Semaine 44

  • Noa’h
Editorial
En avant !
«Allons, voilà qui est fait !» dira le pragmatique. «Il est temps de se remettre au travail» dira le matérialiste. «Une de plus et rien de changé !» dira le cynique. Les fêtes sont passées, l’année est à présent bien engagée et le retour au monde peut sembler difficile. Toutes ces réactions sont, de fait, bien compréhensibles à défaut d’être totalement légitimes. Nous venons de vivre un mois différent des autres. Chargé de célébrations et surtout d’expériences spirituelles exaltantes, il a été comme un grand voyage. Et ce long parcours nous a sorti de l’espèce de grisaille ouatée qui, trop souvent, finit par constituer le quotidien. Mais voici que tout cela s’efface peu à peu à l’horizon. Voici qu’au mois de Tichri succède celui, sans fêtes, de ‘Hechvan. Et ce brutal contraste crée une pesanteur presque inquiétante. «Tout çà pour çà ?» a-t-on envie de dire. Tout cet effort et toutes ces grandeurs, tout ce vécu enthousiaste pour revenir, par la force des choses, à une morosité oubliée ? Et si une autre voie était possible ?
Une ancienne coutume veut que, lorsque les fêtes s’achèvent, on proclame dans la synagogue le verset : «Et Jacob partit sur son chemin». Etonnant comme de simples phrases peuvent en dire long… Jacob, notre ancêtre, le Juif emblématique, reprend son voyage dit-on. Il s’est arrêté un moment mais, conscient de la nécessité de le poursuivre, il a repris la longue route. Il sait qu’elle pourra être difficile, semée d’embûches mais qu’il lui faut l’emprunter. Car elle est LE chemin, et surtout le sien. C’est ainsi qu’au sortir des fêtes nous avançons. Après la pure joie du spirituel, ce sont tous les chemins du monde qui s’ouvrent devant nous et il nous faut y revenir, les suivre car ils sont notre chemin. Par eux, nous élevons tout ce qui nous entoure. Par notre contact avec la matière, nous en faisons, au travers de la pratique des commandements de D.ieu, un lieu où la Divinité devient perceptible.
Alors, tel Jacob, nous pouvons nous interroger : d’où prendre une telle force ? Qui nous donnera l’assurance indispensable au voyage, la patience et la sûreté pour le vivre ? A Jacob, D.ieu dit : «N’aie pas peur Jacob, Mon serviteur». Et cette phrase chante à nos oreilles. Certes, le monde a de quoi impressionner. Certes, nous y voyons, et parfois y vivons, des événements qui vont de l’incompréhensible à l’inacceptable. Pourtant, nous ne connaissons pas la peur. Nous avançons sur notre chemin, pénétrés de la force donnée par les fêtes de Tichri, toujours en nous, à notre portée dès que nous le souhaitons. Nous n’avons pas peur et ce courage seul est, en soi, un signe de victoire. Le monde est grand, le quotidien puissant mais nous savons qu’il ne demande qu’à être illuminé. L’année a commencé ; la vie est en nous et la Délivrance notre porte.
Etincelles de Machiah
Quand vient l’arc-en-ciel
La Torah enseigne (Gen. 9:13-15) que c’est après le déluge qu’apparut l’arc-en-ciel. D.ieu le créa en signe d’alliance avec les hommes, promettant qu’Il ne détruirait plus le monde par un tel cataclysme. Quel est donc le lien particulier entre l’apparition de l’arc-en-ciel et le fait qu’un nouveau déluge soit exclu ?
Avant le déluge, les nuages étaient si matériels et grossiers que les rayons ddu soleil ne parvenaient pas à s’y réfléchir. L’arc-en-ciel était donc impossible. Le déluge eut pour effet de raffiner les éléments constitutifs du monde, permettant ainsi à l’arc-en-ciel de surgir.
L’arc-en-ciel étant donc le signe d’un certain raffinement du monde, il l’est également de la Délivrance. C’est ainsi que le Zohar affirme : «Si tu vois un arc-en-ciel aux couleurs lumineuses, attends la venue de Machia’h». Car, alors le monde aura atteint un nouveau degré de raffinement et sera digne de cette nouvelle époque.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Noa’h 5721) H.N.
Vivre avec la Paracha
Les trois générations de Noa’h

“Voici les chroniques de Noa’h : Noa’h était un homme juste et parfait dans sa génération” (Genèse 6: 9).
“Dans sa génération” mais dans les autres générations, comme celles d’Avraham, Moché et David, il ne compte pour rien (Zohar 1ère partie, 60a).

En d’autres termes, la vie et l’œuvre de Noa’h incluent des éléments qui devaient plus tard être compris dans les vies du premier Juif, de celui qui devait transmettre la Torah à l’humanité et du premier roi d’Israël.
Avraham, Moché et David représentent trois jalons dans la réalisation de la mission de l’homme dans la vie. Avraham fut le premier à démontrer qu’un être humain seul pouvait se charger du monde entier et persévérer. Avraham était né dans un monde où la vérité du D.ieu Un avait été oubliée, et où tous adoraient les idoles de bois et de pierre. Seul, sans rien que son propre esprit pour le guider, il en vint à réaliser que le monde entier se trompait. Seul, il défia la puissance des rois et les conventions de la société et fut prêt au sacrifice de sa vie au nom de ses convictions. Il fut “Avraham l’hébreu”, surnommé ainsi parce que le monde entier se tenait d’un côté et lui de l’autre.
Mais la vie est plus que se tenir contre un monde adverse. La Torah est le “plan divin de la création” et notre mission dans la vie est de placer le monde sur ses fondations divines. C’est pourquoi le Talmud déclare que “depuis le jour où le monde fut créé jusqu’au jour où la Torah fut donnée à l’homme au Mont Sinaï, le monde tremblait” son existence même étant nébuleuse et incertaine. Car la base de la création, sa charte et sa raison d’être devaient encore être mises en place. Ce n’est que, lorsque Moché communiqua la Loi divine de la réalité dans un langage accessible à l’homme, que les fondations de l’univers se solidifièrent. Dans la génération de Moché, la relation de l’homme avec son monde entra dans une nouvelle phase. Avec Avraham, le monde était une force qui pouvait résister avec succès. Avec Moché, il était une dynamique à stabiliser, une ressource à développer.

La souveraineté divine
La troisième et dernière phase est celle de l’élévation de la création. La stabilité et le développement ne suffisent pas car le monde est fini et a des facettes multiples. Même dans son état “stable”, sa perfection est limitée et son harmonie n’est qu’une trêve superficielle déchirée de l’intérieur par des forces divergentes. L’objectif ultime n’est pas la civilisation de la terre mais sa sanctification.
Cela sera atteint par Machia’h qui “rendra le monde parfait (comme) le royaume de D.ieu”, inaugurant une ère où il n’y aura pas de famine ni de guerre, de jalousie ni de rivalité… et la seule occupation du monde sera de connaître D.ieu”. Mais le processus fut amorcé par l’ancêtre de Machia’h, le Roi David.
Le sens véritable du mot “roi” (Mélè’h) n’évoque pas simplement celui qui règne et gouverne le peuple, mais celui qui imprègne leur vie de la souveraineté de D.ieu. C’est la raison pour laquelle celui qui nous apportera la Rédemption est appelé Mélè’h Hamachia’h, le “roi oint”. David, le premier roi d’Israël, ouvrit une ère de souveraineté en introduisant la perfection divine dans la création. En fait, le terme “Machia’h” est utilisé à la fois pour David et pour le dernier Rédempteur, ce dernier étant appelé “Machia’h, fils de David” non seulement en référence à son ancêtre, mais aussi pour impliquer qu’il complète ce que David a commencé.
Tout comme Avraham, Noa’h maintint son intégrité dans une génération perverse. A une époque où “la terre était remplie de violence” et où “toute chair corrompait son chemin sur la terre”, Noa’h résista à cette influence et tenta même d’appeler sa génération à s’amender et éviter la catastrophe. Selon les propos de D.ieu à Noa’h: “tu es le seul que J’ai vu juste devant Moi dans cette génération”.
Tout comme Moché, Noa’h établit les fondations pour un monde nouveau, un monde qui possédait une stabilité bien plus grande que celui qui précédait. En émergeant de l’Arche, il engendra et construisit le monde post-diluvien et obtint de D.ieu la promesse de ne plus jamais détruire les œuvres de la nature.
De plus, il eut un avant-goût de la perfection messianique. Son Arche, qui flotta une année entière au-dessus des eaux du déluge, était un monde dans lequel toutes les espèces, y compris celles qui sont d’ordinaire des proies les unes pour les autres, résidaient en parfaite harmonie.

Le temps présent
Néanmoins, Noa’h est un homme juste dans sa génération, mais “ne compte pas” quand il est comparé aux accomplissements d’Avraham et Moché et David.
Les fautes de la génération de Noa’h étaient la violence, le vol et la promiscuité interdite. Noa’h reconnut (comme tout homme l’aurait fait) l’auto-destruction dans leur comportement et ne voulut y prendre aucune part. Il reconnut aussi qu’un tel comportement mettait en péril la survie de la terre. Le monde qu’il établit au sortir de l’Arche était plus stable parce qu’il était fondé sur les principes du respect mutuel.
Par contre, la confrontation d’Avraham avec le monde ne consista pas en un comportement très civilisé face à un comportement trop peu civilisé, mais avec le paganisme face à la croyance en un D.ieu Unique, avec une vie tournée vers soi face à une vie dévouée au service du Créateur.
Moché établit le monde non avec un code pour rendre la vie civilisée mais avec la Torah dont le but est de servir D.ieu et réaliser Son dessein dans la création. Le Roi David introduisit (et Machia’h accomplira) une dimension surnaturelle d’harmonie et de perfection dans le monde, non pour assurer la continuité de son existence mais pour révéler l’infinie harmonie et la perfection de Son Créateur.
Noa’h était leur ancêtre et précurseur, tout comme l’enfance est l’ancêtre et le précurseur de l’âge adulte. Mais un adulte qui répète les faits les plus impressionnants de son enfance encourra la condamnation claire et non les louanges. Personne ne condamne un enfant de faire ce qu’il faut pour obtenir une récompense ou d’éviter un mauvais comportement par peur de la punition; son égocentrisme est chéri et sa manipulation est acceptée avec un sourire appréciatif. Mais chez un adulte le même comportement est considéré comme égoïste, timoré et immature.
C’est la raison pour laquelle le Zohar parle au présent quand il évoque Noa’h : “mais dans les générations d’Avraham, de Moché et de David, il ne compte pour rien”. Quand la Torah met l’accent sur le fait que Noa’h était un homme juste dans sa génération, cela ne diminue en rien sa grandeur. Au contraire, dans ces jours, quand le monde était dans son enfance spirituelle, ses accomplissements représentaient le point ultime du potentiel humain. La Torah vient plutôt nous dire qu’après les progrès accomplis par Avraham, Moché et David, nous ne devons pas considérer Noa’h comme notre modèle: dans un monde plus mûr, la justesse de Noa’h ne compte plus.
Le Coin de la Halacha
Comment se prépare-t-on pour la prière ?

On aura soin de s’habiller correctement et décemment avant de commencer la prière, à la maison ou à la synagogue.
On a coutume de donner quelques pièces à la Tsedaka (charité) avant la prière : de même, on prononce avant la prière la phrase : «Haréni Mekabel Alaï Mitsvat Assé Chel Veahavta Leréara Kamo’ha» («J’accepte sur moi le commandement positif : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même»). Par cela, on s’engage à fournir tous les efforts possibles pour aimer chacun, quel qu’il soit, quoi qu’il ait fait.
Avant la prière, on vérifie la propreté des lieux mais aussi celle de son corps et de ses vêtements. On se lave les mains, même s’il faut pour cela marcher une certaine distance pour trouver de l’eau.
On s’efforce de prier en communauté – donc à la synagogue – car la prière en communauté est certainement mieux acceptée par le Tout Puissant. Même s’il n’y a pas les dix hommes requis pour la prière en communauté, il est préférable de prier tout seul à la synagogue plutôt qu’à la maison, car c’est un endroit saint.
Rabbi Yehochoua Ben Levi disait : «Il vaut mieux se rendre tôt à la synagogue afin de compter parmi les dix premiers à constituer le Minyane».
Nos Sages déclarent : «Celui qui se rend matin et soir à l’heure à la synagogue, qui y reste aussi longtemps que nécessaire et qui s’y conduit bien méritera une longue vie».
Chacun s’efforcera de trouver une synagogue où il priera de façon permanente ; de même il y priera si possible toujours à la même place, près d’un mur. Celui qui prie à la maison choisira un endroit où il ne sera pas dérangé par les autres membres de la famille.

F. L. (d’après Rav Nissan Mindel)
De Recit de la Semaine
La Bar Mitsva de mon grand-père

J’habite à Moscou mais je m’efforce d’aller au moins une fois par an à Los Angeles pour rendre visite à mes grands-parents.
Ce soir d’août, je leur demandai des nouvelles d’un cousin qui allait bientôt fêter ses treize ans : qu’en était-il de sa Bar Mitsva ? Pouvais-je l’aider dans les préparatifs ?
Grand-mère me jeta un coup d’œil amusé : «Pourquoi te préoccupes-tu de la Bar Mitsva de ton cousin alors que ton propre grand-père n’a jamais célébré la sienne ?»
- Papy ! Tu n’as jamais fêté ta Bar Mitsva ?
(De fait, je n’étais pas vraiment surpris).
Mes grands-parents mènent une vie honnête, droite mais ils ne sont pas pratiquants. Leur fille – ma mère – était devenue pratiquante vers l’âge de vingt ans et, avec mon père, nous avait tous élevés dans l’esprit et l’enthousiasme de la ‘Hassidout de Loubavitch.
Pour moi et mes huit frères et sœurs, nos grands-parents avaient toujours joué un rôle central dans notre vie de famille. Malgré nos différences de culture et de niveau de pratique religieuse, nous trouvions toujours des myriades de façons de communiquer, comme cela devrait se passer dans toutes les familles, avec joie et amour.
Le seul sujet tabou, cependant, était la religion. Par respect, je ne les avais jamais questionnés sur leur niveau d’observance du judaïsme ou tenté de les influencer : ils sont mes grands-parents, mes maîtres et il n’y a pas lieu d’inverser les rôles.
Mon grand-père me rappela qu’en 1997, il m’avait emmené à Encino rendre visite à M. Lionel S. que j’avais rencontré l’été précédent en Alaska. En effet, en juillet 1996, j’avais «travaillé» pour Rav Yossef Greenberg et son épouse, les sympathiques et dévoués émissaires du Rabbi en Alaska. Je me tenais à l’extérieur du centre pour touristes à Anchorage et ma mission consistait à saluer les passagers et les touristes qui débarquaient des paquebots de croisière : certains seraient peut-être intéressés à manger cachère ou à visiter la synagogue durant leur séjour dans cette magnifique province. Certains étaient stupéfaits de rencontrer un Loubavitch en Alaska, d’autres n’étaient pas du tout surpris.
Tandis que je m’approchai avec le sourire d’un homme assez grand, plutôt âgé, et de son épouse, celui-ci me toisa d’un air courroucé et, d’une voix irritée m’ordonna de m’éloigner. Saisi, je décidai néanmoins d’éclaircir le sujet : «Excusez-moi si ma présence vous importune ! Je suis là pour accueillir les Juifs qui visitent l’Alaska».
- Alors trouvez quelqu’un d’autre à déranger ! s’écria-t-il.
Je le regardai droit dans les yeux : «Je présume que c’est ce que je représente – un Juif pratiquant – qui vous dérange. Sans doute un Juif religieux vous a une fois offensé. Racontez-moi ce qui s’est passé afin que moi – un Juif orthodoxe – je ne répète pas la même erreur !»
L’homme se calma, respira profondément et vint s’asseoir avec sa femme et moi sur un banc :
- Je suis né à Londres en 1929, commença-t-il. Mon père servait dans l’Armée britannique contre les Nazis. Avant de se rendre au front, il supplia ma mère de prendre soin de moi et de s’assurer que je célébrerai ma Bar Mitsva. Dès que les Nazis se mirent à bombarder Londres, ma mère et moi nous sommes enfuis à la campagne.
La vie était très dure et ma mère travaillait du matin au soir pour payer le loyer et l’alimentation. Comme elle l’avait promis à mon père, elle m’amena à la synagogue de Cardiff afin que j’y prenne des cours de préparation à la Bar Mitsva. Avec d’autres garçons, je tentai de me concentrer et d’écouter attentivement, sans penser à la guerre et à mon père mobilisé. Après le cours, le professeur informa ma mère que chaque cours coûtait une livre sterling. Ma mère – qui n’avait pas un sou de trop – supplia le rabbin de m’accepter malgré notre pauvreté. Il répondit : «Désolé ! Pas de livre sterling, pas de Bar Mitsva !»
Ma mère se sentit humiliée. Elle me prit par le bras et nous avons quitté la synagogue. Ce fut la dernière fois que je mis les pieds dans une synagogue ! Je n’ai jamais célébré ma Bar Mitsva et le dernier souhait de mon père, qui n’est jamais revenu, n’a pu être accompli !»
Avec ces derniers mots, Lionel éclata en sanglots et je pleurai avec lui. Je ne pouvais trouver des mots de consolation pour la peine que lui et sa mère avaient ressentie. J’imaginai que le professeur ou rabbin avait peut-être une famille nombreuse à nourrir, que lui aussi avait certainement des problèmes d’argent avec la guerre qui affectait le pays. Peut-être avait-il voué son salaire à l’aide aux familles déplacées… Qui sait ? Mais je regardai Lionel droit dans les yeux : «Je suis actuellement un étudiant de Yechiva et je serai peut-être un jour responsable d’une communauté. Je vous promets que si, un jour, des parents affirment qu’ils n’ont pas les moyens de donner des cours de Bar Mitsva à leur fils, je me souviendrai de votre histoire et je m’occuperai gratuitement de cet enfant !»
Lionel était heureux de ma réaction mais je pouvais sentir combien il était encore maintenant blessé, peiné de n’avoir jamais célébré sa Bar Mitsva.
«Lionel ! Venez ! Mettez les Téfiline et fêtons ainsi votre Bar Mitsva, comme votre père l’avait souhaité !»
Enfin !
C’est ainsi que le jeune étudiant de Yechiva et l’homme âgé qui l’avait auparavant presque insulté marchèrent ensemble dans les rues d’Anchorage vers la chambre d’hôtel de Lionel : là, j’eus le privilège d’aider Lionel à mettre les Téfiline pour la première fois de sa vie : enfin il célébrait sa Bar Mitsva !
Lionel était si excité qu’il riait, pleurait, applaudissait… Il téléphona immédiatement à ses enfants pour leur raconter l’histoire de sa Bar Mitsva en Alaska.
Un an plus tard, quand je rendis visite à mes grands-parents à Los Angeles, je demandai à mon grand-père de m’amener en voiture chez Lionel et, en chemin, je lui racontai son histoire.
Après avoir entendu cette histoire de Bar Mitsva si longtemps retardée, grand-père était prêt lui aussi maintenant à rattraper toutes ces années !
De fait, lui aussi n’avait pas été gâté dans son enfance. Il était né orphelin puisque son père était décédé lors de l’épidémie de typhus en 1918. Sa mère, obligée de travailler, l’éleva aussi bien qu’elle put mais il n’avait pas de père pour l’emmener à la synagogue et s’occuper de sa Bar Mitsva.
Je n’avais jamais entendu la suite, je n’avais jamais réalisé que, jusqu’à ce jour, Grand-Père n’avait jamais célébré sa Bar Mitsva.
- Papy ! Demain matin !
- Génial ! s’exclama-t-il. Demain je serai Bar Mitsva !
Le lendemain, le vendredi 10 août 2007, à 6 heures 30, j’aidai mon grand-père de quatre-vingt huit ans à s’envelopper de mon Talit et à mettre les Téfiline sur son bras gauche et sa tête. Il récita consciencieusement les bénédictions et le Chema puis j’eus droit à la plus longue et la plus affectueuse embrassade de mon grand-père tandis que nous chantions en chœur : «Simane Tov Oumazal Tov» et que Grand-Mère essuyait des larmes de joie.
Pour moi, ce fut sans doute le moment le plus inoubliable de ma vie de rabbin : boucler la boucle avec mon propre grand-père.
Mon grand-père téléphona immédiatement à ma mère à Détroit et envoya des mails avec sa photo à mes huit frères et sœurs aux quatre coins du monde. Je lui achetai un écran super large pour son ordinateur en guise de cadeau de Bar Mitsva : ainsi il peut garder le contact avec ses quelques vingt petits-enfants et arrière-petits-enfants pour encore de nombreuses années, en bonne santé.

Rav Avraham Berkowitz,
Directeur exécutif de la Fédération des communautés Juive en C.E.I., Moscou
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki