Semaine 48

  • Vayétsé
Editorial
Le mois 'Hassidique

Certains mois semblent être marqués par un caractère particulier qui les distingue du cycle général du calendrier.Le mois de Kislev fait partie de ceux-là. S’il est un qualificatif apte à le définir, c’est sans doute celui de “mois ‘hassidique”, et d’abord par l’accumulation des dates dont le lien avec l’histoire de la Hassidout n’est plus à souligner. Ainsi, ce mois commence par un Roch ‘Hodech qui, dans les mémoires, les livres et les coeurs, est resté un jour particulièrement faste: celui où le Rabbi, après un malaise cardiaque survenu pendant les fêtes de Tichri, se montra, pour la première fois, en public. On sait que la période fut celle, non d’une absence, mais d’un redoublement de force et qu’elle introduisit, pour tous les Hassidim, à une ère d’initiatives renouvelées, d’enthousiasme et de dynamisme neufs. Dans le cours du mois, d’autres dates évoquent des événements plus anciens mais tous porteurs de messages précieux: le 9 Kislev, naissance du deuxième Rabbi de Loubavitch, l’Admour Haemtsaï, le 10 Kislev, anniversaire de sa libération des prisons tsaristes, le 14 Kislev, date du mariage du Rabbi, le 19 Kislev, date de la libération de prison du premier Rabbi de Loubavitch, l’Admour Hazaken, anniversaire désigné comme le Roch Hachana de la ‘Hassidout.Toutes ces dates sont comme mises tant en lumière qu’en perspective par la fête de Hanoucca, le 25 du mois. On pourrait légitimement s’interroger sur la nécessité d’égrener ainsi le souvenir, de marquer des jours anciens.Ce serait pourtant commettre une erreur grave. Certes, le peuple juif est celui de la mémoire et ce trait est, chez lui, si caractéristique qu’il explique nombre de ses attitudes, de ses rites et de ses choix de vie. Cependant, loin de s’arrêter à cette idée, si juste et importante soit-elle, conserver ces jours comme autant de rendez- vous indispensables, c’est leur donner un sens qui la dépasse. De telles dates sont importantes d’abord parce qu’elles nous éclairent, scandant pour nous les jours d’une série d’accents toniques, au sens strict du terme. Il s’agit de savoir en tirer l’élan et la force nécessaires à toutes les réalisations à venir. Ce n’est pas là qu’un voeu abstrait. Nous savons que notre temps réclame un effort supplémentaire, que parvenir au parachèvement le rend, plus que jamais, urgent. Ces jours nous sont, dans ce cadre, une inspiration. Jours de joie, jours propices, jours de lumière, ils nous tracent, du coeur de l’obscurité, le chemin vers la Délivrance finale, celle que le Machia’h nous apportera.
Etincelles de Machiah
Un service de D.ieu parfait

Au temps de Machia’h, les commandements seront observés avec une perfection absolue. C’est là le sens de la phrase de Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Mela’him 11: 1) : “A cette époque, toutes les règles seront instaurées de nouveau comme dans les temps passés”. Cependant, il est clair que la perfection atteinte dans cette nouvelle ère sera supérieure à celle qui caractérisait le Beth Hamikdach. Cette idée est vraie même si la période qui sert de point de comparaison est, par exemple, celle du règne du roi Salomon où rien ne venait gêner la pratique des commandements. En effet, cette époque verra l’accomplissement de la prophétie :“Je retirerai le c?ur de pierre de votre chair”. Il est donc évident que les commandements de D.ieu seront pratiqués avec un raffinement d’un tout autre ordre. (d’après Likouteï Si’hot, vol. XXVII, p. 245) H.N.
Vivre avec la Paracha
Les moutons

La lecture de la Torah de cette semaine :Vayetsé (Beréchit 28:10 - 32: 3) révèle une grande présence de «moutons»: les moutons de Lavan et les moutons de Yaakov, les moutons blancs, les moutons noirs, les moutons tachetés, les moutons mouchetés, les moutons avec des anneaux aux pieds. Yaakov arrive à ‘Haran et la première chose qui frappe son regard est celle de plusieurs troupeaux de moutons rassemblés autour d’un puits scellé, sa seconde vision est celle de sa future femme, Ra’hel, dont le nom hébraïque signifie «mouton», gardant le troupeau de son père. Bientôt, Yaakov devient lui-même berger, veillant à son troupeau, recevant un salaire pour garder des moutons, marquant les moutons de marques spécifiques, rêvant de moutons, amassant une fortune grâce à ses moutons, et finalement reconduisant ses troupeaux en Terre Sainte où il présente à son frère Essav un cadeau immense essentiellement composé de… moutons. Entre les troupeaux, nous lisons également les mariages de Yaakov à Léa et Ra’hel et la naissance de onze de ses douze fils, les pères des douze tribus d’Israël.Que devonsnous apprendre du fait que la nation d’Israël fut fondée dans un environnement tellement entouré de moutons ? La première métaphore «Je suis à mon Bien Aimé et mon Bien Aimé est à moi, celui qui [me] garde parmi les roses» (Cantique des Cantiques 2: 16). La voix de ce verset, explique le Midrach Rabba, est celle de la communauté d’Israël, évoquant sa relation avec D.ieu. «Il est mon berger, comme il est écrit (Psaumes 80:1) : ‘Berger d’Israël, écoute’ ; et je suis Son troupeau, comme il est écrit (Yé’hézkiahou 34:31) ‘Et toi, Mon troupeau, le troupeau de Mon pâturage’» (Midrach Rabba sur ce verset). Le même passage midrachique décrit également notre relation avec D.ieu en termes de celles d’un enfant avec son père, une soeur avec son frère, une fiancée avec son fiancé, un vigneron avec son gardien, entre autres. Chacune de ces métaphores exprime une facette différente de cette relation : le lien profond entre D.ieu et Israël, l’amour et l’affection, la protection de D.ieu pour nous, notre source de joie pour Lui, etc. Que représente la métaphore du troupeau et de son berger ? Si le point souligné en était le fait que D.ieu pourvoit à nos besoins et nous protège, ces éléments existent également dans la relation entre un père et son enfant. Quel aspect unique dans notre relation avec D.ieu peut-il s’exprimer en nous décrivant comme Son troupeau ? Le trait dominant d’un mouton est sa docilité et son obéissance. L’enfant obéit à son père mais le fait parce qu’il apprécie la grandeur de son père ; le mouton n’obéit pour aucune raison, c’est simplement sa nature profonde qui le pousse à cette obéissance. C’est cet élément dans notre relation avec D.ieu que représente le mouton : une soumission inconditionnelle qui n’a pas ses racines dans notre compréhension de Sa grandeur et nos sentiments à Son égard (auquel cas elle serait définie par les limites de notre compréhension et de nos sentiments), mais dans la reconnaissance du fait que «je suis Son mouton». La nation juive fut fondée au milieu des moutons parce que notre abnégation et notre obéissance inconditionnelle à D.ieu sont les fondements de notre Judaïsme. Bien sûr, nous ne sommes pas seulement le troupeau de D.ieu, nous sommes également Ses enfants, Son épouse, Sa soeur et Son vigneron. Par le même biais, la Torah nous relate que lorsque Yaakov quitta ‘Haran après vingt ans passés à être berger, sa richesse ne consistait pas seulement en moutons : «Il avait de nombreux moutons, des servantes et des serviteurs, des chameaux et des ânes». Nous venons de lire que Lavan lui payait son salaire en moutons et que son troupeau se multipliait excessivement ; mais d’où lui venaient ses autres possessions ? Rachi explique que «il avait vendu ses moutons à un prix élevé et s’était acheté tout cela». Spirituellement, la «fortune» de Yaakov ne consistait pas non plus en docilité et abstraction de soi mais incluait également le courage et la vigueur. Mais la source et la base de tout cela lui venait de ses «moutons ». Etre un Juif signifie étudier la sagesse divine (qui nous est révélée dans Sa Torah), développer un amour passionné et une crainte révérencieuse pour D.ieu, étudier Sa sagesse et implanter Sa volonté dans un monde souvent hostile. Tout cela requiert que nous utilisions au mieux nos forces mentales, émotionnelles et notre aptitude à convaincre.Mais le fondement de toutes ces attitudes, la base sur laquelle elles s’appuient toutes et sur lesquelles elles s’affirment toutes, est notre simple engagement pour D.ieu, un engagement qui transcende la raison et l’émotion. Une piété interdite Nos Sages nous disent que les Patriarches observaient la Torah, tout entière, bien que D.ieu ne l’ait pas encore commandé. Et pourtant, le vingt-neuvième chapitre de Beréchit nous montre Yaakov épousant Ra’hel après avoir été trompé et marié à sa soeur Léa. Pourquoi Yaakov épousa-t-il deux soeurs, ce qui constitue une interdiction biblique tout à fait claire ? Mais Yaakov avait donné sa parole à Ra’hel qui avait attendu sept ans pendant lesquels il avait travaillé pour Lavan son père afin de gagner sa main. Refuser de l’épouser lui aurait causé une blessure et une souffrance. Puisque les lois de la Torah n’étaient pas ordonnées à Israël avant la révélation sinaïtique, Yaakov n’avait aucun droit de mettre en avant la piété qu’il s’imposait de son libre choix au dépens d’un autre être humain. C’est ici que réside une importante leçon pour chacun d’entre nous. Les lois de la Torah sont éternelles et sans équivoque. L’on ne peut questionner le Tout Puissant même si Ses commandements paraissent susciter de la souffrance et de la difficulté. En dernier ressort, la Torah est la source unique de vie et de bien-être pour le Juif, à la fois spirituellement et physiquement. Et pourtant, cela ne s’applique qu’à ce que la Torah édicte directement. Si une personne désire aller au-delà de ce que lui commande la Torah, rien n’est plus digne de louange, tant que cela ne fait que l’affecter elle-même. Quand les autres en souffrent, les besoins d’autrui doivent toujours avoir préséance sur ses propres «valeurs»,même les plus saintes.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que «la crainte de D.ieu» ?

La crainte de D.ieu, c’est réaliser à chaque instant qu’il existe: «Un oeil qui voit, une oreille qui entend et que toutes tes actions sont écrites dans le livre» (Pirké Avot - Maximes de nos Pères). C’est une Mitsva qui n’est conditionnée ni par le temps ni par le lieu et qui s’applique à chacun, Juif ou non. C’est donc une Mitsva à accomplir continuellement et qui doit être entretenue par la réflexion et l’étude de la ‘Hassidout. La crainte de D.ieu est la base de toute la Torah. Le «Kitsour Choul’hane Arou’h» (recueil abrégé des lois juives) commence d’ailleurs avec ce verset des Psaumes : «Je place D.ieu devant moi continuellement». La crainte de D.ieu connaît plusieurs degrés : la crainte du châtiment, la crainte du «qu’en dira-t-on» etc…, mais elle est indispensable. On rappellera à ses enfants et élèves que sans la crainte de D.ieu, l’étude ne se maintient pas. Cependant cette «crainte» doit être accompagnée d’un enthousiasme et d’une vitalité constante. C’est grâce à la crainte de D.ieu qu’on parvient à accomplir les Mitsvot uniquement pour le Nom de D.ieu, sans intérêt personnel. Dans le temps, cette crainte de D.ieu était palpable dans toutes les couches du peuple juif : certains craignaient d’être punis,d’autres de déplaire aux parents ou professeurs ; d’autres enfin aspiraient à la récompense du monde futur… Il convient évidemment de souligner ces aspects et d’en rendre conscients ses enfants et élèves. Mais la ‘Hassidout demande de développer ces concepts en étudiant davantage la grandeur de D.ieu et la mission qu’Il confie à chacun de nous. La meilleure façon d’enseigner la crainte de D.ieu est par l’exemple personnel. Le parent et le professeur s’efforceront sincèrement de mettre en pratique ce que la Torah exige de chaque Juif : prier avec ferveur, veiller à la propreté du corps, de l’environnement et du langage, se dévouer pour les autres, étudier régulièrement la Torah, éviter la colère et la médisance etc… F. L. (d’après le regretté Rav Chaim Mordechai Its’hak Hodakov)
De Recit de la Semaine
Des mains comme ça !

Un voyageur âgé se présenta un jour à l’aéroport Ben Gurion en Israël, au stand tenu par Loubavitch. Il se dirigea en souriant à l’accueil et on lui proposa une tasse de café en attendant son avion. Il accepta mais à la condition que cette tasse soit pleine à ras bord. Etonnés, les ‘Hassidim ne posèrent pas de question et lui servirent une tasse pleine au point que le moindre mouvement la ferait se renverser. Et à leur grande stupéfaction, l’homme – pourtant âgé – souleva la tasse sans en renverser une goutte et but son café. L’homme souria fièrement et expliqua : «J’ai fait cela pour vous prouver combien vous avez un grand Rabbi !» «Voyez-vous, il y a très longtemps, j’étais le rabbin d’une grande synagogue de New York. Il y avait un Minyane tous les jours pour la prière, des cours et beaucoup d’activités. Et notre bâtiment abritait également un Mikvé (bain rituel) pour femmes. Mais à cette époque, de nombreux fidèles quittèrent New York pour s’établir dans des banlieues plus sûres et plus huppées et les fidèles plus âgés disparurent. Bref, le comité de la synagogue me fit comprendre qu’il ne servait à rien d’entretenir un si grand bâtiment juste pour quelques personnes. Je m’opposais à cette décision, suivant en cela la recommandation de Maïmonide: «On ne vend pas une synagogue sauf si c’est pour en construire une autre plus grande». «De fait, quelques personnes continuaient à fréquenter aussi bien l’oratoire que les classes de cours. De plus le Mikvé accueillait tous les soirs des dames de tous les quartiers de New York. Un jour, la dame responsable du Mikvé me raconta que pratiquement chaque soir, le Rabbi de Loubavitch lui téléphonait, lui demandait comment elle se sentait et l’encourageait à continuer son travail avec dévouement. Ceci dura plusieurs mois jusqu’à un soir: j’étais en train de donner mon cours quotidien de Guemara, la dame responsable du Mikvé entra en trombe dans la pièce et, presque hystérique, annonça que quelqu’un avait placé un gros cadenas sur la porte du Mikvé ! Je compris que c’était sans doute le seul moyen qu’avait trouvé le comité pour décourager les femmes de venir. J’ignore ce qui m’a pris mais je me suis précipité vers ma voiture, j’y trouvai les outils nécessaires et me rendis devant le Mikvé. Au bout d’une heure d’efforts surhumains, je parvins à faire sauter le verrou : les femmes qui m’avaient observé de loin purent alors pénétrer dans le bâtiment. Le lendemain, la responsable du Mikvé me raconta que le Rabbi l’avait appelée la nuit précédente – comme à son habitude – et elle lui avait expliqué ce que j’avais été obligé de faire. Le Rabbi remarqua: «Bénies soient les mains qui ont brisé ce verrou!» Et c’est cela que je voulais vous montrer, conclut l’homme. J’ai maintenant plus de 91 ans et mes mains ne tremblent pas grâce à cette bénédiction!» Rav Tuvia Bolton Le’haïm – www.ohrtmimim.org/torah traduit par Feiga Lubecki