Semaine 23

  • Nasso
Editorial
Le chemin juste

Le passage de la fête de Chavouot a, une fois de plus, bouleversé notre conception des choses. Une fois de plus, nous avons vécu le Don de la Torah comme un événement de notre temps, dont nous sommes les acteurs et les témoins, bien plus que comme une célébration historique, toute grande soit-elle. Voici que, forts de cette nouvelle conscience, nous reprenons le chemin du monde des hommes, celui du quotidien. Alors, tous les acquis de la fête prennent leur sens et leur puissance. Nous sommes à présent capables de regarder la réalité avec des yeux neufs et de la juger pour ce qu’elle est.

Il est vrai qu’à bien des égards, celle-ci ne présente pas toujours le visage que l’on pourrait souhaiter. Les inégalités comme l’arbitraire sont loin de lui être étrangers et les valeurs morales ne paraissent pas constituer systématiquement sa préoccupation première. Faut-il donc la fuir comme irrémédiablement décevante ? Ou faut-il, au contraire, y vivre en apprenant à la connaître et, peut-être, à s’en accommoder ? Et s’il y avait une troisième voie ?

Alors que le Don de la Torah est encore fortement présent dans notre esprit et notre cœur, l’image de Moïse redescendant du Sinaï, assumant la conduite du peuple juif jusque dans ses plus profonds errements, prend tout son relief. Elle nous dit que, de fait, les choses ne sont pas toujours ce qu’elles devraient être, que le comportement des hommes n’est pas toujours digne de la condition humaine. Mais elle nous dit aussi que celui qui est porteur d’une Parole de Vérité ne désespère jamais et ne renonce à rien. Il sait qu’il a le pouvoir de transformer ce qu’il touche tant est grand l’exemple que, souvent malgré lui, il incarne.

C’est là un enseignement précieux. Certes, chacun ne peut pas être Moïse et son élévation spirituelle reste incomparable. Il est, cependant, plus qu’un symbole, un modèle. Il est celui qui, répondant à la demande de D.ieu, accepte la charge d’un peuple dont il sait qu’il recevra rarement des marques de respect et, plus souvent, des signes d’opposition d’une vivacité à peine tempérée. Mais, connaissant cette réalité, en saisissant tous les contours, il mène son œuvre à bien sans jamais s’arrêter. Il sait où est le but et cette connaissance seule justifie la direction qu’il choisit. N’est-ce pas ainsi que, dès à présent, il nous faut agir dans le monde ? Décidément, le sens nous en est connu ; à nous de tracer le chemin qui convient.
Etincelles de Machiah
Le troisième jour

Le prophète Osée (6:2) annonce : « Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence. »

Les Sages interprètent l’expression « deux jours » comme se rapportant à « ce monde » et au « monde futur ». Quant au « troisième jour », il désigne le « monde de la résurrection » qui suivra la venue de Machia’h.

Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. « Ce monde » représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le « monde futur » représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le « monde de la résurrection » correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera.
(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462)
Vivre avec la Paracha
La porte du choix

Et quand Moché pénétrait dans le Sanctuaire et parlait avec [D.ieu] il entendait la voix s’adressant à lui venant d’au-dessus de la couverture de l’Arche du Témoignage du milieu des deux chérubins (Kerouvim) et elle parlait à lui [seulement] (Bamidbar 7 : 89).

« On pourrait penser que cela (le fait que seul Moché entendait la voix de D.ieu) avait pour cause que la voix était basse. Aussi le verset met-il l’accent sur le fait que c’était «la voix», la même voix qui lui avait parlé à Sinaï. Mais quand elle atteignait la porte, elle s’arrêtait et ne s’entendait pas à l’extérieur du Sanctuaire » (Rachi, ibid.).
L’une des pierres angulaires de la foi juive est le principe selon lequel a été attribuée au Juif la liberté de choisir entre le bien et le mal, entre l’adhésion à sa mission dans la vie ordonnée par D.ieu et la révolte contre elle, voire la négation de l’existence de son Créateur. Comme l’écrit Maimonide, «Si D.ieu avait décrété qu’un homme serait juste ou impie, ou qu’il devrait exister dans l’essence de sa nature ce qui pourrait l’obliger à emprunter une voie spécifique, posséder un trait de caractère spécifique ou faire un acte spécifique… comment D.ieu pourrait-Il nous ordonner, par l’intermédiaire des Prophètes «fais ceci» ou «ne fais pas cela», «améliore ton comportement» ou «ne suis pas la voie des méchants»… ? Quelle place occuperait toute la Torah ? Et selon quels critères de justice D.ieu punirait-Il les vils et récompenserait-Il les Justes… ?
C’est là le sens profond de l’interruption de la Voix divine à la porte du Sanctuaire. Au Sinaï, les mots «Je suis l’Eternel ton D.ieu» résonnèrent à travers tout l’univers, imprégnant chaque créature et chaque création. A ce moment-là, il n’y avait aucune possibilité de douter de la réalité divine ou de ne pas se conformer à Sa volonté. Mais ensuite, le monde se tut et la voix se retira au-dessus de l’Arche du Témoignage qui contient la Torah de D.ieu. Elle se confine alors dans les quatre murs du Sanctuaire qui l’abritent.
Le volume n’en a pas été baissé, la voix n’est pas moins infinie et omnipotente qu’elle l’était au Sinaï. Celui qui s’introduit dans le Sanctuaire entend une voix qui pénètre et imprègne tout, une voix qui ne connaît ni limites ni équivoques. Mais l’on peut choisir de rester en dehors du domaine de la Torah, s’interdire la connaissance et le mode de vie par lesquels D.ieu s’est fait entendre. On peut choisir de rester à l’extérieur, dans le champ du silence de D.ieu imposé par Lui-Même. C’est cette voix qui crée le défi de la vie, faisant de chacune de nos victoires morales un accomplissement significatif et authentique.

Le nazir et le moine.
L’homme le plus puissant de la Bible fut bien entendu Chimchone (Samson). Il vainquit les bêtes les plus sauvages et souleva un stade de ses mains nues. A la fin, Chimchone fut vaincu par une coupe de cheveux : Dalila les lui coupa et il perdit sa force. Pourquoi un acte aussi anodin put-il saper sa force ? La réponse est que Chimchone était un Nazir. Comme nous le lisons dans la Paracha de cette semaine, le vœu sacré du Nazir lui interdit de se couper les cheveux, d’entrer en contact avec un mort et de boire du vin.
A l’issue de sa période de nazirat, le Nazir devait apporter certaines offrandes au Temple. Le Talmud demande pourquoi le Nazir qui avait essentiellement pris sur lui des lois afin de se refreiner de certaines actions et s’était ajouté certaines interdictions, au-dessus de la lettre de la loi, pourquoi donc devait-il chercher le pardon ? Quelle faute avait-il commise ? L’une des opinions talmudiques suggère que le fait même qu’il s’était interdit le plaisir de boire du vin était considéré comme une faute.
Mais pourquoi est-il si grave de s’interdire quelque chose ? Justement parce que D.ieu nous permet de jouir du fruit de la vigne, est-il mal de le décliner ? Suis-je tenu responsable de m’abstenir de tout ce qui est autorisé ? Et si je le fais, ai-je besoin d’un pardon ?
La réponse à cette question relève davantage, semble-t-il, d’un comportement que d’une iniquité criante. Quel est le juste comportement à tenir dans la vie ? Quelle devrait être notre approche face à la création divine et au monde matériel ? Devons-nous nous séparer de la société pour être saints ? Devons-nous rejeter tout ce qui n’est pas entièrement spirituel parce que nous craignons que cela interfère avec notre piété ?
Certaines idéologies prêchent le célibat et révèrent ceux qui se séquestrent à l’abri de l’activité mondaine quotidienne. Ils considèrent le corps comme maculé et le mariage comme une concession loin d’être idéale à la fragilité humaine. Et puis d’autres grimpent sur des montagnes pour s’échapper vers les royaumes spirituels. Les cieux sont bien plus sereins et beaux que les coins de rues sales et les avenues négligées de la vie urbaine.
Le judaïsme voit les choses différemment. Nous ne suivons ni les théologies qui prônent le rejet ni celles qui prônent la fuite. Nous embrassons le monde de D.ieu et nous y impliquons. Bien sûr, il y a des lignes de conduite claires, même des lois et des règlements. Mais dans le cadre de la Torah, nous devons travailler avec l’univers du Tout Puissant. «Au commencement, D.ieu créa le ciel et la terre». La matérialité fait également partie de Son plan vaste et éternel. Ce plan consiste en ce que des êtres physiques, des hommes et des femmes, investissent leur temps, leur énergie, leur richesse et leur sagesse à imprégner de Divinité le monde matériel.
Chaque Mitsva que nous pratiquons atteint ce but. Nous prenons le matériel et le transformons en spirituel, non en le brisant ou en le fuyant, mais en y faisant face et en le moulant en quelque chose de sacré et de significatif.
«Les Juifs n’ont pas de moines» dit-on. Une Yechiva n’est pas un monastère mais une école où l’on enseigne aux étudiants et où on leur apprend à donner de la valeur spirituelle au monde matériel. Ainsi le Nazir, qui, dans sa quête de plus grande spiritualité, trouvait nécessaire, à cause de sa propre faiblesse morale, de prendre de la distance avec ce que le Créateur nous a permis, commettait en quelque sorte une faute. Et son attitude avait réellement besoin d’un pardon.
Le judaïsme nous enjoint de vivre une vie plus élevée, non matérialiste, mais à l’intérieur de ce monde. Plutôt que de permettre à la vacuité d’une société de nous entraîner avec elle, nous lançons le défi de changer cette société et de l’améliorer.
Il nous faut boire du vin mais sans oublier de faire le Kiddouch et de dire Le’haim !
Le Coin de la Halacha
Quelles sont les coutumes à respecter la semaine qui précède le mariage ?

La semaine qui précède le mariage, le fiancé ne sort qu'accompagné, comme un signe d'honneur puisqu'il est comparé à un roi. Une seconde raison de cet accompagnement est qu'une protection spéciale est nécessaire pour éviter tout incident fâcheux dans ces moments sensibles. Ceci s'applique également à la fiancée.
Les deux fiancés évitent de se rencontrer cette semaine, afin de ne pas ajouter à la tension psychologique, si peu de temps avant le mariage. Dans certaines communautés, cette restriction ne s'applique qu'au jour du mariage et serait à comparer avec l'interdiction de manger de la "Matsa" la veille de Pessa'h pour mieux l'apprécier le soir-même.
Les fiancés éviteront de poser ensemble pour le photographe et le cinéaste. Même dans les communautés où ils auront le droit de se voir dans la semaine, il est recommandé de ne pas les laisser non-accompagnés.
Le Chabbat matin avant le mariage, le fiancé est appelé à la Torah afin de lui rappeler que son mariage doit être basé sur les lois de la Torah. On lance alors des raisins secs et des amandes sur le fiancé, pour lui souhaiter d'avoir des enfants (comme les amandiers qui donnent des fruits rapidement) et que ceux-ci soient fidèles à la Torah.
La fiancée n'assiste pas à cette petite cérémonie qui est suivie d'un Kiddouch et d'une collation. Toute la communauté peut, à cette occasion, participer à la joie des mariés, même les personnes qui ne sont pas invitées au mariage.
Dans les communautés séfarades, le jeune marié est appelé à la Torah le Chabbat qui suit le mariage. Certains sortent même un second Séfer Torah où on lit l'histoire d'Eliézer cherchant une femme pour Its'hak, le fils de son maître ; selon Rabbi Ba'haye, ceci doit accentuer l'idée qu'on ne se marie pas pour l'argent, le prestige ou la beauté mais seulement pour les qualités de bonté, de pudeur et de respect des valeurs de la Torah qu'on trouve chez le conjoint.

F. L. (d'après Dr M. Lamm)
De Recit de la Semaine
Le meilleur conseil que m’a jamais donné le rabbin

Durant l’été 2004, Andrew et Sharon finirent par se fiancer et me demandèrent, à moi leur rabbin, si je voulais bien procéder à la cérémonie le 5 décembre 2004. J’étais si heureux pour eux ! «Bien sûr, répondis-je. A condition que vous vous pliez aux quatre exigences de base pour un mariage juif : que les deux partenaires soient juifs ; que les fiancées étudient les lois de la pureté familiale et que la fiancée s’immerge dans un Mikvé (bain rituel) la veille du mariage ; que la nourriture servie au repas de noces soit cachère ; enfin qu’ils n’aient pas été mariés auparavant à moins qu’ils n’aient divorcé avec la procédure du «Guett» (acte de divorce)».
Andrew et Sharon sourirent. De leur côté, cela ne posait aucun problème. Ils entamèrent les préparatifs pour le mariage. Jusqu’à ce que…
Lors d’un entretien privé, Sharon mentionna en passant qu’elle avait une fois été mariée avec un jeune homme juif qu’elle surnommait «l’erreur». Mais leur «vie de couple» n’avait duré que six heures et le tribunal avait immédiatement annulé le mariage, à cause des terribles actions de «l’erreur».
Quand j’entendis cela, je sentis mon estomac se nouer : comment allais-je lui annoncer la dernière chose qu’elle désirait entendre ? J’utilisai la diplomatie : «Je sais que ce que je vais vous dire vous surprendra mais il vous faut un «Guett» ! Que vous ayez été mariée six heures ou six ans, vous êtes toujours considérée comme une femme mariée !»
«Mais le tribunal a annulé mon mariage ! dit Sharon. Monsieur le rabbin, croyez-moi, c’était une erreur !»
«Je suis prêt à vous marier mais comprenez-moi : je ne peux le faire tant que vous n’avez pas obtenu un Guett».
Sharon était atterrée : «Et que se passera-t-il si je ne peux retrouver «l’erreur» ? Serais-je à jamais condamnée au célibat ?»
«Nous allons procéder par étapes, répondis-je. Contactons d’abord le Tribunal Rabbinique de Los Angeles qui nous fournira tous les éléments nécessaires».
J’expliquai ensuite à Sharon et Andrew que rien n’arrive par hasard dans la vie. Tout est prévu par D.ieu : «Le fait que vous ayez aujourd’hui besoin d’un «Guett» prouve que quelque chose d’important est arrivé dans la vie de Sharon, même si cela n’a duré que six heures !»
Sharon continua ses préparatifs pour le mariage et même pour son voyage de noces. Certainement, se disait-elle, tout finirait par s’arranger.
Après quelques semaines de contacts avec le Tribunal Rabbinique de Los Angeles, Sharon parvint enfin à obtenir le «Guett» et à être définitivement libérée de «l’erreur». Cependant on l’avertit : «Vous pouvez vous remarier, mais pas avant 92 jours à partir d’aujourd’hui ! C’est la Hala’ha !»
Sharton et Andrew me téléphonèrent sur le champ : «C’est une folie ! Ce n’est pas possible ! Nous avons tout prévu pour le 5 décembre !». Ils étaient au bord de la crise d’hystérie.
Je m’efforçai de les calmer, de les raisonner. Mais ils n’étaient pas prêts à m’écouter. Ils étaient obsédés par leur date de mariage, leur voyage de noces… Et voilà qu’ils devaient attendre janvier 2005 pour se marier !
Quelques jours plus tard, ils me rappelèrent. Ils avaient bien réfléchi : «Nous voulons que notre mariage trouve grâce aux yeux de D.ieu !». Ils échafaudèrent d’autres plans ; le mariage fut reculé jusqu’à la fin du mois de janvier.
Mais au fond d’eux-mêmes, ils ne pouvaient pas comprendre ce que D.ieu exigeait d’eux, comment était-ce un bien d’avoir dû retarder leur mariage.
Ceci, jusqu’au 26 décembre…
Sachez que le voyage de noces que Sharon et Andrew avaient préparé depuis si longtemps devait se dérouler aux Maldives, exactement au fameux hôtel Kaafu sur l’île de Lankanfushi. La chambre qu’ils avaient louée jusqu’à la fin décembre (et dont ils avaient réussi à repousser la date) fut entièrement détruite par le Tsunami…
Sharon et Andrew célébrèrent «leur miracle» le Chabbat 1er janvier en offrant un «Kiddouch», une collation pour toute la communauté réunie dans notre synagogue. Tandis que les convives faisaient honneur aux petits fours, Andrew prit la parole : «Le meilleur conseil que le rabbin ici présent nous ait jamais donné est celui de suivre les préceptes de la Torah. Il nous avait affirmé que ce serait une bénédiction pour nous deux !»Que D.ieu bénisse Andrew et Sharon avec de nombreuses et heureuses années, en bonne santé, qu’ils continuent de progresser dans la voie de la Torah «car elle est notre vie !»

Rav Chaim Muntz
Le’haïm
Traduit par Feiga Lubecki