Samedi, 16 octobre 2021

  • Le’h Le’ha
Editorial

 Une année… sabbatique ?

Le temps du quotidien semble être revenu avec sa succession de jours qui se ressemblent. Chaque année, cette interrogation se répète : après les sommets que nous avons connus, est-ce bien là notre lot ? Cette transition n’est-elle pas terriblement difficile ? Tous les ans, nous trouvons une réponse à cette inquiétude quasi existentielle : il nous faut emmener avec nous les acquis spirituels de la période des fêtes. Toutefois, cette année, un autre pouvoir nous attend : depuis Roch Hachana, la Chemita a commencé ! Certes, on peut s’interroger : la Chemita est une année où, en Israël, la terre doit être laissée en repos, quelle est donc son importance pour nous qui n’y demeurons pas et ne sommes par agriculteurs ?

C’est que, comme toute chose dans le judaïsme, la loi de la Chemita n’est pas qu’une obligation/interdiction « technique ». Elle est d’abord un événement spirituel. Ce n’est pas en vain que le texte de la Torah la dénomme Chabbat. Il s’agit donc bien d’une « année sabbatique » au sens le plus littéral du terme. Elle apporte ainsi une élévation nouvelle, de l’ordre du pur délice. D’une certaine façon, elle va encore plus loin que le Chabbat hebdomadaire lui-même. En effet, celui-ci exprime sa sainteté dans l’interdiction des travaux profanes tandis que la Chemita atteint ce niveau en ne prohibant que les travaux agricoles, imprégnant ainsi d’une spiritualité profonde jusqu’aux travaux du quotidien qui restent permis. Disons-le donc : le monde peut prendre, à présent, une dimension nouvelle. Voici qu’il peut devenir aussi beau qu’un Chabbat, aussi grand que nos rêves. Bien sûr, la vie quotidienne garde ses droits et ses nécessités propres mais il nous appartient de la vivre d’une autre façon avec une pensée et un sentiment plus profonds, comme un lieu de réel épanouissement.

Alors que l’année de la Chemita commence à peine et propose son modèle, il nous appartient de trouver les clés qui nous permettront d’y entrer et de la vivre de tout notre être. Les Sages nous rapportent qu’en cette année si différente, les agriculteurs, libérés de leurs tâches, pouvaient enfin se consacrer à l’étude de la Torah. Ce n’est pas seulement de temps libre qu’il est question ici mais bien de puissance. A présent, l’étude, la connaissance sont essentiellement à la portée de chacun. Le monde fait sans doute monter son tumulte mais nous n’avons pas à en être impressionnés. La Chemita l’emplit de sa sérénité… et de notre bonheur. Ce bonheur-là qui est dans l’instant qui passe et que nous construisons avec conscience.

Etincelles de Machiah

 Le pouvoir de la joie

La ‘Hassidout pose comme un principe de base que « la joie brise les barrières ». Il faut rajouter à cela que la joie brise aussi les barrières de l’exil et hâte la venue de Machia’h, à propos duquel il est écrit (Berechit Rabba 85 : 14 sur Michée 2 : 13) : « le briseur montera devant eux ».

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
Chabbat Parchat Toledot 5741)

Vivre avec la Paracha

 Lé’h Lé’ha

D.ieu s’adresse à Avram lui ordonnant : « Pars pour toi de ta terre, de ton lieu de naissance et de la maison de ton père vers la terre que Je te montrerai ». Là, poursuit D.ieu, il deviendra une grande nation. Avram et sa femme Saraï, accompagnés de son neveu Loth, se rendent en Terre de Canaan où Avram construit un autel et continue à disséminer le message d’un D.ieu unique.

Une famine force le premier Juif à partir pour l’Egypte, où la belle Saraï est enlevée et conduite au palais du Pharaon. Avram échappe à la mort parce qu’ils se présentent comme frère et sœur. Une plaie empêche le monarque égyptien de la toucher et le convainc de la rendre à Avram, en attribuant au frère, qui s’est révélé être le mari, de l‘or, de l’argent et du bétail.

De retour au pays de Canaan, Loth se sépare d’Avram et s’installe dans la ville impie de Sodome où il est fait captif quand les puissantes armées de Kédorlaomère et ses trois alliés conquièrent les cinq villes de la vallée de Sodome. Avram se met en route avec une petite troupe pour secourir son neveu, vainc les quatre rois et est béni par Malki Tsédèk, le roi de Salem (Jérusalem).

D.ieu scelle « l’Alliance entre les parties » avec Avram, dans laquelle l’exil et la persécution (Galout) du Peuple d’Israël sont prévus et la Terre Sainte leur est attribuée comme héritage éternel.

Toujours sans enfant, dix ans après leur arrivée dans le pays, Saraï dit à Avram d’épouser sa servante Hagar. Hagar conçoit et en devient insolente avec sa maîtresse puis fuit quand Saraï la traite durement. Un ange la convainc de revenir et lui dit que son fils engendrera une nation peuplée. Ichmaël naît alors qu’Avram est âgé de quatre-vingt-six ans.

Treize ans plus tard, D.ieu change le nom d’Avram en Avraham (« père de multitudes ») et celui de Saraï en Sarah (« princesse ») et promet qu’un fils leur naîtra. De ce fils, qu’ils appelleront Yits’hak (« rira »), émergera une grande nation avec laquelle D.ieu établira un lien tout particulier. Avraham reçoit le commandement de se circoncire ainsi que ses descendants, « en signe d’alliance entre Moi et toi ». Avraham obtempère immédiatement, circoncisant sa propre personne et tous les hommes de sa maisonnée.

Une Mitsva pure

Pourquoi attendit-il si longtemps ?

La première Mitsva enjointe à Avraham, le tout premier Juif, fut celle de la circoncision : la Brit Mila. Comme nous le relate la Paracha de cette semaine, Avraham était âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans quand il reçut ce commandement de D.ieu. Selon le Talmud, Avraham possédait la connaissance de toutes les Mitsvot et les accomplissait sans attendre le commandement de D.ieu. Pourquoi donc ne s’était-il pas circoncis à un plus jeune âge ?

Une seule fois !

La réponse la plus fréquente apportée à ce questionnement s’appuie sur la déclaration du Talmud : « celui qui reçoit le commandement d’accomplir une Mitsva et s’y prête est supérieur à celui qui n’en reçoit pas le commandement et l’accomplit. »

Ainsi, si Avraham s’était circoncis avant l’ordre de D.ieu, aurait-il perdu toute aptitude à le faire, dans le futur, en obéissant à l’ordre divin. L’on ne peut être circoncis qu’une seule fois !

Les deux dimensions de la circoncision

Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi (fondateur du mouvement ‘Habad et auteur du Tanya) explique qu’il existe deux dimensions spirituelles de la Brit Mila. Alors qu’il est possible de parvenir au premier niveau sans le commandement explicite de D.ieu, l’on ne peut atteindre le second niveau spirituel sans l’assistance de D.ieu qui se transmet par Son commandement.

La dimension la plus élevée sera entièrement révélée à l’Ère de Machia’h. Cependant, Avraham cherchait à expérimenter ce niveau de son vivant, ce qui ne pouvait se produire qu’avec l’ordre que lui intima D.ieu, à lui qui avait vécu une vie d’engagement absolu à l’accomplissement de toutes les Mitsvot de son propre gré. Il était donc prêt à ce niveau spirituel sublime.

Le désespoir du Roi David

L’on peut peut-être apporter un autre éclairage. Le Baal Chem Tov cite un passage du Talmud (Mena’hot 43b) concernant le désespoir du roi David alors qu’il se baignait et qu’il réalisa qu’il était dénudé et de ce fait désengagé de toute Mitsva. Cependant, lorsqu’il réalisa qu’il était circoncis, il fut soulagé. Il chanta alors une louange à D.ieu pour cette Mitsva et composa le Psaume 12.

Le Baal Chem Tov ajoute que le bain du Roi David peut se comprendre en termes spirituels. Il voulait se débarrasser de tout vestige de péchés et d’impureté. Tout en le faisant, il réfléchissait à sa vie d’accomplissement de Mitsvot et réalisa qu’il était « nu ». Le Baal Chem Tov enseigne que dans ce contexte, la « nudité » du roi David signifie qu’il se sentait démuni de toutes Mitsvot parce qu’il ne pouvait en trouver une qui soit totalement pure. Il craignait que dans son accomplissement restent des traces d’arrière-pensées intéressées.

On doit noter que le Talmud déclare que « l’on doit toujours faire une Mitsva, même pour des motivations intéressées, car de cet intérêt finira par émerger l’accomplissement pour des motifs purs. » Cependant, il est clair que ce n’est pas l’idéal. Une personne de la stature du roi David, en quête de la pureté absolue, ne pouvait l’atteindre tant que ses Mitsvot étaient teintées d’une motivation personnelle, si subtile soit-elle. Il recherchait donc une Mitsva de cette qualité et c’est ce qu’il trouva dans la Brit Mila.

Une pureté de huit jours

Qu’est-ce qui distingue cette Mitsva de toutes les autres ? C’est la seule que l’on accomplit en étant nouveau-né, incapable de la comprendre. Il est évident qu’un bébé de huit jours ne peut faire quelque chose pour des raisons égoïstes. C’est la plus pure des Mitsva que l’on accomplit : aussi pure et innocente que le bébé lui-même.

La contagion

Il nous faut encore clarifier l’analyse du Baal Chem Tov sur la manière dont le désespoir du roi David fut soulagé par la Mitsva de la Brith Mila. Bien qu’il soit vrai que cette Mitsva est absolument pure parce que le bébé a huit jours, comment le roi David se purifia-t-il de sa perception que toutes ses autres Mitsvot étaient imprégnées de motivations autres ?

De la même façon que l’infection locale d’une blessure peut se développer et gagner le corps entier, une Mitsva « parfaite » peut également répandre la Force Divine positive et atteindre toute la personne et toutes les Mitsvot qu’elle a accomplies.

Il existe en revanche une condition. La Mitsva de la Brit Mila doit se faire sans compromis. Quand nous sommes consciencieux dans notre vie morale et nos relations physiques, nous portons en nous la puissance incroyable de cette Mitsva pure, entière qui neutralise tous les aspects négatifs dans notre attachement aux mitsvot.

Le postulat qui affirme que la Brit Mila est la seule Mitsva pour laquelle il n’y a aucune arrière-pensée est évoqué en allusion dans la bénédiction traditionnelle que l’on prononce à cette occasion : « Tout comme tu es entré dans l’alliance (de la circoncision), que tu entres dans la Torah, le mariage et les bonnes actions. »

Quel est le lien entre la Mila et laTorah, le mariage et les bonnes actions ?

Les Maîtres ‘hassidiques expliquent que le sens implicite de cette bénédiction est que de même que lorsqu’on est circoncis, on n’a pas d’intérêt personnel, que l’on puisse également entrer dans la Torah, le mariage et les bonnes actions de façon désintéressée et pure.

Le Mohel Divin d’Avraham

L’on peut avancer encore une autre explication à l’attente d’Avraham pour se circoncire. Il était pleinement conscient du caractère unique de la Brith Mila par le fait qu’elle soit accomplie à l’âge de huit jours. Mais lui était un adulte et donc chez lui, elle n’aurait pas le même effet purificateur. Il devait donc attendre le commandement Divin qui lui donnerait la même mesure de pureté que chez l’enfant de huit jours.

Cela explique pourquoi la Torah utilise la forme passive en relatant la circoncision : « Avraham avait quatre-vingt-dix-neuf ans quand il fut circoncis ». Rachi suggère que cela lui fut fait, que D.ieu l’assista dans l’acte de la Mila. Non seulement D.ieu lui commanda la Mitsva mais Il s’impliqua directement et lui attribua donc la même pureté que celle d’un enfant de huit jours.

L’Ère d’avant la circoncision et l’Ère d’après la circoncision

D’une manière générale, dans toute notre histoire, depuis la Création jusqu’à la Rédemption Finale, nous vivons dans une ère d’avant la circoncision. Toutes nos Mitsvot sont, par définition, incomplètes. C’est le propre de l’exil. S’il est vrai que, dans une certaine mesure, la Mila nous apporte une pureté messianique, elle n’a rien à voir avec la pureté et l’intégrité auxquelles nous parviendrons quand le Machia’h nous conduira hors de l’exil.

Le Machia’h est le Mohèl ultime. Il aura la Force Divine extraordinaire de nous purifier de notre « nudité » spirituelle et nous faire pénétrer dans l’Ère Messianique.

Dans ces derniers moments de Galout, nous devons nous préparer à la Rédemption. L’un des moyens est de pratiquer cette Mitsva avec une grande joie couplée à des efforts pour lui apporter la pureté et le raffinement. Garder la pureté et la sainteté de la Brit Mila est notre manière de préparer la Brit Mila ultime : la Rédemption véritable et complète.

Le Coin de la Halacha

 Pourquoi faut-il pardonner et ne pas se venger ?

Il est écrit dans le Séfer Ha’hinou’h que nous devons être conscient que tout ce qui nous arrive – en bien ou en mal – vient de D.ieu Qui a décidé (souvent pour des raisons connues de Lui seul) que cela nous arriverait.

Quant à l’individu qui a choisi d’agir envers nous de façon malveillante, il lui appartient de regretter son action (ou ses paroles) et de demander notre pardon (et éventuellement de rembourser les dégâts occasionnés).

Selon la Hala’ha stricte, on est obligé (ou non) de pardonner seulement à partir du moment où l’offenseur a sollicité le pardon. Cependant, le Talmud rapporte que le Sage Mar Zoutra veillait, avant de se coucher, à pardonner à quiconque l’aurait offensé. De même, le Zohar rapporte le cas d’un homme à qui il arriva de nombreux miracles : il expliqua qu’il avait toujours cherché à apaiser quiconque éprouvait du ressentiment envers lui. De plus, il avait toujours tenté de se montrer particulièrement bienveillant envers ces personnes.

Celui qui pardonne verra D.ieu se conduire envers lui avec pitié et lui accorder Son pardon.

(d’après Rav Yossef Guinzburg – Si’hat Hachavoua 1723)

Le Recit de la Semaine

 Les Tsitsits du cœur

Dans une ville des États-Unis, un Juif s’était rapproché du judaïsme grâce aux efforts d’un jeune Chalia’h du Rabbi qui ne ménageait pas sa peine pour aider chacun et enseigner la beauté de la Torah à ses coreligionnaires. Impressionné, l’homme s’était même rendu à New York pour aller personnellement remercier le Rabbi qui se souciait même des petites villes éloignées des grands centres de vie juive. Quand il entra en Ye’hidout (entrevue privée), il exprima son admiration pour l’œuvre accomplie et le Rabbi le félicita pour cette reconnaissance puis ajouta :

« La Guematria (valeur numérique) du mot Lev (cœur) est de 32 - qui est aussi le nombre des fils des Tsitsits (franges rituelles accrochées sur le vêtement à quatre coins porté sous la chemise). Le but des Tsitsits est : « Vous Le verrez et vous vous souviendrez de tous les commandements de D.ieu ». De même qu’il est interdit au cœur de s’arrêter même un instant, D.ieu préserve, de même il est interdit au Juif même un instant de se séparer de « Vous vous souviendrez de Lui ». Un Juif ne doit jamais passer même un instant sans Torah et Mitsvot - quel que soit l’endroit où il se trouve et quelle que soit sa situation. De jour comme de nuit, qu’il dorme ou qu’il soit réveillé, il doit continuellement « se souvenir » de D.ieu et c’est la raison pour laquelle les ‘Hassidim ont la coutume de porter le Talit Katane aussi la nuit ».

Étonné, l’homme écoutait sans bien comprendre pourquoi le Rabbi évoquait ce sujet. Et le Rabbi continua :

« En tout endroit, il existe des médecins. D.ieu qui est le véritable docteur donne aux médecins la capacité d’apporter la guérison - non seulement quand il y a tel ou tel problème dans le cœur mais même si le cœur s’arrête de fonctionner- ce qu’on appelle un arrêt cardiaque. Même dans des situations similaires, on a entendu que certaines personnes survivent. Peut-on appeler ceci « Résurrection des Morts » ? Cela ne m’impressionne pas puisque nous prions trois fois par jour : « Tu ressuscites les morts et Tu sauves abondamment ».

Le Rabbi lui adressa un grand sourire, le bénit ainsi que sa famille, le remercia de sa visite et l’homme prit congé en lui serrant la main.

Cette rencontre l’avait beaucoup impressionné mais ces dernières paroles l’avaient intrigué. S’il avait été un ‘Hassid, il aurait compris que quelque chose se tramait mais il préféra ne pas y prêter trop d’attention et s’empressa d’oublier.

Trois ans plus tard, ses affaires l’entraînèrent à Hong Kong. Il discutait avec son ami de New York du probable retard de leur avion de retour à cause de la tempête de neige qui sévissait en Amérique. Mais il ne se souvint plus de la suite de la conversation : il se réveilla deux jours plus tard dans l’unité de soins intensifs, entouré de médecins et d’infirmières. Même sa femme était venue en urgence de New York pour être à ses côtés : de fait, il avait été victime d’un infarctus et les médecins ne purent s’empêcher de décrire son réveil comme une véritable résurrection !

C’est alors qu’il se souvient des paroles prophétiques que le Rabbi lui avait adressées trois ans plus tôt ! Bouleversé, il demanda à sa femme de téléphoner au secrétariat du Rabbi à New York pour annoncer ce qui lui était arrivé et demander au Rabbi sa bénédiction afin de rester en vie et en bonne santé après un tel accident cardiaque. Quelques heures plus tard, le secrétaire rappela avec la réponse du Rabbi : « J’ai mentionné son nom sur le Ohel (tombe) du Rabbi (précédent) pour une prompte et complète guérison. Certainement il se souvient de ce que nous avions discuté à propos du port du Talit Katane même la nuit quand on dort et, au moins à partir de maintenant, il s’en acquittera scrupuleusement. Qu’il annonce de bonnes nouvelles ! ».

Sa femme ne comprit pas de quoi il s’agissait et, de fait, même lui avait du mal à se souvenir de cette conversation.

Inutile de préciser qu’à partir de cet instant, encore à l’hôpital, il veilla à respecter la directive du Rabbi et dormit avec le Talit Katane. Même lors des chaudes vacances d’été, il s’efforça de le garder sur lui nuit et jour et, lorsqu’un jour, il ressentit de violentes douleurs au cœur, il reconnut devant son fils qu’il n’avait pas dormi avec le Talit Katane cette nuit-là…

Rabbanit Sima Ashkenazi – N’shei N° 1919

Traduite par Feiga Lubecki