En avant pour la liberté !
Avance-t-on ici à rebrousse-temps ? La semaine dernière, nous étions en Perse et célébrions la victoire sur nos ennemis, Haman et ses pairs, qui rencontraient enfin le sort auquel la haine qu’ils portaient dans leur cœur les avait condamnés. Et, dès cette semaine, nos pensées nous ramènent en Egypte, des siècles plus tôt, où nous entendons l’appel transmis par Moïse. C’est que déjà nous le savons : le temps de l’exil est fini. C’est de la mère de toutes les libérations qu’il s’agit et il importe de nous y préparer.
Voici alors que surgit la surprise annuelle. Conquérir la liberté, semble-t-il, passerait donc par l’effort ménager, celui que les maisons juives connaissent à présent et qui ne va cesser de s’intensifier pendant ces courtes semaines qui nous emmènent jusqu’à Pessa’h. Quel rapport peut-il y avoir entre cette liberté nouvelle et éternelle et ce qui apparaît comme une sorte de grand nettoyage de printemps ? La réponse tient dans l’objet de ce déploiement d’activité. Cette fois, l’adversaire n’est pas seulement physique. Au-delà du pharaon et de l’armée égyptienne, plus profondément que la nécessité hygiénique, l’ennemi ultime se nomme « ‘Hamets ». Cet élément est ce qui fait que la pâte lève et ce levain est haïssable à ce moment !
C’est qu’il figure de façon parfaite un de ces traits si caractéristiques de tout organisme malade : l’enflure. Apparemment sans véritable cause, voici qu’elle apparaît comme spontanément, signe indubitable d’un dérèglement. L’organisme en question peut, bien sûr, être le corps physique et cela se guérit sans doute. Mais il peut être aussi le corps social et cela est parfois plus grave. Notre société a ainsi trop souvent développé ce type de désordre. Apparaître comme le plus grand, le plus beau ou le plus riche, et en tous cas le plus célèbre, est devenu une des clés de la vie. Avoir un instant de gloire, peu importe le prix, peut être alors une aspiration ardente. Y parvenir, c’est devenir libre croit-on. Et si c’était, au contraire, se forger les chaînes les plus solides et les plus pesantes qui soient ?
Le chemin de Pessa’h est ouvert, la liberté nous y appelle. Libérons-nous donc de tous les faux-semblants. Laissons en arrière les apparences et avançons à la rencontre de nous-mêmes, éternellement libres.
Comme le lever du soleil
C’est un verset explicite dans la Torah : « Par Ma vie, la gloire de D.ieu emplira toute la terre ». D.ieu promet qu’à la fin, le jour viendra où Sa gloire emplira le monde entier. Nous devons y croire avec la même foi que nous mettons à croire au lever du soleil chaque matin. Car, à la fin, le Royaume des Cieux sera établi. Mais il nous appartient d’attendre avec impatience ce jour.
(D’après Midbar Kdémot du Rav ‘Hida)
Chemini
Le huitième jour, suivant les sept jours de leur initiation, Aharon et ses fils commencent leur service de Cohanim (prêtres). Un feu jaillit de D.ieu pour consumer les offrandes et la Présence Divine vient résider dans le Sanctuaire.
Les fils aînés d’Aharon offrent un « feu étranger devant D.ieu, qu’Il ne leur avait pas commandé » et ils meurent devant D.ieu. Aharon reste silencieux devant sa tragédie.
Moché et Aharon sont, par la suite, en désaccord sur un point de la loi concernant les offrandes mais Moché reconnaît qu’Aharon a raison.
D.ieu ordonne les lois de la Cacherout, identifiant les espèces animales permises et celles qui sont interdites à la consommation. Les animaux mammifères ne peuvent être consommés que s’ils ont le sabot fendu et ruminent. Les poissons doivent posséder des nageoires et des écailles. Une liste d’oiseaux non cachères est établie ainsi qu’une liste d’insectes cachères (quatre espèces de sauterelles).
Chemini comporte également certaines lois de pureté rituelle, y compris celles qui évoquent la nature purificatrice du Mikvé (un bassin d’eau construit selon certaines règles précises) et de la source. C’est ainsi que le peuple est enjoint de « faire la distinction entre l’impur et le pur ».
La Paracha de cette semaine comporte de nombreux enseignements mais nous allons ici nous attacher à tirer une leçon de son titre lui-même : Chemini, qui signifie « le huitième ». Le Baal Chem Tov enseigne que le nom hébreu reflète le concept qui lui est attaché. Ainsi l’idée, représentée par Chemini, représente la Paracha dans son intégralité.
Tout dans ce monde a une contrepartie spirituelle, y compris le service divin de l’homme. En fait, c’est l’inverse qui est vrai : c’est parce que cela existe dans le monde spirituel, dans le service de l’homme, que cela existe également dans le monde concret. Ce principe s’applique également aux chiffres. Le nombre sept, par exemple, symbolise et est associé aux sept jours de la semaine : « Pendant six jours, D.ieu fit les cieux et la terre et le septième, Il s’interrompit et Se reposa. » Après le septième jour, une nouvelle semaine commence, le premier jour, le second jour, etc. jusqu’à Chabbat. Le septième jour, Chabbat, est la fin d’une semaine. Aussi, bien que des centaines de milliers de jours soient passés depuis la Création, le jour qui suit Chabbat est-il toujours appelé le premier jour et non le huitième jour. Car le but des jours de la semaine est qu’ils sont une préparation pour Chabbat et c’est pour cela que le jour qui le suit est le premier jour de préparation du Chabbat qui vient.
Même un Juif simple sait que le nombre « sept » symbolise les sept jours de la semaine, associés au monde. C’est pourquoi le nombre « huit » symbolise ce qui transcende les sept jours de la semaine, ce qui est au-dessus du monde créé en sept jours.
Et l’on peut tirer de cette réflexion un enseignement dans le service de D.ieu. Le Chabbat, nul n’est besoin de se précipiter vers son lieu de travail. L’on peut donc se consacrer aux prières avec davantage de concentration, etc. Bien que l’on se livre également, durant la semaine, à des activités en relation avec la Torah et les Mitsvot, cela ne peut se comparer au Chabbat où l’on n’est pas distrait par notre activité professionnelle. Le Chabbat, chaque Juif est un « roi » dans son foyer si bien que son esprit est libre de s’adonner à la Torah et aux Mitsvot avec davantage de concentration.
Chemini, « le huitième », nous enseigne que même après le service spirituel élevé du Chabbat, on peut encore s’élever davantage, transcender le monde, associé aux sept jours de la semaine. En termes simples : après avoir atteint le niveau spirituel élevé du Chabbat, un Juif ne redescend pas de son niveau, à D.ieu ne plaise, pour recommencer la semaine. Mais au lieu de cela, il monte encore plus haut, même plus haut que le Chabbat, au niveau de Chemini.
Cette leçon est spécifiquement dérivée de Chemini, « le huitième » et non de « huit ». « Huit » signifie que huit choses sont présentes : sept et une supplémentaire. « Huitième » implique une seule chose, la huitième. : elle vient à la suite des sept précédentes et est seule (contrairement à « huit » qui implique que les sept autres sont également là). Chemini représente donc un niveau qui n’est pas associé aux sept jours de la semaine précédente : Chemini transcende le monde.
Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille attendre jusqu’après Chabbat pour accomplir le service que représente Chemini, ou d’attendre une occasion particulière du niveau de Chemini. La Paracha ne s’appelle pas Yom haChemini, « le huitième jour » mais plutôt « huitième », nous enseignant qu’on n’a pas besoin d’un jour particulier pour atteindre ce niveau. On peut parvenir à ce niveau de Chemini le Chabbat lui-même ou n’importe quel autre jour.
Telle est la particularité donnée au Chabbat qui bénit le mois de Nissan (cette année) par la Paracha Chemini. L’on aurait pu penser qu’étant donné le fait que ce Chabbat, qui bénit le mois, se reproduit tous les ans, il n’y a rien de nouveau cette année. Chemini nous enseigne que le service de ce Chabbat doit se conduire de telle sorte qu’il transcende le monde d’une manière nouvelle.
Que la volonté de D.ieu soit qu’à partir de la Paracha Chemini nous méritions très vite la harpe de Machia’h qui sera « une harpe à huit cordes », dans le troisième Beth Hamikdach, dans la véritable et complète Délivrance.
Qu’est-ce que le ‘Hamets ?
Durant Pessa’h, on n’a le droit ni de posséder ni de consommer du ‘Hamets. Il s’agit de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools etc. C’est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc… avant Pessa’h, afin d’éliminer toutes les miettes.
On arrêtera donc de manger le ‘Hamets le vendredi 19 avril 2019 à 11h30 et on brûlera le ‘Hamets avant 12h 30
Pour éviter de posséder, même involontairement du ‘Hamets à Pessa’h, on remplira une procuration de vente, qu’on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le ‘Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa’h, cette année jeudi 18 avril 2019.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa’h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le ‘Hamets et la vaisselle ‘Hamets que l’on n’utilisera pas durant Pessa’h mais qu’on pourra « récupérer » une heure après la fête qui se termine le samedi 27 avril 2019 à 21h53 (horaires valables pour l’Ile-de-France).
Le coup de téléphone à minuit
Mes parents étaient des réfugiés de Pologne. Ils se marièrent dans un camp de « Personnes Déplacées », à Foehrenwald en Allemagne, à côté de Munich. Malheureusement, mon père ne vécut pas longtemps : il mourut alors que ma mère était enceinte de son premier enfant, moi. Donc je naquis dans un camp de DP, alors que ma mère était veuve. Elle ne se remaria jamais.
Par la suite, nous sommes arrivés à New York où nous avons habité avec ma grand-mère et l’une de mes tantes.
Quand j’eus huit ans, ma mère rechercha une école juive pour moi mais ne pouvait se permettre de payer que dix dollars par mois alors qu’à l’époque, l’écolage moyen s’élevait à vingt-cinq dollars. Elle essaya toutes les écoles possibles mais ne trouva aucun arrangement. Jusqu’à ce qu’elle contacte une école Loubavitch. Là, quand on entendit sa triste histoire, on lui proposa de me prendre gratuitement. Mais elle ne voulut pas accepter cela et l’école proposa un compromis : cinq dollars par mois.
Et c’est ainsi que je suis devenu Loubavitch. Je me suis beaucoup épanoui là-bas, les professeurs étaient très gentils avec moi : c’était des ‘Hassidim de l’ancienne génération et leur façon d’enseigner faisait honneur au Rabbi.
A l’âge de 14 ans, je souffrais d’une maladie chronique, un ulcère qui me causait des douleurs intestinales très fortes ; le directeur de l’école me conseilla d’en parler au Rabbi. Je fus très intimidé en entrant dans le bureau du Rabbi mais son sourire brisait toutes les barrières et son visage reflétait son amour pour tous les Juifs. Quand je lui exposai mon problème, il répondit : « Demandez à un médecin si ce ne serait pas une bonne idée que vous mangiez du riz. Dites-lui qu’un ami vous a conseillé de manger du riz ».
Il parlait de lui-même comme de mon « ami » ! J’étais sur un nuage ! Un garçon de 14 ans, qui n’avait pas de père mais qui avait soudain un « ami », rien moins que le Rabbi de Loubavitch ! C’était incroyable !
Quand j’en parlai à ma mère, elle se mit immédiatement à me mettre au régime riz. Elle croyait dans la sagesse du Rabbi et s’il avait dit que le riz était bon dans ma situation, elle allait m’en cuisiner autant qu’il le fallait. Donc je me mis au riz et, durant au moins sept ans, je n’expérimentais plus de crise : auparavant, j’avais consulté de nombreux médecins, leurs médicaments m’avaient parfois un peu aidé mais ils m’avaient averti qu’il n’existait aucun remède à ma maladie. Et le Rabbi m’avait aidé avec juste une simple suggestion alimentaire.
Ce ne fut pas la seule fois qu’il m’aida. En 1990, après que j’ai réussi dans la restauration cachère, je pris mes premières vacances après douze ans de travail acharné. C’est là qu’on découvrit que j’avais de sérieux problèmes cardiaques au point que je dus être opéré d’urgence un jour de Chabbat. Ma femme décida de demander une bénédiction pour moi au Rabbi le dimanche matin, alors qu’il distribuait des billets d’un dollar à remettre à la Tsedaka (charité). Le Rabbi lui souhaita que je guérisse rapidement mais ajouta qu’il fallait immédiatement faire vérifier mes Téfilines. Bien sûr, elle les apporta de suite à un Sofer (scribe spécialisé). Entretemps, des caillots se formaient et les médecins ne parvenaient pas à enrayer leur progression.
Ce lundi soir – à minuit ! – ma femme reçut un appel de Rav Leibel Groner, un des secrétaires du Rabbi : « Le Rabbi veut savoir ce qui était problématique avec les Téfilines de votre mari ! ».
Malheureusement, ma femme n’avait pas encore de réponse car le Sofer ne l’avait pas encore contactée. Rav Groner en était très contrarié. Il ajouta : « Le Rabbi attend la réponse ! ».
Le lendemain, le Sofer expliqua qu’il avait trouvé un problème avec la lettre Lamed dans le mot Levave’ha (ton cœur) ! Il l’avait immédiatement rectifié et maintenant les Téfilines étaient 100 % cachères.
Juste quand on m’apprit la nouvelle, on vint me faire d’autres prises de sang mais le résultat était plus que surprenant : tout était redevenu normal ! Lentement, je me remis complètement.
Vous imaginez la situation ? Ce dimanche, quand ma femme avait supplié le Rabbi pour moi, il avait reçu des centaines sinon des milliers de personnes (1500 ? 2000 ?) qui étaient passées devant lui, chacune avec son ou ses problèmes ; et pourtant le Rabbi s’était souvenu de mon cas spécifique, de mon nom… Et il s’inquiétait tant qu’il avait demandé à son secrétaire de retrouver notre numéro de téléphone (qui ne figurait sur aucune liste à l’époque) pour appeler – à minuit en plus !
Comment le Rabbi s’occupe de chacun et avec une bonté inimaginable, comment il se préoccupe de chacun… J’en suis témoin parce que cela m’est arrivé à moi !
Naftali Feldman - JEM
Traduit par Feiga Lubecki