandement lui apporterait une proximité avec D.ieu, le Créateur du monde entier. Au fond, peut-être y avait-il là un rapport au judaïsme plus intime ? Ils lui posèrent des questions sur ses origines et, en même pas une minute, ils reçurent leur réponse : de fait, sa mère était juive ! Elle était donc juive à part entière ! Et l’étincelle juive qui brillait au fond d’elle ne demandait qu’à éclairer brillamment sa vie et son entourage.

Patiemment, les deux jeunes gens lui expliquèrent que, grâce à sa mère, elle aussi possédait en elle une âme divine reliée spécialement à D.ieu ; certainement c’était ce lien spécial qui lui faisait ardemment souhaiter allumer les bougies de ‘Hanouccah.

Il est impossible de décrire la joie pure, la joie intense, la joie qui libère de tous les doutes qu’elle manifesta. Un nouveau monde s’ouvrait devant elle et des myriades de questions s’enchaînaient : « Donc, mes frères et sœurs sont eux aussi juifs, si je comprends bien ? Et mes enfants ? ». Elle allait les prévenir aussitôt et, ensemble, ils prendraient les mesures qui s’imposaient et se renseigneraient sur toutes les implications de cette nouvelle identité qu’elle découvrait. Elle ne cessa de remercier les deux jeunes gens qui avaient pris la peine à cette heure tardive de s’assurer qu’encore d’autres Juifs allumeraient leurs bougies de la fête.

Cette nuit-là, la Menorah dans la vitrine fut allumée par une Juive fière de son identité, prête à partager le sort du peuple juif auquel elle appartenait, heureuse d’avoir mis un nom sur les sentiments étranges qui l’habitaient depuis si longtemps…

Yerachmiel Tilles – Tsfat – Weekly Chasidic Story

Traduit par Feiga Lubecki