Semaine 53

  • Vayigach
Editorial

La connaissance en partage

Alors qu’en ce début de semaine, ‘Hanouccah s’achève, tous les chandeliers de la fête couronnés de lumière, voici qu’une autre victoire monte à l’horizon. Et elle n’est pas de moindre importance. Il s’agit du 5 Tévèt et c’est une affaire de livres. De fait, le peuple juif sait, depuis toujours, qu’un livre n’est pas tout à fait un objet comme les autres. Il sait que ce n’est pas qu’un assemblage matériel de feuilles de papier couvertes d’encre ou, pire encore, une matière de transaction commerciale, faite pour qu’on l’achète et la vende comme un simple bien de valeur parmi tant d’autres. Il sait que le livre recèle toujours une sagesse, il porte en lui une mémoire et constitue une manière de déchiffrer le monde. Ce n’est pas pour rien que les ennemis de la civilisation, qui veulent, en tous temps, réduire les hommes à la condition diminuée qu’ils entendent leur assigner, commencent toujours par s’attaquer aux livres, brûlant les uns, interdisant les autres. L’objectif est clair : en fermer l’accès au plus grand nombre. Parce que la voie du livre, c’est celle de la connaissance, voie majeure de la Sainteté. Le précédent Rabbi de Loubavitch et son successeur, le Rabbi, conscients de cette réalité, agirent en conséquence. Littéralement au péril de leur vie,pour le premier lors de son départ de l’URSS stalinienne,pour le second en France, alors que, pendant la guerre, il passait en zone libre avec sa femme, ils emportèrent et protégèrent des livres. Il s’agissait de textes bien précieux, une sagesse qui avait traversé le temps, héritage des Rabbis de Loubavitch, qui couvrait tous les domaines de la connaissance juive, patiemment collectés, davantage pour leur usage, leur diffusion que pour une simple préservation. Ces livres avaient enfin trouvé leur refuge à New York, dans la bibliothèque centrale du mouvement Loubavitch où ils se trouvent toujours, à la disposition des chercheurs et ayant souvent fait l’objet d’éditions successives.Des livres saints à n’en pas douter, écrits par les plus grands : le Baal Chem Tov etc. Il se trouva un homme qui, pour son intérêt personnel, s’empara de certains de ces livres,voulut les vendre… Perdre de vue la grandeur véritable des choses est l’erreur la plus grave. Oublier qu’un livre, en particulier porteur de sainteté, est une lumière que nul n’a le droit de cacher est une faute encore plus condamnable. Les livres furent retrouvés, remis à leur juste place. La décision en fut prise un 5 Tévèt. Nous pouvons y renouer aujourd’hui avec la source de notre âme. Le 5 Tévèt ? Un jour pour étudier et se souvenir que la connaissance est le bien qui se partage le mieux sans que personne y perde.

Etincelles de Machiah

La Délivrance est la vraie vie !

Lorsque Jacob, sur l’ordre de D.ieu, descendit s’installer en Egypte avec sa famille, il se présenta devant le Pharaon. Celuici l’interrogea : «Quel âge as-tu ?» Et Jacob lui répondit : «130 ans ; les années de ma vie ont été peu nombreuses et mauvaises…» (Gen. 47: 8-9). A l’évidence, une question se pose : comment peut-on dire que 130 ans constituent un petit nombre d’années alors même que, depuis le déluge, la durée de vie d’un homme est, au maximum, de 120 ans ? C’est que Jacob, troisième de nos Patriarches, est profondément, essentiellement lié au troisième Temple, celui qui apparaîtra avec la venue de Machia’h. C’est pourquoi, durant toute son existence, il n’aspira qu’à cette sérénité éternelle que seule apportera la Délivrance. Aussi, alors qu’elle n’était pas encore concrètement arrivée, Jacob ne pouvait percevoir sa vie que comme incomplète, faite qualitativement d’années «peu nombreuses et mauvaises». (D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – Chabbat Parachat Mikèts 5752) H.N.

Vivre avec la Paracha

Vayigach : la richesse des nations du monde

Et le monde entier vint en Egypte, chez Yossef, pour acheter de la nourriture car la famine était sévère sur toute la terre… Et Yossef rassembla tout l’argent qu’il put trouver en terre d’Egypte et en terre de Canaan (et tout l’or et l’argent du monde) pour la nourriture qui avait été achetée ; et Yossef apporta l’argent à la maison du Pharaon. (Beréchit 41: 57 et 47:14) Depuis maintenant quelques semaines, nous suivons l’histoire de Yossef : sa vente comme esclave, son interprétation des rêves du Pharaon et sa désignation comme vice-roi d’Egypte, ses plans d’aménagement agricole, pendant les sept années d’abondance et son contrôle sur toute la distribution alimentaire pendant la famine pour que la richesse de l’Egypte et des pays avoisinants soit concentrée dans ses mains, le voyage de ses frères en Egypte pour y acheter des aliments, les accusations qu’il souleva contre eux et la façon dont il mit en détention Chimon et Binyamin. Dans la Paracha de cette semaine, Vayigach, nous assistons au paroxysme de cette histoire :Yossef révèle son identité à ses frères. Ils sont muets, choqués et pleins de remords mais il les calme et les enjoint de se dépêcher de retourner en Canaan pour chercher leur père et le ramener en Egypte. Père et fils se retrouvent avec beaucoup d’émotion, après vingt-deux ans de séparation. Yaakov et sa maisonnée, soixante-dix âmes en tout, s’installent en Egypte. Dans cette Paracha, nous est également révélée la raison de cette succession d’événements.Yossef dit à ses frères : «Ce n’est pas vous qui m’avez envoyé ici, mais D.ieu… Dépêchez-vous et montez chez mon père et transmettez-lui : «D.ieu m’a fait maître sur toute l’Egypte; descends à moi, ne tarde pas. Tu t’installeras en terre de Gochen et seras proche de moi, toi, tes enfants et les enfants de tes enfants, et tes gros et menus bétails, et toutes tes possessions».» En d’autres termes, tout avait été mis en oeuvre par D.ieu pour que les Enfants d’Israël s’installent en Egypte. N’y avait-il pas d’autre moyen pour faire venir Yaakov en Egypte ? Le Talmud explique : «Yaakov aurait pu être conduit en Egypte, enchaîné, mais il mérita que cela arrive comme cela est décrit par le Prophète : «Je les tirerai avec des cordes humaines, avec des cordes d’amour…». Le Midrach cite la parabole suivante : «Il y avait une vache qui devait être jugulée mais ne se laissait pas faire. Que firent-ils ? Ils lui retirèrent son veau et le conduisirent là où ils voulaient que la vache laboure. Le veau commença à meugler. Quand la vache entendit les plaintes de son petit, malgré elle, et par amour pour son veau, elle se rendit au champ. Par le même biais, D.ieu désirait accomplir le décret [de l’exil d’Egypte], aussi organisa-t-Il toutes ces choses pour que [Yaakov et sa famille] descendent en Egypte. D.ieu dit : «Mon premier-né, Je le ferai descendre [en Egypte] dans la disgrâce?... Je conduirai son fils avant lui, et lui suivra, malgré lui» » Cela explique la raison pour laquelle Yossef fut nommé maitre de l’Egypte : pour que l’arrivée de Yaakov ne se passe pas comme dans un exil, chargé de chaînes, mais qu’il y arrive comme le père de l’homme le plus puissant du pays.Mais pourquoi la montée au pouvoir de Yossef devait-elle se produire ainsi ? Pourquoi sept années de plénitude, les années de famine et la concentration de tout l’or et l’argent du monde en Egypte, événements qui affectèrent la vie de millions de gens ? Le but «mercantile» de l’exil Selon les écrits de nos Sages, le mot «Egypte» est synonyme du phénomène même du Galout (exil). Car bien que l’exil égyptien n’ait duré que 210 ans, ce fut le plus significatif des 4 exils vécus par le Peuple Juif. L’Egypte était le «creuset» qui forgea les descendants de Yaakov en une nation. C’était le prototype de tous les exils qui allaient suivre, contenant les racines de chaque expérience juive sous un gouvernement étranger. L’un des aspects étonnants dans l’exil égyptien est l’importance attachée à la richesse matérielle que le Peuple Juif emporta avec lui lorsqu’il sortit d’Egypte. Dans l’alliance entre D.ieu et Avraham, l’exil égyptien est ainsi décrit : «Sache que tes enfants seront étrangers en terre étrangère [où]ils seront asservis et torturés… et par la suite, ils sortiront avec une grande richesse.» La «grande richesse» promise à Avraham est un thème récurrent dans le récit de l’Exode, à tel point que l’on a l’impression que c’était le but même du séjour en Egypte. Dans Sa première apparition devant Moché, D.ieu inclut cette promesse de richesse. Durant la plaie de l’obscurité, les Juifs purent voir les richesses qu’ils demanderaient aux Egyptiens au moment de l’Exode. D.ieu semble même supplier les Enfants d’Israël de sortir les richesses d’Egypte ! Le Talmud explique que le Peuple Juif était réticent à l’idée de retarder sa sortie d’Egypte pour prendre le temps d’amasser des richesses. Si bien que D.ieu dut les supplier ; «Je vous en prie, demandez […] les ustensiles d’or et d’argent, pour que le Juste [Avraham] ne dise pas : Il a accompli : «Ils seront asservis et torturés» mais Il n’a pas accompli : «Ils sortiront avec une grande richesse». Mais Avraham n’aurait-il pas lui aussi accepté d’oublier la seconde partie de la promesse pour hâter la Rédemption de ses enfants ? L’étincelle dans l’or Le Talmud enseigne que «le Peuple d’Israël fut exilé parmi les nations seulement dans le but que des convertis les rejoignent». Au niveau le plus littéral, il est ici fait référence aux nombreux non-juifs qui, au cours des siècles de notre dispersion, sont entrés en contact avec nous et ont désiré rejoindre nos rangs. Mais les enseignements de la ‘Hassidout expliquent que le Talmud se réfère également aux «âmes» d’une espèce différente qui sont transformées et élevées au cours de nos exils : «les étincelles de spiritualité » contenues dans la création matérielle. Chaque objet, force et phénomène dans l’existence possède en lui une étincelle de Divinité qui représente sa fonction dans le but Divin pour la Création. Il s’agit de son «âme», son contenu et son dessein spirituels. Quand l’homme utilise quelque chose pour servir son Créateur, il pénètre dans l’enveloppe de la matérialité, révélant et réalisant son essence divine. C’est la raison pour laquelle le Peuple Juif a été éparpillé dans le monde entier : pour révéler la Divinité où qu’elle se trouve. Ainsi lorsque nous avançons dans la vie, en empruntant des chemins parfois inattendus, tout est organisé selon le schéma divin qui nous permet d’accomplir ainsi notre mission individuelle pour libérer les étincelles de sainteté renfermées dans tout ce que nous rencontrons. L’exode en masse L’exil égyptien fut le père et le prototype de tous les exils. La Kabbale nous dit que le monde matériel renferme 288 «étincelles» générales dont 202 furent sorties d’Egypte, libérées et élevées quand les Juifs emportèrent ces richesses. La leçon que chacun d’entre nous peut tirer de ce qui précède est que nous devons reconnaître les opportunités et les ressources que nous donne D.ieu comme partie intégrante de notre mission dans la vie. Il ne s’agit pas de s’échapper de l’exil en s’enfermant dans un cocon de spiritualité, consacrant nos jours et nos nuits à l’étude et à la prière.Mais il nous faut, au contraire, relever les défis que la Providence Divine met sur notre chemin, en utilisant chaque petit morceau d’or et d’argent à une fin divine. Nous en extrayons ainsi toute la spiritualité, parvenons à une rédemption individuelle et hâtons la Rédemption universelle lorsque «le grand Choffar retentira …et qu’Ils s’inclineront devant D.ieu sur la Montagne Sainte à Jérusalem.»

Le Coin de la Halacha

Qu’est-ce que le jeûne du 10 Tévet ?

Le 10 Tévet – cette année mardi 6 janvier 2009 – rappelle le début du siège de Jérusalem par Nabuchodonosor en l’an 3336 (-425). C’est l’un des quatre jeûnes institués par nos Sages en souvenir de la destruction du Temple. Rabbi Chnéour Zalman explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine.Comme l’obligation de jeûner le 10 Tévet est, à certains égards, plus stricte que pour les autres jeûnes, on peut comprendre que la bienveillance divine est aussi plus forte ce jourlà. Donc la Techouva, le retour à D.ieu que doit amener le jeûne, sera aussi d’un niveau plus élevé. Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est aussi associé au souvenir des victimes de la Shoah et le Kaddich y est récité pour le mérite de tous ceux dont on ignore la date exacte de décès. Le jeûne commence à 7h 00 (heure de Paris) et se termine à 17h 58. F. L. (d’après Rav Y. Ginsburgh et Rav M. M. Laufer)

De Recit de la Semaine

Un miracle de ‘Hanouccah

Peu après sa Bar Mitsva, mon plus jeune frère renonça progressivement à toute pratique du judaïsme. Pour lui, son identité juive ne signifiait plus rien. Après son mariage, il s’installa à St Dorothy, Laval, en banlieue de Montréal, non loin de chez mes parents. Durant quelques années, des missionnaires chrétiens s’étaient rendus régulièrement à son domicile.Mon frère, soucieux de politesse, les écoutait poliment chaque fois qu’ils se présentaient. Et ils venaient de plus en plus souvent. Un jour, ils l’invitèrent à se joindre à eux pour une soirée de prières «pour que vous compreniez mieux la parole de D.ieu et pour que votre fille ait des contacts avec d’autres enfants…». Mon frère avait l’intention d’accepter. Exactement le même soir, une scène toute différente se déroulait au domicile de mes parents. Un jeune Loubavitch – Rav Zalman Stiefel de Young Israel de Chomedey – avait organisé une fête de ‘Hanouccah au domicile d’une famille à laquelle il s’était lié dans le voisinage. Ne sachant qui participerait, Rav Stiefel avait décidé, une semaine auparavant, de se rendre personnellement dans dix maisons porteuses d’une Mezouzah : il inviterait ces Juifs à la fête de ‘Hanouccah. Une de ses premières étapes fut la maison de mes parents. Ceux-ci étaient ravis de l’invitation et ma mère demanda à Rav Stiefel : - Puis-je vous demander un grand service? Mon fils habite non loin d’ici ; il n’y a pas de Mezouzah à sa porte, il ne veut plus rien entendre du judaïsme mais, peut-être, un contact personnel… Retour au domicile de mon frère. Il avait justement une discussion animée avec son épouse, son beau-frère et la fiancée de celui-ci à propos des missionnaires : - J’ai épousé un Juif et tu resteras juif ! insistait ma belle-soeur. Tu ne dois pas aller à cette rencontre ! Son beau-frère fit mine de prendre le téléphone : - Je vais appeler ton père et lui demanderai de t’empêcher de te rendre à cette rencontre. Il fit semblant de parler au téléphone avec mon père, expliquant ce qui se passait et insistant pour mon père vienne immédiatement pour empêcher son fils de se rendre à l’église. Mon frère devenait de plus en plus nerveux tandis que toute la famille semblait se liguer contre lui. Il sortit sa dernière cartouche, si l’on peut dire : «Eux, les missionnaires, ils s’intéressent à moi ! Ils viennent à ma porte et me rendent visite à la maison ! Ils prennent du temps pour me parler ! Ils sont venus me parler personnellement. Depuis quand un rabbin s’est-il intéressé à moi ? Depuis quand un rabbin a-t-il pris la peine de frapper à ma porte et de m’inviter à une fête quelconque ?» Mon frère s’arrêta un instant pour reprendre son souffle et, à cet instant, on sonna à la porte. Pour détendre l’atmosphère, son beau-père suggéra : «C’est peut-être ton père…» Imaginez le choc et l’incrédulité de chacun des protagonistes quand on ouvrit la porte et qu’apparut un jeune rabbin souriant : Rav Stiefel tenait une Ménorah et des bougies de ‘Hanouccah. Il fallut plusieurs secondes à toutes les personnes présentes pour retrouver leurs esprits et pour proposer au rabbin de ne pas rester dans le froid et d’entrer : «Je viens vous inviter à la fête de ‘Hanouccah qui se déroulera non loin d’ici…» commença Rav Stiefel. Essayez d’imaginer la scène : mon frère s’efforçant de retenir son chien, très excité, d’une main tout en expliquant au rabbin combien il était étonné de le voir lui rendre visite pour ‘Hanouccah. Mais c’est cette visite qui devait lui faire complètement changer d’avis à propos du judaïsme. La semaine suivante, Rav Zalman Stiefel et son épouse Aïda ainsi que leurs cinq enfants préparaient la fête avec la famille – hôte. Par un remarquable concours de circonstances, par Providence Divine plutôt, la seule famille qui se présenta à la fête de ‘Hanouccah fut mon frère avec sa fille et nos parents. Ensemble, ils allumèrent la Ménorah, chantèrent des chants de ‘Hanouccah, dégustèrent des latkess et des beignets à la confiture, créant ainsi une atmosphère amicale inoubliable. Quelques jours plus tard, mon frère assista au grand allumage officiel à la synagogue. Ce soir-là, de fait, mon frère participait à sa première célébration juive de son âge adulte. Dernièrement, il a été invité avec sa famille à un repas de Chabbat au foyer de Rav Stiefel et de son épouse, une invitation qu’il a acceptée avec gratitude et qu’il ne regretta pas. Je sais que mon frère et toute notre famille ont été touchés par ce miracle de ‘Hanouccah. D.ieu est grand et toujours présent dans notre vie. J’espère et je prie que nous puissions tous bénéficier de tels miracles «à cette époque, de nos jours !» Courrier des lecteurs - Le’haïm n°1051 traduit par Feiga Lubecki

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