Une victoire de toujours
Toute une semaine ! C’est toute une semaine qui s’élève devant nos yeux éblouis ; jour après jour, dans nos maisons, sur les places publiques, le chandelier de ‘Hanouccah apporte cet élément à la fois si quotidien et si essentiel : la lumière qui monte. Car nous le constatons avec chaque journée de fête qui passe : si, au début, une seule flamme brillait, cela n’a pas bien longtemps était suffisant. Au contraire, dès le lendemain, c’est deux flammes qui ont éclairé l’espace puis trois etc. jusqu’au jour ultime où huit lumières écartent l’obscurité du monde. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.
La loi juive prend soin de le préciser : le chandelier de ‘Hanouccah doit être disposé – pour le particulier, dans sa maison – mais toujours vers l’extérieur. C’est presque du domaine de l’évidence : la lumière est faite pour éclairer, et c’est au cœur de l’obscurité qu’elle joue pleinement son rôle. Elle a le pouvoir naturel, même quand elle est petite et apparemment expression forte quand nous les allumons aussi dans le domaine public. Certes, il revient à chacun d’allumer les lumières de ‘Hanouccah dans sa maison mais voir la lumière monter sur les places et dans les rues de la ville constitue un encouragement précieux et, plus encore, cet acte est faible, de chasser toutes les forces de la nuit. Nous réalisons cette grande œuvre quand, chaque soir, à la nuit tombée, nous allumons les flammes de la fête. Nous lui donnons une porteur d’un message inestimable à notre temps : celui de la victoire éternelle de la liberté de conscience sur la volonté d’uniformisation des modes de vie et de pensée.
Nos ancêtres eurent ce péril-là à affronter. A l’époque historique de ‘Hanouccah, l’occupant grec voulut que le peuple juif oublie ce qu’il était, son lien inébranlable avec D.ieu. Il tenta d’imposer sa vision des choses par la force des armes et il échoua. Il arrive parfois que, en notre temps, avec des moyens plus pacifiques mais aussi plus insidieux, le monde nous invite encore à oublier. Attaques contre la circoncision ou l’abattage rituel, mise en cause de notre identité, refus de notre différence, les exemples sont nombreux. Mais les lumières de ‘Hanouccah savent répondre avec justesse : la liberté ne meurt jamais et la conscience non plus.
Un avant-goût
Lorsque le Machia’h viendra, on connaîtra et on ressentira le Divinité de façon claire et évidente. C’est la conscience du monde qui se fera de façon lointaine, comme secondaire.
Les hommes seront alors tous au degré d’Adam avant qu’il ait commis la faute de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. A ce moment, il était totalement uni à D.ieu et ne ressentait pas la grossièreté de la matière. Il mangeait, buvait et satisfaisait ses autres besoins physiques sans y ressentir le moindre désir matériel.
D’après Séfer Hamaamarim Kountressim 1 p 134
Vayigach
Un berger en Egypte
La Torah relate que lorsque Yaakov partit avec sa famille s’installer en Egypte, pour un séjour qui allait durer plus de deux cents ans, «il envoya Yéhouda en avant… pour montrer le chemin» (Beréchit 46 : 28). Le mot hébreu lehorot («pour montrer le chemin») signifie, dans son sens littéral : «pour enseigner», «pour instruire», ce qui incite le Midrach à affirmer que le but de la mission de Yéhouda était «d’établir une maison d’étude d’où seraient diffusés les enseignements de la Torah».
Or Yossef résidait déjà en Egypte et Yaakov avait reçu l’information qu’un éloignement de vingt-deux ans de chez lui n’avait en rien diminué ses connaissances et son engagement à la Torah. De plus, il allait de soi que Yossef avait l’autorité et les moyens de construire dans l’empire la plus magnifique yéchiva. Pourquoi donc Yaakov désirait-il que Yéhouda, un émigrant sans le sou, parlant à peine la langue, soit celui qui installe cette maison d’étude qui allait servir au peuple juif en Egypte ?
Yéhouda et Yossef
Les enfants de Yaakov se divisaient en deux groupes : d’une part, il y avait dix des douze frères, conduits par Yéhouda et de l’autre, Yossef dont les différends avec ses frères avaient causé tant de souffrance et de querelles dans la famille de Yaakov.
Ce conflit entre Yossef et ses frères remontait plus loin qu’une tunique colorée ou qu’une préférence dans l’affection d’un père (voir Vayéchev). Il s’agissait d’une opposition entre deux perspectives, deux approches de la vie pour le Juif qui vit dans un monde païen.
Avraham, Its’hak et Yaakov avaient été des bergers, tout comme l’étaient les frères de Yossef. Ils avaient choisi cette vocation parce que cette vie, une vie d’ascèse, de communion avec la nature et distante du tumulte et de la superficialité de la société, était plus propice à leurs quêtes spirituelles. Tout en surveillant leurs troupeaux dans les vallées et sur les collines de Canaan, ils pouvaient tourner le dos aux préoccupations matérielles et contempler la majesté du Créateur, avec un esprit clair et un cœur tranquille.
Yossef était l’exception. C’était un homme du monde, ich matslia’h, «homme à succès» (Beréchit 39 :2) dans les affaires et en politique. Vendu comme esclave, il avait vite fait de devenir le gérant des affaires de son maître. Jeté en prison, il fi bientôt partie des chefs de l’administration pénitentiaire. Il en sortit pour devenir vice roi d’Egypte, le second, après le pharaon, de la nation la plus puissante de la terre.
Et pourtant, rien de tout cela ne l’affecta. Esclave, prisonnier, dirigeant des millions d’âmes, contrôlant la richesse de l’empire, rien n’y fit : le même Yossef qui avait étudié aux pieds de son père traversait les palais et les sièges du gouvernement de l’empire.
Sa personnalité profonde, morale et spirituelle, venait de son intériorité et n’était en rien affectée par la société, l’environnement dans lesquels il évoluait, pas plus que par ses occupations qui l’accaparaient vingt-quatre heures par jour.
L’antagonisme entre Yossef et ses frères était celui qui opposait une tradition spirituelle et un nouveau matérialisme, une communauté de bergers et un entrepreneur. Les frères ne pouvaient accepter qu’une personne puisse mener une existence profane sans devenir matérialiste, qu’une personne puisse rester unie avec D.ieu tout en se plongeant dans les affaires de la société la plus dépravée au monde.
Et c’est Yossef qui devait sortir victorieux de ce conflit. L’ascèse spirituelle qui avait caractérisé les trois premières générations de l’histoire juive était destinée à prendre fin. Yaakov et sa famille déménagèrent en Egypte où «le creuset» de l’exil allait forger leurs descendants et en faire la nation d’Israël. Comme Yossef en avait eu la prémonition dans ses rêves, ses frères et son père s’inclinèrent devant lui, indiquant par là la soumission de leur approche à la sienne. Yaakov avait compris depuis toujours la signification de ces rêves et avait attendu leur réalisation. Les frères de Yossef, quant à eux, qui trouvaient plus difficile d’accepter que l’ère des bergers touchait à sa fin, le combattirent pendant vingt-deux ans. Finalement, ils en vinrent eux-aussi à accepter le défi historique qu’allait devoir relever Israël, en vivant une vie spirituelle dans un environnement matérialiste.
Les pères fondateurs
Ce fut néanmoins Yéhouda, et non Yossef, qui fut choisi pour établir cette maison d’étude qui servirait comme source d’enseignement de la Torah pour les Juifs en Egypte.
Les trois premières générations de la vie juive n’avaient pas constitué un «faux départ». Bien au contraire, elles étaient les fondements de tout ce qui allait suivre. C’est là que Yossef prit la force de persévérer dans sa foi et sa droiture dans un environnement étranger. C’est sur ces fondements que l’édifice tout entier de l’histoire juive allait être bâti.
Le Juif vit dans un monde matériel mais ses racines sont enfouies dans le sol d’une spiritualité parfaite. Dans sa vie quotidienne, il doit être un Yossef mais son éducation doit lui être donnée par un Yéhouda.
Basé sur une si’ha du Rabbi, le 2 Tévet 5722 (9 décembre 1961)
Qu’est-ce que le jeûne du 10 Tévet (cette année vendredi 13 décembre 2013) ?
En ce jour funeste commença le siège de la ville sainte de Jérusalem par l’armée babylonienne, sous les ordres du cruel Nabuchodonosor en 3336 (425 ans avant le début de l’ère commune).
A cause de sa gravité – puisqu’il marque le début de la destruction et de l’exil – il ne peut être repoussé à une date ultérieure (comme les jeûnes du 17 Tamouz et du 9 Av) ou avancé à une date précédente (comme le jeûne d’Esther). C’est le seul jeûne qui peut tomber un vendredi - donc veille de Chabbat – comme cette année. Du fait de sa gravité, il aura d’ailleurs une place de choix quand les jours de jeûne seront transformés en jours de joie (avec la venue de Machia’h).
Le but du jeûne est que même le corps physique ressente «la diminution de la graisse et du sang». On ne mange pas et on ne boit pas. On ne se rince pas la bouche. Mais on peut se laver sans restriction.
Les enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge de la Bar ou Bat Mitsva (les filles dès 12 ans et les garçons dès 13 ans) ne jeûnent pas. Les personnes fragiles, les femmes enceintes ou qui viennent d’accoucher ou qui allaitent ne jeûnent pas. Même ceux qui ont la permission de manger s’abstiendront de manger des friandises.
Le jeûne commence à l’aube, vendredi 13 décembre 2013 (6h 52 heure de Paris) et se termine à la tombée de la nuit (17h 39 heure de Paris).
Dans la prière du matin, on récite les Seli’hot spéciales de ce jour après le Ta’hanoun ainsi que «le grand Avinou Malkénou». Puis on lit dans la Torah le passage Vaya’hel (Chemot - Exode 32 : 11 jusqu’à 34 : 1). Seul celui qui a jeûné peut être appelé à la Torah.
Durant la prière de Min’ha (l’après-midi), on lit dans le rouleau de la Torah le chapitre Vaya’hel mais on ne récite ni le Ta’hanoun ni Avinou Malkénou. Dans la Amida, on ajoute le passage Anénou («Réponds-nous, Éternel au jour de notre jeûne car nous sommes dans une grande peine…»).
On procédera le plus tôt possible à la prière de Kabbalat Chabbat et Maariv, afin de pouvoir réciter le Kiddouch sans attendre et ne pas prolonger inutilement le jeûne. Si nécessaire, on répétera la lecture du Chema Israël plus tard afin de se rendre quitte de la Mitsva dans la nuit.
Comme tous les jours de jeûne, on procédera à un examen de conscience approfondi et on évitera de se mettre en colère. On augmentera les dons à la Tsedaka (charité). Rabbi Chnéour Zalman explique qu’un jour de jeûne est aussi un jour de bienveillance divine. Comme ce jeûne du 10 Tévet est particulièrement important, on comprend que la Techouva (retour à D.ieu) procurée par ce jeûne est aussi d’un niveau plus élevé.
Dans de nombreuses communautés, ce jeûne est associé au souvenir des martyrs de la Shoah.
F.L. (d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Anniversaire au Ohel…
En octobre 2012, des soldats de Tsahal patrouillent le long de la frontière de Gaza quand ils remarquent un colis suspect : le commandant Ziv Shilon s’approche et le colis, actionné à distance par des terroristes, explose, le blessant grièvement.
«Il était deux heures du matin» raconta plus tard Ziv aux média israéliens. «J’ai rampé jusqu’à la charge moi-même car je craignais que, si un autre s’exposait, il ne saurait pas la désamorcer. Je sentais que je risquais de me blesser car les terroristes profitent de l’obscurité mais j’ai estimé qu’il était de mon devoir de m’impliquer, avec tous les risques inhérents à ce genre d’opérations».
De fait, Ziv perdit sa main gauche - arrachée par l’explosion - mais trouva la force de courir rejoindre son commando, de peur d’être kidnappé. Sa main droite saignait abondamment. Il fut transporté d’urgence en hélicoptère à l’hôpital. Sa convalescence s’annonçait d’ores et déjà comme douloureuse et longue : on lui posa une prothèse pour remplacer sa main gauche mais sa main droite ne fonctionnait plus.
Dès que l’incident fut connu, Rav Menachem Kutner – responsable Loubavitch pour le bien-être des victimes du terrorisme – contacta Ziv, le réconforta et l’encouragea : Ziv était un homme jeune prometteur, dont la vie avait brusquement basculé, dont les rêves s’étaient écroulés. Après plusieurs mois de rééducation, Ziv se remit un peu, bien que, psychologiquement, il restait très fragile et déprimé. Rav Kutner lui proposa de se joindre à un groupe d’autres soldats pour un voyage de détente organisé à New York sous sa direction.
«Nous avons visité New York avec toutes ses attractions, même celles que la plupart des touristes ne peuvent s’offrir comme par exemple un tour de la ville en hélicoptère, une visite d’un stade sportif et toutes sortes d’activités adaptées aux handicapés. Nous avons consacré le vendredi à l’aspect juif avec, en particulier, une visite à Queens, au Ohel, le tombeau du Rabbi puis à Brooklyn, dans le bureau du Rabbi suivi d’une promenade dans le quartier de Crown Heights, quand les ‘Hassidim se préparent pour l’entrée de Chabbat, spectacle hautement sympathique et surréaliste pour des Israéliens blasés.
Dans l’autobus qui nous conduisait de notre hôtel à Manhattan vers le Ohel, je pris le micro pour expliquer comment un ‘Hassid se prépare avant d’entrer au Ohel : il se trempe au Mikvé (bain rituel), il écrit une lettre où il demande sincèrement au Rabbi de l’aider, il prie du plus profond de son cœur… La visite ne devait durer qu’une heure mais la rédaction même de leur lettre demanda aux soldats plus d’une heure : chacun avait pris très au sérieux mes recommandations, certains avaient même tenu à se tremper au Mikvé situé à côté du Ohel. Ils avaient compris que le Rabbi aime chaque Juif et souhaite son bien-être. Ziv avait tenu lui aussi à écrire lui-même au Rabbi, malgré le peu de maniabilité de sa prothèse et il signa de son prénom et celui de sa mère. Puis chacun pénétra dans le Ohel : je leur proposai de lire avec eux le chapitre de Tehilim (Psaumes) correspondant à leur âge. Ziv m’informa qu’il avait 25 ans et nous avons donc lu ensemble le chapitre 26. Puis Ziv se ravisa : en fait, il n’aurait 25 ans que dans dix jours ! Nous avons donc repris le Tehilim et lu le chapitre 25. Ensuite, malgré la difficulté, Ziv tint à déchirer lui-même la lettre qu’il venait de lire devant le tombeau comme le veut la coutume.
Quand nous sommes sortis du Ohel, certains de ces soldats pourtant endurcis par leurs souffrances et leur éducation laïque ne cachèrent pas leurs larmes et leur émotion. L’un d’entre eux en particulier ne cessa pas de pleurer tout le long du trajet jusqu’à Brooklyn.
Après notre visite à Crown Heights, nous sommes retournés à l’hôtel de Manhattan et nous avons pris part au repas organisé par le Beth ‘Habad de Rav Uriel Vigler pour 500 membres de sa communauté : les soldats étaient les invités d’honneur. Ziv insista pour s’asseoir à côté de moi et il m’expliqua : «Avant d’entrer au Ohel, je me suis dit que, s’il se trouvait le mot «main» trois fois dans mon chapitre de Tehilim, ce serait un signe que le Rabbi me bénirait et que ma main droite guérirait. De fait, les médecins m’avaient conseillé de procéder à l’amputation de cette main qui, selon eux, n’avait aucune chance de fonctionner à nouveau et pourrait s’infecter mais j’avais refusé de toutes mes forces. Quand vous avez lu le chapitre 26, je ressentis une grande joie car on y trouve trois fois le mot «main» (versets 6, 10 et 11). Mais quand je remarquai que je m’étais trompé et que nous avons lu le chapitre 25, je n’y trouvais aucune allusion à la main. Depuis, je suis désespéré, j’ai l’impression que je ne mérite pas de bénédiction et que je ne guérirai jamais !».
J’étais bouleversé par sa situation. Comment pouvais-je le réconforter ? Mais D.ieu m’envoya la bonne réponse et je demandai à Ziv quelle était exactement sa date de naissance – en hébreu et non selon le calendrier habituel.
- Je suis né le 23 Iyar, répondit-il.
- Nous sommes justement aujourd’hui le 23 Iyar ! remarquai-je avec étonnement. C’est donc le jour de ton 25ème anniversaire ! Et nous avons bien lu le chapitre de Tehilim 26 correspondant à ton âge !
Qui peut décrire sa joie et son émotion ? Le Rabbi l’avait certainement béni et il retrouvait confiance et réconfort.
Le mardi, Ziv m’appela : «Regarde ! J’arrive à bouger un peu les doigts de la main droite, mon unique main !»
Depuis son opération, ses doigts avaient refusé de lui obéir.
«Je suis entré au Ohel le jour de mon anniversaire et le Rabbi m’a béni ! Sa bénédiction commence déjà à s’accomplir !»
Depuis, ses progrès sont remarquables. Ziv parvient même à bouger la main : bien sûr, une rééducation est encore nécessaire mais Ziv est en bonne voie et les médecins ne lui parlent plus d’amputation mais au contraire l’encouragent maintenant à persévérer !
Daniel Gordon – www.m.he.chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki