Samedi, 26 juin 2021

  • Balak
Editorial

 La liberté invaincue

Il existe des dates qui changent le monde et dont l’effet se ressent encore aujourd’hui malgré l’écoulement du temps. De telles dates ne sont pas de simples accidents de l’histoire, elles touchent à la structure des choses et l’observateur sait qu’après leur passage, c’est une transformation profonde que l’on peut relever. Peu importe l’importance, apparente ou non, reconnue ou pas, de l’événement, c’est sa simple occurrence qui opère le changement.

C’est ainsi qu’il faut voir le 12 Tamouz, qui intervient, cette année, au début de la semaine prochaine. Ce jour-là, en 1927, le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, fut libéré. Cela se passait en URSS. Il avait été arrêté par la police de Staline pour son activité de diffusion du judaïsme, avait été condamné à mort pour finalement être envoyé en relégation dans une petite ville de l’Oural. Au moment de partir pour cet exil, qui avait été prononcé pour de longues années, Rabbi Yossef Its’hak affirma de la fenêtre du train qui devait l’emmener, devant tous les Hassidim héroïquement assemblés sur le quai de la gare : « Seul notre corps est en exil, notre âme est éternellement libre. ». Miraculeusement, la peine fut annulée et l’exil ne dura concrètement que quelques jours. Rabbi Yossef Its’hak libéré, son action allait se démultiplier partout dans le monde. L’oppression et la dictature avaient reculé devant la conscience, la grandeur et l’obstination de la liberté.

Ceci n’est pas qu’une histoire de combat victorieux. Rabbi Yossef Its’hak sut le dire: « Ce n’est pas seulement moi qui ai été libéré mais tous… » C’est dire que le 12 Tamouz n’est pas une simple journée d’histoire glorieuse. C’est un jour qui concerne chacun. Cette liberté retrouvée est aussi la nôtre. A tous ceux qui voudraient voir s’éteindre la lumière du judaïsme, à tous ceux qui voudraient que cesse de retentir notre voix, à tous ceux qui nous menacent, dans notre chair ou dans notre esprit, il faut savoir dire que nous sommes éternellement libres et que rien ne nous contraindra jamais.

Cette liberté chante, cette semaine, dans notre cœur et notre âme. Et ce chant monte comme le prélude au cantique majeur, celui de la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Sur le mont des Oliviers

Le prophète Zacharie (14 : 4), parlant de la venue de Machia’h, déclare : « Et Ses pieds se tiendront en ce jour sur le mont des Oliviers ». « L’huile », qui signifie généralement « huile d’olive », représente traditionnellement la sagesse. Cela fait référence au service de D.ieu fondé sur l’intellect et renforcé par le plaisir qui découle de la compréhension. Les « pieds », inversement, font allusion au service divin fondé sur la soumission à D.ieu. Ainsi le verset cité, « les pieds se tiendront… sur le mont des Oliviers », manifeste la supériorité du service de D.ieu fondé sur la soumission, le don de soi sur celui qui a la compréhension pour base. En effet, le premier est infini alors que le deuxième est limité à la portée de l’intellect humain, aussi grand soit-il. Au temps de Machia’h, l’infini montrera sa grandeur.

(d’après Likoutei Si’hot, vol. I, p. 103)

Vivre avec la Paracha

 Balak

Balak, roi de Moav, engage le prophète Bilaam pour maudire le Peuple juif. Incapable d’y parvenir, ce sont des paroles de bénédictions qui sortent de sa bouche ainsi que la prédiction de la venue de Machia’h.

Le peuple faute avec les filles de Moav qui le poussent à pratiquer l’idolâtrie. L’un des princes de tribu conduit publiquement une princesse Midianite dans sa tente. Pin’has les tue alors tous les deux, ce qui met immédiatement fin à la plaie qui s’était abattue sur le peuple.

 

Deux formes de confiance

Selon la Loi juive, la lecture hebdomadaire de la Haftara, tirée des Prophètes, se doit d’être « dans l’esprit de la section de la Torah » (la Paracha). La relation entre la Paracha Balak et sa Haftara paraît évidente. En effet, la Haftara relate que D.ieu dit au Peuple juif : « Ma nation, souviens-toi de ce que Balak, roi de Moav, a manigancé et de ce que Bilaam, fils de Beor, lui a répondu ; des événements de Chittim… » (Mi’hah 4 :6). Il s’agit bien d’une référence claire à Balak.

Et pourtant, la Haftara ne devrait pas être liée à la Paracha que par un verset spécifique mais par son contenu général. Et cela, d’autant plus que la lecture de la Haftara est née quand les nations étrangères ont décrété l’interdiction pour le Peuple juif de lire la Torah elle-même.

Puisque le contenu de chaque partie de la Torah existe en allusion par la manière dont elle commence, cela revient à dire qu’il existe une connexion entre le commencement de la Haftara et le contenu général de la Paracha Balak.

La Haftara commence par le verset : « Alors, le vestige de Yaakov se trouvera au sein de nombreux peuples… ils [n’auront pas besoin de] mettre leur confiance en l’homme, ni de compter sur les fils des hommes. » Ces mots évoquent le tout début de la Rédemption et non de l’époque où l’Ère de Machia’h sera fermement établie.

Cela peut se déduire du fait que la Haftara poursuit en statuant qu’alors, il y aura encore des guerres avec les nations et, pire encore, le mal existera encore chez les Juifs eux-mêmes.

La Paracha Balak parle d’une période, juste avant la première entrée du Peuple juif en Érets Israël, qui sera similaire à l’Ère de la Rédemption.

Comme cela est mentionné au début de la Paracha, la préparation à la Rédemption implique qu’ « ils [n’auront pas besoin de] mettre leur confiance en l’homme, ni de compter sur les fils des hommes. » Bien que cette situation précède la Rédemption complète, il ne sera alors pas nécessaire de se reposer sur les hommes, quand bien même une telle dépendance serait normalement acceptable.

Car le verset nous dit : « D.ieu vous bénira dans tout ce que vous ferez », ce que nos Sages interprètent comme signifiant qu’il revient à l’homme de faire un réceptacle pour la Bénédiction divine, en utilisant des moyens naturels : « l’on ne doit pas se reposer sur un miracle. »

Puisque dans le cours normal des événements, nous pouvons compter sur l’assistance d’autrui, c’est donc que cela est permis. Cependant, à cette époque, cette forme de confiance à autrui ne sera pas nécessaire.

L’intention ultime de D.ieu n’est pas d’invalider une conduite naturelle mais de la purifier et de l’élever jusqu’à ce qu’il devienne évident pour tous que la nature est également unifiée à Lui. Nous comprenons donc que cela ne signifie pas qu’alors l’homme ne dépendra pas des autres hommes mais plutôt que nous ne verrons que l’assistance de D.ieu, même dans une conduite naturelle.

En effet, « dans tout ce que vous ferez » peut être compris de deux manières :

Dans une première approche, la personne peut arriver à la conclusion que la nature n’est simplement qu’ « une hache dans les mains d’un tailleur de pierre » mais puisque D.ieu désire que nous utilisions un moyen approprié, la nature conserve, et ce jusqu’à un certain degré, de l’importance.

Dans une autre perspective, l’individu peut conclure que la nature n’a absolument aucune importance, et qu’elle n’est qu’un moyen pour accomplir les desseins de D.ieu.

Dans le premier cas, les actions de l’homme sont séparées de sa Torah et de ses Mitsvot. Quand les deux s’interfèrent, par exemple lorsqu’il ressent qu’en donnant trop de Tsedaka (charité), il n’aura plus assez d’argent pour lui-même, il doit vaincre son inclination naturelle.

En revanche, dans le second exemple, toutes ses actions sont imprégnées du désir d’accomplir la Volonté divine. Une telle personne n’a pas besoin de combattre ses penchants naturels car ils sont en harmonie avec le désir de D.ieu.

La Haftara vient donc nous informer que, alors que nous nous préparons à entrer en Érets Israël, il est en notre pouvoir de nous élever jusqu’à ce que nous percevions que tout est complètement uni avec D.ieu.

Le Coin de la Halacha

 Lever la main sur autrui ?

Le Rambam (Maïmonide) écrit : « Celui qui frappe un Juif ‘cachère’ (honnête), que ce soit un enfant ou un adulte, un homme ou une femme, de façon belliqueuse, transgresse un commandement négatif… Même lever la main sur autrui est interdit ».

Dans la Torah, il est écrit que Moché (Moïse) aperçut un Juif frappant un autre Juif et « demanda au méchant : Pourquoi frappes-tu ton prochain ? ». Il n’est pas écrit : « Pourquoi as-t-u frappé ? ». De là, les Sages déduisent que celui qui lève la main sur son prochain – même s’il ne le frappe pas effectivement – est appelé « méchant ». Selon la Hala’ha, une telle personne ne peut pas servir de témoin pour les documents rabbiniques (contrats, mariages etc.). Selon Rachi, même la menace de lever la main est déjà considérée comme une faute. Selon le Séfer Ha’hinou’h, même un sous-entendu dans ce sens suffit à disqualifier la personne.

Rabbi Chnéour Zalman et d’autres décisionnaires estiment qu’un homme coupable de cette faute ne peut pas être compté dans un Minyan (dix hommes nécessaires pour la prière en public) tant qu’il ne s’est pas engagé à ne plus recommencer.

La violence est l’apanage d’Esaü et non de Yaakov.

Il arrive parfois que des paroles soient aussi douloureuses que des coups, que ce soit des paroles directes, de la médisance ou de la moquerie. C’est pourquoi il est nécessaire, avant de parler à quelqu’un ou à propos de quelqu’un, de réfléchir aux dégâts éventuels que l’on risque de causer et il est donc préférable parler de façon positive.

(d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1724)

Le Recit de la Semaine

 Le repas de la Bar Mitsva de Rabbi Yossef Its’hak

(Extrait du Sefer Hasi’hot 5703 de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn)

J’accorde beaucoup de valeur à chaque instant que je passe avec vous, non seulement au cours de cette réunion ‘hassidique, mais aussi en toutes les réunions que les ‘Hassidim organisent actuellement, dans tous les endroits où ils se trouvent, car : « je me tiens au sein de mon peuple ».

J’ai beaucoup à raconter sur cette journée du 12 Tamouz. Il est impossible de tout dire et je ne rapporterai donc qu’un seul point, concernant ce qui s’est passé il y a cinquante ans. En 5653, le 12 Tamouz, jour de ma Bar Mitsva, je devais réciter l’un des discours ‘hassidiques que j’ai dit, à cette occasion, près du tombeau de mon grand-père et maître, le saint Rabbi Maharach.

En Tamouz, les journées sont longues. L’organisation en vigueur était, à l’époque, la suivante. La fête de la Bar Mitsva se poursuivait jusqu’aux prières de Min’ha et d’Arvit, après lesquelles il y avait une réunion ‘hassidique jusqu’à la lumière du jour. On se rendait ensuite au bain rituel, on faisait la prière de Cha’harit avec la communauté. Et, c’est après cela que commençait le repas de la Bar Mitsva.

Il m’est difficile de répéter tout ce qui s’est alors passé. Je n’en décrirai donc que le début, en l’occurrence ce qui a été expliqué par mon père et maître, le saint Rabbi, au cours du discours ‘hassidique qu’il a prononcé.

Celui qui s’enorgueillit de son enseignement est un sot, un impie et un arrogant. Qu’est-ce que cela signifie ? Mon père et maître, le saint Rabbi a expliqué ce que sont la lumière et l’obscurité. Quand l’obscurité règne, on ne remarque aucun obstacle. En revanche, plus la lumière est intense, plus l’obstacle est remarquable. Une lumière très intense permet même de voir une tache blanche.

La Torah est la lumière et elle possède également une dimension profonde. Par rapport à elle, ce qui était, au préalable, considéré comme de la lumière devient l’obscurité.

Au milieu de cette analyse, le ‘Hassid, Rav Yaakov Morde’haï de Poltava lui posa la question suivante :

« Cela veut-il dire que vous adoptez l’avis selon lequel l’obscurité est une création à part entière ? ».

Mon père et maître, le saint Rabbi, le lui confirma :

« C’est effectivement la conception de l’Admour Hazaken ».

Ainsi, celui qui s’enorgueillit de son enseignement, de la lumière, est un sot en son cerveau, un impie en ses sentiments et un arrogant en les vêtements de son âme. C’est ce qu’a dit mon père et maître, le saint Rabbi, au début de son discours ‘hassidique. Je vous rapporterai également ce qu’il a dit à la fin de ce discours ‘hassidique :

Celui qui comprend une notion jusque dans le moindre détail, de même que la synthèse qu’en établit l’analyse intellectuelle, Bina, est un « sage par Bina » et c’est à ce propos qu’il est dit : « la sagesse, ‘Ho’hma, fait vivre celui qui la possède », par Bina.

C’est, en effet, Bina qui est propriétaire de la sagesse. Ainsi, il est expliqué que ‘Ho’hma et Bina ont, l’une et l’autre, une source spécifique, au sein du potentiel de compréhension et même de la compréhension virtuelle qui dépasse la révélation cachée. A ce stade également, Bina a une source spécifique, qui est plus haute que celle de ‘Ho’hma.

La raison de tout cela est la suivante. ‘Ho’hma n’est qu’un point, alors que Bina possède la largesse par nature. Lorsque l’on comprend une idée jusque dans le moindre détail, on la perçoit et, en outre, on en possède un indice, grâce auquel on la voit concrètement, beaucoup plus clairement que l’on voit ses cinq doigts.

Il en est ainsi pour la compréhension, mais aussi pour la prière fervente, pour la méditation du Chema, « écoute, Israël », qui porte sur l’Unité de D.ieu et qui permet de s’emplir de Son amour ou de Sa crainte. Cet indice fait la preuve que l’idée a bien été comprise, dans son service de D.ieu.

En revanche, si, par la suite, après la prière, on est resté une « impasse », cela veut dire que l’on n’a fait que s’enorgueillir de son enseignement. On est alors un sot, un impie et un arrogant. C’est l’indice, faisant la preuve que la compréhension n’en est pas une.

A cette réunion, assistaient des ‘Hassidim possédant une profonde connaissance de la ‘Hassidout, notamment Rav Yochoua de Kherson et Rav Acher de Nikolaïev. Par la suite, Rav Acher décrivit le contenu de cette réunion ‘hassidique et du discours ‘hassidique qui avait été prononcé par mon père et maître, le saint Rabbi, à Rav ‘Haïm Ber de Krementchoug, un homme de cette ville qui possédait une très profonde connaissance de la ‘Hassidout.

Rav ‘Haïm Ber en fut très impressionné. Il déclara que, s’il avait alors été présent, il aurait embrassé les mains et les pieds de mon père et maître, le saint Rabbi ! Par la suite, le ‘Hassid, Rav Acher se souhaita d’être accablé, à Yom Kippour, comme le fut Rav ‘Haïm Ber, ce Chabbat-là.

Effectivement, Rav ‘Haïm Ber était un homme profondément accablé. Je l’ai vu, pour la dernière fois, en 5652. Je l’avais rencontré, cette année-là, pour la seconde fois. Mais, je ne l’ai plus jamais revu par la suite.