Semaine 51

  • Mikets
Editorial
Le temps d’illuminer

Comment faire pour vivre dans la Lumière ? Et, si c’est le cas, peut-on vraiment rester le même ? C’est ‘Hanouccah. La fête bat son plein, la joie est partout et les lumières de la célébration, chez soi et au dehors, annoncent pour tous que l’obscurité des esprits et des âmes n’aura qu’un temps, que le Bien est plus fort que le Mal et la paix plus puissante que la violence. Toutes ces idées, pendant toute cette semaine, sont présentes dans la tête de chacun. Et, jour après jour, l’illumination grandit au rythme des flammes que l’on ajoute : une le premier jour, deux le second etc. Lorsque nous sommes dans l’obscurité, la plus petite lumière est remarquable. Elle est porteuse d’une véritable présence. Mais, au cœur de la lumière, il faut savoir en conserver la conscience.
C’est que, de même que l’air est indispensable à la vie et que pourtant, lorsqu’on est en bonne santé, on respire sans même y penser, ainsi la lumière fait plus que nous éclairer. Elle révèle le monde et ce qu’il contient. Elle nous guide aussi sur les chemins parfois obscurs de la vie. Peut-être vivre dans la Lumière, c’est d’abord lui donner cette majuscule que l’on ne dit pas mais qu’il nous faut entendre. Peut-être est-ce décider de regarder au devant de nous en même temps qu’en nous-mêmes et décider que l’obscurité y a perdu le droit de cité, que le monde est décidément plus beau parce qu’il prend peu à peu les couleurs de notre espoir et de notre attente.
La fête de ‘Hanouccah avance et, pour chacun, elle change quelque chose au fil de son avancée. Même quand les huit flammes auront couronné le chandelier de la fête et que l’on saura que, dès le lendemain, celle-ci sera terminée, nous serons également pénétrés d’une évidence essentielle : la lumière ne disparaît jamais. Elle ne passe jamais au rang du souvenir. Elle est toujours un acteur vivant de l’existence. Et nous pouvons en être – nous en sommes – les porteurs. Vivre la Lumière, c’est ainsi, d’une certaine façon, la faire vivre au-delà d’elle-même. C’est aussi transformer le monde en commençant par ce qui importe : en faire un lieu de vie pour tous les hommes, pour tous ceux qui portent le beau nom de «créature Divine». Et si tout cela devait débuter par nous-mêmes? Si tout cela demandait, pour se concrétiser totalement, un acte fondateur? La décision d’un seul, ou de tous ? Pour trouver la voie de la libération – celle, individuelle, de son âme et celle, collective, que les temps messianiques nous apporteront.
Etincelles de Machiah
L’éternité de nos actes

Parmi les descriptions et les promesses qui sont faites au sujet de la venue de Machia’h, nous trouvons (Isaïe 66 :22) : “Car, comme les cieux nouveaux et la terre nouvelle que Je ferai, dit D.ieu, resteront devant Moi, ainsi ta descendance et ton nom resteront”. S’il semble que l’assurance d’une certaine forme d’éternité soit ainsi donnée, il convient d’en comprendre profondément les termes.
En premier lieu, il faut préciser que “les cieux nouveaux et la terre nouvelle” ne font pas référence à une disparition et une apparition éventuelles d’un nouveau monde matériel. Les deux termes désignent ici deux degrés différents de la Lumière Divine qui se manifeste alors de façon dévoilée. Plus spécifiquement, “les cieux nouveaux” désignent une “Lumière infinie”, transcendant la création tandis que “la terre nouvelle” symbolise une “Lumière” immanente, qui pénètre le monde et reste à sa mesure.
Ainsi, précise le texte, malgré l’ampleur de cette révélation, “ta descendance et ton nom resteront”, c’est-à-dire que l’œuvre accomplie pendant le temps de l’exil, qui aura conduit à la venue de Machia’h, gardera toute sa valeur.
(D’après Likouteï Torah sur Chir Hachirim)
Vivre avec la Paracha
Mikets : Ménaché et Ephraïm

Il s’écoule doucement, rapide et silencieux sur son lit régulier, sans heurt. Quelle force réside dans ces eaux ? Les eaux tranquilles vont loin, nous dit-on. Nous ne pouvons que l’imaginer, contemplant ce petit fleuve pittoresque.
Mais construisez un barrage dans ces eaux tranquilles. Un mur de pierres solides, scellées avec du mortier, renforcées avec de solides piliers de bois. Observez les eaux qui s’accumulent et le frappent, prêtez attention à leur flux furieux, à leur force refoulée pour tenter de briser l’obstacle. Voyez le petit fleuve pittoresque se déchaîner face à la résistance que lui oppose le barrage, pulvériser le mortier, fendre les poutres, éparpiller les pierres.
Regardez encore. Les eaux rageuses emportent les pierres, les rejetant le long des rives comme des petites balles de caoutchouc. Les pierres gagnent de la vitesse par elles-mêmes : le barrage a uni sa force à celle de la rivière, s’alliant à elle pour former une puissante avalanche d’eau et de pierres. Les pierres, plus lourdes que l’eau, dirigent maintenant le cours de la rivière, la rendant plus féroce.

Le défi et l’occasion
Ménaché et Ephraïm : les deux petits-fils de Yaakov à être seuls nés en dehors d’Israël, dans une Egypte dépravée et étrangère. Et pourtant, Yaakov sent un lien particulier avec eux. Comme il le dit à Yossef : «Et maintenant, tes deux fils qui te sont nés en terre d’Egypte, avant que je ne vienne à toi en Egypte, sont les miens : Ephraïm et Ménaché, comme Réouven et Chimon, ils seront pour moi».
Parce qu’ils sont nés en Egypte, ils sont miens, plus que les autres.
Yaakov en Terre Sainte est un fleuve s’écoulant calmement : ses forces sont latentes, son potentiel ne s’est pas manifesté. Yossef est Yaakov en Egypte : un Yaakov banni, son intégrité mise à l’épreuve, ses forces défiées. Dans l’exil de l’Egypte, Yossef donne naissance à Ménaché et Ephraïm.
Ménaché et Ephraïm représentent les deux dividendes de l’exil : le défi et l’opportunité. En nommant son premier fils «Ménaché (oublier)», Yossef se référait à ses combats dans un environnement étranger, dans une Egypte déterminée à éradiquer tout souvenir de la maison et des racines. Dans sa bataille contre l’oubli et le détachement, le Juif en exil découvre les forces enfouies en lui, les plus profondes et les plus puissantes. Il fait jaillir à la lumière des réserves d’engagement et de détermination jamais exploitées quand elles étaient un fleuve tranquille s’écoulant dans un lit régulier.
Mais l’exil est plus qu’un stimulant pour un potentiel qui n’a pas été réalisé. C’est aussi une ressource. C’est un barrage auquel l’on doit se mesurer puis que l’on prend pour allié, un obstacle dont la masse même permet à l’âme de dépasser le maximum de ses prouesses. Ainsi après que le défi de Ménaché a été remporté, naît Ephraïm, ainsi nommé parce que «D.ieu m’a permis de me fructifier (hifrani) dans la terre de mon affliction». La terre de l’affliction elle-même est faite pour fructifier et produire.

Le plus jeune frère
De nombreuses années plus tard, après que Yaakov et ses fils eurent rejoint Yossef en Egypte, Yossef conduisit ses deux fils chez Yaakov pour qu’ils les bénissent.
Et Israël étendit sa main droite et la posa sur la tête d’Ephraïm, [même si] Ménaché était le plus jeune, et sa main gauche sur la tête de Ménaché, [même si] Ménaché était le premier-né, croisant ses mains…
Et Yossef… dit à son père : «Pas ainsi, mon Père, car celui-là est le premier-né ; mets ta main droite sur sa tête.»
Mais son père refusa et dit : «Je sais, mon fils, je sais. Lui aussi deviendra une nation ; lui aussi sera grand. Mais son jeune frère sera encore plus grand que lui.» (Beréchit 48 :14-19)
Ménaché est le premier né. D’abord l’âme doit amasser ses propres ressources pour faire face au déracinement et à l’oubli de l’exil. Quand vient la tâche initiale de faire exploser le barrage, la rivière a du mal à s’assurer l’aide du poids de ses pierres ; elle ne peut qu’utiliser le défi qu’elles présentent pour agiter et se concentrer sur ses énergies endormies.
Mais son jeune frère est encore plus grand que lui. Car le but des épreuves et des obstructions de la vie est plus que l’optimisation de son propre capital spirituel. Ephraïm représente l’opportunité de notre investissement dans la matérialité de l’Egypte ; le profit tiré d’un opposant qui devient allié, d’un environnement matériel transformé en une force divine.
Le Coin de la Halacha
Quels sont les usages de ‘Hanouccah ?

Il faut raconter à ses proches les miracles accomplis par D.ieu à nos ancêtres.
On mange des plats à base de lait ou de fromage en souvenir du plat de fromage cuit par Yehoudit pour le général syrien. On prépare également des plats frits à l’huile, comme les beignets.
Les femmes ont l’habitude de ne pas effectuer de travail tant que brûlent les lumières de ‘Hanouccah.
Les parents et grands-parents, et en général les adultes, distribuent aux enfants de l’argent («‘Hanouccah-gelt »), même à ceux qui sont déjà mariés. On apprend aux enfants à donner le « Maasser », au moins le dixième de leurs gains, à la Tsedaka (charité) et à utiliser leur argent pour de bonnes causes.
Les enfants ont l’habitude de jouer à la toupie.

F. L.
De Recit de la Semaine
‘Hanouccah, oh ‘Hanouccah !

‘Hanouccah ici, en bas (en Australie), est un peu différent de celui que vous passez dans l’hémisphère nord. Le soleil se couche bien plus tard et les vagues de chaleur sont plus à l’honneur que les tempêtes de neige… Mais le message de ‘Hanouccah reste le même. Les Ménorot géantes érigées sur les places publiques par les représentants du mouvement Loubavitch affirment que, même si la nuit est obscure, même si les temps sont rudes, la lumière du judaïsme continue de briller.
Voici l’histoire de Belinda, telle qu’elle me l’a racontée il y a peu. Bien qu’élevée dans une famille peu pratiquante, Belinda avait toujours pensé qu’il était évident qu’elle épouserait un brave garçon juif. Mais, le moment voulu, elle découvrit que ce n’était pas si simple. Après plusieurs déceptions, elle accepta de fréquenter un garçon non-juif.
«C’était en décembre 2005. Nous déambulions sur «Le Boulevard», dans la banlieue d’Ivanhoe, afin d’admirer les illuminations des fêtes de fin d’année. Je remarquai un groupe de maisons sans décorations et me demandai pourquoi elles n’avaient pas sacrifié à la mode ambiante. Du haut de la colline, j’aperçus un spectacle dont je me souviendrai toujours : au loin, se dressait une haute Ménorah dont les lumières brillaient fièrement dans la nuit. Je regardai, comme fascinée. Je ne pouvais en détacher mes yeux.
Le jeune homme qui m’accompagnait me demanda pourquoi je ne bougeais pas :
Il n’y a pas de décoration festive ici ! remarquait-il indifférent.
Regarde ! Que vois-tu là, en bas ? Il jeta un long regard jusqu’à ce qu’il comprit ce que je désignais.
- Oh, tu veux dire cela ! C’est pour une fête juive, n’est-ce pas ?
- C’est une Ménorah de ‘Hanouccah ! J’étais toute excitée.
Il haussa les épaules et ne partageait pas mon enthousiasme.
Ce fut la fin de notre relation. J’y réfléchis longuement. Moi, au moins je savais qu’il existait une fête du nom de ‘Hanouccah. Je savais ce qu’était une Ménorah. Si j’épousais ce jeune homme, est-ce que mes enfants connaîtraient au moins cela? J’en avais discuté récemment avec Rav Motty Liberow de Elsternwick, je lui avais parlé de mon ami. Je compris tout à coup qu’il avait eu raison de me décourager d’épouser ce jeune homme.
Belinda décida instantanément d’en apprendre davantage sur le judaïsme. Qui sait ? Peut-être le fait d’élever son niveau de connaissances serait le catalyseur qui l’aiderait à trouver ce fameux «gentil garçon juif». Elle se mit en contact avec Luba Kornhauser, à Melbourne, qui lui arrangea un programme d’études juives à son niveau et à sa convenance. Belinda était enchantée, appréciait les cours et, petit à petit, se mit à pratiquer les commandements, les un après les autres.
‘Hanouccah 2006, le mari de Luba, Rav Eliézer Kornhauser, donna une conférence : «Réfléchissez où vous étiez à ‘Hanouccah l’année dernière et où vous êtes cette année !» Ces mots marquèrent profondément Belinda. Elle comprit que l’expérience qu’elle avait vécue le ‘Hanouccah précédent avait marqué un tournant dans sa vie. Cette année, elle participerait aux préparatifs pour l’allumage public, elle verrait les flammes de près, écouterait les discours et les chants de la chorale qui avait répété pendant des semaines. Quel contraste avec le ‘Hanouccah de l’année dernière qu’elle n’avait aperçu que de loin !
Belinda continua d’étudier; elle avait compris l’importance du Chabbat et de la Cacherout. Mais comme ces deux commandements lui semblaient difficiles ! Elle repoussait la décision et finalement plongea : elle téléphona au responsable du Beth ‘Habad pour que l’on vienne «cachériser» sa cuisine. Une fois que cela serait fait, elle s’engageait aussi à observer le Chabbat.
Mais, pour des raisons indépendantes de sa volonté, le processus de cachérisation s’interrompit au milieu : «Tant pis, se dit Belinda, Chabbat et la Cacherout attendront un petit peu !»
Cette semaine-là, elle apprit les différentes bénédictions, en particulier celle de «Mezonot» que l’on récite avant de manger des aliments à base de farine ou de semoule: gâteau, pâtes, couscous… Au moment du repas, elle enfourna dans son micro-onde une portion de pâtes non-cachères.
Il y eut un sifflement, puis un léger «boum» et le four à micro-ondes s’éteignit : «C’est étrange ! Je viens d’apprendre la bénédiction Mezonot que j’aurais récitée sur ce plat de pâtes s’il avait été cachère et mon four à micro-ondes rend l’âme. Après tout, ce n’est qu’une coïncidence…»
Vendredi, Belinda alla acheter un nouveau four à micro-ondes. Elle rentra après le coucher du soleil : «J’observerai le Chabbat quand ma cuisine sera cachère!» se promit-elle. Elle ouvrit la porte, appuya sur l’interrupteur pour allumer la lumière. Celle-ci émit un son sec et refusa d’obéir.
L’ampoule était hors d’usage. Chabbat matin, Belinda se dirigea vers l’ordinateur pour vérifier ses emails. Dès qu’elle toucha la souris, l’écran devint noir, impossible de faire démarrer un programme. Elle leva les mains au ciel : «Ok ! J’ai compris! Plus de délais ! J’arrête de repousser Cacherout et Chabbat!»
Peu de temps après, on lui présenta celui qui allait devenir son futur mari. Quand il mentionna qu’il avait fait partie de la chorale qui avait agrémenté l’allumage public de ‘Hanouccah, Belinda ne put s’empêcher de sourire.
Et quand il lui proposa le mariage la cinquième nuit de ‘Hanouccah, elle ressentit que la boucle était enfin bouclée.

Mina Cohen
Le’haim n°1099
traduit par Feiga Lubecki