Un appel et un élan uniques
Des yeux neufs pour une fête éternelle Comment vivre une révolution ? Comment la vivre alors que nous savons qu’elle vient à nous inéluctablement et que nous l’avons attendue avec une impatience grandissante ? Comment la vivre avec un enthousiasme toujours neuf alors que, dans un cycle infini, elle revient d’année en année ? C’est pourtant bien cela qui arrive et la révolution porte un nom. Elle s’appelle «Chavouot» et c’est la fête du Don de la Torah. Il est clair qu’il importe de la vivre de la manière la plus grande et la plus profonde à la fois ; n’est-ce pas au fondement de toute chose que nous nous trouvons ici ? Mais peut-être faut-il, pour cela, prendre de nouveau conscience de ce que l’événement implique. Il est difficile aujourd’hui, dans les pays où, pour la sérénité du plus grand nombre, règne l’état de droit, d’imaginer un monde sans loi. Il est également difficile d’imaginer la vie des hommes soumis, sans recours, aux caprices d’un despote local dont la seule volonté fait office de règle absolue, auquel tout remonte et duquel tout descend. Pourtant ce fut là le lot de l’humanité en ces époques où «les hommes tâtonnaient dans l’obscurité». A partir d’Abraham, cela commença à changer ou, pour reprendre l’expression traditionnelle, à «éclairer». Une nouvelle sagesse apparaissait, peu à peu, dans le monde sans, toutefois, le modifier en profondeur. Il fallut, pour cela, attendre le passage des siècles. Il fallut attendre la naissance d’un peuple qui, libéré d’Egypte, se dirigea, porté par un appel et un élan uniques, vers le mont Sinaï. Le 6 Sivan, les Hébreux se tinrent devant la montagne, D.ieu y apparut et donna la Loi à Son peuple. Cette Loi, la Torah, fonde les civilisations. De fait, lorsqu’une société produit sa propre règle, cette dernière, liée à la personnalité de ses concepteurs, ne fait que refléter un état des choses par nature éphémère. La justesse de cette règle est toujours contestable et nous savons que des sociétés policées ont pu promulguer les lois les plus barbares. Lorsque la Loi est Divine, elle porte cette marque d’absolu. Elle n’est pas soumise au caprice du siècle. Eternelle, elle crée enfin pour les hommes cet espace de liberté où ils pourront développer pleinement tout le bien qu’ils portent en eux. Changeant le monde, le Don de la Torah l’ouvre à un éternel dépassement. Pour cela, c’est un événement éternellement nouveau. A vivre avec l’intensité des bonheurs neufs.
Haim Nisenbaum
La joie comme clé
On raconte, à propos d’un des Maîtres de la ‘Hassidout polonaise, que, lorsqu’il était encore un jeune enfant, il demanda une pomme à son père. Celui refusa de lui donner le fruit. L’enfant était intelligent ; il prononça la bénédiction requise sur la pomme et obligea ainsi son père à la lui donner pour lui éviter de l’avoir dite en vain. Nous vivons une situation semblable. Lorsque les Juifs se réjouissent, dès à présent, de la venue de la Délivrance avec une confiance absolue dans le fait que D.ieu enverra très bientôt le Machia’h, cette joie même «conduit» D.ieu à répondre favorablement à leur attente. Il ne s’agit pas là de forcer la décision divine mais d’accomplir Sa volonté avec la plus grande joie. (d’après Likoutei Si’hot, vol. XX, p.384)
Chavouot : Le mot égyptien «Ano’hi»
Dans son commentaire des premiers mots des Dix Commandements : «Je suis, ‘Ano’hi’, l’Eternel ton D.ieu…», le Midrach statue: «le mot Ano’hi est d’origine égyptienne». Les Dix Commandements englobent toute la Torah et donc toutes les Mitsvot, comme cela est expliqué dans les Azharot de Rabbi Saadia Gaon. Cela explique également la raison pour laquelle les Dix Commandements comportent 620 lettres, correspondant aux 613 Mitsvot originelles et aux 7 commandements d’origine rabbinique. Dans les Dix Commandements eux-mêmes, les deux premiers sont de nature encore plus générale : le premier commandement : «Ano’hi» inclut tous les commandements positifs alors que le second «Tu n’auras pas…», renferme tous les commandements négatifs. Leur importance est telle que le Peuple Juif entendit ces deux Commandements de D.ieu Lui-même. Pour ce qui est des commandements eux-mêmes, «Ano’hi» précède «Tu n’auras pas devant toi…», préséance qui n’est pas simplement due à leur ordre d’apparition mais également à leur ordre d’importance. Cela se comprend également du contenu du commandement. La seconde injonction : «tu n’auras pas d’autres dieux devant Moi» évoque la possibilité qu’un individu entretienne, à D.ieu ne plaise, l’idée d’avoir «d’autres dieux». Le premier commandement d’Ano’hi : «Je suis l’Eternel ton D.ieu Qui t’a sorti de la terre d’Egypte, de la maison d’esclavage» ne laisse aucune place à une pensée inconvenante. Nul besoin donc de prévenir contre le concept de dieux étrangers. Ano’hi, premier mot du premier commandement lui-même, englobe toute la Torah. Bien plus, Ano’hi, «Je suis», se réfère à l’Essence de D.ieu Lui-même, «quelque chose qui ne peut être évoqué par aucun nom ni suggestion». Comment est-il donc possible que le mot Ano’hi, soit d’origine égyptienne ? Comment expliquer que les manifestations de la Divinité soient évoquées par des noms en Langue Sainte : Havaya : «l’Eternel» et Eloké’ha : «ton D.ieu» alors que le mot qui désigne l’Essence même de D.ieu est d’origine égyptienne ? La question a encore plus de poids si l’on garde à l’esprit que parmi «les soixante-dix-sept langues de l’humanité», divisées selon leur qualité et leur rang, la langue égyptienne occupe la dernière position, l’Egypte étant «l’abomination de la terre»? Pourquoi donc la Torah utilise-t-elle, pour exprimer l’Essence Divine, un mot égyptien? D.ieu désirait que, dès le premier mot qu’Il prononcerait au Matan Torah, Don de la Torah, en soit connu le but. Et c’est ce qui se produisit par l’utilisation du mot Ano’hi. La révélation d’Ano’hi, de l’Essence de D.ieu, avait pour objectif la langue égyptienne. Cela signifie que l’intention ultime du Matan Torah était d’attirer la Divinité non seulement dans la Langue Sainte mais également dans toutes les autres langues, y compris l’égyptien. Si l’intention divine n’avait eu comme projet que d’attirer la sainteté dans une langue déjà sainte et sacrée, il n’eût pas été nécessaire d’utiliser les manifestations extraordinaires que D.ieu révéla et dont nous fûmes les bénéficiaires en cette occasion. Le but du Matan Torah est que la sainteté de l’Essence Divine descende même dans le domaine des «soixante-dix langues», même dans la langue égyptienne. Il en va de même pour le service de l’homme quand il cherche à se lier avec D.ieu. La révélation du Ano’hi peut s’obtenir et s’acquérir tout particulièrement par l’intermédiaire de «la langue égyptienne». Tant que nous ne descendons pas en «Egypte» et que nous nous consacrons à la Torah et à la prière (c’est à dire à la Langue Sainte) pour elles-mêmes, quelque spirituel que soit ce service, nous ne pouvons atteindre qu’un degré limité de la Révélation Divine, symbolisé par les «Noms» de D.ieu. En ne servant D.ieu que de manière rationnelle, nous ne pouvons que parvenir à nous lier au niveau de «Eloké’ha». Le nom divin Elokim se réfère, en effet, à la Divinité circonscrite dans l’intellect et la nature. En servant D.ieu de manière supra rationnelle, nous pouvons établir une relation avec Havaya, le Nom Ineffable où présent, passé et futur ne forment qu’un. Cependant, ces formes de service ne nous permettent pas d’atteindre l’Essence de D.ieu. C’est spécifiquement par un service aux prises avec les niveaux les plus bas, en travaillant et raffinant le monde matériel, jusqu’à «la langue égyptienne» que nous pouvons nous unir à Ano’hi. Car, comme le dit le verset : «Voici, les Cieux et les Cieux des Cieux ne peuvent Te contenir et pourtant cette maison (matérielle) le peut!» La leçon est claire : nous ne pouvons agir en ne nous consacrant qu’à une quête spirituelle personnelle. Nous devons également nous préoccuper de sanctifier le monde, de le transformer en réceptacle pour la Divinité. Et il en va de même pour notre vie spirituelle. Ne nous occuper que de l’étude de la Torah, la prière et l’accomplissement des Mitsvot ne suffit pas. Il nous revient de connaître D.ieu et de nous lier à Lui«dans toutes tes voies», c’est-à-dire également dans les occupations matérielles permises, celles qui appartiennent au niveau de «l’Egypte».
Qu’est-ce qu’un Séfer Torah ?
Chaque Juif a la Mitsva (commandement) d’écrire un Séfer Torah. S’il ne peut le faire lui-même, il doit louer les services d’un scribe spécialisé ou participer à l’achat d’un Séfer Torah. Le Séfer Torah est écrit sur du parchemin spécialement préparé, avec une encre noire et une plume d’oie. Il faut compter environ un an pour écrire le rouleau de la Torah qui comporte les cinq livres de Moïse (Genèse, Exode, Lévitique, Nombres et Deutéronome). On traite le Séfer Torah avec le plus grand respect : on l’enroule autour de deux colonnes de bois, on le recouvre d’un manteau spécialement brodé et on le garde dans une armoire réservée à cet usage dans la synagogue. On se lève quand cette armoire est ouverte, on s’efforce d’embrasser le manteau du Séfer Torah quand il est transporté parmi les fidèles et on reste debout jusqu’à ce que le Séfer Torah soit posé sur la table où il sera lu. On évite de toucher le Séfer Torah, on préfère le lire en s’aidant d’un « doigt » en argent spécialement réservé à cet usage ; l’homme appelé à y lire touche le parchemin avec le bord de son Talit (châle de prière). On écoute la lecture publique de la Torah dans le plus grand silence, comme lorsqu’on a reçu les Dix Commandements sur le mont Sinaï. En cas de danger, on déploiera tous les efforts pour sauver le Séfer Torah de la destruction ou même de dégât. Un Séfer Torah abîmé sera enterré. Chaque Juif a l’obligation d’étudier le texte de la Torah, qu’il soit jeune ou âgé, pauvre ou riche, en bonne santé ou non, doué pour l’étude ou non, au moins un peu le jour et un peu la nuit. Il convient d’étudier la Torah en prononçant les mots et en se concentrant sur le sujet étudié. Même un ignorant qui ne comprend pas ce qu’il lit sera récompensé pour avoir prononcé les versets sacrés. F. L. (d’après Junior Code of Law – Dr. Nissan Mindel)
Qui suis-je vraiment ?
C’est une question toute simple en apparence mais jusqu’à récemment, je n’étais pas en mesure d’y répondre : «Qui suis-je ?». Durant des années, j’avais été fier de ce que j’étais. Je n’avais pas de soucis, je gagnais bien ma vie, je passais mon temps à m’amuser, je collectionnais les voitures de luxe et je pensais que rien ne pouvait m’arriver. Durant des années, j’ai été un criminel professionnel. Puis mon monde s’est écroulé. J’ai été attrapé. J’ai été reconnu coupable. Et, actuellement, je purge une sentence de douze ans dans la prison de Ramla en Israël. Le jour où je suis entré en prison, j’ai perdu mon identité. Je n’étais plus qu’un numéro. J’ai un nom mais personne ne le connaissait puisque je ne le dévoilais pas. Je ne savais être qu’un criminel. Mais derrière les barreaux, qui suis-je ? Comment me définir ? Je suis un prisonnier. Et quand on est en prison, on n’a pas de définition. On n’est rien, on vit dans un autre monde, un sous-monde. Puis, pour la première fois de ma vie, j’ai eu un aperçu de la religion. J’ai rencontré l’aumônier de la prison, Jacobs. Oui, pour la première fois de ma vie, j’ai commencé à comprendre qui je suis. Je suis un Juif. Je suis un Juif qui ne s’est jamais préoccupé du fait qu’il était juif. Comme la plupart des Israéliens, je n’ai eu accès qu’à quelques vagues traditions mais sans plus. Mes parents étaient des immigrants et tout ce qu’ils m’ont légué, c’est la pauvreté, l’illettrisme et le désespoir que de nombreuses familles d’immigrants ont expérimenté. Avec la nécessité de survivre à tout prix. Et c’est exactement ce que j’ai fait. J’étais un grand criminel. Je savais mentir, tricher, voler et, en gros, obtenir facilement tout ce que je voulais. Je n’avais aucun remords, j’estimais simplement que j’aidais le monde à rétablir un certain équilibre. Ce n’était pas ma faute si j’avais été élevé avec juste assez de quoi ne pas mourir de faim ; je ne pouvais pas changer ce que j’avais reçu mais je pouvais changer ce que j’obtiendrais. Et depuis le plus jeune âge, j’avais compris ce qui était profitable : la drogue et les armes. Mais je n’avais pas réalisé que c’était également mortel. Vous n’allez pas me croire mais, de fait, je voulais vraiment être attrapé. Appelez cela de la pop-psychologie mais je crois à fortiori que ma capture était en fait un appel à l’aide. Je sentais que quelque chose devait changer mais je ne savais pas comment. Je ne connaissais que le mal. Etre attrapé et jeté en prison est devenu une véritable bénédiction – et pas seulement déguisée. Je crois vraiment que cela m’a sauvé la vie. Mais c’est l’aumônier de la prison qui a sauvé mon âme. Il m’a présenté qui je suis vraiment, qui j’étais et qui je veux devenir. Rav Jacobs a surveillé la cachérisation de la cuisine de la prison, a vérifié qu’il y avait des Mezouzot à toutes les portes et a introduit des cours de Torah pour ceux qui en demandent. Au début, quand je l’observais de loin, je me suis dit qu’il ferait mieux de rester à l’écart de moi s’il voulait rester en vie. Quand j’en parlais à mes camarades de cellule, tous criminels confirmés comme moi, ils m’expliquèrent que c’était plutôt moi qui n’avais pas intérêt à le provoquer : Jacobs était ceinture noire de karaté ! Je préférai donc rester réaliste : si tu ne peux pas le vaincre, deviens son ami. Et apparemment tous les détenus l’aimaient bien. La première fois qu’il est entré dans ma cellule, j’ai ressenti que cette visite était différente des autres. Lui ne se préoccupait pas de mon passé criminel, il n’était pas impressionné par mes « records » : il ne s’intéressait qu’à ce qui était en moi. Personne n’avait jamais pris le temps de découvrir ce qui se passait en moi. Lui l’a fait. Il m’a bien regardé et ses yeux sont entrés profondément en moi – dans un for intérieur dont j’ignorais l’existence. Il m’expliqua qu’il était un ‘Hassid de Loubavitch et que sa mission était d’aider les Juifs à découvrir ce que signifiait être juif. C’était tout et cet homme intelligent désirait m’aider à comprendre ce que c’est que d’être juif. Il personnifiait exactement le contraire de tout ce que je connaissais. Je connaissais des gens qui étaient des riens du tout mais prétendaient être importants. Lui était un Américain qui avait écrit des livres et qui réussissait dans la vie par ailleurs mais ce qui comptait pour lui, c’était d’aider les autres, comme tous les autres Loubavitch dans le monde. S’occuper des détenus n’est pas facile. Soyons honnêtes : nous sommes les détritus du monde, ceux que vous détestez et à juste titre : nous ne sommes pas derrière les barreaux sans raison. La première question que je lui posai était pourquoi il avait choisi de s’occuper de nous. Sa réponse me sidéra : il expliqua que quelqu’un avait posé la même question au Rabbi de Loubavitch alors qu’il se tenait debout durant des heures en distribuant des dollars pour la Tsedaka à des milliers de gens. Le Rabbi avait répondu que, quand on compte des diamants, on n’est pas fatigué ! Jacobs avait ajouté que, même si les diamants se retrouvent dans de la boue, on est prêt à mettre les mains dans la boue pour les retirer : la boue peut recouvrir le diamant mais elle ne le pénètre pas et ne peut en diminuer la valeur et la beauté. Il faut enlever la boue. J’étais un diamant. Entièrement recouvert de boue, je le concède mais un diamant néanmoins. Maintenant, bien que je sois physiquement derrière les barreaux, je me sens libre intérieurement. Et bien que ce ne soit pas un endroit où je veuille rester, j’en utilise chaque minute comme une chance pour grandir, pour changer, pour me repentir. Je dispose de beaucoup de temps pour étudier la Torah, manger cachère, respecter le Chabbat et accomplir autant de Mitsvot que possible. Et, à cause de ma renommée comme dur à cuire, mes camarades désirent agir de même ! J’attends avec impatience le jour de ma libération. Le jour où je pourrais rendre à la société ce que je lui ai pris par la violence et où je pourrais réparer un peu tout le mal que j’ai fait. Où je pourrais me marier et amener de beaux enfants dans le monde. Derrière ces murs de la prison, j’ai appris comment répondre quand on me demandera qui je suis : je suis Moché, je suis un diamant. Je suis un Juif. L’Chaim N° 1269 Traduit par Feiga Lubecki