Sur le chemin
Et si Pourim ne s’achevait pas ? La question peut paraître étrange. Pourim est certes une fête essentielle et cela a été abondamment développé. Mais n’est-ce pas aussi un jour comme les autres, qui s’inscrit dans le temps et se soumet, même contraint et forcé, à son inexorabilité ? Pourtant, dans Pourim, quelque chose existe qui ne peut disparaître. Nos Sages ont su l’exprimer en une de ces formules qui changent tout ce qu’elles touchent, faisant comme une perception renouvelée du monde : « On rapproche », enseignent-ils, « une Libération d’une autre, de Pourim à Pessa’h ». Même si ces deux fêtes commémorent des événements séparés par plusieurs siècles et même si, dans l’histoire, Pessa’h arriva en premier alors que, dans le calendrier, il se présente en deuxième, ces jours nous offrent un message commun. Et celui-ci est éternel : c’est de Libération qu’il s’agit.
La Libération de Pourim fut telle qu’elle sauva miraculeusement la vie du peuple juif dans l’ensemble du monde de l’époque et qu’elle élimina ses ennemis ancestraux. Cependant, l’exil ne s’acheva pas là. Les Juifs restèrent encore de longues années en Perse après cette victoire avant de pouvoir enfin retourner en Israël et y construire le second Temple. La fête de Pessa’h présente un autre degré. La Libération qu’elle incarne fut celle, concrète, d’un peuple qui quitte la servitude sous la conduite de D.ieu afin de pleinement mettre en œuvre la mission qui lui a été confiée depuis la création de l’univers : faire de ce monde Sa demeure. Passer de Pourim à Pessa’h, c’est, d’une certaine manière, s’élever de niveau en niveau. C’est aller de Liberté en Liberté comme on va de monde en monde, émerveillés de toujours découvrir des horizons nouveaux et enthousiastes à la pensée de s’approcher à chaque pas de l’accomplissement ultime.
Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Libérés à Pourim, nous avançons vers Pessa’h avec la liberté chantant dans notre cœur et notre esprit. Cette liberté-là ne nous abandonne jamais. Elle peut parfois résonner plus sourdement, étouffée par le poids du quotidien. Elle reste cependant présente. Avec Pourim, elle fait entendre sa grande voix, qui a déjà bousculé les barrières, écarté les obstacles. Avec Pessa’h, elle sera le chant majeur et, sur le chemin qui nous y conduit, nous sentons monter ce dernier dans toute sa puissance et sa grandeur. Il ne faut pas s’y méprendre : cette Liberté en marche n’est pas celle d’un temps ou celle d’un lieu. Elle est la Liberté éternelle du temps de Machia’h. Elle est celle qui commence, dès à présent, en nous. Si nous le voulons.
Le troisième jour
Le prophète Osée (6:2) annonce : « Il nous fera revivre après deux jours, le troisième jour Il nous redressera et nous vivrons en Sa Présence. »
Les Sages interprètent l’expression « deux jours » comme se rapportant à « ce monde » et au « monde futur ». Quant au « troisième jour », il désigne le « monde de la résurrection » qui suivra la venue de Machia’h.
Chacun de ces degrés correspond à un mode de service de D.ieu. « Ce monde » représente l’œuvre spirituelle accomplie par ceux qui exercent une activité profane et mènent leur vie conformément à la Torah. Le « monde futur » représente ceux qui se consacrent exclusivement à l’étude de la Torah. Le « monde de la résurrection » correspond au niveau le plus élevé du service de D.ieu ; il combine les deux précédents. C’est un niveau auquel l’âme et le corps participent avec un égal enthousiasme. C’est le but ultime de la création que la venue de Machia’h concrétisera.
(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi, vol. IV, p. 462)
Chemini
Le huitième jour, suivant les sept jours de leur initiation, Aharon et ses fils commencent leur service de Cohanim (prêtres). Un feu jaillit au-dessus de l’autel pour consumer les offrandes et la Présence Divine vient résider dans le Sanctuaire.
Les fils aînés d’Aharon offrent un « feu étranger devant D.ieu, qu’Il ne leur avait pas commandé » et ils meurent devant D.ieu. Aharon reste silencieux devant cette tragédie.
Moché et Aharon sont, par la suite, en désaccord sur un point de la loi concernant les offrandes mais Moché reconnaît qu’Aharon a raison.
D.ieu ordonne les lois de la Cacherout, identifiant les espèces animales permises et celles qui sont interdites à la consommation. Les animaux mammifères ne peuvent être consommés que s’ils ont le sabot fendu et ruminent. Les poissons doivent posséder des nageoires et des écailles. Une liste d’oiseaux non Cachers est établie ainsi qu’une liste d’insectes Cachers (quatre espèces de sauterelles).
Chemini comporte également certaines lois de pureté rituelle, y compris celles qui évoquent la nature purificatrice du Mikvé (un bassin d’eau construit selon certaines règles précises) et d’une source d’eau. C’est ainsi que le peuple est enjoint de « faire la distinction entre l’impur et le pur ».
Cacher, à l’intérieur
Toutes les lois de la Torah s’appliquent à différents niveaux. Les lois de la Cacherout, qui nous sont détaillées dans le Livre de Vayikra, ne font pas exception à cette règle. Tout d’abord, elles ont une dimension pratique : elles indiquent les animaux, les oiseaux et les poissons que nous pouvons consommer. Mais elles possèdent également une implication spirituelle et personnelle, un enseignement propre à chaque individu concernant son cheminement dans la vie. L’idée que certains animaux sont cachers, ce qui signifie littéralement « aptes » et adéquats et que d’autres ne le sont pas, nous parle de nous-mêmes.
Chacun d’entre nous possède en lui un aspect divin, ce que l’on appelle une âme divine, qui se concentre sur la spiritualité et la bonté altruiste. Il se peut que notre âme divine ne s’exprime, dans notre vie, que rarement. Sommes-nous souvent impliqués dans quelque chose de spirituel ? Après tout, la belle atmosphère de Chabbat qui émane le vendredi soir des bougies illuminant la table festive n’apparaît qu’une fois par semaine. Apparaissent plus fréquemment les désirs, les pensées et les comportements du quotidien qui sont l’apanage de notre « âme animale ».
Cette âme animale nous encourage à nous absorber dans l’aspect matériel de la vie comme la quête du plaisir et d’une variété de formes d’excitation. Notre éducation, la société environnante et notre propre personnalité poussent notre âme animale à se comporter d’une manière « civilisée », tout comme de nombreux animaux peuvent être domestiqués. Le défi demeure néanmoins. Pouvons-nous éduquer notre âme animale pour qu’elle se comporte de manière « cachère » ?
Les animaux cachers se définissent par leur sabot fendu et le fait qu’ils ruminent.
Les enseignements de la ‘Hassidout traduisent ces deux concepts en qualités humaines. Le sabot représente la partie inférieure de notre être, le niveau où nous nous tenons sur le sol. Mais ce sabot doit être fendu. Cela signifie que même à notre niveau le plus matérialiste, le plus terre à terre, nous devons vivre une expérience imprégnée de sainteté. Le fossé infranchissable entre le spirituel et le matériel est annihilé par la fente du sabot. En suivant les enseignements de la Torah, cette fente nous permet de combiner ces deux aspects de notre personne : le matériel et le spirituel.
Prenons pour exemple la nourriture. Bien sûr, nous désirons que notre alimentation soit bien préparée et délectable. Nos « sabots gastronomiques » sont fermement enfoncés dans le sol. Mais est-ce là tout ce à quoi nous aspirons ? Bien sûr que non ! Et voilà la raison d’être de la fente du sabot. Elle correspond à notre préoccupation de faire en sorte que les aliments que nous consommons respectent les lois de la Cacherout et les autres aspects de l’idéal de la Torah. La ‘Hassidout déclare que par cette fente jaillit une illumination spirituelle.
Qu’en est-il de la rumination ? Ruminer suggère l’idée de penser et repenser, de réfléchir… Et cela constitue un trait distinctif d’un comportement spirituel sain. « L’esprit domine le cœur » est une pensée juive traditionnelle qui décrit la capacité que nous possédons à utiliser notre réflexion pour notre plus grand profit spirituel. Réfléchir de façon approfondie plutôt que de se précipiter sous l’influence de nos émotions nous permet d’atteindre un véritable mode d’action efficace.
Ainsi, posséder en soi des sabots fendus et l’habitude de ruminer nous aide à garder « cacher » nos cuisines mais aussi toute notre vie.
Reconnaissance
Notre cheminement dans la vie comporte différentes expériences. Certaines sont heureuses et bruyantes, d’autres sont plus sombres ; certaines consistent à s’obstiner jour après jour à faire ce qu’il y a à faire, d’autres sont sereines et émouvantes. Certaines sont source d’inspiration.
Selon les enseignements de la Torah, à travers ce périple et à chaque étape de notre vie, nous tissons une relation importante avec l’Infini, avec D.ieu le Créateur et la Source de vie de l’Univers. La plupart du temps, nous sommes complètement inconscients de cette relation. Les moments de joie ou de désespoir qui parsèment notre expérience nous la cachent souvent mais elle peut apparaître subrepticement à d’autres moments.
La Paracha de cette semaine, Chemini, nous offre un exemple intense et extatique de reconnaissance de D.ieu. Le Peuple juif, guidé par Moché, avait construit l’édifice magnifique du Michkane (le Tabernacle). C’était un lieu extraordinaire fait de toutes sortes de travaux artistiques en or, en argent, en cuivre, en cèdre, en laine et en habiles tapisseries.
Mais le Sanctuaire n’était pas seulement un lieu de réalisations artistiques splendides. Le but du Michkane était d’être une Résidence pour D.ieu, sur terre, un lieu où l’on pouvait Le reconnaître.
Sous la direction de Moché, une cérémonie d’inauguration avait été menée durant sept jours qui en avait fait non seulement un endroit de réalisations artistiques mais une Résidence divine. Notre Paracha commence le huitième jour (Chemini signifie « huit »). Moché fait une déclaration qui frappe par son aspect direct : « Voilà ce que D.ieu vous a ordonné de faire, pour que la Gloire de D.ieu se révèle à vous ».
Ses instructions concernent le fait d’apporter des sacrifices sur l’autel. Puis Aharon bénit le peuple de la prière sacerdotale. Moché et Aharon entrent alors dans la Tente du Sanctuaire, en sortent et bénissent le peuple. A ce point, soudain, la Gloire de D.ieu se révèle effectivement : une colonne de feu émerge de la Tente du Sanctuaire et brûle l’offrande qui se trouve sur l’Autel.
C’est alors que le Peuple juif reconnaît D.ieu. Ils crient et se prosternent devant le Sanctuaire. Il s’agit là d’un authentique moment de reconnaissance du Divin.
Pourtant, s’interroge le Rabbi de Loubavitch, qu’en est-il de nous plus de 3300 ans après ? Nous vivons à une époque où nous n’assistons pas à ce genre de révélations, dans un monde qui semble se conduire tout seul selon des lois logiques et rationnelles, sans apparitions de feu divin !
L’une des attitudes possibles est que bien que nous n’assistions pas à ces révélations, nous nous comportions comme si nous en étions les témoins. Notre être physique, bien entraîné au virtuel aujourd’hui, ne perçoit pas D.ieu mais notre âme le fait. Il nous faut donc agir en conséquence, comme si nous étions conscients du Divin et nous dévouer à l’étude de la Torah.
Mais, poursuit le Rabbi, cela peut mener à une autre possibilité : quand nous agissons correctement, guidés par les enseignements du Judaïsme, alors parfois, et sans même le réaliser, nous expérimentons des moments de conscience et de reconnaissance. Le Chabbat ou la table de Fête, la naissance d’un bébé, une visite au Mur Occidental du Temple, un mariage juif sont des moments de reconnaissance du Divin, doux, souvent imperceptibles mais réels.
Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?
- Le mois de Nissan commence cette année mardi 9 avril 2024 (Roch ‘Hodech).
- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (lundi soir 22 avril 2024).
- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Maot ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce d’envoyer à ses fidèles dans le besoin des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.
- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière de Ta’hanoun (supplications).
- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).
- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.
- La première fois en Nissan qu’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction « Baoukh Ata… Chélo ‘Hissère Beolamo…
(d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)
Cadeau d’anniversaire…
Quand le Rav de notre synagogue dans le quartier de Na’hlaot à Jérusalem m’a téléphoné il y a quelques mois pour que je m’engage à étudier tout un traité du Talmud cette année, j’ai respiré bien fort et réfléchi encore plus fort. Mon emploi du temps est déjà très chargé : le travail, d’autres études quotidiennes, la famille… C’est une coutume dans de nombreuses communautés Loubavitch que les membres s’associent pour étudier tout le Talmud de façon à le terminer tous ensemble le 19 Kislev, le « nouvel an de la ‘Hassidout », l’anniversaire de la libération de Rabbi Chnéor Zalman, l’auteur du Tanya et du Choul’hane Arou’h Harav. Oui, je le savais mais n’avais jamais imaginé qu’un jour, je me sentirais concerné.
Il m’a fallu plus d’une semaine avant de me décider à accepter le challenge. Quand je téléphonai au Rav, il ne restait évidemment plus que quelques traités et, évidemment, c’était les plus longs et les plus difficiles. Je m’engageai donc à étudier le traité Nedarim qui traite des vœux. 91 dapim c’est-à-dire 182 pages : non, ce n’est pas le plus long mais il est considéré comme étant l’un des plus difficiles à cause de ses phrases compactes et ambigües. De plus, contrairement à d’autres traités, il n’est pas commenté par Rachi (1040 - 1105), un des auteurs français les plus étudiés dans le monde.
Comme je ne suis vraiment pas un expert du Talmud, je n’aurais pas pu m’engager sans l’extraordinaire commentaire du regretté Rav Adin Even Israël (Steinsaltz) traduit en anglais sous la direction de Rav Tzvi Hersh Weinreb. Mais cela ne me suffisait pas et, dès le premier jour, je me suis tourné vers le site chabad.org pour suivre l’étude proposée par Rav Avraham Zajac qui est vraiment un excellent professeur.
En compagnie de ces deux érudits, Rav Even Israël et Rav Zajac, j’avançai doucement, en appréciant leur sage décision, après chaque sujet, d’exposer la Hala’ha finale tranchée dans le Choul’hane Arou’h de Rabbi Yossef Caro (1488 - 1575). Je ne pouvais m’empêcher de me demander comment Rambam – Maïmonide (1138 - 1204) aurait, lui, tranché la loi dans son Michné Torah. Mais l’étude du Rambam ne faisait pas partie de ma routine et jeter un coup d’œil sur le Rambam sur Nedarim s’ajoutait à la longue liste de projets à réaliser un jour ou l’autre, quand j’aurai le temps, quand je serai à la retraite par exemple…
Mardi dernier, 2 Adar Chéni, c’était mon anniversaire (non, n’insistez pas, je ne vous dirai pas mon âge…). Comme tous les jours, je suis allé prier à la synagogue, puis j’ai ouvert mon application préférée, chabad.org pour lire les Tehilim (Psaumes) du jour, le Tanya, le ‘Houmach, Hayom Yom et le Séfer Hamisvot du Rambam avant d’ouvrir la Guemara Nedarim. Alors que j’allais cliquer sur Séfer Hamitsvot, une idée bizarre, venue de nulle part, a surgi dans mon esprit : « C’est mon anniversaire aujourd’hui, pourquoi ne pas prendre la bonne décision d’étudier chaque jour un chapitre de Rambam ? ». Encore une fois, ce n’était pas une décision facile. Et je me suis souvenu d’un des très bons conseils que j’avais reçus de Rav J.J. Hecht quand j’avais entamé mon processus de retour au judaïsme : « Vas-y lentement ! Mais une fois que tu as décidé de respecter une nouvelle Mitsva, reste ferme et engage-toi à la respecter toujours ! ».
Donc j’étais conscient que si j’allais cliquer sur l’appli « Rambam – Un chapitre par jour » plutôt que le Séfer Hamitsvot bien plus court, ce serait une décision pour la vie. Je pris une longue inspiration et j’ai cliqué.
Et quand j’ai regardé la page à étudier ce jour-là, je n’en crus pas mes yeux ; je me suis rapproché de l’écran et j’ai levé les yeux au ciel : « Merci Oh mon D.ieu pour ce cadeau d’anniversaire ! ».
Le chapitre de Rambam du jour de mon anniversaire était le premier chapitre de Hil’hot Nedarim, les lois des vœux…
Yaakov Ort - chabad.org
Traduit par Feiga Lubecki