Semaine 8

  • Ki Tissa
Editorial
Petit, ce Pourim ?

Cette année, le calendrier nous y amène : voici le premier Pourim qui se présente. Apparemment, il fonctionne comme une sorte de « répétition générale ». Nous ne sommes que dans le premier Adar, le mois supplémentaire ajouté pour harmoniser les cycles solaire et lunaire. Or, la fête de Pourim ne tombera que dans un mois, avec la venue du Adar régulier, le second cette année. Et pourtant, c’est effectivement un Pourim qui nous est annoncé en cette fin de semaine. Certes, on n’y accomplira pas les commandements caractéristiques de la fête : lecture de la Méguila, échange de cadeaux comestibles, dons aux pauvres etc. C’est si vrai que, s’il fallait encore souligner l’idée, le jour en question est dénommé « Pourim Katan » ou « petit Pourim ». On ne saurait être plus clair pourrait-on penser. Ce jour ne serait donc qu’un écho, une vague métaphore de la célébration à venir… Mais son nom est bien là – Pourim – avec tout son éclat de joie, avec toute sa puissance de réussite et de bonheur !
Peut-être faut-il mieux comprendre ici le sens du mot « petit » ? Le récit de la création du monde l’utilise de manière profondément significative. D.ieu, dit-il, créa « le grand luminaire » – le soleil – et « le petit luminaire » – la lune. Cette formulation est littéralement fondatrice d’une manière d’être et de ressentir. De fait, dans ce cas, le « petit » possède un élément irremplaçable : il est le reflet du « grand ». Matériellement, la lune n’éclaire que parce qu’elle reflète la lumière du soleil. Certes, elle n’a pas la grandeur de cet astre majeur, cependant elle resplendit toujours dans la nuit et ne perd rien de ce qu’elle reçoit. Loin d’être une présence passive, sa clarté fait du monde un lieu plus accueillant quand c’est l’obscurité qui règne. D’une certaine manière, sa « petitesse » a plus un abord d’humilité que d’impuissance. N’y a-t-il pas, dans cette comparaison, une évocation fidèle d’une journée qui s’intitule « petit Pourim » ? Sans bruit ni tumulte, elle nous introduit déjà au beau temps de l’allégresse.
En notre époque où, bien souvent, seul ce qui fait vacarme a droit de cité, une précieuse leçon apparaît ici. Etre « petit », c’est parfois être « grand ». C’est avancer avec assurance dans un chemin de lumière en assumant totalement ce que l’on est car la lumière remporte toujours tous les combats. Etre « petit », c’est aussi connaître son rôle et le sens de sa vie. Eclairer le chemin… comme Pourim, du « petit » au « grand ».
Etincelles de Machiah
Une prière à voix haute

La ‘Hassidout explique (Torah Or, fin de Parchat Vayigach) que l’on dira la prière de la Amida à voix haute dans les temps messianiques.
L’origine de cet enseignement peut être retrouvé dans un texte du Zohar qui commente le verset décrivant la prière adressée par Rachel à D.ieu en faveur du peuple juif : « Une voix est entendue à Ramah ». Le mot Ramah » est, en première lecture, un nom de lieu. Toutefois, il peut également être traduit par « à voix haute ».Le Zohar apporte alors son commentaire (I, 210a) : « cela fait allusion au monde futur. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch,
Chabbat Parchat Vayigach 5746) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa

A propos de la Paracha Ki tissa, se posent différentes questions. La Paracha commence par une énumération de détails concernant le service du Grand-Prêtre dans le Tabernacle (Michkan):
1. La taxe du demi-chékel utilisée pour financer les sacrifices collectifs
2. Le bassin d’ablutions, dernier des ustensiles du Tabernacle
3. L’huile particulière utilisée pour oindre les ustensiles et les prêtres
4. Les ingrédients de l’encens
5. La nomination de l’artisan chef qui façonnera le Tabernacle et ses revêtements
6. Enfin le commandement de ne pas violer le Chabbat au cours de la construction du Tabernacle.

Puis, la Torah abandonne le sujet du Tabernacle et reprend le récit du Don de la Torah qu’elle a mis de côté à la fin de la Paracha Michpatim. Une brève description des Premières Tables de la Loi est tracée et nous sommes brutalement plongés dans l’épisode du veau d’or et de ses tragiques conséquences. Suit la réconciliation entre D.ieu et le peuple, négociée par Moché. Elle renferme quelques-uns des moments les plus mystiques de la Torah et culmine avec la révélation des Treize Attributs de Miséricorde Divine, le renouvellement de l’alliance et finalement la descente de Moché du Mont Sinaï avec les secondes Tables de la Loi.
Toute la Paracha semble ne pas être à sa place. La première partie, les derniers détails du Tabernacle, semble appartenir à la Paracha Terouma ou/et Tétsavé. Sa seconde partie, le veau d’or et ses conséquences, devrait venir après Yitro et Michpatim. Plus encore, en observant la suite du texte, nous constatons que les deux Parachiot suivantes (Vayakhel et Pekoudé) reviennent une fois de plus sur le sujet du Tabernacle, décrivant sa construction effective. L’histoire du veau d’or est donc extraite de son emplacement, comme suite du Don de la Torah, et insérée entre les instructions concernant la construction du Tabernacle et leur exécution. Pourquoi ?
Une clé de la réponse à ces questions se trouve dans le nom même de la Paracha : Ki Tissa. Ces mots sont les premiers du verset qui, traduit littéralement, signifie : «quand tu monteras les têtes des Israélites». Traduit habituellement par «quand tu feras le recensement des Israélites», leur sens littéral implique que tout le contenu de la Paracha est un processus par lequel le Peuple Juif s’élève à des hauteurs nouvelles. En d’autres termes, après que le but de la Création ait été apparemment atteint par le Don de la Torah (Yitro et Michpatim) et l’édification du Tabernacle (Terouma et Tétsavé), des niveaux encore plus élevés restent à gagner.
La question la plus difficile de cette Paracha est peut-être : comment le Peuple Juif, après avoir été témoin des Dix Plaies et de l’ouverture de la mer, après avoir reçu la Torah au mont Sinaï à peine quarante jours plus tôt, put-il commettre la faute du veau d’or ? Le Talmud interroge : «Israël n’était pas capable de commettre un tel acte!» Sa réponse indique que «toute l’histoire était un décret de D.ieu afin de donner un précédent pour le pénitent». En d’autres termes, D.ieu manœuvra le Peuple Juif pour qu’il se livre à cette faute afin qu’il s’en repente et connaisse la douceur de la réconciliation.
Le paradoxe d’une faute est que le repentir permet de forger un lien plus profond avec D.ieu. Avant de pécher, l’individu se rappelle qu’il y a un D.ieu Qui lui demande de faire telle ou telle tâche, il n’a aucun problème pour s’en acquitter. Il grandit spirituellement dans sa relation avec Lui. Mais une fois qu’il faute, il se rend compte qu’aussi parfaite qu’ait pu être sa relation avec D.ieu, elle n’était ni assez solide, ni assez profonde pour l’en empêcher. Par son choix, il a montré que l’attrait de la faute l’a emporté sur son attachement à D.ieu.
Il lui faut donc plonger en lui-même pour trouver un lieu dans son âme où D.ieu signifie plus pour lui que le plaisir offert par cette défaillance. Cela s’appelle la Techouva (retour à D.ieu). Si elle est véritable, l’homme a désormais atteint un endroit en lui-même où sa relation à D.ieu est si forte qu’il ne commettra plus l’erreur pour laquelle il se repent. De toute évidence, plus la faute est sérieuse, plus grande est la Techouva requise et plus profond est le nouveau lien qui se crée entre lui et D.ieu.
Il est également évident que ce processus ne fonctionne que si l’individu pèche «accidentellement», comme s’il était dans un état de «folie ponctuelle». C’est la raison pour laquelle D.ieu dut orchestrer l’accident du veau d’or dans lequel le peuple Juif tomba dans trois fautes essentielles : l’idolâtrie, l’adultère et le meurtre. En descendant dans les abîmes les plus profonds, le peuple put dès lors s’élever aux plus hauts niveaux de la réconciliation avec D.ieu. La révélation des Treize Attributs de Miséricorde le manifeste. D.ieu y affirme le fait que Son alliance avec le Peuple Juif transcende la relation basée sur la seule obéissance aux commandements. Elle pave donc le chemin de la Techouva.
A cette lumière, la Parachah Ki Tissa renferme l‘entière perspective de la création : elle commence avec la perfection originelle (le Tabernacle et les premières Tables de la Loi), se poursuit avec le drame de l’histoire (l’accident du veau d’or qui rejoue dans un certain sens la faute de l’Arbre de la Connaissance) et s’achève avec l’avant-goût de l’aboutissement messianique (le renouvellement de l’Alliance et les nouvelles Tables de la Loi) qui élèvera le monde à un niveau de perfection inconnu.
Cela explique pourquoi la Paracha commence par la taxe du demi-chékel. Il s’agit là d’un processus de Techouva : l’argent collecté finançait les sacrifices collectifs qui rachetaient les fautes du peuple. Les autres détails du Tabernacle nous indiquent que le but du Tabernacle, la résidence de la présence de D.ieu dans le monde et dans l’homme, est accompli dans le contexte de la Techouva. C’est aussi pourquoi Ki Tissa est intercalé entre les instructions concernant le Tabernacle et leur réalisation : son contenu constitue la dimension intérieure de ces instructions. Il convient donc que cela suive l’aspect extérieur de ces instructions et en précède la réalisation.
Cette dynamique d’une perfection lumineuse, chute et réconciliation, se reflète par de nombreux aspects dans la Torah et dans notre vie quotidienne. Notre journée commence par notre abandon total à la volonté divine, par le Modé Ani, prière que nous récitons dès notre réveil et dans laquelle nous nous soumettons totalement à Lui. Nous restons absorbés par la Divinité dans nos prières matinales et l’étude de la Torah. Puis nous vaquons à nos affaires profanes dans lesquelles nous ressentons des épreuves et des fluctuations dans notre conscience divine. A la fin de la journée, nous évaluons la force de notre lien avec D.ieu pour voir s’il doit être renforcé. Alors nous pouvons à nouveau nous soumettre à Lui, mais à un niveau supérieur que précédemment, au moment de la prière du coucher où nous nous remettons entre Ses mains.
La leçon de la Paracha Ki Tissa nous accompagne chaque jour de notre vie, nous concentrant constamment vers notre but ultime : la venue du Machia’h.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la viande cachère ?

Pour être cachère, la viande doit :
- Provenir d’un animal cachère.
- Avoir été abattue selon les règles de la Che’hita, l’abattage rituel effectué par celui qui les a bien étudiées et qui a «la crainte de D.ieu».
- Avoir été cachérisée, c’est-à-dire qu’on en a enlevé tout le sang soit par le sel, soit par le feu. Ces lois sont également très complexes.
- Avoir été cuisinée par un Juif, dans des ustensiles exclusivement réservés à la viande.
Les animaux cachères ruminent et ont les sabots fendus (bœuf, mouton, chèvre…) ; les volailles de basse-cour sont cachères «par tradition» : coq, dinde, canard, oie… (les oiseaux de proie sont tous interdits).
Une fois l’abattage rituel effectué, les parties arrières avec le nerf sciatique sont retirées ainsi que certaines graisses interdites. On doit aussi vérifier l’état des organes intérieurs pour s’assurer que l’animal était bien en bonne santé avant l’abattage.
De nos jours, la «cachérisation» par le gros sel et l’eau est le plus souvent effectuée par le boucher afin d’éviter un grand dérangement pour la maîtresse de maison.
La viande cachère doit rester constamment sous la surveillance d’un Juif ou être emballée soigneusement avec deux signes distinctifs.

F. L. (d’après le Kitsour)
De Recit de la Semaine
Allo ? Allo ?

J’avais reçu une lettre de ma banque m’avertissant d’une possible fraude sur mon compte. J’ai donc appelé leur numéro de service et, après plusieurs essais infructueux («pour tel service, tapez 1 ; pour le vol de votre carte, tapez 2 etc.»), j’ai eu enfin le droit de parler à un véritable interlocuteur.
Celui-ci avait un fort accent étranger et j’ai d’abord pensé à exiger une personne parlant correctement l’anglais mais, par respect pour l’agent qui fournissait un effort pour parler ma langue, je ne le fis pas (après tout, ce n’est pas sa faute si nos entreprises choisissent de délocaliser leurs services !)
Il avait pratiquement réussi à me convaincre que tout était OK quand j’ai soudain réalisé qu’il avait mal enregistré les numéros de ma carte. Une fois de plus, il vérifia mon numéro de compte et mon identité puis, soudain, me demanda ce qu’était ‘Habad. Un peu interloqué par sa question, je me demandais ce qu’il avait besoin de savoir mais avant que j’ai pu ouvrir la bouche, il continua : «C’est une organisation juive, basée en Israël n’est-ce pas ?»
J’ajoutai quelques brèves explications sur le réseau international formé par le mouvement Loubavitch quand il me coupa la parole et déclara : «Je vis à Bombay, en Inde, juste à côté de Nariman House, là où était situé le Beth ‘Habad détruit par une attaque terroriste il y a deux ans !»
J’étais pétrifié. Je n’arrivais plus à parler.
Il s’excusa de m’avoir causé une telle émotion puis me demanda si j’avais connu Rav Holtzberg. J’expliquai que nous appartenions à la même organisation, même si nous ne nous étions pas vraiment connus. Un an avant la tragédie, Rav Gavriel Noa’h Holtzberg m’avait envoyé un e-mail pour m’informer qu’un couple de ma communauté lui avait rendu visite à Bombay et qu’il s’en était occupé aussi bien que possible. J’avais été touché par son geste, envers ce couple et envers moi.
L’employé du «Call Center» murmura : «Je m’appelle Maarane et j’ai bien connu le petit Moché (l’enfant du couple Holtzberg miraculeusement sauvé par sa nurse) et j’avais l’habitude de jouer au ballon avec lui. Il était tellement mignon ! J’ai aussi connu ses parents, et Sandra, sa nurse».
Ma voix tremblait. La raison de mon appel était déjà oubliée et nous avons longuement parlé. Il n’était pas marié, n’avait pas d’enfant et avait beaucoup apprécié la compagnie du petit Moché.
Nous avons pourtant bien dû retourner au «business» et il s’excusa pour son manque d’expérience. Lui aussi était encore sous le coup de l’émotion : je lui expliquai brièvement le concept de «Hachga’ha Pratit», le fait que D.ieu dirige la moindre de nos actions sur cette terre et je l’assurai qu’il avait déjà rendu ma journée digne d’être vécue. Quand nous avons raccroché, nous étions tous les deux en pleurs.
Pendant quelques minutes, je fus incapable de reprendre mes activités : un simple coup de téléphone pour régler un problème de carte de crédit et D.ieu avait choisi de m’envoyer un message qui me faisait trembler de tous mes membres...
Cette histoire m’était arrivée un vendredi après-midi. Je tapais quelques lignes à ce propos sur mon ordinateur et les envoyai en e-mail à quelques amis, comme moi émissaires du Rabbi un peu partout dans le monde. Ce genre de mail circule dans de nombreux réseaux et, avant que je ne le réalise, je reçus plusieurs commentaires chargés d’émotion.
J’eus envie de retrouver mon ancien interlocuteur pour les lui communiquer. Mais comment ? A chaque fois que j’appelais le numéro de service, je tombais (évidement !) sur un centre d’appels situé aux Etats-Unis. Après de nombreux appels infructueux, je fus mis en contact avec Bombay mais on m’informa poliment qu’il n’y avait personne du nom de Maarane dans le service. Quand j’expliquai le but de mon appel, le directeur montra une bonne volonté évidente et se mit à rechercher mon correspondant. Il venait justement de quitter le bâtiment ! Je l’avais raté de quelques minutes.
Mais je n’allais pas abandonner si vite. Durant le week-end du 4 juillet – fête nationale aux Etats-Unis – alors que la plupart des américains partent en forêt s’adonner aux joies du barbecue – mon appel fut reçu par Maarane lui-même !
Il me reconnut immédiatement et me raconta qu’après notre conversation, ses collègues de travail l’avaient forcé à prendre une pause tant il tremblait d’émotion. De fait, il habitait dans le bâtiment Mehta qui était situé pratiquement en face de Nariman House.
Le 24 novembre 2008, deux jours avant l’attentat, il avait rendu visite à Rav Gavriel Noa’h Holtzberg et lui avait demandé un don pour un événement culturel indien qui était prévu pour le 30 novembre : «Il m’a donné 500 roupies et me demanda de revenir deux jours plus tard car il n’avait plus assez d’argent sur lui. Ce fut la dernière fois que je les vis, lui le rabbin et le petit Moché !»
Il me donna son adresse mail, là où il avait retranscrit ses souvenirs des Holtzberg. Je lui racontai toutes les réactions que j’avais reçues par mail.
En réfléchissant à ce «petit miracle», je ne peux énumérer que quelques-uns des petits maillons de la chaîne : si j’avais réussi à taper le code de ma carte dès le premier essai ? Si j’avais été mis en correspondance avec une machine ? Si j’avais téléphoné une minute plus tôt et avais été mis en contact avec un centre située à Hawaï ? Si j’avais insisté pour parler avec un américain de souche ?
Et bien sûr, cette expérience me rappela combien Rav Gavriel Noa’h Holtzberg et sa Rabbanit Rivka avaient eu une existence extraordinaire, combien ils avaient touché les vies des Juifs et des non-Juifs autour d’eux. Voilà un parfait étranger qui, plus d’un an plus tard, se souvenait avec émotion de leur gentillesse et de leur générosité – tandis qu’il était assis dans son centre d’appels, répondant avec courtoisie mais ennui aux appels d’américains sans doute arrogants et désagréables.
Et comment pourrais-je jamais remercier le mystérieux voleur qui utilisa le numéro de ma carte pour acheter pour soixante-quinze dollars de musique sur iTunes ? Si seulement il savait qu’il avait été choisi par D.ieu Lui-même pour inspirer des gens vers le bien dans le monde entier !

Rav Yitzchak Sapochkinsky
Westlake Village, Californie
N’shei Chabad Newsletter
traduit par Feiga Lubecki