Samedi, 15 Février 2014

  • Ki Tissa
Editorial

 Petit, ce Pourim ?

La structure de l’année juive – à treize mois – fait que nous vivons une sorte de répétition générale des grands événements spirituels à venir. Certes, le mois de Adar a bien commencé mais il porte le nom de Adar I, pour bien signifier qu’il y en aura évidemment un second, comme pour nous dire que nous ne sommes pas encore réellement dans le vif du sujet. Du reste, ce premier Adar, tout joyeux qu’il soit, ne contient la fête de Pourim qu’au titre du rappel. Du moins, c’est ce qu’on pourrait croire... De fait, le jour du 14 Adar I – juste un mois avant la fête qui nous verra racontant l’histoire d’Esther et célébrant le miracle – porte un nom dans la tradition juive. On l’appelle Pourim Katan ou petit Pourim. Une telle dénomination a de quoi soulever quelques questions. Est-ce à dire qu’il s’agirait ici d’un jour en réduction, à la signification indéterminée, peut-être sans importance autre que celle du signe avant-coureur ? Ce serait alors presque une marque de mépris envers un jour qui passe et ce n’est pas là une attitude juive...

Ouvrons donc une autre réflexion. Et si ce jour, qui arrive cette semaine, était d’abord celui d’une préparation ? Et si le jour de Pourim lui-même était trop élevé pour qu’on puisse l’atteindre en un seul saut et que l’occasion de l’élan était ici bien rare et précieuse ? Voilà qui donnerait au « petit Pourim » un nouveau caractère de grandeur. Car, s’il constitue préparation aux solennités prochaines, c’est qu’il est capable de leur apporter un élément qu’elles ne possèdent pas. C’est qu’il leur permet de prendre leur plein sens. D’une certaine manière, il leur est donc comme supérieur. Un « petit » qui donne à plus grand que lui et donc le dépasse ? C’est bien de cela qu’il s’agit. Et c’est comme à une sorte d’éloge de la « petitesse » qu’il faut se livrer à présent.

Avec ce jour particulier, tout se met en place. Les forces sont accumulés et le sens profond mieux intégré. La vie de Adar prend alors un nouveau tour. Prenons-en la pleine mesure : tout est né d’un « petit » jour. Lorsqu’on pense au destin historique comparé des « grands » empires et des « petits » peuples, il y a comme une structure récurrente qui apparaît. La vraie puissance n’est pas toujours celle que l’on croit. Et elle tient plus dans la force et la fermeté d’âme que dans les qualificatifs ambitieux. Petit Pourim donc... et grande vie !

Etincelles de Machiah

 L’abandon et les retrouvailles

Un verset enseigne (Isaïe 54 : 7) : «Un petit instant Je t’ai abandonné et avec une grande miséricorde, Je te rassemblerai.»  C’est ainsi que D.ieu décrit Son attitude pendant l’exil et lors de la venue du Messie.Nous observons que notre peuple a enduré des souffrances innombrables pendant le « petit instant » d’abandon. Comme elle sera donc merveilleuse la « grande miséricorde » qui y mettra fin !

Vivre avec la Paracha

 Ki Tissa

Le sujet qui couvre la Paracha Ki Tissa nous interpelle et ce, à divers aspects. La Paracha commence avec une accumulation de détails concernant le service sacerdotal du Tabernacle :

  1. le don d’un demi-chékel utilisé pour financer les services communautaires,
  2. la cuve d’airain, dernier des ustensiles du Tabernacle,
  3. l’huile particulière destinée à oindre les ustensiles et les prêtres,
  4. les ingrédients des encens,
  5. la désignation des maîtres artisans qui vont fabriquer le Tabernacle et ses objets,
  6. le commandement de ne pas violer le Chabbat au cours de la construction du Tabernacle.

A la suite de cela, la Torah abandonne le sujet du Tabernacle et reprend le récit du Don de la Torah qu’elle a laissé à la fin de la Paracha Michpatim.

On peut alors lire une brève description des premières Tables de la Loi. Puis, nous sommes brutalement plongés dans l’épisode dramatique et insensé du Veau d’Or et de ses conséquences tragiques. Suit la réconciliation entre D.ieu et le peuple, négociée par Moché. Elle comporte certains des moments les plus mystiques de la Torah et culmine avec la révélation des 13 Attributs divins de Miséricorde, le renouvellement de l’alliance et la descente finale de Moché du Mont Sinaï, avec les secondes Tables.

Outre ces sauts entre les extrêmes : de la dépravation à la transcendance sublime, la Paracha entière semble être hors de propos. La première partie, les derniers détails du Tabernacle, aurait été à sa place dans Teroumah et/ou Tetsavé. La seconde partie, le Veau d’Or et ses conséquences, aurait dû figurer après Yitro et Michpatim. Plus encore, un regard sur ce qui sera dit plus loin révèle que les deux Parachiot suivantes (Vayakhel et Pekoudé), qui concluent le Livre de Chemot, reviennent une fois encore sur le sujet du Tabernacle, décrivant sa construction effective. L’histoire du Veau d’Or est donc tirée de son emplacement naturel, à la suite du Don de la Torah, et intercalée entre les instructions pour la construction du Tabernacle et sa construction effective.

Pourquoi cela ?

On peut découvrir une réponse à cette question dans le nom de la Paracha : Ki Tissa. Ces mots signifient littéralement : «quand tu lèveras». Le verset entier énonce : «quand tu lèveras la tête des Israélites». Bien que la signification de ces mots soit «quand tu feras le recensement des Israélites», son sens littéral implique que tout le contenu de la Paracha est un processus par lequel le Peuple Juif va s’élever à des hauteurs autrement inaccessibles. Pour le dire autrement: même après que le but de la création ait été apparemment accompli par le Don de la Torah (Yitro, Michpatim) et l’érection du Tabernacle (Teroumah, Tetsavéh), il faut atteindre certains sommets encore plus élevés.

La question la plus difficile peut-être que pose la Paracha est : comment le Peuple Juif, après avoir été témoin de la puissance divine déployée lors des Dix plaies et du passage de la Mer Rouge et après avoir reçu la Torah au Mont Sinaï, simplement quarante jours plus tôt, put-il commettre la faute du Veau d’Or ? Malgré les nombreux facteurs qui peuvent montrer que cette erreur était moins abominable que ne le laisse paraître la simple lecture du texte de la Torah, il n’en reste pas moins que, selon les mots du Talmud, «Israël n’était pas capable de commettre un tel acte !». Le Talmud conclut : «tout l’incident constituait un décret de D.ieu pour donner un précédent au repentant». En d’autres termes, D.ieu poussa le Peuple Juif à pécher pour qu’il se repente et connaisse la douceur de la réconciliation.

Le paradoxe du péché est que la repentance permet de forger un lien avec D.ieu qui aurait été impossible avant le péché. Avant la faute, la relation avec D.ieu n’a besoin que d’être assez forte pour se poursuivre. Tant que l’homme se rappelle qu’il y a un D.ieu dans le monde Qui lui demande de faire telle et telle chose, il n’a aucun problème à obtempérer et faire ce qui est requis. Il est heureux, encouragé et inspiré. Cependant, sa faute montre que cette relation, n’a été ni assez forte ni assez profonde pour l’empêcher de fauter.

Il doit donc faire une introspection pour trouver dans son âme un lieu où D.ieu signifie davantage que le plaisir ou la satisfaction qu’il a obtenus. Cet exercice approfondit la conscience et la reconnaissance de D.ieu et rétablir sa relation avec Lui à ce nouveau et plus profond niveau est appelé Techouvah («retour à D.ieu»). Cela constitue l’essence de la repentance. Si la Techouvah est réelle, l’individu aura atteint un lieu en lui-même où sa relation et son engagement à D.ieu sont désormais si forts qu’il ne sera plus capable de commettre le péché pour lequel il se repent. De toute évidence, plus la faute est sérieuse, plus grande est la Techouvah requise et plus profond est le lien alors obtenu entre D.ieu et lui.

C’est la raison pour laquelle D.ieu devait susciter l’incident du Veau d’Or lors duquel le Peuple Juif tomba dans les trois péchés cardinaux de l’idolâtrie, l’adultère et le meurtre. En s’abaissant au degré le plus bas, le Peuple pourrait alors s’élever au plus haut niveau de la réconciliation avec D.ieu et atteindre un lien dont la profondeur aurait été impossible autrement. Cela est également illustré par la révélation des 13 Attributs de Miséricorde dans lesquels D.ieu exprime le fait que Son alliance avec le Peuple Juif transcende la relation contractuelle basée sur l’obéissance aux commandements et pave ainsi le chemin de la Techouvah.

Il s’agit donc de l’élévation du Peuple Juif qui doit se produire même après le Don de la Torah et du Tabernacle.

A cette lumière, la Paracha Ki Tissa incorpore toute la vue d’ensemble de la création : elle commence par la perfection originelle (le Tabernacle et les premières Tables de la Loi), elle continue avec le drame de l’histoire (le Veau d’Or qui, dans un certain sens, reproduit le péché originel de l’arbre de la Connaissance) et finit par un avant-goût de la révolution messianique (le renouvellement de l’alliance et les secondes Tables) qui élève le monde à un niveau supérieur de perfection. A l’Ere messianique, nous pourrons atteindre les profondeurs ultimes dans notre relation avec D.ieu sans avoir recours à la force duelle du péché et de la Techouvah, la montée et la descente, l’aliénation et la réconciliation.

Le Coin de la Halacha

 Comment fête-t-on le troisième anniversaire d’un petit garçon ?

Rav Haïm Vital (qui vécut au 16ème siècle à Safed) raconta comment le saint Ari Zal coupa les cheveux de son fils seulement une fois qu’il eut atteint l’âge de trois ans, à Méron, près du tombeau de Rabbi Chimon Bar Yo’haï. Cette coutume est très importante et a été respectée tout au long des générations.

On organise une fête à cette occasion et on invite le Rav ou un personnage important à couper la première mèche. Puis chacun des participants en fait de même. Il convient de veiller à laisser les «Peot», donc à ne pas couper les «pattes», environ jusqu’au milieu des oreilles. A partir de ce jour, l’enfant portera le «Talit Katane» (vêtement rituel à franges, porté sous la chemise).

S’il est interdit de couper les cheveux le jour du troisième anniversaire (par exemple, Chabbat, Roch Hodech, les fêtes, la période du Omer ou des trois semaines), on procèdera plus tard à cette petite cérémonie ; cependant, le petit garçon portera le Talit Katane dès le jour de son troisième anniversaire.

(A propos de la Kippa, il convient d’habituer l’enfant à la porter dès le plus jeune âge, au moins à partir du moment où il marche).

Par ailleurs, on habituera l’enfant à réciter les bénédictions du matin, le Birkat Hamazone après le repas et le «Chema» avant de dormir.

Dès que l’enfant commence à parler, son père lui enseigne le verset «Torah Tsiva Lanou Moché, Moracha Kehilat Yaakov» («La Torah que Moché-Moïse nous a donnée est un héritage pour la communauté de Jacob») ainsi que le «Chema Israël». A partir de l’âge de trois ans, on lui apprendra à suivre les versets sur un livre.

Le Rabbi de Loubavitch a demandé que tous les enfants juifs apprennent par cœur au moins douze versets et paroles de nos Sages (on peut se procurer la liste de ces versets auprès du Beth Loubavitch et de l’organisation Tsivot Hachem).

F. L. (d’après Rav Barou’h Tchikavchili)

Le Recit de la Semaine

 L’horloge du “Hozé” de Lublin

Parmi les objets que Rabbi Yossef reçut en héritage à la mort de son père, le “’Hozé” (“le Voyant”) de Lublin, se trouvait une horloge.

Quand Rabbi Yossef rentra chez lui, à Tulchin, après les sept jours de deuil, il dut passer trois nuits dans une auberge car une pluie torrentielle avait inondé la région. Quand il voulut partir, l’aubergiste (appelons-le Zev) lui présenta la note : Rabbi Yossef ne pouvait pas payer. Il proposa à Zev de choisir un objet parmi ses biens. Celui-ci réfléchit et choisit l’horloge.

Zev la mit à l’heure, l’accrocha dans une chambre et, au début, apprécia son joyeux carillon qui sonnait fidèlement chaque heure. Puis le temps passa et ni lui ni sa femme n’y prêtèrent plus attention.

* * *

Des années plus tard, un ‘Hassid passa la nuit dans l’auberge, justement dans la chambre où était suspendue l’horloge.

Cette nuit-là, bien que Zev fût épuisé, il ne put trouver le sommeil: de la chambre du ‘Hassid, on entendait chanter et même danser, et ceci, particulièrement quand le carillon se mettait en branle. Zev décida que, le lendemain, il demanderait au ‘Hassid la raison de son exubérance et, content de son idée, il parvint à s’endormir.

Au matin, comme s’il avait lu dans les pensées de Zev, le ‘Hassid, frais et dispos comme s’il avait dormi toute la nuit, interpella Zev:

- “Vous vous demandez sûrement pourquoi j’étais si joyeux cette nuit mais moi je me demande comment il se fait que cette horloge soit en votre possession!”

Zev ne comprenait pas le lien entre les deux faits mais il raconta au ‘Hassid comment il avait acquis cette horloge.

“Je vois que vous ne comprenez pas quelle bonne affaire vous avez faite”, dit le ‘Hassid. Cette horloge a appartenu à mon Rabbi, le ‘Hozé de Lublin ! Dès que j’ai entendu le carillon, je l’ai reconnue!”

“Une horloge est une horloge” murmura Zev.

“Mais pas du tout! Je vais vous expliquer ce qu’est une horloge”, dit le ‘Hassid. Les gens pensent qu’une horloge ne sert qu’à leur indiquer quand se lever, quand manger et quand dormir. C’est aberrant! Les gens ont vécu des milliers d’années sans montre. Un animal n’a pas besoin d’une montre pour savoir quand s’adonner à ces activités futiles!”

“C’est vrai” reconnut Zev, dont la curiosité avait été éveillée.

“Une horloge rappelle aux gens qu’il existe une création qui est le temps dans ce bas monde. Quand D.ieu créa le monde, Il créa le temps. Les aiguilles qui indiquent les heures et les minutes nous rappellent à chaque instant que D.ieu donne la vie au monde entier et nourrit chaque créature”.

“Une montre ! Vraiment un objet magnifique!” s’enthousiasma Zev.

“Mais ce n’est pas tout”, continua le ‘Hassid. “La montre nous rappelle aussi que le temps passe et que nous devons y prêter attention. Tout objet perdu peut être retrouvé mais pas le temps: on ne peut jamais le récupérer. Quand le carillon sonne, c’est pour nous faire remarquer qu’une heure est encore passée: l’avons-nous utilisée pleinement, correctement?”

“Oh non ! Quand je pense à toutes les heures que j’ai perdues!” se lamenta Zev.

“Ne vous en faites pas”, dit le ‘Hassid d’un ton encourageant. “Savez-vous qu’en hébreu, le mot qui signifie “année” (“Chana”) peut aussi se traduire par ‘tour’ ? Imaginez quelqu’un qui marche avec insouciance le long d’une route dangereuse jusqu’à ce qu’il arrive devant un précipice. Là, soudain, il réalise où il se trouve et il tourne les talons pour revenir sur ses pas. Le simple fait de tourner, ou si vous voulez, de changer de direction avant même qu’il ne se soit effectivement dirigé dans le bon chemin, l’a sauvé du danger. En une heure, en un tour dans la bonne direction, chacun peut changer le cours de sa vie!”

“Je n’avais jamais vu les choses ainsi!” s’exclama Zev.

“Maintenant je vais vous dire quel est le véritable secret de cette horloge, l’horloge de mon Rabbi. Cette horloge est exceptionnellement exacte et parfaite, car en plus de toutes les vertus propres à chaque montre, elle possède un carillon particulièrement joyeux. Chaque fois qu’il se met en branle, c’est pour annoncer une bonne nouvelle, comme pour nous dire qu’une heure supplémentaire de l’exil est déjà passée et donc qu’on s’est approché d’une heure supplémentaire de l’époque de Machia’h.

“Alors, Reb Zev, dit le ‘Hassid, comprenez-vous pourquoi j’étais si joyeux la nuit dernière? J’ai entendu le carillon, je l’ai reconnu et je l’ai fêté avec enthousiasme!”