Samedi, 18 juin 2016

  • Nasso
Editorial

 Le jour d’après

Avoir de nouveau reçu la Torah est une expérience qui ne peut laisser inchangé. Certes, elle se renouvelle chaque année avec le déroulement du calendrier. Cependant, malgré cette apparente répétition, elle entraîne un bouleversement essentiel et profond et celui-ci exerce ses effets aussi bien sur le plan collectif qu’individuel.

C’est qu’au jour du don de la Torah, c’est une norme créatrice qui est descendue sur le monde. Il faut mesurer l’importance de l’événement. Jusqu’ici la loi dépendait du bon vouloir du souverain et changeait bien souvent avec lui ou au fil de ses caprices. Expression du pouvoir d’un seul, parfois divinisé, elle ne pouvait proposer de référence ultime, s’imposer également à tous de manière à fonder une véritable vision du monde. C’était le temps de l’arbitraire : l’homme, laissé à lui-même, tâtonnait dans l’obscurité de la conscience. Certes, tout cela commença à changer avec Abraham, lui qui entreprit de répandre une lumière nouvelle : l’idée que l’univers n’est pas abandonné à des forces aveugles mais que, voulu par un Créateur, il est toujours lié à Lui. Cependant, la norme qui crée la civilisation n’était pas encore descendue au sein de l’humanité toute entière.

A présent, nous savons que c’est chose faite. Jusqu’ici, nous étions enchaînés par l’ignorance. Et c’est elle qui permettait que les désirs des puissants se donnent libre cours. Aujourd’hui, ces chaînes-là ont été brisées. Le don de la Torah, révélation d’une Sagesse et d’une Loi absolues, dit aux hommes que plus rien ne viendra définitivement plier devant les caprices des uns et les intérêts des autres. La Loi fonde un monde et en garantit la pérennité. Sa permanence est celle de D.ieu, au même titre que sa perfection.

Bien des siècles sont passés depuis cette révélation. En notre temps, nous en sommes les héritiers. Face aux errements et aux expériences sans lendemain, nous savons que nous sommes les dépositaires de cette norme-là.  Et, par elle, par ce que les hommes en ont acquis, plus rien n’est impossible. En prendre conscience n’est dès lors plus un rêve mais une manifestation du réel en nous, avec toute la force et la simplicité de l’évidence.

Etincelles de Machiah

 De la maison de David

Les textes soulignent que Machia’h sera « de la maison de David et de la descendance de Salomon. » Il est clair qu’une telle précision doit avoir une utilité et, de fait, elle apporte un élément déterminant dans la définition de sa personnalité.

La qualité de Machia’h s’exprimera en cela qu’il aura la grandeur de David – la royauté – et celle de Salomon – la paix.

Il aura ce degré grâce au fait qu’il atteindra la plénitude de la royauté, y compris la sagesse qui doit la conduire, au point qu’il «sera plus sage que Salomon.»

(D’après un commentaire du Rabbi – 2o Iyar 5751) 

Vivre avec la Paracha

 Nasso

Résumé

En complément du recensement des Enfants d’Israël effectué dans le désert du Sinaï, un total de 8580 Lévites, hommes entre 30 et 50 ans, est compté, pour récapituler le nombre de ceux qui se livreront effectivement à la tâche de transporter le Tabernacle.

D.ieu communique à Moché la loi de la Sotta, la femme indocile, suspectée d’infidélité envers son mari. Sont également données les lois du Nazir qui renonce à la consommation de vin, laisse pousser ses cheveux et ne peut se rendre impur par le contact avec un corps sans vie.

Aharon et ses descendants, les Cohanim, sont instruits sur la manière de bénir le peuple d’Israël.

Les dirigeants des douze tribus d’Israël apportent tous leurs offrandes pour l’inauguration de l’Autel. Et bien que leurs dons soient identiques, chacun est apporté un jour différent et ils sont décrits, un par un, par la Torah.

La Paracha de cette semaine comporte la mitsva de Nezirout, c’est-à-dire de faire le vœu d’être Nazir. Ce sujet présente un paradoxe. D’un côté, concernant le Nazir, la Torah statue : «Le diadème de son D.ieu est posé sur sa tête… Il est saint pour D.ieu» et il est équivalent à un prophète, comme il est écrit : «Et de tes fils, J’(en)élèverai certains comme prophètes et de tes jeunes, (certains) comme Nazirs».

Cependant, la Torah requiert également d’un Nazir qu’il apporte un sacrifice expiatoire, établissant qu’il a «péché contre son âme». Et nos Sages de parler de lui en le critiquant, posant une question rhétorique : «Les choses que la Torah interdit ne sont-elles pas suffisantes pour toi ? (Pourquoi) dois-tu ajouter des interdictions supplémentaires ?»

Car l’ascétisme a toujours été déconsidéré par la Torah. Contrairement aux autres fois qui mettent les ermites éthérés sur un piédestal, le Judaïsme met l’accent sur la sanctification de l’ici et du maintenant, sur le fait d’apporter de la sainteté dans le contexte de notre expérience quotidienne, ordinaire.

C’est dans cette optique que nos Sages enseignent que le verset : «Connais-Le dans toutes tes voies» est «un petit passage sur lequel repose tous les fondements de la Torah».

Le Judaïsme souligne l’importance de connaître D.ieu, non seulement à la synagogue ou dans les lieux d’étude, mais dans chaque dimension de notre vie quotidienne, dans notre activité professionnelle, dans notre maison et même dans la manière dont nous nous détendons. Comme le dit Maïmonide : «Un homme doit diriger son cœur et l’intégralité de son comportement vers un but unique, être conscient de la présence de D.ieu, béni soit-Il. La façon dont il se repose, se lève, et parle doit être dirigée vers cette fin». Car le but de la création est d’utiliser chaque parcelle d’existence dans le service de D.ieu.

En s’interdisant la consommation de vin, le Nazir prend une direction opposée. Le vin est le symbole de la joie et du plaisir, une substance qui nous permet de nous relâcher et de nous détendre. Mais cette joie et cette détente doivent constituer une expérience de sainteté, accomplie de manière à rapprocher l’homme du Divin. Quand quelqu’un s’abstient de vin, il dit par là qu’il ne sait pas comment sanctifier une telle activité.

Dans ce cas, pourquoi le Nazir est-il donc digne de louanges ? Parce que parfois, un homme doit admettre ses défauts. Quand une personne se regarde dans un miroir et réalise qu’elle a certaines tendances qu’il lui est impossible de contrôler, elle est, en fait, en train d’accomplir les premiers pas vers ce contrôle qui lui manque. Pour citer à nouveau Maïmonide, «faire et garder les vœux de s’abstenir de certains modes de (conduite) (indésirables) instille chez la personne la tendance à réfréner les désirs qu’elle cherche à soumettre. Cette habitude se maintiendra et il lui sera facile d’acquérir la retenue, c’est-à-dire la tendance à se protéger de l’impureté».

Ainsi, lorsque le Nazir fait le vœu de développer le contrôle de soi et la discipline intérieure, la Torah considère que cette attitude est admirable. Mais quand il agit ainsi parce qu’il pense que l’intention ultime de D.ieu est l’abstinence éthérée, sa conduite est comparable à un péché.

Perspectives

La résolution ultime du conflit intérieur décrit plus haut s’effectuera avec la venue de Machia’h, quand «le bien s’écoulera en abondance et tous les délices seront aussi librement accessibles que la poussière». Au jour d’aujourd’hui, puisque l’existence matérielle présente un défi et que l’on doit véritablement apprendre à se maîtriser, la retenue joue un rôle important dans notre service Divin.

Mais à l’époque de Machia’h quand «l’occupation du monde entier sera exclusivement de connaître D.ieu», il n’y aura alors aucun besoin de tels freins. Car dans cet environnement où sera révélée la Divinité, l’homme ne sera pas poussé par des désirs égoïstes. Il profitera de tout le bien que le monde pourra lui offrir mais il appréciera aussi que ce bien est une expression de la bonté Divine et utilisera donc toutes ces influences à Son service.

Le Coin de la Halacha

 A-t-on le droit d’offrir en cadeau quelque chose qu’on a soi-même reçu en cadeau ?

Une fois qu’on a reçu un cadeau, on a le droit d’en disposer comme on le souhaite.

Mais le cadeau n’est pas qu’un objet, c’est aussi une intention, une attention, une réflexion de quelqu’un qui vous aime et qui a choisi ce cadeau pour vous. Si vous vous en servez de façon méprisante ou si la personne qui l’a offert revoit ce cadeau chez quelqu’un d’autre (ou proposé en vente sur Internet…) et comprend donc que vous en avez fait peu de cas, vous risquez évidemment de la vexer. Ce n’est pas le cadeau que vous avez rejeté, c’est tout l’amour et la considération qu’il représentait.

Par ailleurs, quand vous offrez ce cadeau à un ami qui va croire que vous l’avez acheté spécialement pour lui, vous risquez de l’induire en erreur, ce qui s’appelle «le vol de l’esprit».

Avant de «remettre le cadeau dans le circuit», il convient donc de se demander sincèrement si on ne risque pas d’induire quelqu’un en erreur ou de causer de la peine.

(d’après Rav Aron Moss – Chabad.org)

Le Recit de la Semaine

 L’hôpital et la charité

En 1975, Rabbi Yekoutiel Yehouda Halberstam, Rabbi des ‘Hassidim de Sanz-Klausenburger fit construire un hôpital à but charitable à Netanya en Israël. Nombreux furent ceux qui s’étonnaient qu’un Rabbi ‘hassidique s’occupe d’établir un hôpital et il expliqua :

- Quand j’étais déporté dans les camps nazis, je reçus une balle dans le bras. Je craignais de me faire «soigner» à l’infirmerie du camp parce que je savais que si j’y entrais, je n’en sortirais pas vivant. Alors j’ai arraché une feuille d’un arbre et l’ai entourée autour de mon bras pour arrêter le saignement. Puis j’ai arraché une branche et je m’en suis servi comme une attelle pour bien immobiliser le bras. Avec l’aide de D.ieu, je guéris en trois jours. Je me suis alors promis que, si je ressortais vivant de cet enfer, je construirai en Israël un hôpital où tout être humain serait soigné dans la plus grande dignité. La fondation de cette institution serait que tout le personnel, les médecins comme les infirmières, croiraient en l’existence de D.ieu dans ce monde et auraient conscience qu’en soignant un malade, ils accomplissaient la plus grande Mitsva de la Torah.

Le Rabbi de Sanz me demanda de gérer le projet alors qu’il était encore dans les premières étapes de son développement et aussi d’en devenir le directeur. Il souhaitait que se réalise son rêve de fonder un hôpital qui offrirait les soins les plus sophistiqués tout en adhérant strictement aux lois de la Torah. Le but était noble mais nous nous heurtions à de grosses difficultés financières. Le Ministère israélien de la Santé était tenu par un parti laïc qui n’envisageait pas de nous aider outre mesure. Nos principaux donateurs étaient des ‘Hassidim de Sanz qui se sentaient obligés de collaborer à l’initiative de leur Rabbi mais il nous fallait chercher d’autres donateurs, particulièrement en Amérique du nord et en Amérique latine.

Pour cela, nous avions constitué un comité de cinq membres et nous avons décidé de demander aide et conseils au Rabbi de Loubavitch à Brooklyn. Là dans son bureau, j’expliquai au Rabbi que j’avais été choisi pour devenir le directeur mais que je n’avais aucune qualification ou expérience pour cela – à part le fait que j’étais le secrétaire du Rabbi de Sanz… Mais le Rabbi me rassura :

- Je ne peux vous assurer que d’une chose. Le Rabbi de Sanz sait ce qu’il fait et, s’il estime que vous êtes qualifié pour le poste, alors vous n’avez besoin de la bénédiction de personne d’autre !

Je me sentis soulagé : si je pouvais compter sur le support de ces deux grandes personnalités, j’étais sûr de réussir.

Puis le Rabbi nous posa de nombreuses questions, très techniques, que nous n’aurions jamais imaginées de sa part et seul Rav Shlomo Greenwald (qui avait l’expérience d’autres hôpitaux) fut capable de lui répondre. L’approche pragmatique du Rabbi et ses vastes connaissances à ce sujet nous stupéfièrent. Le Rabbi résuma :

- Ne vous sentez pas inférieurs et ne prêtez pas attention à ce que les gens murmurent à votre sujet. Vous êtes les émissaires d’un grand Rabbi et, bien que vous allez affronter des obstacles, vous réussirez !

Puis le Rabbi suggéra plusieurs initiatives, en particulier, que nous installions un CAT scanner, une machine qui permet d’obtenir des images beaucoup plus claires et complètes que les appareils de radiologie habituels. A l’époque, il n’existait que trois scanners de ce genre en Israël et nous craignions d’en demander un : les gens se moqueraient de nous : «Le plus petit hôpital du pays s’imagine capable d’acquérir cette merveille de technologie ?».

Nous n’avons pas suivi le conseil du Rabbi et il nous a fallu de nombreuses années avant d’acquérir ce scanner ; ceci nous a causé beaucoup d’ennuis et, quinze ans plus tard, quand j’évoquai ces problèmes devant le Rabbi un dimanche (alors qu’il distribuait des dollars à remettre à la Tsedaka), il en fut attristé : «Quel dommage, quel dommage !» soupira-t-il. Il est certain que, si nous avions suivi son conseil, nous aurions évité tous ces tracas et aurions mieux réussi.

Nous avons aussi demandé au Rabbi d’écrire pour nous une lettre de recommandation comme cela se fait lors des levées de fonds : ainsi nous pourrions persuader des ‘Hassidim de Loubavitch de participer à notre noble entreprise. Le Rabbi répondit que ce n’était pas son habitude d’écrire ce genre de recommandations mais il allait remplir un chèque, de son compte personnel : nous pourrions alors le photocopier et l’inclure dans notre documentation : «S’ils voient que j’ai contribué à votre cause, je suis sûr qu’ils donneront eux aussi !». C’était une très bonne suggestion qui nous aida énormément.

Nous avions encore un conseil à demander au Rabbi : en plus de l’hôpital, le Rabbi de Sanz avait fondé une école d’infirmières, destinée aux jeunes filles pratiquantes. Nombre de personnalités religieuses en Israël s’opposaient à cette initiative, craignant que cela mène à un manque de Tsniout (pudeur, discrétion) et que cela encourage ces jeunes filles à s’inscrire à l’Université. Nous avions pris conseil auprès de plusieurs autorités orthodoxes qui nous avaient encouragés en privé mais nous avaient demandé de ne pas publier leurs noms.

Mais avant même d’avoir entendu que d’autres personnalités avaient donné leur accord, le Rabbi s’écria :

- Vous devez le faire ! Quand des Juifs non pratiquants constateront que la communauté religieuse apporte sa contribution au domaine médical, ce sera une sanctification du Nom de D.ieu et cela rapprochera d’autres jeunes filles à la pratique du judaïsme !

Il ajouta que nous pouvions accorder la plus grande publicité à son accord pour cette école.

Puis, à la fin de cet entretien, il nous encouragea à mettre en œuvre les directives du Rabbi de Sanz et à ne pas nous laisser intimider par ceux qui prédisaient notre échec : «Le Rabbi de Sanz et moi-même nous entretenons d’excellentes relations !» conclut-il.

A ce jour, l’hôpital Laniado de Netanya est aussi connu comme le Centre Médical Sanz et il fonctionne très bien. C’est le seul hôpital en Israël à n’avoir jamais été affecté par une grève de son personnel. Notre plus grand département est la maternité qui assiste la naissance de six mille bébés par an. Quant à notre école d’infirmières, plus d’un millier de jeunes filles en sont diplômées : elles exercent dans tous les hôpitaux d’Israël et diffusent l’approche saine de la Torah dans le domaine de la médecine, partout où elles travaillent.

Rav Gershon Lieder - JEM

Traduit par Feiga Lubecki