Le bonheur et la liberté
Il pourrait presque y avoir déjà comme une sorte de nostalgie dans l’air : ‘Hanoucca s’achève. Sa brillante conclusion en ce début de semaine nous rend sans doute encore plus difficile l’effacement de cette lumière croissante dans l’éloignement du temps. Mais, nous le savons, notre monde, et notre vie, sont étroitement délimités par ces deux dimensions : l’espace et, justement, le temps. N’essayons donc pas de nous opposer à sa fuite. Entreprenons plutôt de retenir quelques messages essentiels, de les inscrire en nous, non seulement comme des leçons importantes mais bien comme des éléments de nous-mêmes, des parties intégrantes de notre âme.
Alors, en ce début du mois de Tévèt, que nous reste-t-il de ‘Hanoucca ? Disons-le en d’autres termes : la lumière en a été si puissante qu’elle a dû laisser, plus qu’une trace, une force précieuse. De fait, la liberté a chanté haut et fort en ces jours. Liberté de conscience contre l’oppresseur des temps anciens, liberté spirituelle absolue contre les barbares de notre temps. Ceux qui ont cru pouvoir chasser la clarté du monde ont vu, en cette semaine, que l’obscurité n’a d’autre sort possible que la défaite et la disparition.
Et puis, ces lumières nous ont encore raconté autre chose. Elles nous ont dit que le bonheur existe et que chacun y a droit. Elles nous ont murmuré que, dans l’adversité, on peut parfois l’oublier mais que là est la réalité. C’est même sans doute une découverte du judaïsme. Car le bonheur des hommes, individuel et collectif, n’était pas l’objet d’une recherche dans la lointaine antiquité. Le monarque local assumait seul la raison d’être et le sens des choses dans un univers idolâtre. Puis la Torah apparaît dans ce monde et celui-ci découvre de nouvelles voies. Rien n’est figé et le bonheur – comme la liberté – est une conquête. C’est cela qui conduit l’homme à vivre différemment sa condition humaine. Les lumières de ‘Hanoucca l’affirment : le droit au bonheur est un acquis auquel nul ne peut renoncer et que rien ne peut contraindre à abandonner. Allons, la civilisation est en marche. Avançons sur les chemins ouverts, d’autres Lumières nous attendent encore. Et elles ne s’éteindront plus jamais.
Un problème de chaussures
Le précédent Rabbi de Loubavitch dit :
Il nous est enseigné que nous sommes la génération des «talons de Machia’h». Or on voit très clairement qu’on peut supporter un chapeau trop étroit mais qu’une chaussure trop petite est très difficile à garder au pied. On comprend donc que D.ieu ne doit pas nous « comprimer » ainsi.
(D’après la tradition ‘hassidique)
Vayigach
Résumé de la Paracha
Yehouda s’approche de Yossef pour le supplier de libérer Binyamin, offrant sa propre personne comme esclave à la place de son jeune frère. Devant la loyauté qui anime ses frères les uns à l’égard des autres, Yossef leur révèle son identité. «Je suis Yossef, déclare-t-il. Mon père est-il toujours vivant ?».
Les frères sont envahis de honte et de remords mais Yossef les console. Les frères se précipitent alors à Canaan avec les nouvelles. Yaacov vient en Egypte avec ses fils et leurs familles, soixante-dix âmes en tout, et retrouve son fils bien-aimé après vingt-deux ans de séparation. En chemin, il reçoit la promesse divine : «Ne crains pas de descendre en Egypte ; car Je ferai de toi une grande nation. Je descendrai avec toi en Egypte et il est sûr que Je vous ferai remonter». Le Pharaon donne à la famille de Yaacov la fertile région de Gochen pour qu’elle s’y installe et les Enfants d’Israël prospèrent dans leur exil égyptien.
Inspirer le changement
Activer le potentiel
Dans son Siddour, Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi écrit : «Il convient de dire, avant la prière : ‘Voici je prends sur moi le commandement positif : Tu aimeras ton prochain comme toi-même’.»
Témoigner de l’amour à son prochain prépare l’homme à intensifier son lien avec D.ieu. Car un engagement sincère à l’égard de toute l’humanité requiert un véritable altruisme et c’est cette approche qui devrait caractériser notre relation avec D.ieu.
Mais pourquoi une déclaration est-elle nécessaire ? Pourquoi l’accent n’est-il pas plutôt placé sur le fait de méditer sur ce concept plutôt que de prononcer ces mots ?
On peut avancer qu’au niveau de notre essence, l’unité est bien présente au sein de notre peuple : «ils sont tous complémentaires et ont le même un Père. »Trop souvent, cependant, cette unité ne se manifeste pas dans les relations entre les hommes. En faisant cette déclaration concrète, l’on active son potentiel et on lui permet de s’exprimer dans notre monde matériel.
L’importance de cette déclaration dépasse de loin ces quelques mots mesurés. L’objectif en est qu’un acte conduise à un autre, dans un cycle qui se renforce par lui-même et qui poussera la personne à exprimer son amour pour ses prochains, ce qui encouragera les autres à agir de même. Faire une déclaration d’intention ouvre un canal à nos sentiments d’amour intérieurs, ce qui leur permettra de se manifester concrètement.
Un lien unificateur
Le même principe s’applique à la Paracha de cette semaine. Vayigach signifie : «Et il s’approcha». Yehouda s’approcha de Yossef. Mais l’approche de Yehouda avait un but plus profond que d’établir une proximité physique. Rachi explique que Yehouda dit à Yossef : «Que mes mots puissent entrer dans tes oreilles», c’est-à-dire qu’il désirait établir une communication entre eux.
L’action de Yehouda eut des répercussions extraordinaires. Comme l’indique le récit : «Yossef ne put plus se retenir». Après des années de séparation, les frères s’embrassèrent et parlèrent librement. Les fils de Yaacov revinrent chez leur père avec le message que Yossef était toujours en vie, Yaacov descendit en Egypte et tous les Juifs furent réunis.
De l’intérieur vers l’extérieur
La spirale mise en route par l’approche de Yehouda eut de plus larges ramifications. Le Zohar comprend leur union comme symbolisant le rapprochement du monde physique et du monde spirituel.
Expliquons-nous. Dans son essence, le monde en général forme un avec D.ieu. C’est là le sens de la phrase du Chéma «D.ieu est Un». Il ne s’agit pas seulement du fait qu’il n’y a qu’un seul D.ieu mais que toute existence forme un avec Lui. Cependant, cette unicité n’est pas révélée ouvertement. Bien au contraire, le monde paraît exister comme une somme d’entités distinctes.
Exprimer cette unicité profonde entre les hommes sert de catalyseur pour parvenir à l’unicité du monde en général et permet au monde matériel de servir d’agent pour exprimer cette vérité spirituelle. Cela se reflète dans la conduite de Yaacov et de ses fils en Egypte. Bien que le fait de s’installer en Egypte représentait une descente en exil et que l’Egypte était une nation moralement dépravée, Yaacov et ses fils y établirent un modèle d’existence spirituelle. Le Pharaon leur attribua la meilleure région du pays, leur promettant : «le meilleur de l’Egypte sera à vous».
Ils exploitèrent au mieux cette opportunité. En fait, nos Sages expliquent que ce furent les meilleures années de Yaacov. Toute sa vie, il avait aspiré à exprimer les valeurs spirituelles des réalités de la vie quotidienne. En Egypte, il put réaliser cet idéal.
Découvrir son identité
La pertinence de ces idées ne se confine pas à des périodes où la Divinité se manifeste ouvertement. Bien au contraire, le récit commence par la plus grande dissimulation. Yehouda ignorait qu’il s’adressait à Yossef. Il pensait parler au vice-roi d’Egypte et il devait plaider pour la libération de Binyamin. Malgré sa position de faiblesse, Yehouda avança en direction de l’unicité et son approche conduisit à la révélation que ce maître n’était nul autre que Yossef.
Notre conduite et nos choix prioritaires doivent suivre la même structure. Nul n’est besoin d’accepter les normes du monde en général. En imitant la conduite de Yehouda et en aspirant à l’unité, au sein même de notre situation présente, nous pouvons mettre en route un enchaînement d’événements qui conduiront à l’expression manifeste de la nature Divine de notre monde.
Quelques conseils du Rabbi pour l’éducation (suite)
- L’élève s’efforcera d’assister à tous les cours et à ne pas s’absenter sans motif valable. Il veillera à ne pas entrer en retard dans la classe – même après la récréation.
- L’élève entrera calmement dans la classe, trouvera rapidement sa place et ouvrira immédiatement son livre ou son cahier.
- Il ne parlera absolument pas avec ses camarades pendant tout le cours : non seulement celui qui bavarde perd le bénéfice du cours mais aussi son camarade et, finalement, tous les autres élèves qui seront dérangés par ce bavardage.
- L’élève n’aura pas honte de demander des explications s’il n’a pas compris le cours. Mais il veillera à ne poser que des questions en rapport avec le cours et lèvera d’abord le doigt pour montrer à son professeur qu’il veut intervenir.
- Quand un camarade pose une question ou répond à une question, l’élève ne l’interrompra pas et, bien entendu, n’interrompra jamais son professeur : il attendra qu’il ait fini de parler.
- Il faut considérer la classe où on étudie la Torah et où on prie comme un endroit saint : on ne courra pas de façon sauvage et on ne criera pas – même pendant la récréation. On veillera à préserver la propreté de l’endroit, on ne jettera pas des papiers par terre, on n’abimera pas les murs et le mobilier : tout ceci a été acheté avec l’argent de la communauté et même la Techouva (le repentir sincère) ne peut pas corriger les dommages causés aux biens publics.
- On respectera les livres d’étude, on n’y écrira rien d’inutile et on ne posera pas un papier sur un livre saint pour écrire dessus. Après le cours, on rangera les livres à leur place.
- On ne mange pas et on ne mâche pas un chewing-gum pendant le cours.
- Quand on entre ou on sort de la classe, on ne le fera pas devant le professeur (s’il est là) car c’est une conduite très irrespectueuse.
- On salue le professeur avant et après le cours. De même on remerciera quiconque a rendu service.
(d’après Perspectives)
Le dollar qui retourne à la maison…
Gabriel Illoz est né au Brésil, au sein d’une famille juive peu pratiquante. Après des études secondaires en Israël dans une école destinée aux étudiants brésiliens, il retourna au Brésil en 2013 et y fit connaissance de Rav Elyahou Stifelman, un des émissaires du Rabbi. Celui-ci lui conseilla, en Adar 2014, de s’inscrire dans une Yechiva à Morristown, New Jersey. Là il put se perfectionner en anglais mais surtout en Torah.
Très assidu, Gabriel – devenu Aviv Aharon – ne voulut pas interrompre ses études pendant les vacances d’été et resta à la Yechiva pour étudier dans le calme.
La veille de Roch ‘Hodech Kislev, un de ses amis s’approcha de lui : c’était Dov Ber Immanuel qui venait de Los Angeles. Alors qu’Aviv Aharon se concentrait sur le gros volume de Guemara, Dov Ber agita devant lui un billet d’un dollar :
- Regarde ! s’écria-t-il essoufflé. Sur ce billet, il y a ton nom inscrit dessus !
Stupéfait, Aviv Aharon regarda ce qui était écrit en portugais sur ce billet : « Reçu de la main du Rabbi – Lag Baomer 1990 pour Rachel Illoz ».
- Mais… Rachel Illoz, c’était ma grand-mère ! s’exclama-t-il, complètement ahuri. D’où as-tu obtenu ce dollar ?
- J’ai fait des achats au supermarché et la caissière m’a rendu la monnaie ! Voilà ! répondit Dov Ber sobrement.
Aviv Aharon décida de mener son enquête. Il envoya une photo du billet à ses parents mais ceux-ci étaient tout aussi étonnés et ne purent lui fournir aucun élément. Peut-être, suggérèrent-ils, s’agissait-il d’une autre femme portant le nom de Rachel Illoz. A tout hasard, le père d’Aviv Aharon envoya la photo du dollar à ses deux frères : en effet, l’un d’entre eux se rendait chaque année à New York le 3 Tamouz pour prier sur le Ohel du Rabbi, en compagnie d’un groupe mené par Rav Daniel Eskinazi. Peut-être saurait-il expliquer ce mystère… Quand Aviv Aharon tenta d’obtenir des renseignements de son oncle, celui-ci réfléchit et conclut :
- Personnellement, je n’ai pas reçu ce billet de la main du Rabbi mais je n’ai pas l’ombre d’un doute qu’il s’agit d’un cadeau de ta grand-mère, depuis le Monde de Vérité… Attend ! J’ai une idée…
Quelques jours plus tard, c’est Avi Eskinazi, un autre étudiant de la Yechiva de Morristown qui demanda à Aviv Aharon de lui montrer le billet et qui déclara :
- Je reconnais cette écriture ! Puis-je prendre une photo du dollar et l’envoyer à mon père ?
Effectivement, dès que son père, Rav Daniel Eskinazi reçut la photo (ah ! les merveilles de la communication moderne !), il s’exclama :
- C’est mon écriture ! Et c’est ma mère qui avait reçu ce billet d’un dollar pour Rachel Illoz !
Voici donc ce qui s’était passé : la grand-mère d’Aviv Aharon (décédée depuis) avait été malade à cette période. Son amie – qui n’était autre que la mère de Rav Daniel Eskinazi – s’était rendue à Crown Heights chez son fils et avait demandé au Rabbi une bénédiction pour la guérison de Rachel Illoz. Le Rabbi l’avait bénie et lui avait tendu un billet d’un dollar pour son amie malade, un dollar à remettre à la Tsedaka. Madame Eskinazi avait demandé à son fils d’écrire sur le billet la date où le Rabbi avait donné ce billet et le nom de la personne à qui il était destiné, Rachel Illoz. Pourquoi ce billet ne lui avait jamais été remis reste un mystère mais il avait circulé, de main en main, pendant des années, jusqu’à parvenir à Morristown.
Vingt-cinq ans plus tard, par un effet absolument incroyable de la Providence Divine, ce billet avait été transmis à son petit-fils, Aviv Aharon, un jeune étudiant de la Yechiva de Morristown qui retrouvait justement son chemin vers le judaïsme.
Le dollar du Rabbi avait merveilleusement trouvé son destinataire et était enfin rentré à la maison…
Rav Yaakov Wagner – Morristown - Collive
Traduit par Feiga Lubecki