La longue marche
Oui, nous sommes libres ! Ce sont là des mots de joie, de gloire et de grandeur et ils apparaissent spontanément dans notre bouche alors que, la fête de Pessa’h passée, nous sommes brillamment sortis d’Egypte, « la main haute » comme disent les textes. Nous sommes libres, mais rien n’est terminé. D’une certaine façon, on pourrait même dire que tout commence. Car nous le savons : dans quelques semaines, nous serons au pied du Sinaï et, là, D.ieu parlera à Son peuple, donnant une morale et une conscience éternelles à toute l’humanité. De cet instant suspendu dans le temps, il faudra reparler. En attendant la longue route continue.
Cette route-là est longue car elle ne se limite pas à l’histoire antique des Hébreux et elle ne s’arrête pas au fil des siècles. La sortie d’Egypte n’est décidément pas que l’aventure d’une époque et le voyage qu’elle ouvre n’est pas simplement celui d’un peuple confiant dans l’appel de D.ieu. Depuis lors, le monde a bien changé et les hommes aussi. Les questions qui les agitent, apparemment plus complexes, sont restées fondamentalement les mêmes : le sens de la vie, les désirs de l’homme, le rapport avec l’autre, étranger ou proche, la violence à rejeter etc. Dans cette optique, le désert n’est plus seulement cette région aride, géographiquement identifiée. Il est le monde tout entier, nommé désert car le meilleur de l’humain peut s’y perdre, car c’est un lieu où règne la soif sans possibilité de l’apaiser – la soif du lien avec D.ieu.
C’est là que nous avançons, malgré tout, pas à pas. Malgré ceux qui veulent voir s’interrompre notre chemin, malgré ceux qui aspirent à un désert universel, nous progressons. Nous sommes libres a-t-on dit, et rien ne peut contraindre ceux que la Liberté conduit. Sans nous laisser impressionner par les difficultés du voyage ou par sa trop grande durée, nous continuer notre marche en avant. Nous savons que le monde tout entier a besoin de notre constance. Alors, pieds sur terre et tête au ciel, nous avançons. Le temps viendra de la Délivrance, elle est au bout de la route et déjà celle-ci se termine. Très bientôt, le désert ne sera que souvenir. La fête de Pessa’h est passée. Elle nous a laissés forts car elle nous accompagne. Où que nous soyons, nous sommes libres car libérés par D.ieu et attachés à Lui. A nous de le vivre avec toute l’évidence qu’impose la plus absolue des réalités.
Le don de l’âme
« Et l’âme qui offrira un sacrifice de Min’ha pour D.ieu… ». C’est ainsi que la Torah (Lév. 2 : 1) introduit la description de cette offrande particulière. On relève ici l’emploi du mot « âme » pour désigner la personne qui offre ce sacrifice alors que, habituellement, on dit simplement « l’homme ». Rachi explique la raison de ce choix : « Qui offre le sacrifice de Min’ha ? Le pauvre. D.ieu dit : ‘Je le considère comme s’il avait offert son âme’. »
Cette idée est précieuse pour chacun de nous. En ce temps d’exil, nous sommes « pauvres » spirituellement. Pourtant il nous appartient d’offrir à D.ieu ce que nous avons de plus important : nous-mêmes. Cette offrande doit d’abord être celle de notre « âme animale », cet élément qui nous permet de vivre et que nous devons lier à Lui. Puisque « c’est à cause de nos fautes que nous avons été exilés de notre terre », cette démarche nous amènera à la construction du troisième Temple.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. 27, Vayikra 2)
Chemini
Le huitième jour, suivant les sept jours de leur initiation, Aharon et ses fils commencent leur service de Cohanim (prêtres). Un feu jaillit de D.ieu pour consumer les offrandes et la Présence Divine vient résider dans le Sanctuaire.
Les fils aînés d’Aharon offrent un « feu étranger devant D.ieu, qu’Il ne leur avait pas commandé » et ils meurent devant D.ieu. Aharon reste silencieux devant sa tragédie.
Moché et Aharon sont, par la suite, en désaccord sur un point de la loi concernant les offrandes mais Moché reconnaît qu’Aharon a raison.
D.ieu ordonne les lois de la Cacherout, identifiant les espèces animales permises et celles qui sont interdites à la consommation. Les animaux mammifères ne peuvent être consommés que s’ils ont le sabot fendu et ruminent. Les poissons doivent posséder des nageoires et des écailles. Une liste d’oiseaux non Cacher est établie ainsi qu’une liste d’insectes Cacher (quatre espèces de sauterelles).
Chemini comporte également certaines lois de pureté rituelle, y compris celles qui évoquent la nature purificatrice du Mikvé (un bassin d’eau construit selon certaines règles précises) et de la source. C’est ainsi que le peuple est enjoint de « faire la distinction entre l’impur et le pur ».
La Paracha Chemini dont le nom signifie « huitième » est ainsi nommée parce qu’à son commencement nous est relaté ce qui eut lieu le huitième jour suivant les sept jours de consécration d’Aharon et des autres Cohanim, ses fils.
Le Kli Yakar, commentateur biblique, s’interroge sur la terminologie employée ici et sur le fait que ce huitième jour ne soit pas ajouté à la série des sept jours précédents, qu’il en soit séparé. Quelle est la particularité de ce huitième jour ?
Le Kli Yakar explique que ce nom « huitième » vient précisément expliquer pourquoi en ce jour, on assista à une extraordinaire Révélation Divine. C’était en effet en ce jour que furent achevées les dernières tâches de la construction du Tabernacle, le Michkan, et que la Révélation Divine fut perceptible par tout un chacun.
Mais en quoi le mot « Chemini » porte-t-il cette idée ? Le commentateur explique que la séquence de la Création du monde s’exprime dans une série de 7. Ainsi les sept jours de la Création auxquels correspondent les sept jours de la semaine.
En fait, tout le domaine de la Création correspond au chiffre 7. La ‘Hassidout explique que les sept Sefirot, saintes émanations, sont également au nombre de 7, correspondant aux sept jours de la semaine.
C’est pour cette raison que l’on entoure les lanières des Tefilines sept fois, autour du bras, ce qui correspond à la fois aux sept Sefirot et aux sept qualités émotionnelles que possède toute personne.
Quelle est alors la signification du chiffre 8 ?
8 représente quelque chose qui est plus haut que le domaine de la nature, de celui de la Création.
Et c’est pour cette raison que nous pouvons observer que de nombreux commandements sont associés au chiffre 8.
La Brit Mila, la circoncision, se fait au huitième jour.
Pour qu’un animal puisse être offert en sacrifice, il faut qu’il soit âgé d’au moins huit jours.
Les lumières de ‘Hanoukah sont au nombre de 8.
Tous ces exemples évoquent la perspective de la Divinité qui transcende la Création.
Cependant, une question vient alors se poser. Pourquoi mettre l’emphase sur le fait que c’est le huitième. Le huitième ne peut se définir que par rapport aux sept qui l’ont précédé.
Dire que c’est le huitième jour signifie qu’il a un lien avec les sept précédents.
Comment pouvons-nous nous contredire en affirmant que huit est quelque chose complètement séparé des sept précédents et en même temps que huit se construit sur les sept précédents et en dépend.
La ‘Hassidout explique que le but ultime de la Création est ce monde matériel, que tous les mondes spirituels, toutes les émanations spirituelles, les anges, les sphères célestes ont été créés pour ce monde physique.
C’est pourquoi nous ne pouvons affirmer que les révélations les plus hautes, complètement séparées et transcendant ce monde matériel, doivent restées à l’écart de ce monde physique. Elles doivent également l’affecter et être utilisées.
En dernier ressort, bien qu’elles soient intrinsèquement supérieures au monde matériel, elles doivent pourtant s’y révéler.
Et tel est le sens de la Brit Mila. Elle s’accomplit sur un corps physique, malgré le fait qu’elle suscite une révélation spirituelle extraordinaire, bien au-delà des limites d’un environnement physique. Un membre physique devient un véhicule et un réceptacle pour cette révélation extraordinaire.
C’est également le concept de l’Ere Messianique où « la chair physique elle-même percevra et verra la bouche de D.ieu parler ». En d’autres termes, non seulement la Divinité sera-t-elle évidente pour nous au niveau spirituel, non seulement aurons-nous conscience que le spirituel dépasse le matériel, mais le monde matériel lui-même percevra la Divinité. Bien que D.ieu soit infiniment supérieur, le monde matériel véhiculera cette révélation.
Que cela se produise immédiatement et de nos jours !
Pourquoi lit-on un chapitre de Pirké Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque Chabbat après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?
Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirké Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.
Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.
Votre fils vivra !
Tout a commencé le 17 septembre 1963, quand j’avais trois ans et demi. Nous habitions dans le New Jersey ; mon père, Rav Gimpel Orimland possédait un élevage de poules et, en plus, servait de rabbin à la synagogue orthodoxe locale.
Mon père avait été élevé à Bné Brak, en Israël : il avait été le compagnon d’étude du célèbre Rav ‘Haïm Kanievsky, ses professeurs avaient été le ‘Hazone Ich et le Rav Steipler. En d’autres mots, il avait reçu une éducation proche du courant lituanien - bien éloigné du mouvement hassidique : ce qui arriva n’en est que plus remarquable.
Ce jour-là, ma grand-mère et son mari me ramenaient en voiture à la maison. Il pleuvait averse, la visibilité était très mauvaise et nous avons subi un terrible accident où plusieurs voitures étaient impliquées. Le journal Atlantic City Press rapporta cette collision en signalant que ma grand-mère et moi-même avions été projetés hors de la voiture en transperçant le pare-brise. Je suis tombé, le visage immergé dans une mare où je me noyais. Le mari de ma grand-mère décéda immédiatement mais ma grand-mère parvint à se dégager et à me sortir le visage hors de l’eau.
A l’hôpital, on constata que mon cerveau subissait une importante hémorragie qu’on ne parvenait pas à stopper. Quand mon père arriva, je ne voyais ni n’entendais rien. Les médecins étaient très pessimistes au point que l’un d’entre eux suggéra à mon père de retarder les funérailles du mari de ma grand-mère et ainsi de pouvoir procéder aux deux enterrements en même temps…
Vous pouvez imaginer dans quel état se trouvaient mes parents mais, heureusement, le président de la synagogue, M. Gellman eut une idée de génie : il conseilla à mes parents de solliciter la bénédiction du Rabbi de Loubavitch. Au début, mon père ne voulut pas en entendre parler ! S’adresser à un Rabbi était tellement contraire à sa façon de penser ! Mais il était désespéré et n’avait pas d’autre option…
Par la suite, mon père racontait ce qui suivit avec beaucoup d’emphase et répétait qu’il ne pourrait jamais oublier ces instants. Il était quatre heures du matin quand il téléphona au 770 Eastern Parkway (la synagogue du Rabbi) pour exposer la situation et on lui demanda de rappeler une heure plus tard. Ce fut la plus longue heure de sa vie mais quand il parla au Rabbi au téléphone, celui-ci lui affirma : « Le décret céleste a été annulé. Votre fils vivra ! ».
Mon père était sidéré ! Ainsi qu’il l’exprima par la suite : « Ces phrases me redonnèrent espoir. Mais je ne pouvais m’empêcher de me demander comment quelqu’un pouvait déclarer ainsi : ‘Le décret céleste est annulé !’. Comment le savait-il ? ». Élevé dans une Yechiva lituanienne, mon père ne pouvait admettre qu’un Rabbi ‘hassidique possédait cette connaissance et cette puissance.
Puis le Rabbi lui demanda trois choses : d’abord il devait donner 1800 dollars à une cause charitable : n’importe laquelle mais pas une institution Loubavitch et le Rabbi insista beaucoup sur ce point. C’était une grosse somme à cette époque et mon père dut emprunter à droite et à gauche mais il agit comme le Rabbi l’avait spécifié. Ensuite, il devait me rajouter le prénom BenTsion (il s’avéra que c’était le prénom d’un de mes arrières grands-pères qui n’avait aucun descendant nommé d’après lui) et, encore une fois, le Rabbi insista sur ce point. Enfin je devais demander au médecin de lui téléphoner.
Cette dernière requête n’était pas simple à exécuter car quel docteur veut discuter avec un rabbin ? Mais mon père insista et le Rabbi indiqua au chirurgien qu’il devait administrer une certaine injection exactement à l’endroit de l’hémorragie dans le cerveau afin d’empêcher une aggravation de ma situation. Le médecin était stupéfait que le Rabbi connaisse l’existence de cette injection – qui était une grande innovation à l’époque. Le médecin ne voulait pas la pratiquer car le risque de mort immédiate était très élevé mais il céda et accomplit le geste qui devait effectivement me sauver bien que ma guérison ne fût pas simple. Je restai dans un coma végétatif pendant de longs mois. Mon père partit plusieurs fois à New York assister aux Farbrenguen (réunions ‘hassidiques) du Rabbi. Une fois le Rabbi se tourna vers lui et affirma : « Maintenant, c’est un Eth Ratsone, un moment propice dans les cieux ! Vous pouvez demander ce que vous voulez et donc je ne comprends pas pourquoi vous ne demandez pas ! ». Bien entendu, en entendant cela de la bouche du Rabbi, mon père demanda ma guérison complète.
Un jour, alors que ma mère était assise à mon chevet, une nouvelle infirmière entra ; elle ignorait dans quel état je me trouvais et demanda gaiment : « Que veux-tu boire aujourd’hui : du lait ou de la limonade ? ». Et je balbutiais : « De la limonade ». Ma mère s’évanouit sans que l’infirmière comprenne pourquoi…
L’histoire ne se termine pas là. Je dus encore passer par un an et demi de soins éprouvants. Grâce à cela, je pus parler et manger mais mes jambes restaient faibles : je ne pouvais tenir debout que grâce à des appareils orthopédiques en métal et je ne pouvais absolument pas marcher.
C’est alors que mon père décida de m’amener chez le Rabbi. Il me porta jusque dans le bureau et m’y laissa, à la demande du Rabbi. Je ne me souviens pas du tout de ce qui s’y passa mais j’en ressortis vingt minutes plus tard, en marchant tout seul !
Par la suite, je continuai à boiter et j’étais faible du côté droit. Mais surtout j’avais du mal à apprendre. A l’âge de six ans, mon père m’amena à nouveau chez le Rabbi qui me posa des questions sur la Sidra de la semaine mais, à chaque fois, je répondais : « Je ne sais pas ». Alors il me demanda : « Pourquoi ne sais-tu pas ? ». Je répondis : « Sans doute à cause de l’accident, j’ai subi des dommages au niveau du cerveau ». Le Rabbi sourit et me tendit un livre de prières : « Prie avec ce Siddour - surtout le Chema avant de te coucher et tu n’auras pas à t’inquiéter ».
Et cela a marché !
Je revis le Rabbi pour mon 14ème anniversaire. Je lui demandai de nombreuses bénédictions mais surtout la guérison de mon côté droit et davantage de force dans ma main droite. Le Rabbi répondit à toutes mes demandes sauf cette dernière. Et comme j’insistais, il changea de sujet et se mit à parler de mes études de Torah : je compris qu’il en serait toujours ainsi, l’état de mon côté droit ne s’améliorerait pas.
Mais cela ne m’a pas empêché de mener une vie normale. Qui serait étonné après cela que je devienne un ‘Hassid du Rabbi ? Même mon père finit par devenir un ‘Hassid !
Et aujourd’hui, en tant que rabbin, j’agis autant que je le peux pour transmettre le message du judaïsme - comme le Rabbi le demande de chacun. Quand les gens m’en demandent la raison, je réponds simplement que D.ieu m’a donné une seconde chance dans la vie par l’intermédiaire des bénédictions du Rabbi et je veux agir de même pour les autres.
Rav Bentsion Yaacov Chmouel Orimland – New Jersey - JEM
Traduit par Feiga Lubecki