Samedi, 25 octobre 2025

  • Noa’h
Editorial

 Contre vents et marées

Quand les fêtes se sont achevées, c’est comme une impression étrange qui est descendue sur chacun : le monde a repris sa place. Les fêtes ont été le temps de l’élan, une sorte de saut vers le ciel, vers tout ce qui nous dépasse, et, quand elles se sont terminées, le quotidien est réapparu dans sa pleine puissance. Mais est-ce vraiment le même quotidien, le même monde dans lequel nous retournons ? Après les expériences spirituelles infinies que nous venons de vivre, cela ne peut pas être le cas. Alors, regardons le texte qui rythme la vie, la nôtre autant que celle de l’univers : dans le déroulé de la Torah, nous voici revenus à l’histoire de Noé et du déluge.

Comment ne penserait-on pas immédiatement à ce qu’il nous est donné de vivre aujourd’hui, individuellement et collectivement : un véritable déluge de mots et d’invectives, d’événements et d’épreuves. Sur tous les continents, c’est comme une tempête qui se lève contre tout ce qui est bon et juste, et que chacun, à quelque nation qu’il appartienne, s’était pourtant habitué à considérer comme tels. Comme au temps de Noé, tout ce qui retenait, jusqu’ici, le déchaînement des éléments semble s’être ouvert pour laisser passer leur frénésie. Au-delà de la constatation, facile, de la catastrophe, c’est l’attitude de Noé qu’il convient ici de retenir : sans désemparer, il construit un refuge, que l’on appellera une arche. Et, confiant dans la Parole Divine, il y monte avec sa famille et tout ce qui, dans ce monde en perdition, doit être sauvé du déferlement.

Il faut se représenter cette histoire : un simple bateau, jouet des flots tumultueux, emporté au gré des éléments hors de contrôle. Mais le bateau tient. C’est un authentique refuge et, une fois que tout sera terminé, c’est à partir de ses occupants, qui n’ont jamais perdu espoir, que tout recommencera. L’image est littéralement bouleversante et on n’a guère de peine à imaginer l’éclat radieux du monde lorsqu’il renaît. Nous sommes dans une situation du même type. Les vents soufflent en tempête ? Tout semble se liguer contre le droit et la justice et, bon gré, mal gré, il nous faut affronter… un déluge ? Tout cela peut certes être constaté mais notre arche ancestrale est toujours là : la Torah, ses commandements. Ils sont le refuge ultime qui fait de notre pérennité une éternité. Fidèles à nous-mêmes, heureux d’être ce que nous sommes, les tempêtes ne nous ont jamais effrayés. Rien ne peut vaincre la lumière, et nous en sommes les porteurs.

Etincelles de Machiah

 Quand vient l’arc-en-ciel

La Torah enseigne (Gen. 9:13-15) que c’est après le déluge qu’apparut l’arc-en-ciel. D.ieu le créa en signe d’alliance avec les hommes, promettant qu’Il ne détruirait plus le monde par un tel cataclysme. Quel est donc le lien particulier entre l’apparition de l’arc-en-ciel et le fait qu’un nouveau déluge soit exclu ?

Avant le déluge, les nuages étaient si matériels et grossiers que les rayons du soleil ne parvenaient pas à s’y réfléchir. L’arc-en-ciel était donc impossible. Le déluge eut pour effet de raffiner les éléments constitutifs du monde, permettant ainsi à l’arc-en-ciel de surgir.

L’arc-en-ciel étant donc le signe d’un certain raffinement du monde, il l’est également de la Délivrance. C’est ainsi que le Zohar affirme : « Si tu vois un arc-en-ciel aux couleurs lumineuses, attends la venue de Machia’h ». Car, alors le monde aura atteint un nouveau degré de raffinement et sera digne de cette nouvelle époque.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Noa’h 5721)

Vivre avec la Paracha

 NOA’H

Dans un monde consumé par la violence et la corruption, D.ieu s’adresse au seul homme juste et lui demande de construire une Téva (« arche ») pour se protéger (ainsi que sa famille et des spécimens de chaque espèce animale) du déluge qu’Il va déverser sur la terre.

Après quarante jours et quarante nuits de pluie suivis de plusieurs mois durant lesquels la Téva flottait au-dessus des eaux, celle-ci se pose enfin sur le Mont Ararat. Noa’h constate que la terre a complètement séché (trois cent soixante-cinq jours après le début du Déluge) et il obéit à l’ordre de D.ieu de sortir de l’arche et de repeupler la terre.

Noa’h construit un autel et offre à D.ieu des sacrifices de gratitude et D.ieu jure de ne plus jamais détruire l’humanité. Il fait naître un arc-en-ciel comme signe de cette nouvelle alliance.

D.ieu donne également à Noa’h sept lois destinées à l’humanité entière.

No’ah, devenu vigneron, est intoxiqué par l’alcool. Deux de ses fils, Chem et Yaphèt sont bénis pour l’avoir recouvert dans sa nudité. Le troisième fils, ‘Ham, est puni pour lui avoir manqué de respect.

Les descendants de Noa’h défient le Créateur et construisent une tour, à Babel, pour affirmer leur invincibilité. D.ieu mêle alors tous leurs langages si bien que, faute de se comprendre, ils abandonnent leur projet et s’éparpillent sur la terre, se séparant en soixante-dix nations.

La fin de la Paracha Noa’h énonce la chronologie des dix générations séparant Noa’h d’Avram et le voyage de ce dernier depuis son lieu de naissance Our Kasdim, vers ‘Haran, sur le chemin de la terre de Canaan.

Deux tragédies

Deux tragédies relient les dix générations qui se sont succédé de Noa’h à Avraham. La première est le Déluge, qui anéantit l’ensemble de la population du monde à l’exception de Noa’h, de sa famille proche et des animaux embarqués dans l’Arche. La seconde tragédie concerne la destruction de la Tour de Babel ainsi que la dispersion subséquente des nations.

En introduisant ces deux événements avant le récit d’Avraham à la fin de la Paracha de cette semaine, la Torah entend souligner qu’Avraham, en tant que père fondateur tant physique que spirituel du Peuple juif, renversera les deux formes de mal qui ont marqué ces épisodes tragiques.

Maux opposés

Pour comprendre le rôle d’Avraham dans la lutte contre les forces ayant conduit au déluge et, plus particulièrement, à l’échec de la Tour de Babel, il convient d’analyser les causes sous-jacentes de ces événements. 

Une réflexion approfondie révèle que ces deux catastrophes reposent sur des causes diamétralement opposées. Alors que le déluge résultait de la décadence morale du monde, caractérisée par un mépris total pour la propriété d’autrui, la génération de la Tour de Babel s’efforça paradoxalement de remédier à la division héritée de leurs ancêtres « antédiluviens ». En érigeant une ville et une tour, ils cherchaient à garantir leur unité perpétuelle. L’unité constituait leur devise. Cependant, cette initiative suscita également le mécontentement de D.ieu.

Unité imparfaite

Il convient de souligner que la vertu inhérente à leur intention d’unification n’a pas échappé à nos Sages lorsqu’ils affirmaient que « Avraham reçut leur récompense », suggérant ainsi qu’ils méritaient une certaine rétribution. Cependant, il est également manifeste que cette unité était entachée et qu’ils étaient donc incapables d’en récolter les fruits pour eux-mêmes. Cette récompense fut plutôt conservée et finalement attribuée à Avraham.

L’unité constitue une qualité noble et une vertu essentielle. Elle représente le contenant de toutes les autres bénédictions, comme l’ont déclaré nos Sages : « S’il y a la paix, tout est là ». Néanmoins, il semble que la paix instaurée par les constructeurs de la Tour de Babel présentait un défaut intrinsèque.

Quatre types de paix

Le Talmud évoque la manière dont « les Sages de la Torah apportent la paix au monde ». Il est intéressant de relever que cette affirmation est mentionnée à quatre reprises distinctes dans le Talmud. Un commentateur du XIXe siècle, Arou’h Lener, interprète ces quatre occurrences comme correspondant à quatre niveaux ou applications différentes de l’idéal de la paix. 

Ces quatre niveaux se définissent comme suit : la paix entre un homme et un autre, la paix entre un époux et son épouse, la paix entre le corps et l’âme, ainsi que la paix entre l’être humain et D.ieu.

La paix entre l’homme et Dieu : le fondement

En répétant cette affirmation à quatre reprises, nos Sages suggèrent probablement que la paix véritable et durable ne peut être complète que si elle n’est pas un « fragment » de paix mais une paix dans son intégralité, c’est-à-dire aux quatre niveaux fondamentaux, qui reposent sur la paix entre l’individu et D.ieu.

Une relation saine avec D.ieu permet alors de prendre conscience de notre nature divine, celle de notre âme spirituelle. Cette prise de conscience incite à instaurer une connexion harmonieuse entre le corps et l’âme.

En l’absence de cette réalisation, le corps et l’âme se comportent comme des adversaires. Certains individus cherchent à infliger à leur corps des pratiques rigoureuses afin d’en atténuer la résistance face à la volonté de leur âme, tandis que d’autres accordent une attention excessive aux besoins corporels. Toutefois, lorsque la personne entretient un lien authentique avec D.ieu par l’accomplissement des Mitsvot, cela lui permet d’établir un équilibre adéquat entre le corps et l’âme. Selon l’enseignement du Baal Chem Tov, il ne s’agit pas de punir le corps, mais plutôt d’amener celui-ci à fonctionner en harmonie avec l’âme.

Par extension, on comprend qu’il existe également une dimension divine au sein du mariage ; homme et femme deviennent ainsi des instruments d’une énergie divine combinée qui génère une force spirituelle plus intense que celle produite par un individu seul.

Comme l'affirme le Talmud, les termes « Ich » (homme) et « Ichah » (femme) contiennent à la fois le Nom de D.ieu et le mot désignant le feu, « Ech ». Lorsque la présence divine est manifeste parmi eux, ce feu se transforme en une passion puissante et ardente. À l'inverse, en l'absence de cette présence divine, ce même feu peut générer de la colère destructrice et de l’hostilité.

En concentrant notre attention sur nos énergies divines, nous réalisons que les éléments qui nous différencient des autres, notamment nos préoccupations corporelles, sont insignifiants comparés aux enjeux spirituels qui nous unissent. Cela favorise une unité accrue, ainsi que des liens d'amitié et d'amour. Comme l'explique Rabbi Chnéor Zalman dans le Tanya : lorsque l'accent est mis principalement sur l'âme comme influence principale, il devient plus aisé d'aimer autrui.

Il est désormais possible de comprendre pourquoi la paix et l'unité instaurées par les bâtisseurs de la Tour de Babel ne pouvaient perdurer. En effet, elles n'étaient pas fondées sur un respect des dimensions spirituelles de l'humanité qui nous rassemblent ; elles répondaient plutôt à un désir d'autoglorification exprimé par leur volonté « de se faire un nom ». Cette paix limitée et superficielle était donc vouée à ne pas durer.

L’héritage d’Avraham

L’héritage d’Avraham réside dans sa capacité à percevoir la symbiose entre la conscience de D.ieu et toutes les formes de paix. La génération du déluge a rejeté le concept même de bonté et de sollicitude envers autrui, tandis que celle de la tour de Babel a tenté de remédier à cette situation en mettant l’accent sur la nécessité d’unité. Toutefois, seul Avraham a compris qu’il est impossible de dissocier ces deux dimensions.

Bien qu’Avraham soit reconnu comme celui qui incarna justice et droiture, il fut également celui qui prôna l’adoration d’un D.ieu unique. L’amour de D.ieu ne peut être séparé de l’amour du prochain ; toute tentative en ce sens est vouée à l’échec.

La paix à l’ère du Machia’h

Nous sommes désormais en mesure de mieux comprendre les prophéties décrivant l’ère messianique comme une période durant laquelle l’ensemble de l’humanité servira D.ieu de manière unifiée. Cette ère se caractérisera par une conscience pleine de D.ieu, ce qui engendrera naturellement des sentiments d’unité et de paix complets.

Le Machia’h, leader juif annonciateur de cette ère, est décrit par le prophète Yichayahou (Isaïe) comme étant imprégné à la fois d’une profonde conscience et révérence envers D.ieu, ainsi que comme celui qui instaurera justice et droiture. Il est impossible de dissocier ces qualités ; seule leur combinaison harmonieuse permet une dynamique où chaque vertu valorise et renforce l’autre.

Plutôt que d’appréhender les transformations positives mondiales comme des bénéfices isolés, il convient de considérer le concept d’unité divine comme le fondement essentiel et le pivot central de tous ces changements. À titre d’exemple, le Beth Hamikdach, le Saint Temple que construira le Machia’h, constituera un lieu où l’énergie unificatrice divine sera canalisée vers l’ensemble du monde.

La paix entre les nations s’installera alors, car toutes seront exposées à cet essor unificateur divin dans le monde physique.

Par conséquent, la force destructrice de la jalousie disparaîtra, puisque personne ne percevra autrui comme possédant davantage ; il n’y aura plus de sentiment d’altérité mais plutôt celui d’un partenariat partagé. La clé de ces nombreuses transformations réside dans l’émergence d’une nouvelle relation dynamique entre le monde entier et D.ieu.

L’ensemble de ce processus débute par nos efforts présents visant à promouvoir une unité accrue fondée sur une base véritable et durable : celle de l’Unité divine.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les « Sept Lois des Enfants de Noa’h » ?

Après le déluge, Noa’h et ses enfants reçurent de D.ieu sept lois à appliquer universellement afin que plus jamais le monde ne connaisse pareille catastrophe.

Lors du don de la Torah sur le mont Sinaï, D.ieu répéta ces lois que les Juifs ont donc l’obligation d’enseigner aux non-Juifs quand ceux-ci manifestent le désir de les connaître. Si un non-Juif apprend les détails de ces lois et les applique, non pas parce qu’il les trouve logiques et bénéfiques mais pour obéir à D.ieu, il est considéré comme un « Juste des Nations ».

1) Croire en D.ieu, placer sa confiance en Lui et ne pas adorer d’idoles.

2) Ne pas blasphémer le Nom de D.ieu, Le respecter et Le louer.

3) Ne pas tuer, respecter la sainteté de la vie humaine.

4) Ne pas commettre d’adultère ou toute autre relation interdite ; respecter la sainteté du mariage.

5) Ne pas voler, respecter les droits et la propriété d’autrui.

6) Ne pas consommer la chair d’un animal vivant : éviter la cruauté envers les animaux.

7) Etablir des cours de justice et respecter leurs décisions.

Par ailleurs, au cours des générations, les nations ont adopté d’autres lois :

- Respecter les parents.

- Donner la charité.

- Offrir des sacrifices dans le Temple de Jérusalem.

- Prier.

Ces lois comportent de multiples détails qu’il convient d’étudier minutieusement et de réviser souvent, en particulier à la fin du Michné Torah du Rambam (Maïmonide).

Si toutes les nations du monde se conformaient strictement à ces lois, le monde se porterait beaucoup mieux. Nombre de non-Juifs s’y sont déjà engagés.

 (d’après « The Path of the Righteous Gentile » - Clorfene et Rogalsky)

Le Recit de la Semaine

 Surveille la Bourse…

En 2020, cela faisait dix-huit ans que nous étions en Chli’hout, c’est-à-dire que mon épouse et moi-même nous nous étions installés à Peabody (Massachusetts). La communauté s’était bien développée. Le chiffre dix-huit symbolise la vie et nous voulions placer cette année sous le signe de la vie, en lançant dix-huit initiatives originales dans l’année.

Nous avons réuni le comité avec les principaux donateurs pour leur présenter la liste que nous avions établie : par exemple envoyer à tous les fidèles une Kippa avec le logo de la synagogue ou encore sponsoriser des sets de Quatre Espèces pour la fête de Souccot, des Matsot pour Pessa’h etc. Tout à la fin de la liste, j’avais indiqué : un nouveau Séfer Torah. Le fait est que notre Beth ‘Habad (centre communautaire Loubavitch) possédait trois rouleaux de la Torah, chacun d’entre eux nous avait été légué par une synagogue en manque de fidèles et qui n’en avait donc plus l’usage. Mais j’estimais qu’au bout de dix-huit ans, il serait plus honorable de posséder un Séfer Torah tout neuf, qui aurait été écrit spécifiquement pour notre communauté.

David, qui avait déjà généreusement participé à l’achat de notre Beth ‘Habad, consulta la liste et demanda :

- Combien coûte un Séfer Torah ?

Il faut savoir que l’écriture d’un Séfer Torah prend pratiquement un an : un scribe qui a bien étudié les lois se procure du parchemin spécialement travaillé et recopie méticuleusement, avec une encre spéciale, les mots transmis de génération en génération depuis le Don de la Torah sur le mont Sinaï, il y a plus de trois mille trois cents ans. Un Séfer Torah coûte donc très cher et je mentionnai un prix approximatif car, de fait, je n’en avais jamais acheté... David sourit :

- Je ne suis pas un grand érudit mais je sais que la première Mitsva de la Torah est de mettre des enfants au monde et la dernière, c’est d’écrire un Séfer Torah. J’ai déjà accompli la première Mitsva puisque j’ai des enfants, D.ieu merci. Ne vous inquiétez pas, j’ai aussi accompli de nombreuses Mitsvot entre les deux (la Torah en compte 613, n’est-ce pas) mais je voudrais aussi m’acquitter de la dernière. Écoutez-moi bien, Monsieur le Rabbin : je possède actuellement des actions chez Tesla mais le résultat n’est pas encore à la hauteur de mon investissement. Je vous promets que, dès qu’elles atteindront 900 points, vous aurez votre Séfer Torah !

Je ne m’étais jamais autant intéressé à la bourse que les semaines qui ont suivi : tel un vautour, je scrutai ou plutôt je dévorai les pages « finances » du journal local, consultai les prévisions, essayai de comprendre le jargon d’un milieu dont j’ignorai les codes. La fusée Space X de Tesla fut lancée et Hugh prédisait que, dès le lundi suivant, les actions de Tesla atteindraient les 900 points. Effectivement, les actions grimpèrent en flèche après le lancement réussi mais la Bourse ferma lundi après-midi avec Tesla à 898 points…

- Alors ? demandai-je, un peu déçu, à David…

- C’est plié ! Vous aurez votre Séfer Torah !

Et il ajouta avec un sourire amusé :

- Je propose qu’on l’appelle le Tesla Séfer Torah !

Rav Nechemia et Baila Raizel Schusterman - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki