Semaine 30

  • Devarim
Editorial
Le songe d'un jour d'été ?

Un roi avait un fils auquel il fit faire, un jour, un superbe vêtement princier. L'habit était précieux, aussi le roi mit-il en garde l'enfant. "Attention", lui dit-il, "comporte-toi bien de manière à ne pas souiller le merveilleux cadeau que je t'ai fait". Malheureusement, le prince oublia les recommandations de son père et, avant peu, le vêtement fut irrémédiablement abîmé. Le roi aimait tendrement son fils, il décida donc de lui donner une seconde chance. Il lui fit faire un nouvel habit, aussi magnifique que le premier. L'offrant à son fils, il voulut, une fois de plus, attirer son attention sur la responsabilité qui lui incombait. "Ne recommence pas l'erreur de la première fois", lui dit-il, "veille sur ce vêtement avec soin et tu en seras récompensé". Le prince s'y engagea mais sa résolution ne dura guère et, comme précédemment, l'habit fut vite hors d'usage. Le roi eut alors une idée. Il fit faire un nouveau vêtement, le troisième, et le montra à son fils. Mais il ne le lui donna pas, il le rangea soigneusement dans une armoire et dit au prince : "Celui-ci, tu ne l'auras que lorsque tu le mériteras !" Depuis lors, afin que son fils ne désespère pas, le roi lui montre régulièrement le vêtement. Il lui donne ainsi force et courage pour que, le moment venu, il puisse le recevoir et le conserver pour toujours.
C'est en ces termes que la parabole décrit le Chabbat 'Hazon, le "Chabbat de la vision" qui précède immédiatement le jeûne du 9 Av. C'est un Chabbat, nous est-il dit, où chacun reçoit une "vision" : celle du troisième Temple que le Machia'h reconstruira. C'est une vision dont on peut ne pas être conscient mais qui donne force et courage pour ne pas désespérer dans l'obscurité de l'exil, malgré la perte des deux premiers Temples. Elle donne l'élan nécessaire pour continuer le chemin afin que, très bientôt, cela devienne réalité concrète.
Cela ressemble à un beau rêve que l'on ferait les yeux fermés ? Peut-être est-il enfin temps pour chacun de les ouvrir.
Etincelles de Machiah
Dix questions / réponses sur la résurrection des morts (VII)

Question : Qu’arrivera-t-il à ceux qui seront de ce monde lorsque la résurrection des morts interviendra?
Réponse : Eux aussi mourront. Puis D.ieu les ressuscitera immédiatement. Le but de ce processus est qu’aucune trace ne doit rester de l’imperfection de ce monde afin qu’un monde entièrement nouveau puisse apparaître, un univers qui soit, de manière manifeste, l’œuvre de D.ieu. Ce passage, même bref, par la mort permettra ce recommencement.
(d’après “Techouvot Oubiourim”, sec. 11)
Vivre avec la Paracha
Devarim : les mots



Devarim signifie "mots" et c'est le nom de la Parachah de cette semaine, la première lecture hebdomadaire du livre de Devarim, cinquième livre de la Torah. Bien sûr, la Torah toute entière, du moins comme elle nous fut communiquée, à nous êtres humains, est constituée de mots ; mais dans le livre de Devarim, la nature de ces mots prend une signification particulière.
Le livre de Devarim est un discours de Moché, long de trente-sept jours, commençant le 1er Chevat et s'achevant le 7 Adar, jour de sa disparition en l'année 2488 depuis la Création. Dans son discours, Moché récapitule les événements et les lois essentiels rappelés dans les quatre autres livres de la Torah. C'est pourquoi le livre de Devarim est également appelé Michné Torah, "la répétition de la Torah" (le nom d'origine latine Deutéronome signifie ainsi "seconde loi").

Techniquement, Moché écrivit les cinq livres. Mais comme l'expliquent nos Sages, dans les quatre premiers livres, Moché transcrivit tout ce qu'il recevait de D.ieu alors que dans Devarim, il le dit avec "ses propres mots". La distinction apparaît clairement dans le fait que les quatre premiers livres sont écrits à la troisième personne ("Et D.ieu parla à Moché en ces termes") alors que dans Devarim, nous entendons la voix de Moché à la première personne ("à ce moment, D.ieu me dit" etc.).

Néanmoins, Devarim appartient à ce que nous appelons la "Torah écrite", ce qui signifie que non seulement son contenu mais également ses mots et ses lettres sont considérés d'origine divine. Nos Sages expliquent que Moché avait totalement fait abnégation de son ego devant la Volonté Divine, que "la Présence Divine parlait à travers sa gorge", les mots de Moché étant ainsi les propres mots de D.ieu.
En tant que tel, le livre de Devarim agit comme un pont entre la "Torah écrite" et la "Torah orale". La "Torah Orale" inclut le Talmud et les Midrachim, les commentaires et les lois, le Zohar et la Cabbale, et "tout ce qu'un étudiant érudit expliquera devant son maître", tout ce qui a été produit par trente-trois siècles d'érudits étudiant et interprétant la Torah selon la tradition sinaïtique. Dans la Torah Orale produite par des esprits et des bouches moins libérés de leur ego que ne l'était Moché, le contenu est divin mais les mots et les lettres sont humains.
En d'autres termes, il existe deux dimensions à la Torah: une dimension dans laquelle le contenu et son expression sont accordés d'En Haut et une dimension dans laquelle la Sagesse et la Volonté Divines sont "habillées" dans nos propres mots. Et puis, nous avons le livre de Devarim dans lequel les deux convergent: un être humain, Moché, atteint un niveau d'identification avec la Sagesse et la Volonté Divines.


L'homme qui parle

Il en va de même, à un certain niveau, chaque fois que nous ouvrons la bouche.

Les anciens philosophes se réfèrent à l'être humain comme à celui qui est doté de la parole, et personne n'a encore trouvé une meilleure définition de notre race "parlante". Nous aimons parler. Observez les explications sur nous-mêmes dans lesquelles nous nous engageons interminablement, les conversations perpétuelles que nous nous sentons obligés de tenir, les millions de mots déversés chaque jour dans chaque media imaginable. Pourquoi ce désir insatiable de tout mettre dans des mots, comme si rien n'existait véritablement avant d'être exprimé et développé dans une longue série de sons humains ?

Parce que, nous disent les maîtres 'hassidiques, il n'y a rien que l'homme aime plus que de jouer à D.ieu.
D.ieu le fit : Il créa par la parole. Il dit: "que la lumière soit!" et la lumière fut. Il dit "que les eaux se rassemblent et que la terre se révèle!" et les océans et les continents furent créés. Mais l'homme contemple la création de D.ieu et la voit comme quelque chose qui doit encore être formé, qui manque encore de définition. Alors il parle et parle sans cesse, catégorisant, quantifiant et qualifiant le monde de D.ieu dans un effort pour lui donner un sens et un but.
Bien sûr, des différences existent. D.ieu est infini et omnipotent ; nous sommes finis et faillibles. D.ieu créa la lumière par la parole, nous avons la possibilité de la définir en termes de luminosité ou d'obscurité. Nous pouvons par les mots transformer les continents en pays et provinces d'une communauté mondiale productive ou nous pouvons en faire des frontières d'animosité et de luttes.
Mais c'est là "le partenaire dans la création" que D.ieu désire: un partenaire qui est capable de détruire comme de construire. Un partenaire indépendant, libre dont les choix lui appartiennent et donc entièrement sous sa responsabilité et son accomplissement, parce que D.ieu voulut de véritables partenaires dans Son entreprise, et non une équipe d'employés et de coursiers.

Passer au niveau supérieur

Mais D.ieu fit encore plus. Non seulement Il soumit Sa création à la verbalisation humaine mais Il mit également Sa Torah, Ses propres pensées et désirs, dans des mots humains et compréhensibles et puis Il nous invita dans le processus de verbalisation de Sa Torah .

Parce que si nous sommes Ses partenaires, il nous faut l'être pour tout. Un véritable partenaire ne fait pas remplir son rôle dans le déroulement et le développement de l'entreprise mais il participe également à son projet, à son mode opératoire, à ses lois et ses principes.
Ainsi D.ieu accorda-t-Il à l'être humain l'esprit et la parole, un moyen non seulement de former Son monde mais également de participer à la formulation de la Torah, lois et plan de la création.

Ainsi naquit Devarim, le livre des mots.
Le premier à recevoir cette mission fut Moché qui l'accomplit si parfaitement que sa "contribution" devint l'un des cinq livres qui forment le cœur de la Torah. Et l'accomplissement de Moché contient les semences qui donnent à tous les partenaires humains suivants la possibilité d'articuler la Sagesse Divine.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 9 Av ?

Le 9 Av commémore de tristes dates de l'histoire juive, comme l'épisode des explorateurs (Nombres 13), de nombreux pogromes, et en particulier la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains.
Les garçons à partir de 13 ans et les filles à partir de 12 ans doivent jeûner depuis la veille (cette année lundi soir 26 juillet 2004 à 21h30, horaire de Paris) jusqu'au soir (cette année mardi soir 27 juillet 2004 à 22h29). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un rabbin compétent à propos du jeûne. On ne se lave pas, sauf les doigts le matin, ou pour des raisons d'hygiène. On ne met pas de chaussures en cuir : c’est la raison pour laquelle on ne prononce pas la bénédiction « Chéassa Li Kol Tsorki », (« Qui a comblé tous mes besoins »). On n'étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple).
Jusqu'au milieu de la journée de mardi (environ 13 h 30, 14h) on ne s'assoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour, sauf aux personnes qui ont oublié qu'on ne se salue pas le 9 Av.
Lundi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E'hah). Mardi matin, on fait la prière sans Talit ni Téfilines, et on lit les « Kinot » et encore une fois le livre des Lamentations. Jeudi après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min'ha et on rajoute le passage « Na'hem » (« Console les endeuillés de Sion ») dans la bénédiction : « Boné Yerouchalayim ». On assiste à un Siyoum (conclusion de l’étude) du traité talmudique « Moèd Katane » ou on l’écoute à la radio juive (94.8 FM). Mardi soir, on se lave les mains rituellement sans bénédiction. On remet des chaussures normales avant de manger. On pourra faire lessive, couture et repassage et manger de la viande à partir du mercredi 28 juillet à 14 h.
Les sept Chabbat qui suivent le 9 Av sont appelés des Chabbat de consolation.

F. L.
De Recit de la Semaine
LE MONDE DE VERITE

Un soir, très tard, j’ai reçu un coup de téléphone d’un certain M. Lugassy. « Monsieur le rabbin, je sais que nous ne nous sommes rencontrés qu’une fois il y a des années, mais vous êtes le seul rabbin que je connais et j’ai besoin de votre aide. Une de mes clientes, une Juive, vient de perdre son père ce soir. Or celui-ci, avant de mourir, avait demandé à être incinéré. C’est un ancien combattant et la société à laquelle il était affilié accepte de couvrir les frais de la crémation, puisque telle était sa volonté, mais ne prendra pas en charge les frais d’un enterrement. J’ai dit et répété à ma cliente que l’incinération est contraire à la loi juive mais elle estime qu’elle doit honorer les dernières volontés de son père. De toute manière, la famille n’a pas de quoi payer un enterrement ».
Il était près de minuit quand je suis arrivé à la porte de la famille en deuil. J’ai expliqué l’importance d’un enterrement juif. J’ai ajouté que, très certainement, le défunt avait demandé l’incinération parce qu’il ignorait combien c’est interdit par la Hala’ha, la loi juive. « Votre père se trouve maintenant dans le Monde de Vérité. Pensez à ses souhaits tels qu’ils sont maintenant. Je vous garantis que, de là où il est, il comprend les choses différemment ».
Autant j’étais passionné par ma plaidoirie pour un enterrement en bonne et due forme, autant la famille restait intraitable quant à la nécessité d’honorer les « derniers vœux terrestres » du père. Cela dura plus d’une heure, j’avais exposé tous les arguments auxquels j’avais pensé, rien ne marchait. Finalement, je décidai de téléphoner à un bénévole, membre de la « ‘Hévra Kadicha », la société qui s’occupe des derniers devoirs : peut-être trouverait-il des mots plus convaincants que les miens. Voici ce qu’il me dit : « Expliquez-leur que la tragédie de l’holocauste a consisté en trois drames : combien de Juifs ont été assassinés, comment ils ont été assassinés et le fait que la plupart d’entre eux n’ont jamais été enterrés. Comment peut-on volontairement dénier à un Juif l’enterrement que tant des nôtres n’ont pu obtenir ? Que l’enterrement auquel vous allez procéder soit un hommage à l’un des six millions de nos martyrs qui n’ont jamais eu l’honneur et la dignité d’une inhumation selon les règles du judaïsme ! Ne les laissez pas ajouter encore une infamie, celle de la crémation volontaire, à la tragédie ! »
Tremblant, je raccrochai le combiné, me tournai vers la famille et répétai ce que je venais d’entendre. Au fur et à mesure de mon argumentation, la résistance de la famille s’affaiblit. Leur sentiment juif avait refait surface et ils avaient réalisé qu’un enterrement cachère n’était pas une option mais une de leurs obligations filiales envers leur père, envers son peuple.
Mais il restait un détail à régler : qui paierait ? Bien qu’ils aient été très touchés par mes paroles, ils affirmèrent qu’ils n’avaient pas de quoi payer.
Il était maintenant deux heures du matin. Je leur promis que, d’ici le lendemain matin, j’aurais réuni la somme nécessaire et je pris congé non sans avoir fait transférer le défunt dans les locaux de la ‘Hévra Kadicha, qui ferait réciter des Psaumes à son chevet toute la nuit. Le lendemain, j’appris que la communauté disposait de fonds pour les obsèques des indigents : j’en informai donc la famille et ajoutai que l’enterrement pourrait se faire le jour-même.
En discutant de la cérémonie, j’expliquai que les prières seraient prononcées devant la tombe. La famille insista pour que le service religieux soit célébré dans une synagogue. Or cette dépense n’était pas comprise dans le forfait alloué par la caisse de bienfaisance. La famille insista et posa même un ultimatum : synagogue sinon incinération ! Destabilisé par cette demande, je me repris et promis que je parviendrais à obtenir les deux milles dollars nécessaires, pour un homme que ni moi, ni la communauté n’avions connu ! Je téléphonai à plusieurs donateurs : aucun d’entre eux ne refusa de participer à cette Mitsva. Un Juif devait être enterré de façon cachère et chacun se sentit concerné.
Le lendemain la famille et les amis se rassemblèrent dans l’oratoire et rendirent un dernier hommage à un homme qui, grâce à la Providence divine et grâce à l’amour et la solidarité d’autres Juifs, avait mérité d’être enterré comme il se doit.

Rav Ruvi New
(Inside out Magazine – Le’haïm)
traduit par Feiga Lubecki