Semaine 11

  • Ki Tissa
Editorial
Pourim… en conscience
Les Juifs sur une terre d’exil, la séduction d’une civilisation raffinée, la tentation de l’oubli de soi, le danger qui surgit un jour comme au coin de la rue et, brutalement, le réveil puissant, indomptable… N’est-ce pas l’histoire de notre temps ? C’est, bien sûr, de Pourim qu’il s’agit et pourtant… Un épisode bien ancien, bien loin d’ici. Mais tout cela sonne comme si on parlait de nous, comme si les acteurs de ces événements étaient des contemporains et leur théâtre, les rues des villes où nous habitons. Cette impression est d’ailleurs si présente que, bien souvent, lorsqu’un ennemi cruel, barbare et sans pitié affirme sa volonté de voir le peuple juif disparaître, c’est spontanément à Pourim que l’on fait référence en le désignant comme un nouvel Haman qui connaîtra le sort de son ancêtre. S’il est vrai que toutes nos fêtes ont un caractère d’éternité qui leur épargne de paraître vieillies ou simplement nostalgiques, Pourim s’impose par vigueur. Voici donc une fête qui non seulement ne pâlit pas au fil du temps mais dont les couleurs semblent plus vives d’année en année. Alors que le calendrier nous a ramenés au temps de Pourim, il nous appartient de vivre avec lui, en lui.
C’est que, dans le lent déroulé des jours qui passent, il y a ici comme une rupture, soudaine, inattendue, merveilleuse. De fait, ceux qui vivent dans toutes les Babylone de tous les temps et de tous les pays sont parfois oublieux. La vie a de ces conforts illusoires qui finissent par estomper ce qui fait son sens même. Cependant, tout cela ne parvient jamais qu’à affaiblir le lien avec l’essentiel mais pas à en effacer la conscience. Il suffit parfois que le voile se déchire pour que, tout à coup, la vérité des choses retrouve sa place. Et des sentiments et des idées que l’on croyait disparus ressurgissent avec toute la force des évidences premières. Pourim joue ce rôle cette semaine. Il frappe à notre porte et la morosité du quotidien s’écarte. Il affirme sa présence et notre vie en est transformée.
Car c’est là le maître mot de la période : transformer. C’est le temps où tout est possible. Le Pourim historique a été le jour où la tragédie annoncée s’est justement transformée en victoire assumée car les Juifs avaient su transformer leur oubli en souvenir. Comme il est bon le temps de la transformation ! A celui qui se sent entravé par les chaînes de l’habitude et de la routine quotidiennes, à celui qui ne voit pas l’issue du long voyage de notre peuple, à celui que les soucis multiples de la vie oppressent au point de l’écarter de l’éternel, Pourim délivre un message : la transformation est à portée de chacun à chaque instant. Se transformer, c’est aussi transformer le monde. Et, pour cela, c’est aussi une clé qui, ici, nous est donnée, celle de la transformation ultime : la venue du Messie, du temps de lumière où Pourim brillera toujours de toute sa grandeur.
Etincelles de Machiah
L’exil – pour conduire à la Délivrance
La Torah (Ex. 32 : 15 – 34 : 1) rapporte les événements dramatiques qui entourèrent la remise des Tables de la Loi au peuple juif par Moïse. Elle nous décrit successivement Moïse descendant du mont Sinaï, les Tables à la main puis le désolant spectacle qui s’offrit à ses yeux quand il atteignit le camp des Juifs – le veau d’or, la fête païenne etc., la brisure des Tables au pied de la montagne et enfin le don des deuxièmes Tables de la Loi après le retour sincère des Juifs à D.ieu et l’obtention de Son pardon.
Certes, les premières Tables avaient une qualité prodigieuse : elles étaient l’œuvre directe de la Main de D.ieu tandis que les secondes furent façonnées par Moïse. Pourtant ces dernières présentent une supériorité essentielle : elles apparaissent après un recul. Un principe existe : « toute descente n’est là que pour l’élévation qui la suit ». Après réparation, la chute même a conduit à un degré infiniment supérieur. Dans le cas du Don de la Torah, ce n’est qu’avec les deuxièmes Tables que la Torah Orale fut donnée.
L’idée s’applique aussi à notre temps. Cet exil peut sembler long et difficile. Mais, de ce fait même, il est le chemin assuré de la Délivrance qui constituera une élévation éternelle.
(Extrait d’un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parachat Ki Tissa 5752) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa : Pourquoi un veau d’or ?

C’était un moment de grande tension. Moché était monté sur le Mont Sinaï et avait promis qu’il serait de retour quarante jours plus tard. C’était maintenant le quarantième jour et il ne donnait aucun signe de retour.
Le peuple était sceptique quant à sa survie au sommet de la montagne, sans eau ni aliment. Pourtant Moché était empreint de divinité et les Juifs savaient qu’il était capable d’accomplir des miracles : ils l’avaient vu frapper les Egyptiens par les plaies, ouvrir la Mer Rouge, les guider dans un désert vierge, obtenir la Manne du ciel et l’eau d’un rocher. Ils avaient pu l’observer se tenant droit sur la montagne alors que la grandiose Présence Divine y descendait.
Mais maintenant, c’était le quarantième jour, le jour promis de son retour, et leur guide ne donnait aucun signe de vie. De toute évidence, il avait péri sur la montagne !
Le peuple se tourna vers Aharon, sachant que lui-aussi était un homme divin, destiné à la Grande Prêtrise. Ils lui demandèrent : «fais pour nous un dieu». Aharon accéda à leur demande et façonna un veau d’or qu’ils s’empressèrent de révérer.
C’était là une violation époustouflante du second commandement : «Tu n’auras pas d’autres dieux que Moi», seulement quarante jours après qu’il eut été énoncé. Si les foules furent conduites à l’idolâtrie sous l’impulsion d’agitateurs, qu’en fut-il d’Aharon ? Et plus précisément, on pourrait se demander pourquoi nos ancêtres qui cherchaient à remplacer Moché, remplacèrent D.ieu ?

Un intermédiaire de chair et de sang.
Nos ancêtres ne se rendirent pas, en fait, coupables d’avoir remplacé D.ieu mais d’avoir fabriqué une image corporelle de D.ieu, ce qui est également interdit mais ne constitue pas un véritable culte idolâtre. Ce comportement, tout inexcusable qu’il soit, n’en reste pas moins éminemment compréhensible.
Ils vivaient dans un monde où toutes les cultures ne s’identifiaient qu’à des divinités matérielles. Elles étaient basées sur la croyance profonde que l’homme doit servir D.ieu et gagner Sa grâce mais ne peut se lier directement à un D.ieu immatériel. Elles avaient donc conclu que l’homme doit déifier des objets de sa fabrication qui représentent une plus haute idée du D.ieu d’En-Haut dirigeant le monde. Ces objets seraient alors investis par D.ieu de divinité et deviendraient les porteurs du destin humain.
Nos ancêtres, élevés dans la foi d’Avraham en un D.ieu omniprésent et immatériel, étaient néanmoins influencés par les cultures environnantes. Contrairement aux idolâtres, ils savaient que l’homme peut se lier à un D.ieu immatériel mais ils s’accrochaient à la notion de la nécessité d’un intermédiaire concret, tangible.
Et les instruments matériels de D.ieu semblaient justifier cette assertion. Dans l’expérience des Juifs, D.ieu avait souvent résidé dans des symboles tangibles ou du moins visibles, voire des objets. Lors de la traversée de la Mer Rouge, c’était le bâton de Moché, au Sinaï, une « Nuée de Gloire », dans le Tabernacle, ce serait une Arche sacrée et ses Chérubins. Le peuple voyait ces manifestations comme des liens divins entre un D.ieu immatériel et un peuple fait de chair et de sang.
Leur erreur fut de ne pas saisir que ces objets avaient bien été choisis par D.ieu pour véhiculer Ses manifestations mais qu’ils ne pouvaient l’être qu’en conséquence du choix Divin et de Son action. L’homme, quant à lui, n’a ni l’autorité ni l’aptitude pour choisir son propre véhicule et le désigner comme lien avec D.ieu, et encore moins de lui attribuer des qualités divines.
Après la Révélation sinaïtique, le peuple considérait Moché comme l’intermédiaire principal. Quand D.ieu prononça les Commandements, les Juifs furent écrasés par cette expérience. Ils demandèrent à Moché de servir d’intermédiaire et de leur transmettre le message de D.ieu. Ils considéraient Moché comme ayant été investi de qualités divines et le percevaient comme un lien vers le véritable D.ieu, Créateur du ciel et de la terre.
A nouveau, leur erreur était de se concentrer sur leur intermédiaire plutôt que sur D.ieu, quant à l’initiative de la Révélation. Pour eux, ce n’était pas D.ieu Qui les avait sortis d’Egypte par l’intermédiaire de Moché, mais Moché qui avait influencé D.ieu pour qu’Il les libère. Ils n’avaient pas encore intégré le concept juif selon lequel l’homme peut se lier directement à D.ieu, mais c’est D.ieu et non l’homme qui désigne les actions et les instruments par lesquels Il peut être atteint.

Un objet matériel
Quand ils pensèrent que Moché était mort, il leur apparut crucial de le remplacer. Sinon, il n’y aurait plus moyen d’accéder à D.ieu et aucune méthode pour obtenir Sa grâce. Mais cette fois-ci, ils recherchèrent un objet matériel plutôt qu’un être humain.
Les objets, raisonnèrent-ils, peuvent être facilement préservés ; ils ne marchent pas et ne peuvent donc disparaître comme l’avait fait Moché. Cela peut expliquer pourquoi ils demandèrent «un guide qui marcherait devant eux» et non un guide qui monterait sur les montagnes et s’éloignerait comme Moché. C’est aussi pour cela qu’ils ne demandèrent pas à Aharon de succéder à son frère.

Le rôle d’Aharon
Aharon comprit l’erreur du peule mais il sut également que s’il refusait ou leur en faisait le reproche, ils agiraient de leur propre chef, sans entrave. Bien plus, ils auraient même pu le tuer comme ils l’avaient avec ‘Hour, le neveu d’Aharon, quand il les avait semoncés. Aharon ne craignait pas une mort noble, pour le Nom de D.ieu, mais il se souciait de la responsabilité du peuple et de la punition inévitable qui s’ensuivrait. Il décida de les y engager et de mettre en route le processus afin de gagner du temps, certain que Moché ne tarderait pas.
Il leur demanda d’abord d’enlever leurs boucles d’oreille, espérant qu’ils hésiteraient à se séparer de leurs bijoux. (Il y avait là également un reproche subtil : les oreilles qui étaient ornées de l’opportunité en or d’écouter les Dix Commandements ne devraient pas les trahir.) Mais le peuple se hâta de le faire. Après avoir fondu l’or, Aharon commença à dessiner tout seul, à la main, et à former un veau. Puis il prit un outil pour graver et orner le veau de belles figures.
Ayant achevé le veau, il se mit à lui construire un autel. Insistant sur le fait que seul le Grand Prêtre pouvait construire un autel pour D.ieu, il refusa toute aide et le construisit péniblement durant toute la nuit, attendant le retour de Moché au matin. Mais Aharon avait sous-estimé le zèle du peuple. Ils se levèrent très tôt alors qu’Aharon dormait, ils déifièrent le veau et l’adorèrent.
Seule une poignée de Juifs se rendit coupable d’idolâtrie ce matin-là en déclarant que le veau serait «le dieu d’Israël». La plupart des Juifs ne fut responsable que d’avoir déifié des objets matériels dans leur quête d’un lien avec D.ieu. Dès que Moché revint, leur besoin du veau fut éliminé et ils ne se révoltèrent pas quand Moché le détruisit.

Le Tabernacle
Après le fiasco du veau d’or, le Tabernacle (Michkan) fut érigé au centre du camp pour abriter la Présence Divine. Selon les mots de D.ieu à Moché : «ils me feront un Sanctuaire et Je résiderai en eux».
Le Tabernacle réussit là où le veau avait échoué parce que, dans le Tabernacle, les objets matériels ne furent rendus saints que parce qu’ils avaient été désignés comme tels par D.ieu. Contrairement au veau, le Tabernacle avait été choisi par l’injonction divine et devint donc sacré. En fait, le Tabernacle fut considéré comme un pardon et une rectification de la faute du veau d’or.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le ‘Hamets ?

Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le mercredi 8 avril 2009, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année mardi 7 avril 2009.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais que l’on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine cette année le jeudi 16 avril 2009 à 21h 34 (horaires valables pour Paris et sa région).

F. L.
De Recit de la Semaine
Le silence et le fascicule

Je suis né à Hertzlya ; mes parents m’ont donné en guise d’éducation juive «aucune notion de judaïsme» : ni Chabbat, ni Yom Kippour, ni cacherout… Jamais je n’avais mis les pieds dans une synagogue. «Moderne et éclairé», je ne voyais dans les gens pratiquants que des parasites d’un autre âge…
Au cours de la première guerre du Liban, en 1982, durant l’un des durs combats au corps à corps contre les terroristes, un de mes compagnons d’arme est mort entre mes bras. Malgré toute la préparation psychologique que nous avions reçue à l’armée, j’étais persuadé que cela ne m’arriverait pas mais cela m’était arrivé. A la suite de cela, notre bataillon a eu droit à une semaine de permission, j’en profitai pour réfléchir au sens de la vie : la veille de sa mort, mon ami et moi avions discuté de nos projets après la guerre. Et maintenant, que restait-il de lui ? Rien ! C’est alors que j’ai décidé de ne pas gâcher ma vie. Je me plongeai dans les livres de psychologie : pendant les longues heures de garde, pendant les pauses, à tout instant libre, je m’instruisais. A part cela, je me mis à pratiquer le triathlon à haut niveau et à me former aux médecines alternatives. Bien vite, je me rendis compte que je dégageai des «ondes bienfaisantes» pour les patients qui m’étaient confiés. Mon professeur me proposa alors de l’accompagner aux Etats-Unis afin d’y parfaire mes compétences : c’était une occasion en or, qu’il était impossible de refuser. Le nombre de mes patients augmenta ainsi que l’importance de mes revenus. Une carrière en or m’attendait.
De plus le titre de «Maître», le plus haut degré de cette technique orientale, était maintenant à portée de main.
Mais comme je suis un homme ordonné, je devais comprendre où je m’engouffrais. Je me mis à lire de nombreux livres à ce sujet, sans trouver de réponse satisfaisante.
Il ne me restait plus qu’à m’envoler pour l’Inde. Je fus admis dans un monastère sous la direction du Dalaï Lama, j’y appris le tibétain et m’approfondis dans l’étude du boudhisme. On me conseilla alors de m’isoler du monde au sein d’un monastère situé au cœur de la jungle : là, le silence me permettrait, affirma-t-on, de connaître tous les méandres de ma personnalité. Le silence devait être absolu : la seule parole permise serait des mantras, des phrases pseudo-mystiques à répéter à l’infini.
J’avais écrit à mes parents, les avisant de ne pas chercher à avoir de mes nouvelles avant six mois.
Le paysage était magnifique, complètement coupé du monde. Le monastère lui-même était entouré d’une muraille afin de protéger les quinze moines qui y vivaient des bêtes sauvages qui rôdaient alentour. Moi qui me croyais un moine «avancé», j’y découvrais des moines bien plus aguerris et rompus aux techniques, à l’épreuve de la méditation.
Oui, l’épreuve, l’épreuve du silence. De jour en jour, elle devenait de plus en plus difficile à supporter, comme un feu dévorant, comme une montagne qui explose. Je ressentais un besoin profond de parler et je me retenais ; je sais être dur envers moi-même. Mais, de fait, je ne disposais pas d’un calendrier, je ne savais même pas depuis combien de temps j’étais là : on m’appellera au bout de six mois, m’avait-t-on promis.
Un jour, au bord d’une rivière, les mots sortent de ma bouche sans que je puisse les dominer. Je parle et je parle. Et quels sont ces mots ? J’ai peine à le croire mais ce sont les versets de la Haftara que j’avais été obligé d’apprendre pour ma Bar Mitsva ! C’est incroyable ! Pourquoi ? Je n’avais pas la nostalgie des cours de Talmud Torah ! Cet épisode m’intrigua fortement.
Mais ce ne fut pas suffisant pour me faire changer de direction. Ce qui devait m’influencer définitivement fut un feuillet tapi dans la poche de mon sac de voyage. La lumière de mes bougies – que j’utilisai pour étudier les vieux manuscrits relatifs à la médecine alternative – s’était éteinte et je recherchai dans mon sac d’autres bougies. C’est alors que je mis la main sur un fascicule encourageant la mise des Téfilines que m’avait remis le Chalia’h, l’émissaire du Rabbi en Allemagne, lors d’un transit. C’était écrit en allemand, je ne comprenais pas cette langue mais j’y trouvai la photo du Rabbi et quelques mots en hébreu, des mots que je n’avais jamais entendus auparavant, alors que j’étais né et que j’avais été éduqué en Israël : «Chema Israël…» !
Je me mis alors à trembler de tous mes membres, je lus, je criai et je relus le verset de toutes mes forces. D’où me venait cette émotion soudaine ? Jamais je n’avais vu ce verset (il faut préciser que pour l’épreuve de Bible au baccalauréat, j’avais triché tant le sujet ne n’intéressait pas !). J’étais effondré. Moi qui ne m’étonnais plus de rien, moi pour qui tout avait une explication rationnelle, je ne comprenais plus ce qui m’arrivait. Après une nuit sans sommeil, ma décision était prise. Je retournerais en Israël avec le premier vol disponible.
La tête rasée – à part la queue de cheval de rigueur chez les moines boudhistes – j’arrivai à Hertzlya. En face de la maison de mes parents, une grande affiche invitait les passants à assister à une soirée sur la mystique juive. Moi qui avais parcouru tant de pays à la recherche de la vérité, moi qui avais goûté à toutes les sectes, je me rendais compte que je ne connaissais rien du judaïsme. L’orateur était pratiquant, il évoqua des concepts que je connaissais bien (la réincarnation, la vie après la mort…) et s’adressa à moi, sans doute parce que je ne portais pas de Kippa et que mon «look» était bien différent des autres… Il m’invita à assister à d’autres cours.
Le vendredi après-midi, j’arrivai à la synagogue. Le responsable me précisa l’heure de la prière du soir puis du matin et m’invita à me tremper au Mikvé (bain rituel). Cela me rappela le jacuzzi… Le préposé me demanda de payer cinq Chekalim ; je ne les avais pas et le responsable de la synagogue me les avança.
Comme je suis bien élevé, je me présentai le lendemain matin, pour rembourser ma dette. C’était Chabbat mais cela ne signifiait rien pour moi. Dès la fin de la lecture de la Torah, je m’approchai du responsable et lui tendis un billet de vingt Chekalim.
Que n’avais-je fait ! Le résultat fut dramatique. «Mouktsé» ! s’écria le responsable, voulant signifier ainsi que le billet ne pouvait être déplacé le Chabbat. «Jette cela par terre !» s’écria un des fidèles. Et je ne comprenais pas. «Je ne vois pas le problème ! Je ne suis pas un terroriste ! Ce n’est qu’un billet de banque ! Qui peut m’expliquer ce qui se passe ici ?»
Bien entendu, on m’expliqua l’importance du Chabbat et de bien d’autres commandements. Patiemment, on répondit à mes questions et, fidèle à ma décision originelle, je décidai que la vie ne devait pas être gaspillée : puisque la vérité existe, je dois m’y conformer !
Ce ne fut pas facile. Mes parents étaient très malheureux : mon crâne rasé ne les avait pas dérangés mais une barbe, une Kippa et des Tsitsit (franges rituelles), c’était au-delà de leur compréhension. Moi aussi j’avais détesté «les hommes en noir», les Juifs pratiquants, par pure démagogie, sans m’être donné la peine de comprendre, à l’époque, leurs motivations.
Je me suis marié et je mène une vie juive à cent pour cent. Je continue d’étudier intensément la Torah et je suis millionnaire ! Non pas en argent mais en satisfaction personnelle. J’ai l’impression d’avoir trouvé un trésor et j’en fais profiter les autres. Je répète à tous ceux qui veulent bien m’écouter : «Votre vie dépend de vous ! Venez, goûtez et voyez combien D.ieu est bon» !

Rav Yitshak Fanger
Kfar Chabad n°1316
traduit par Feiga Lubecki