Semaine 45

  • Le’h Le’ha
Editorial
Temps de victoire, temps de combat

Les fêtes de Tichri s’éloignent à grande allure. Le nouveau mois – ‘Hechvan – a déjà commencé ; cette fois, l’année est véritablement entamée. Et, faut-il le dire, son début a été éclatant : un tyran redouté a reçu la rétribution de ses actes et un Juif, otage de bourreaux sanguinaires depuis trop longtemps, a retrouvé la liberté. On est presque tenté de dire que nous vivons un temps de victoire. Victoire du Bien sur le mal, de la justice sur l’oppression, du droit sur l’arbitraire. D’une certaine façon, victoire des forces de la liberté, de la lumière et de la vie sur celles de l’obscurantisme et de la nuit des consciences. Une telle victoire, il est clair que cela se fête. Tout se passe comme si, après l’époque des célébrations d’automne, une ère nouvelle s’ouvrait. Les nouvelles positives sont assez rares pour qu’on s’attache à en sentir toute la saveur et la profonde richesse. Elles donnent enfin corps à l’espoir.
Il est, cependant, des victoires qui ne peuvent se limiter à elles-mêmes, toutes grandes soient-elles. Il est des triomphes qui ne peuvent se contenter d’apporter leur part de satisfaction sans ouvrir à un au-delà. Peut-être est-ce justement à ce caractère qu’on reconnaît leur importance. C’est que, lorsqu’on atteint de tels sommets, la tentation existe de s’y arrêter en justifiant cet arrêt par la nécessité de faire une pause, de se donner le temps de la réflexion etc. Mais la vie continue et son flux ne s’interrompt jamais. Sous l’effet de tels événements, il donne même l’impression de prendre une rapidité encore supérieure. C’est dire que les temps de victoire sont aussi ceux de combats nouveaux. Si les forces de la nuit ont subi ici des défaites méritées, celle-ci n’a pas encore totalement disparu. Ne nous appartient-il pas de parachever sa débâcle ?
Le récit de la création dans le texte biblique prend soin de donner sa pleine place à l’homme. Il précise que D.ieu le plaça dans le « jardin d’Eden » – le monde – pour « le travailler et le garder ». Nos Sages enseignent encore que « D.ieu mit le monde dans le cœur des hommes. » Tout est dit : c’est à chacun que revient la charge de porter la création à son point ultime, à ce point de perfection indépassable que constituera l’avènement de l’ère messianique. C’est à chacun de prendre sa part du combat qui commence. Ce combat-là est pacifique mais il est essentiel. Par nos actes de chaque jour, le monde change. Pour de bon, pour le Bien. Pour toujours.
Etincelles de Machiah
Se plonger dans la ‘Hassidout

Celui qui désire Machia’h et chaque jour, quand il dit la prière de la Amida, dit ces mots avec concentration et avec tout son cœur et s’attache à ces mots et ne les dit pas superficiellement, montre qu’il veut de tout son cœur et toute son âme mériter d’accueillir Machia’h. Tout le sens de sa vie est de dire : «Quand ce jour arrivera-t-il ?» Pour cela, il méritera de se réjouir avec la venue de Machia’h.
(Yalkout Méam Loez) H.N.
Vivre avec la Paracha
Lé’h le’ha : Au-delà de toutes les limites

Il ne serait pas excessif de dire que les deux mots qui ouvrent la Paracha et lui donnent son nom, Lé’h le’ha, sont les mots les plus importants proférés dans l’histoire. C’est par ces mots que D.ieu met Avraham sur une voie qui allait inverser le processus de dégénération dans lequel l’humanité se trouvait enfermée depuis l’expulsion du Gan Eden, une voie qui mènerait finalement au Don de la Torah sur le Mont Sinaï.
Il y eut des justes qui précédèrent Avraham mais aucun d’entre eux ne réussit à enrayer le courant d’éloignement de D.ieu qui inondait la terre. Au mieux, ils préservaient les anciennes traditions en cachette, à l’abri d’un monde hostile à la Divinité. Ces justes manquaient du courage nécessaire pour résister à cette corruption et tenter de combler le fossé entre le ciel et la terre. Pour Avraham, au contraire, c’est justement la dépravation du monde qui l’incita à devenir un activiste. Comme nous l’avons vu, à la fin de la Paracha précédente, il circulait parmi ses contemporains et les encourageait à le rejoindre dans son entreprise de résurrection du monothéisme.
Et pourtant, malgré ses accomplissements impressionnants, les efforts d’Avraham restaient limités par le fait qu’il ne parlait que par la force de son propre raisonnement. Aux gens auxquels il s’adressait, il présentait simplement une version d’eux-mêmes plus honnête intellectuellement et plus vertueuse moralement. Il est vrai que ses contemporains et lui-même avaient assisté à l’intervention miraculeuse de D.ieu qui l’avait sauvé de la fournaise de Nimrod. Ils avaient donc été exposés à l’existence d’un D.ieu transcendant, détaché des limites de la nature et de la raison humaine. Mais Avraham n’avait pas encore atteint l’étape supérieure, la conscience que ce D.ieu au-dessus de la nature pouvait être également rencontré dans la vie profane. L’intellect humain ne pouvait concevoir la possibilité que ce D.ieu transcendant puisse aussi se rencontrer dans la nature et dans la vie quotidienne. C’est pourquoi, à cette époque, le monothéisme était simplement une reconnaissance que D.ieu avait créé le monde et avait mis en route le mécanisme de la nature.
Tout cela changea quand D.ieu dit les mots «Lé’h Le’ha» à Avraham. Tout d’abord, le fait même que D.ieu réponde ouvertement aux efforts d’un être humain pour dédier sa vie à la vérité changea les règles, à tout jamais. D.ieu démontrait qu’Il est véritablement accessible à ceux qui Le recherchent sincèrement. D’autre part, par ces mots, D.ieu faisait d’Avraham Son émissaire. Il n’allait plus agir en visionnaire inspiré : il pourrait désormais parler avec une autorité lui venant d’au-dessus de lui et rendant son message incomparablement plus efficace qu’auparavant. C’est ainsi que la Présence Divine commença Sa véritable descente sur terre.
Enfin, et c’est le plus important, en lui disant d’ «aller», D.ieu faisait d’Avraham un homme nouveau qui pouvait désormais progresser au-delà de ses propres possibilités. «Va vers toi» signifie «va vers ton être véritable et le plus haut, l’être que tu ne pourrais atteindre tout seul». La définition d’un homme divin n’était plus celle d’une personne qui se lie avec D.ieu autant que ses capacités humaines le lui permettent. C’était désormais celle d’ «un homme qui se lie à D.ieu en progressant infiniment au-delà des limites de la capacité humaine».
Dans ce contexte, D.ieu, dans la Paracha Lé’h Le’la, fait passer la dynamique déclenchée avec la Parachat Noa’h au niveau supérieur. Dans Noa’h, D.ieu avait introduit la notion de Techouvah dans le monde, la possibilité de corriger ses erreurs et de refaire sa vie. Ici, dans la Paracha Lé’h Le’ha, D.ieu nous donne la possibilité de «revenir» à notre moi authentique, fondamental, le moi dont nous ignorions jusqu’à l’existence même, découvrant constamment de nouvelles perspectives de notre personnalité divine innée et de notre lien avec D.ieu.
A partir de cette ouverture, nous pourrions nous attendre à ce que le reste de la Paracha relate les succès d’Avraham dans l’accomplissement de sa mission divine. Pourtant, le premier incident majeur relaté est la famine qui s’abattit dès son arrivée en Terre d’Israël, l’obligeant à fuir en Egypte. Cette famine menaçait de ruiner toute son entreprise. Elle aurait pu être interprétée par la population locale comme une vengeance contre ses activités missionnaires. De plus, au lieu de lui permettre de poursuivre sa résurrection du monothéisme sur la Terre Promise par D.ieu, Avraham se trouvait jeté au cœur du monde païen. Combien ironique a dû paraître alors son sort, lui qui n’avait pas plus tôt commencé sa grande entreprise en Terre Promise qu’il avait soudain été réduit à rechercher la miséricorde d’un environnement culturel qui se moquait de son idéal. Mais, par un retour de situation miraculeux, Avraham vit bientôt les Egyptiens le supplier d’être miséricordieux et il retourna en Terre d’Israël encore mieux équipé pour atteindre son but : avec plus de richesse et de renommée et accompagné de la princesse égyptienne qui, en son temps, deviendrait la mère de son premier enfant.
Il devient rétroactivement clair que cette régression apparente n’était en fait qu’une étape nouvelle dans la progression d’Avraham dans sa mission, une partie intégrante d’ «aller».
Les leçons de la Paracha Lé’h Le’ha sont tout d’abord de ne pas se laisser intimider par le monde, que ce soit celui qui nous entoure ou le «monde» de nos désirs, de nos craintes ou de nos préjugés personnels. Avraham et Sarah n’étaient que deux individus mais parce qu’ils dédièrent leur vie à la vérité, D.ieu devint leur Partenaire et en fit Ses émissaires. De plus, une fois que nous avons répondu à l’appel de D.ieu : «Va en toi-même, pour toi-même», nous ne sommes plus contraints par les limites de nos propres capacités : même les régressions apparentes s’avéreront plus tard être parties intégrantes d’un processus qui mène à des niveaux supérieurs de conscience divine.
Le Coin de la Halacha
Comment met-on les Téfiline ?

A partir de treize ans, chaque Juif est astreint à la Mitsva (commandement) des Téfiline chaque jour (sauf Chabbat et les jours de fêtes juives).
A priori, on doit réaliser que c’est D.ieu Qui a demandé d’écrire ces quatre Parachiot (paragraphes de la Torah) qui évoquent l’unité de D.ieu et les miracles de la sortie d’Egypte qui prouvent Sa Toute Puissance. C’est D.ieu Qui a ordonné de les lier sur le bras, donc près du cœur ainsi que sur la tête, donc près du cerveau. Ainsi le Juif soumet son intellect, ses sentiments et ses actions à la volonté de D.ieu. Cette prise de conscience fait partie intégrante de la Mitsva.
On lie d’abord les Téfiline autour du bras gauche, on prononce la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Elo’hénou Mélèkh Haolam Acher Kidechanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhania’h Téfilines ».
Il est préférable de prononcer la bénédiction debout. On ne parle pas entre la pose des Téfiline du bras et ceux de la tête.
Puis on met les Téfiline de la tête en veillant à placer le boîtier exactement à la racine des cheveux, sur la fontanelle, entre les yeux.
Ensuite on serre la lanière autour du majeur et de la main (se renseigner auprès d’une personne compétente pour la manière exacte).
On met la main devant les yeux et on récite le Chema : « Chema Israël, Ado-naï Elo-hénou Ado-naï E’had, (puis à voix basse) Barou’h Chem Kevod Mal’houto Léolam Vaèd ».
On enlève d’abord ceux de la tête puis ceux du bras.
Un gaucher met les Téfiline sur le bras droit.
On peut mettre les Téfiline depuis le lever du soleil jusqu’au coucher du soleil.

F. L. (d’après Rav Shmuel Bistritzky) – Hamitsvaim Kehala’ha)
De Recit de la Semaine
Traduire le traducteur

«Oui, insista Mme Robin Dixon, journaliste au Los Angeles Times. Oui, je veux me rendre dans la ville de Loubavitch ! Sept heures de voiture depuis Moscou ? Pas de problème, cela ne me décourage pas !»
Rav Avraham Berkowitz était impressionné par cette détermination : il est le directeur exécutif de la Fédération des Communautés Juives, émissaire – avec son épouse Léa – du Rabbi de Loubavitch à Moscou. Il était donc l’homme de la situation, celui à qui il convenait de s’adresser pour une telle demande. La journaliste avait annoncé que son journal souhaitait présenter un dossier sur la résurrection du judaïsme en Russie.
«Mes premières recherches m’ont guidée tout droit vers ‘Habad, raconta-t-elle. Il semble que votre mouvance soit le moteur le plus dynamique de la vie juive en Russie aujourd’hui. Le dévouement et le succès de ses émissaires m’ont intriguée et, une fois que j’ai découvert que tout cela a commencé dans la petite ville de Loubavitch, à la frontière du Belarus, il y a deux cents, trois cents ans, j’ai décidé qu’une visite dans ce village pouvait me procurer le cadre de mon dossier».
Rav Berkowitz ne voulut pas refroidir son enthousiasme mais il était sceptique : qu’y avait-il à voir dans cette ville minuscule, arriérée, dont les rues n’étaient même pas pavées ? La seule présence juive dans ce village est constituée de gens venus prier auprès des tombes des Rabbis de Loubavitch inhumés là-bas. Que pouvait-il montrer à cette journaliste à part le modeste musée érigé non loin du cimetière ?
Finalement Rav Berkowitz eut une idée : on était en été 2001. Au printemps de cette année, des dizaines d’étudiants de Yechiva s’étaient rendus en Russie pour organiser le Séder de Pessa’h dans des communautés isolées. Les étudiants avaient établi un contact avec les enfants juifs de la région de Smolensk, tout près de Loubavitch et avaient organisé une colonie de vacances à leur intention dans une école publique de Loubavitch. Oui, cette colonie de vacances serait l’endroit idéal à montrer à Mme Dixon : l’illustration la plus parlante du renouveau de la vie juive en Russie.
Le voyage fut planifié. Quand la voiture vint prendre Rav Berkowitz et Mme Dixon, ils y rejoignirent le photographe et un Russe qui travaillait pour le Los Angeles Times comme traducteur et chercheur. Rav Berkowitz leur demanda, au cours de la conversation, quelles étaient leurs convictions religieuses. Tous deux déclarèrent qu’ils n’étaient pas juifs ; le traducteur s’appelait Yasha Ryzhak et fréquentait l’église russe orthodoxe.
Conscient que l’article serait lu par un vaste public et sachant qu’une longue route les attendait, Rav Berkowitz entreprit d’expliquer l’histoire, la philosophie et le vaste cadre des activités du mouvement Loubavitch. Il en raconta les origines dans le village de Loubavitch dont le nom même signifie : «La ville de l’amour fraternel». Tout en l’écoutant attentivement, Madame Dixon prenait des notes tandis que Yasha posait de nombreuses questions. Quelque chose dans cette curiosité dépassait la simple demande de renseignements.
A un moment, Yasha déclara soudain : «Je devrais téléphoner à ma grand-mère. Nous approchons de Smolensk et c’est la ville d’origine de ma famille. Je ne m’y suis jamais rendu auparavant et j’aimerais visiter cet endroit !»
Après un bon quart d’heure passé au téléphone avec sa grand-mère, Yasha se tourna vers Rav Berkowitz, bouleversé et confus en même temps : «Monsieur le rabbin ! Ma grand-mère vient de me révéler quelque chose que j’ignorais jusqu’à présent. Quand elle a appris que je me rendais à Loubavitch, elle est devenue très animée et m’a raconté que, durant la guerre, les membres de sa famille avaient falsifié leurs papiers d’identité et avaient changé de noms. Ils étaient d’origine ‘hassidique, les hommes avaient étudié à la Yechiva dont vous nous avez parlé. Son arrière-grand-père s’appelait Zalman Rivkin, d’après Rabbi Chnéour Zalman, le fondateur du mouvement !
Rav Berkowitz était abasourdi et demanda prudemment :
- S’agit-il de votre grand-mère paternelle ou maternelle ?
- C’est la mère de ma mère !
- Dans ce cas, Yasha, selon la Hala’ha, la loi juive, vous êtes juif !
De plus en plus étonné, Yasha n’était absolument pas préparé à cette révélation. Une conversation animée s’ensuivit durant le reste du voyage. Yasha écoutait avec attention mais avait du mal à accepter tout ce que cela impliquait.
A leur arrivée, les visiteurs furent accueillis avec enthousiasme par les enfants de la colonie : ils furent surpris - et ravis - de la facilité avec laquelle ces adolescents qui n’avaient reçu aucune éducation juive préalable, absorbaient les concepts qu’on leur enseignait et se sentaient fiers de leur identité retrouvée.
Dans le petit musée juif érigé non loin du cimetière, Rav Berkowitz désigna un tableau dépeignant les ‘Hassidim qui avaient étudié dans la ville : l’un d’entre eux portait les Téfilines.
- Voilà un ‘Hassid auquel ressemblait sans doute votre grand-père, Yasha. Chaque jour, il mettait certainement les Téfiline.
- C’est impressionnant, effectivement, mais je vous répète que je ne suis pas juif.
- D’après la loi juive, vous êtes juif ! Venez, mettez les Téfiline, ne serait-ce que pour faire honneur à votre arrière-grand-père !
Ce dernier argument l’emporta et, tandis qu’il enroulait les lanières, Yasha retint ses larmes et murmurait. «Comme c’est étrange ! Je ressens soudain que je suis juif !»
Inspirée par cette visite et par toutes les interviews qu’elle avait menées, Madame Dixon écrivit un article qui devait paraître le 12 septembre 2001 dans le Los Angeles Times. Cependant, les terribles événements du 11 septembre repoussèrent tous les articles étrangers à cette actualité à des semaines plus tard. Madame Dixon s’en excusa auprès de Rav Berkowitz dont elle avait mobilisé le temps et l’énergie.
Mais Rav Berkowitz n’était pas déçu. En ce qui le concernait, c’était une Autorité supérieure qui lui avait fait entreprendre ce long voyage à Loubavitch et les effets en avaient été bénéfiques même sans la publicité éventuelle donnée par cet important journal.
Yasha s’appelle maintenant Yaakov ; il s’est documenté sérieusement et sincèrement sur son judaïsme récemment découvert. Il fait dorénavant fièrement partie de la communauté ‘Habad de Moscou.

Yerachmiel Tilles – Malka Touger
« Excuse me, are you Jewish ? »
traduit par Feiga Lubecki