Editorial
Et si tout était possible ?Nous vivons une période littéralement exaltante. Après la libération de Pourim, déjà s’élève le grand chant de la liberté : la fête de Pessa’h approche. Peut-on encore parler d’un éveil de la conscience ? Comme si elle avait été prise du sommeil de l’exil et que, à présent, elle retrouvait sens et essence ? Peut-être faut-il simplement dire que, tout à coup, nous retrouvons ce qui ne nous avait jamais véritablement abandonné : un espoir, une vision et une volonté ? Peut-être, en ce moment charnière, est-il nécessaire de redire à quoi tient l’espoir, où sont les sources et l’aboutissement de la vision et quels sont les chemins de la volonté. C’est certes là un grand projet mais, en ce mois d’Adar dont nous vivons ensemble les derniers feux, chacun en détient la force, même insoupçonnée.
L’espoir du peuple juif est éternel. Car notre peuple est celui qui a su donner un sens à l’Histoire. Avant lui, lorsque les hommes s’interrogeaient sur leur lointain devenir, ils imaginaient qu’ils finiraient par revenir à une sorte de paradis perdu, un âge d’or des anciens jours, enfoui dans leurs souvenirs mythifiés. Par lui, l’humanité comprit que l’homme n’était pas condamné à la répétition à l’infini d’un tel cycle, toujours identique. Par lui, elle comprit que le progrès et l’espérance ont leur place dans la création voulue par D.ieu. C’est ainsi que le peuple juif continue d’avancer, sans jamais oublier son but ni sa mission.
Il ne peut, du reste, en être autrement car chaque Juif porte en lui l’objet de sa recherche : la Présence Divine et son dessein ultime – la réalisation de Sa demeure ici-bas. Difficile de décrire cette vision… Pourtant, elle fait partie intégrante de la vie de chacun. Parce qu’elle s’enracine au plus profond de notre âme et qu’elle conduit à l’union avec D.ieu, elle n’est pas détachable de ce que nous sommes. Elle est comme l’air que l’on respire – indispensable et invisible, autour de nous et en nous sans même que l’on y pense.
Quant à la volonté, elle est le ressort de toute chose. Elle nous conduit à l’action qui transforme, fait bouger les lignes, empêche la sclérose ou la glaciation. Il faut songer que rien ne lui résiste car le Créateur nous a confié ce terrible et merveilleux pouvoir : tout est à la portée de notre décision. Faut-il davantage pour faire une vie d’homme ? Un espoir et une vision pour la direction à suivre et le but à atteindre, une volonté pour tracer la voie et y avancer jour après jour. Après la libération de Pourim, voici venir celle de Pessa’h. Il ne dépend que de nous d’en faire le seul voyage qui compte : celui qui conduit enfin à la Libération majeure.
Etincelles de Machiah
La valeur d’un homme simpleDans la tradition juive, l’étude de la Torah est sans doute la valeur suprême, à telle enseigne que l’érudition est considérée comme une marque évidente d’élévation spirituelle. Cette idée, d’une légitimité incontournable, ne doit toutefois pas faire oublier la valeur de l’homme simple, de celui qui s’attache à D.ieu de tout son cœur avec la plus absolue sincérité.
A ce sujet, le Tséma’h Tsédek, le troisième Rabbi de Loubavitch, dit un jour que le Machia’h se réjouirait dans la compagnie de ces Juifs simples. Alors, précisa-t-il, une pièce leur sera réservée et les plus brillants érudits les envieront. Ainsi apparaîtra la vraie grandeur de ces Juifs qui servent D.ieu à l’infini.
(d’après une lettre du précédent Rabbi de Loubavitch,
Iguerot Kodech, vol. IV, p. 148) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa : Chacun a sa placeDe nombreux sujets apparaissent dans la Paracha de cette semaine : l’histoire du veau d’Or, la façon dont Moché implora le pardon pour tout son peuple. Mais attardons-nous sur deux passages particuliers qui illustreront la façon dont la Torah considère la communauté et l’individu.
Le premier concerne la préparation d’un encens au parfum extraordinaire et brûlé sur le petit autel d’or, dans le Sanctuaire et plus tard dans le Temple de Jérusalem, chaque jour de l’année.
Comme l’expliquent nos Sages, onze ingrédients entraient dans la composition de cet encens. Néanmoins, si l’on en fait une étude attentive, un détail est étonnant. L’on aurait pu s’attendre à ce que le parfum de tous ces ingrédients soit le meilleur. Et il en était ainsi, à une exception près. Celui qui s’appelait ‘helbona (galbanum) avait une odeur tout à fait déplaisante.
Pourquoi un tel composant devait-il entrer dans la fabrication des encens destinés au Temple ? La Torah souligne le fait que chacun d’entre eux était essentiel et que si un seul venait à manquer, l’ensemble en devenait impropre au Service.
Nous apprenons de ce détail une leçon extrêmement importante. Les Sages interprètent les différents ingrédients composant les encens comme représentant les différents types de Juifs. L’épice au parfum peu agréable représente la personne dont les actes sont moins que parfaits. Il se peut même que ce soit quelqu’un qui transgresse délibérément la Torah et les Mitsvot. Ces encens viennent nous dire que cet individu fait tout autant partie du peuple juif que n’importe qui. En fait, s’il vient à manquer, si nous l’abandonnons dans son isolement et son exclusion, alors nous ne pouvons fonctionner correctement en tant que peuple.
Cela se réfère également au thème qu’on peut lire par la suite dans la Paracha : demander le pardon à D.ieu. Nos Sages statuent qu’un jour de jeûne, alors que nous plaidons tous auprès de D.ieu pour qu’Il accorde Sa miséricorde, les «transgresseurs» doivent également être présents. Au commencement du service de Kol Nidré, à Yom Kippour, nous proclamons que nous sommes un peuple uni et ce n’est qu’ainsi que nous pouvons nous rapprocher de D.ieu.
Du point de vue de D.ieu, chacun a sa place.
Se laver les mains
Un trait commun de la vie juive traditionnelle se trouve dans la coutume de se laver les mains. Dès le réveil, nous faisons des ablutions. Dans le livre de prières quotidiennes, la première d’entre elles concerne ce fait. Avant de consommer du pain, nous nous lavons rituellement les mains en prononçant la même bénédiction. Les mains des Cohanim (les Prêtres) étaient lavées par les Léviim avant qu’ils ne bénissent le Peuple, les jours de fête.
On peut découvrir une importante source de cette pratique dans la conclusion des instructions que D.ieu adresse à Moché concernant l’édification du Sanctuaire. Nous y lisons la description d’un objet supplémentaire : il s’agit d’une fontaine de cuivre, destinée à l’ablution et placée dans la cour du Sanctuaire. Les prêtres l’utilisaient pour se laver les mains et les pieds avant d’entreprendre un service pour D.ieu, comme par exemple celui des offrandes.
Pourquoi la description d’un tel objet n’est-elle donnée qu’à la fin ultime ? Tous les autres objets devant être fabriqués pour le Sanctuaire, comme la Menorah et l’Autel, et même les vêtements des Cohanim, ont déjà été décrits dans les deux Paracha précédentes. L’une des réponses pourrait être que la fontaine n’était pas utilisée pour l’accomplissement direct du Service du Cohen mais en était simplement une préparation. Il est donc normal que sa description figure à la fin.
Cette fontaine était faite à partir des miroirs de cuivre qu’avaient apportés les femmes à Moché, en guise d’offrande pour le Sanctuaire. Les Sages commentent qu’au début, Moché hésitait à accepter ces offrandes ; il est sûr qu’un miroir est fabriqué pour satisfaire un désir de coquetterie physique. Potentiellement, si les choses étaient prises à l’extrême, il pourrait même devenir l’instrument du mauvais penchant. Cet objet pouvait-il donc réellement appartenir au Saint Sanctuaire ? Et pourtant, D.ieu lui ordonna de les accepter. En fait, comme nous le rapportent les Commentateurs, D.ieu dit : «Ils Me sont plus précieux que tout autre chose».
Quelle est donc la relation entre les miroirs, qui étaient si précieux pour D.ieu, et le concept de se laver les mains ?
Le but de la Création est décrit par nos Sages comme le désir divin «d’avoir une résidence ici-bas». Cela s’effectuait tout particulièrement par le biais du Sanctuaire ou du Temple. Le Peuple Juif avait reçu la possibilité de construire une structure matérielle où allait demeurer la Présence Divine. En même temps, la Présence Divine allait également résider dans le cœur et la vie de chaque individu.
Nous pourrions penser qu’il suffit que le Divin ne réside que dans les aspects les plus spirituels de notre vie. C’est la raison de la réticence initiale de Moché à accepter les miroirs. Et pourtant, D.ieu lui dit que le Divin devait également résider dans les dimensions moins spirituelles. Au point ultime où nous risquons d’avoir besoin d’une certaine mesure de contrôle de soi, D.ieu se révèle.
Cela concerne également le fait de se laver les mains. C’est une préparation pour le Service de D.ieu par le fait que ce rituel signifie enlever ce qui n’est pas pur. En ce sens, l’ablution des mains est semblable au thème du contrôle de soi. A ce point, se révèle notre potentiel sacré en tant qu’êtres humains. Ce pas est bien plus qu’une préparation aux activités ultérieures et est même reconnu par D.ieu comme «plus précieux que tout autre chose». Car alors, c’est en tant qu’humains, êtres de chair et de sang, que nous commençons réellement à servir D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que le ‘Hamets ?Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il faudra donc, avant le lundi 29 mars 2010, se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d’hygiène. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc. avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année dimanche 28 mars 2010.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine le mardi 6 avril 2010 à 21h 18 (horaires valables pour Paris et sa région).
F. L.
De Recit de la Semaine
La cacherout… Enfin !Je m’en souviens comme si c’était hier : une équipe d’étrangers s’attaquant à ma cuisine, scrutant chaque assiette, chaque casserole, cuillère… tout ce que ma cuisine abritait. Le chef d’équipe, Rav Bentzion Chanowitz effectuait le tri, plaçant certains objets dans la boîte «à cachériser» et d’autres dans un sac poubelle. Je ne comprenais pas toujours la raison pour laquelle certains atterrissaient dans l’un ou l’autre sac mais j’étais sûre d’avoir pris la bonne décision en décidant de rendre ma maison cachère. Je comprenais aussi que je m’étais embarquée dans un voyage intense qui allait bouleverser mes habitudes.
Cachériser sa cuisine peut représenter une décision très difficile. Quand on a l’habitude d’agir d’une certaine manière, le changement est pénible, surtout quand il s’agit de ce que l’on mange ! Je ne savais pas grand-chose de la cacherout quand j’avais pris ma décision mais je l’avais fait néanmoins. Après tout, le peuple juif avait observé ces lois depuis le don de la Torah sur le mont Sinaï mais n’en connaissait pas grand-chose quand il les avait accepté. D’ailleurs les Juifs furent «obligés» d’accepter d’accomplir toutes les Mitsvot avant de véritablement bien les comprendre ; après, ils les ont étudiées en profondeur et continuent de le faire.
Moi aussi j’ai fini par accepter cette Mitsva sans trop savoir ce qu’elle impliquait puis je me suis mise à étudier. De fait, ceci devait devenir une partie importante de mon lien personnel avec notre peuple. Ce fut vraiment un voyage extraordinaire pour lequel je suis à jamais reconnaissante envers tous ceux qui m’ont accompagnée.
Durant le processus de cachérisation, j’appris à déterminer ce qui pouvait être «cachérisé» et ce qui ne pouvait pas l’être ; comment rendre un objet cachère, comment veiller à la cacherout de ma cuisine et comment procéder au trempage dans un Mikvé (bain rituel) de presque tous mes ustensiles de cuisine. Ce fut une expérience bouleversante qui provoqua d’innombrables questions – et qui en provoque encore ! «L’équipe cachère» fut incroyablement courtoise et consciencieuse, répondant avec tact à mes remarques et exprimant ouvertement son admiration devant ma décision. Bien qu’il fût parfois douloureux de constater que certains objets ne pouvaient pas être cachérisés, les excellentes explications et l’empathie de mes interlocuteurs hissèrent cet événement à un degré d’observance qui traduisait mes progrès, mon avancement dans l’étude et mon adhésion à ces commandements.
Je fus particulièrement intriguée quand mes plans de travail furent, pour ainsi dire, «repassés» à l’aide d’un fer qui déversait de la vapeur ! J’appris comment considérer les aliments qui n’étaient ni viande ni laitages, comment il fallait séparer certains aliments, aussi bien dans ma cuisine que dans mon corps ! Mais surtout j’appris l’importance de la cacherout et ses immenses bienfaits pour l’âme juive. J’étais heureuse de participer enfin à cet élément fondamental, éternel du peuple juif. Je remercie encore maintenant tous ceux qui m’ont laissé leurs numéros de téléphone pour que je les appelle dès que j’avais un doute. Bien qu’évidemment, de nombreux changements durent se produire dans ma vie et mes habitudes pour «devenir et rester cachère», toutes ces difficultés furent équilibrées par le bien-être et la sérénité d’esprit que je ressentis très rapidement.
Alors quand ma chère amie Andrea m’a téléphoné la semaine dernière pour m’annoncer qu’elle allait aussi enfin franchir cette étape en l’honneur de la Bat Mitsva de sa fille, j’ai été agréablement surprise. Nous avions souvent évoqué le sujet toutes ces années mais, pour une raison ou pour une autre, elle en repoussait chaque fois l’échéance. Mais comme elle désirait que la Bat Mitsva représente une étape importante et pour sa fille et pour elle, elle avait recherché un projet à l’effet spirituel et éternel. S’engager à observer une nouvelle Mitsva est toujours une entreprise impressionnante mais laquelle aurait le plus de sens et d’effet ? Elle avait compris que le moment était venu de cachériser sa cuisine.
Maintenant c’était à moi de donner des cours pratiques ! Grâce à mes nombreux contacts, j’ai pu l’aider tout au long du processus, la rassurer, lui donner des idées… Je savais exactement par quoi elle passait, ce qu’elle ressentait et les différentes étapes qu’elle devrait parcourir, les mêmes que j’avais connues il y a 14 ans quand je m’étais trouvée dans cette situation. Maintenant, bien que nous habitions à des centaines de kilomètres l’une de l’autre, c’était comme si nous étions toutes les deux assises dans sa cuisine, en train de discuter de la cacherout et de toutes ses ramifications.
Nous avons passé de nombreux moments au téléphone, parfois bien après minuit à discuter de cacherout, aussi bien des questions terre à terre que de longues dissertations philosophiques sur le rôle de la cacherout dans notre bien-être spirituel. Nous avons évoqué ce lien qui nous unit avec ceux qui ont entendu les commandements relatifs à la cacherout il y a plus de 3300 ans au pied du mont Sinaï et notre volonté de préserver à la lettre les instructions données par D.ieu à Moïse et transmises de générations en génération. Andrea me raconta de nombreuses anecdotes de son enfance dans la cuisine cachère de sa grand-mère qui préparait de si bons petits plats.
La cacherout devenait une réalité et, sans hésiter plus longtemps, Andrea et sa fille étudièrent et comprirent tout ce qu’impliquait ce changement.
Enfin Andrea a rejoint ces foyers juifs – de plus en plus nombreux – de par le monde qui respectent la cacherout et elle n’aurait pas pu devenir plus heureuse. Je continue à lui téléphoner régulièrement pour l’encourager dans ce choix crucial. C’est sûr, respecter la cacherout est une décision majeure qui requiert étude, patience et mise en pratique. Mais le résultat final est bien plus grandiose que l’effort qu’il a nécessité.
Mazal Tov Andrea pour ta nouvelle cuisine cachère. Je compte bien sur notre complicité de tous ces instants pour échanger de délicieuses recettes avec toi !
Jill Lerner
L’Chaim n°1109
traduite par Feiga Lubecki