Vivante liberté !
Grande période que celle qui s’ouvre devant nous ! De fait, voici que le long voyage de la liberté s’engage dès à présent. Nous avons vu naître et s’élancer le mois de Nissan et ses dates premières qui nous ont donné à vivre et à ressentir. Nous avons pris la force naturellement communiquée par la date du 11 Nissan, anniversaire de la naissance du Rabbi, et tout ce qu’elle porte en elle d’accomplissements et de décisions nouvelles, comme une source d’énergie jamais affaiblie. Et, dans ce voyage tant attendu, déjà le point d’où nous sommes partis s’efface à l’horizon. Il ne peut en être autrement : la liberté nous entraîne, rien ne peut nous retenir ou nous faire revenir sur nos pas. Nous parvenons donc peu à peu en haute mer, le grand navire de l’histoire nous porte et nous en sommes à la fois les passagers et les pilotes.
Car c’est bien ainsi que doivent nous apparaître la fête de Pessa’h et tous ses lendemains. La liberté, pour nous, n’est pas terre inconnue. Elle est ambition de chaque jour, conquête de chaque instant. Lorsque nos Sages enseignent « il n’est d’homme libre que celui qui se consacre à la Torah », c’est bien de cette forme ultime de liberté, à la fois individuelle et collective, profonde et extériorisée, qu’ils parlent. Le temps que nous traversons en est le moment majeur. Il est cette parenthèse dans le fil des jours, propice à toutes les prises de conscience et à tous les changements. Nous sortons historiquement, rituellement et spirituellement d’Egypte. C’est dire que le fardeau de la servitude ne limite plus notre conscience. Tout s’ouvre à nouveau devant nous et nous sommes capables de toutes les décisions.
Le mois de Nissan ne nous quittera jamais plus. « En Nissan », disent nos Sages, « ils furent libérés et en Nissan ils seront libérés », signifiant ainsi que la liberté ne fut pas celle d’une époque, elle est nôtre et trouvera sa concrétisation finale par la venue du Messie. Ici et maintenant, elle ne cessera plus de chanter dans notre cœur et notre esprit. Pour toujours vivre dans et par nos actes.
Juste un bouton à presser
Maïmonide nous enseigne qu’un seul homme, par un seul acte, a le pouvoir d’amener «le salut et la délivrance» au monde entier.
En notre temps, nous le voyons concrètement : n’importe qui, même un enfant, par une petite action, peut presser un bouton et causer un changement considérable dans le monde. Combien plus est-il donc vrai que, par une seule action – presser le bon bouton – pour accomplir la volonté de D.ieu, nous pouvons changer le monde et y amener la Délivrance !
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch – 10 Chevat 5746)
Pessa’h : Le paradoxe de l’exil
Il est possible que l’une des dimensions les plus difficiles de l’exil soit la façon dont il domine notre processus intellectuel. Après de nombreuses années d’esclavage en Egypte, nos ancêtres éprouvaient de la difficulté à imaginer un autre type d’existence. Quand la promesse de libération de Moché Rabbénou ne se matérialisa pas immédiatement, le Peuple Juif « ne tint pas compte des paroles de Moché, à cause d’un état d’esprit brisé et du dur labeur » (Chemot 6 :9).
Aujourd’hui, il en va de même. Après des milliers d’années d’exil, de nombreux Juifs considèrent les concepts de Machia’h et de la Délivrance comme étrangers à eux.
Cependant, si nous observons de plus près ces concepts, cette position se renverse et soulève la question de la raison d’être elle-même de l’exil. L’âme de chaque Juif est une étincelle de D.ieu, un potentiel illimité qui reflète l’infinité divine. Plus encore, chaque fois que les Juifs partent en exil, ils sont accompagnés par la Che’hina, la Présence de D.ieu (Meguilah, 29a). Comment donc l’infinité de D.ieu peut-elle être enfermée dans les limites de l’exil ? Force nous est de dire que cette situation paradoxale ne peut exister que parce que D.ieu la veut et la désire. D.ieu seul a la puissance de limiter Sa révélation et de Se confiner, avec le Peuple Juif, en exil. Il est sûr qu’Il n’aurait pas choisi cette trajectoire en l’absence d’un dessein défini qui ne pouvait être accompli différemment.
Acquérir la richesse de l’Egypte
Le projet voulu par D.ieu, en créant la situation de l’exil, peut se comprendre en analysant le premier exil : celui d’Egypte. Dans Son alliance avec Avraham, D.ieu décréta (Beréchit : 15 :13-14) : « Tes descendants seront des étrangers dans une terre qui n’est pas la leur. Ils les serviront et subiront des souffrances (qu’ils leur infligeront) pendant quatre cents ans… Je jugerai la nation qu’ils servent et par la suite, ils partiront avec de grandes richesses ».
C’est ce décret qui s’accomplit quand le Peuple Juif descendit en Egypte.
La conclusion du décret selon laquelle, « par la suite, ils partiront avec de grandes richesses », est la clé pour comprendre la raison d’être de l’exil. Juste avant la sortie d’Egypte, D.ieu ordonna à Moché (Chemot : 11 :2) : « Parle, Je te prie, aux oreilles du peuple et que chaque homme demande à son proche, et chaque femme à sa proche, des ustensiles d’argent et des ustensiles d’or ».
L’expression « Je te prie » implique une requête. Nos Sages expliquent que, par cette demande, D.ieu disait : « Que ce Tsaddik (Avraham) ne dise pas : la prophétie selon laquelle « ils les serviront et ils subiront des souffrances » a été accomplie mais la promesse selon laquelle « et par la suite, ils partiront avec de grandes richesses » n’a pas été accomplie». Ainsi, l’acquisition de la richesse de l’Egypte était-elle un objectif non seulement pour les Juifs mais, pour ainsi dire, pour D.ieu Lui-même.
Révéler la Divinité cachée
L’acquisition de la richesse d’Egypte fait partie de la mission spirituelle globale du Peuple juif dans le monde et aide à expliquer le but de l’exil. La force divine qui soutient l’existence du monde est cachée dans sa substance matérielle. Au Peuple Juif a été assignée la tâche de révéler cette Divinité profonde en utilisant des objets matériels, dans un objectif de sainteté. Comme l’affirme une célèbre prière ‘hassidique : « D.ieu, Tu as donné à Ton peuple des bénédictions matérielles et ils Te montrent comment ils peuvent les transformer en spiritualité ». En utilisant nos bénédictions matérielles pour servir D.ieu, nous transformons le monde entier en demeure pour Lui.
A chaque étape de son histoire, a été attribuée au Peuple Juif une dimension spécifique du monde à élever. Par leur servitude en Egypte, ils purent révéler la force divine latente en terre d’Egypte. Une fois leur tâche achevée, ils acquirent toute la richesse de l’Egypte.
Une mission similaire leur fut confiée dans les exils suivants. Nos Sages déclarent que D.ieu exila le Peuple juif pour que des convertis puissent se joindre à eux. La ‘Hassidout explique le mot « convertis » comme n’incluant pas seulement les individus qui deviennent juifs mais aussi les étincelles de la force vitale divine, cachées dans la substance matérielle du monde et révélées par le service de notre peuple.
C’est ainsi que les Juifs ont erré, à travers l’histoire, de pays en pays, accomplissant une mission divine unique, celle de révéler les étincelles de Divinité dans des terres différentes, par le biais de l’utilisation de la matière pour l’accomplissement des Mitsvot.
Préparer le monde pour la Rédemption
Chaque Juif a reçu une mission personnelle : révéler la Divinité dans la portion de la terre que la Providence Divine lui a assignée. Puisque cette mission est nécessaire pour que s’accomplisse le projet ultime du monde, nos âmes ne sont pas quittes tant qu’elles n’ont pas achevé cette tâche. Quand un homme se détache de son implication dans le monde, même s’il se dévoue à une vie d’étude et de prière, il ignore l’intention divine fondamentale.
A quoi servent les hauteurs spirituelles qu’il atteint s’il n’accomplit pas la volonté de D.ieu ? Le but auquel doit aspirer chacun n’est pas seulement son raffinement personnel mais plutôt celui du monde entier.
Il est clair que s’impliquer dans la matérialité lance un défi, crée la possibilité de laisser-aller et de déclin spirituel. Cependant, en restant conscients de la raison pour laquelle D.ieu nous a envoyés en exil, nous pouvons surmonter cette épreuve et parvenir au succès à la fois spirituel et matériel.
Le grand nombre d’années de l’esclavage d’Egypte était une étape nécessaire dans le processus qui devait conduire à l’Exode. De la même façon, le but de l’exil présent est la Rédemption ultime. Puisqu’alors, la Divinité Se révélera en tous lieux et dans tout, le service qui prépare cette révélation doit également tout inclure.
C’est donc pour cette raison que notre peuple a été dispersé de par le monde et s’est impliqué dans chaque aspect de l’existence. En dernier ressort, les efforts de chacun, pour faire de son environnement un lieu où se révèle la Divinité, préparera le monde entier à l’Ere où « la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l’océan ».
Qu’est-ce que le compte du Omer ?
C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (mardi soir 11 avril 2017) jusqu’à la veille de Chavouot (lundi soir 29 mai 2017 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de « travaux » (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfaradimes respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (lundi 15 mai 2017) ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (jeudi 27 avril 2017) jusqu’au 3 Sivan au matin (dimanche 28 mai 2017) à part la journée de Lag Baomer (dimanche 14 mai 2017).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année mardi matin 30 mai 2017).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa première coupe de cheveux à Lag Baomer (dimanche 14 mai 2017) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (mardi 30 mai 2017).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.
Ce fut la plus grosse erreur de ma vie…
J’avais treize ans à la naissance de ma petite sœur. L’accouchement s’était très mal passé et ma mère avait failli y laisser la vie. Elle dut se rendre une fois par mois à New York pour des check-up effectués par de très grands spécialistes. On était au mois d’Adar, en 1982. Le médecin déclara à ma mère : « Mme Rokeach, j’ai découvert quelque chose de problématique et il faut vous opérer. Comme c’est une opération très dangereuse, je propose de l’effectuer après Pessa’h afin que vous puissiez célébrer la fête en famille ».
Dès son retour à la maison, ma mère, effondrée, téléphona à la Rabbanite ‘Haya Mouchka (qui la considérait comme sa fille puisqu’elles étaient de lointaines cousines) en lui demandant d’en parler au Rabbi. La réponse du Rabbi fut rapide et sans appel : il ne fallait absolument pas tarder et ma mère devait se faire opérer immédiatement, sans attendre Pessa’h. Le Rabbi précisait qu’on venait de célébrer Pourim, par le mérite d’une femme, la reine Esther et par l’intermédiaire de Morde’haï : or mon père s’appelait justement Morde’haï ! C’était donc le moment idéal pour se faire soigner. De plus, la période entre les fêtes de Pourim et Pessa’h est rattachée à la délivrance, alors pourquoi hésiter ?
Ma mère rappela à la Rabbanite que le médecin avait qualifié l’opération de « très risquée », qu’il craignait qu’elle n’y survive pas et c’était pourquoi on lui avait conseillé d’attendre après Pessa’h. La Rabbanite transmit fidèlement ce message au Rabbi puis confirma en son nom : « Mon mari le Rabbi insiste qu’il ne faut pas attendre ! ». Angoissée, ma mère demanda : « Mais que répondrai-je au médecin qui ne comprendra pas pourquoi je veux précipiter l’intervention ? ». Le Rabbi fit répondre, toujours par l’intermédiaire de son épouse : « Dites-lui que c’est moi qui ait demandé de ne pas retarder ! ».
Ma mère s’exécuta en précisant que c’était le Rabbi qui lui avait demandé de ne pas attendre. Le docteur était furieux que le Rabbi se mêle de problèmes médicaux : « On pose des questions au Rabbi pour des sujets religieux mais, quand il s’agit de problèmes médicaux, on demande l’avis des médecins ! Pourquoi avez-vous demandé l’avis d’un Rabbi ? ».
Ma mère expliqua patiemment que le Rabbi était notre oncle (éloigné), que nous le respections énormément ; elle demanda donc au médecin de mettre de côté sa fierté et d’agir selon la volonté du Rabbi. Cela ne lui plut pas du tout mais comme ma mère était une de ses patientes privées (donc lucratives) il ne pouvait pas refuser. Il procéda néanmoins à un nouvel examen avant de commencer et, quand il obtint les résultats, il devint pâle comme un fantôme : « Qui est ce Rabbi qui vous a demandé de ne pas attendre ? Je dois le rencontrer : il vous a sauvé la vie ! Si nous avions attendu après Pessa’h, vous ne seriez déjà plus de ce monde ! » constata-t-il en tremblant.
L’opération se déroula de la meilleure manière possible mais ma mère dut rester à l’hôpital plusieurs semaines, ce qui incluait Pessa’h. Mon père décida qu’il resterait avec elle à l’hôpital.
Quand ma grand-mère informa la Rabbanite que mes parents ne seraient pas là pour Pessa’h, celle-ci m’invita spontanément à passer toute la fête chez elle ! Ma grand-mère me transmit cette invitation mais je refusai ! Je craignais que, si je devais passer la fête chez le Rabbi et la Rabbanite, le Rabbi me pose des questions sur la Guemara que j’étudiais à la Yechiva ! Ma grand-mère tenta de me persuader d’accepter mais j’avais tellement peur que je refusai catégoriquement !
Jusqu’à ce jour, je ne peux pas me pardonner ce que je considère comme la plus grande erreur de ma vie.
Imaginez : j’aurais pu prendre tous les repas de Pessa’h chez le Rabbi et la Rabbanite !
Chémi Rokeach
Traduit par Feiga Lubecki