Editorial
Au bout du cheminAu moment où les délais d’impression imposent d’écrire cet éditorial, nul ne sait encore avec précision comment va évoluer la situation internationale. Les rumeurs de guerre sont chaque jour plus pressantes sans que l’on soit encore capable de prévoir si et quand l’orage éclatera et encore moins quelles en seront les conséquences. Comme dans ces interminables après-midi d’été où la chaleur oppressante conduit à attendre avec une sorte d’impatience qu’enfin tombe la pluie tout en craignant ses effets parfois dévastateurs, chacun attend le dénouement avec inquiétude. Chacun scrute l’horizon, guettant le premier éclair et s’interrogeant : que sera le monde après l’orage ? Les plus puissantes nations de la planète, que l’histoire semblait avoir durablement uni, s’entredéchirent tandis que, dans les rues des capitales, les tenants des camps en présence comptent leurs partisans. Un seul élément paraît certain : l’inquiétude règne sans partage.
Le peuple juif, partout où il se trouve, n’échappe pas à l’atmosphère ambiante. Pris entre espoir et crainte du lendemain, il attend avec une anxiété d’autant plus grande que certains voudraient l’associer à un conflit qui, dans la réalité, ne le concerne que du fait d’une certaine proximité géographique. Comme souvent dans le passé, le peuple juif est ainsi devenu l’otage d’une situation sur laquelle il n’a guère de prise.
Dépeignant les évènements en cours, reviennent spontanément en mémoire les termes du Midrach cités par le Rabbi de Loubavitch lors de ce que l’on appela la guerre du golfe. Ce Midrach décrit un monde divisé, où la guerre est en germe, où les rois de Perse, d’Arabie s’opposent et s’allient aux autres nations. C’est un monde où les conflits vont éclater et où chacun, dans tous les pays, s’interroge, pris de peur : “Où aller, Où fuir ?”. A cette question sans réponse fait écho l’inquiétude du peuple juif. Le Midrach le décrit dans les tourments d’une angoisse identique : “Où aller ?”. Ce tableau ne paraît-il pas étrangement actuel ? Mais voici que le texte poursuit et débouche sur une autre conclusion. D.ieu, dit-il, s’adresse alors à Son peuple et lui annonce:“Ne craignez rien, Mes enfants… l’heure de la délivrance est arrivée”.
Il y a ici plus qu’un message d’espoir. C’est une lumière qui naît et grandit au cœur de l’obscurité :la venue du Machia’h est au bout du chemin. Elle n’attend plus que notre effort.
Etincelles de Machiah
Le retour à D.ieu chaque jourLe traité talmudique Chabbat (153a) enseigne : “ Il est écrit : “reviens à D.ieu un jour avant ta mort”. Mais qui sait quel jour il mourra ? Il faudra donc revenir à D.ieu ce jour-même, peut-être mourra-t-on le lendemain. De même le lendemain car on mourra peut-être le surlendemain. Ainsi, tous nos jours seront consacrés au retour à D.ieu ”.
Le Maharil (p. 42) donne une autre raison à la nécessité quotidienne du retour à D.ieu. Il l’exprime en ces termes : “L’homme doit revenir à D.ieu chaque jour… car, lorsque le Machia’h viendra, on n’acceptera plus un tel retour. Or, puisque nous attendons sa venue chaque jour, celui qui ne retourne pas à D.ieu alors que Machia’h va venir très rapidement, ne pourra plus le faire. Il restera donc, D.ieu nous en préserve, avec ses fautes”.
Cette idée a une conséquence importante. Elle nous conduit à retourner à D.ieu non par souci du jour de la mort mais par attente incessante de la venue de Machia’h. C’est bien entendu là une situation préférable.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parchat Vayele’h 5719)
H.N
Vivre avec la Paracha
CheminiDes animaux pieds-nus
Tous les animaux à quatre pattes qui marchent à même leurs pattes seront impurs pour toi (Vayikra 11 :27)
Par exemple, le chien, l'ours et le chat (Rachi ibid)
Nos Sages mettent l'accent, à plusieurs occasions, sur l'importance de placer une barrière protectrice entre nos pieds et le sol. “Une personne devrait vendre les poutres du toit de sa maison pour s'acheter des chaussures”, nous enjoignent-ils. Ils vont jusqu'à compter celui qui marche pieds-nus parmi “ceux que fuit D.ieu”.
Les enseignements 'hassidiques parlent d'un égal besoin urgent de “chaussures spirituelles”, pour protéger l'individu de la “terre”. Marcher pieds-nus à travers la vie, permettre un contact total, sans barrière, entre nous-mêmes et la matérialité de notre monde est nuisible à l'accomplissement de notre mission et de notre rôle de “peuple saint” dont la vie doit être dirigée par des aspirations plus élevées, plus spirituelles.
(Par ailleurs nous sommes invités à avoir un contact illimité avec le “sol saint”, avec ces domaines et ces aspects du monde matériel qui manifestent ouvertement leur origine et leur dessein divins. C'est ainsi que lorsque D.ieu apparut à Moché au buisson ardent, Il l'instruisit “Ote tes chaussures de tes pieds, car l'endroit sur lequel tu te tiens est une terre sainte”. Pareillement, les Cohanim qui servaient dans le Saint Temple marchaient pieds-nus; en fait un service accompli par un Cohen qui avait la plus infime séparation entre les pieds et le sol était rendu invalide pour cette raison.
L'interdiction de la Torah sur le fait d'être à même le sol s'étend également au royaume animal: Seuls les animaux possédant des sabots sont Cacher, “convenables” pour l'alimentation. Les animaux qui marchent sur leurs pattes sans “chaussures” entre les pattes et le sol sont exclus de notre régime alimentaire, car ce trait anatomique reflète une nature et des caractéristiques que nous ne devons pas ingérer en nous-mêmes.
Le chien, l'ours et le chat
Le Zohar nous enseigne que “il y a trois facteurs (internes) (en l'homme): le cerveau, le cœur et le foie”. Le cerveau est le siège de l'intellect, le cœur celui des émotions et du caractère et le foie, l'organe le plus complexe et le plus important des régulateurs du métabolisme, représente la personne physique.
[Aussi un roi, Mélè'h, est-il celui dont le Moa'h (cerveau) exerce la plus haute autorité, le Lev (cœur) est le second à commander, tous deux ont la priorité sur le Kaved (foie); (Mélè'h est l'acrostiche de Moa'h, Lev, Kaved, dans cet ordre précis). Cette hiérarchie des priorités se retrouve également dans la constitution verticale du corps humain dont le cerveau se trouve le plus haut placé (même au sens littéral, physique) parmi les organes du corps, le cœur sous le cerveau et le foie sous les deux. Par contre, dans le corps de l'animal à quatre pattes, les trois sont au même niveau. (Ainsi un être humain se conduit “comme un animal” lorsque son esprit n'exerce pas son autorité sur son cœur et que ses pensées et ses sentiments n'ont aucun impact sur sa vie physique]
Sur les milliers d'espèces qui “marchent sur leurs pattes” Rachi cite trois exemples: le chien, l'ours et le chat. Car tout comme il existe trois dimensions de base dans l'homme, il y a trois sortes de matérialités: la matérialité intellectuelle, la matérialité émotionnelle et la matérialité physique, représentées par ces trois animaux sans sabots.
Le Talmud note que “un chien reconnaît son maître; un chat ne reconnaît pas son maître”. Par contre, le chat est cité pour son raffinement et ses qualités (“Si nous n'avions pas reçu la Torah, nous apprendrions la discrétion du chat”), alors que le chien est un symbole virtuel de grossièreté et d'impudence.
“Reconnaître son maître”, au sens spirituel signifie posséder une conscience de D.ieu et apprécier qu'Il est notre Maître. Le “chat” représente celui qui est déficient dans ce domaine. Son cœur est peut-être noble et raffiné, mais son esprit est matérialiste, consumé par des pensées matérielles et il accepte sans discrimination tout ce que la vie peut lui apporter.
Le “chien”, par ailleurs, “reconnaît son maître”, son esprit occupe sa juste place. Le fait d'être “sans sabots” s'exprime dans la bassesse de son caractère et de ses émotions. Dans ce domaine-ci, il n'arrive pas à ériger des défenses contre la matérialité de la terre.
Et puis on trouve la créature qui va sur ses pattes et dont le matérialisme est purement physique. Il n'est pas déficient intellectuellement ni faible émotionnellement mais un simple hédoniste. Puisqu'il ne possède pas de “sabots” entre sa personne physique et la terre, il s'adonne à ses penchants matérialistes sans aucune retenue. Il fait partie, selon les mots du Talmud, de ceux “qui mangent et qui boivent comme les ours, sont enveloppés de chair comme les ours et sans repos, comme les ours”.
Les sabots fendus
Pour qu'un animal soit cacher, il faut qu'il ait des sabots, mais un animal possédant de simples sabots, comme le chameau ou le cheval, n'est pas rituellement pur. Les sabots doivent être fendus.
Car le but de la vie sur terre n'est pas d'échapper à sa matérialité mais de la sanctifier. Alors qu'un contact avec la terre, sans discrimination rend une créature non-cacher, il en va de même pour l'absence de tout contact.
Les deux extrêmes sont inadéquats. Il faut qu'il y ait un élément de distanciation dans nos engagements dans le monde de la matérialité, au risque de devenir les esclaves de ce que nous sommes venus dominer. Mais il faut aussi qu'il y ait engagement car développer le monde matériel et en faire “une demeure pour D.ieu” est l'essence de notre mission dans la vie.
Basé sur une entrée sans date dans le journal du Rabbi
et sur un discours prononcé le 29 Mena’hem Av 5710 (12 Août 1950)
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que la Matsa Chmourah ?En hébreu, “Chmourah” signifie “gardée” et ce terme décrit parfaitement ce qu'est cette Matsa. La farine utilisée pour sa fabrication est gardée, protégée de tout contact avec de l'eau, depuis le moment de la moisson. En effet, si elle était mouillée, elle pourrait lever et devenir impropre à la consommation pendant Pessa'h.
Ces Matsots sont rondes, pétries à la main et ressemblent à celles que les enfants d'Israël consommèrent lorsqu'ils quittèrent l’Egypte. Elles sont cuites en moins de 18 minutes sous stricte surveillance rabbinique, afin de s'assurer qu'elles ne puissent en aucune façon augmenter de volume et devenir levain pendant la fabrication. La Matsa Chmourah doit être utilisée pendant les deux nuits du Séder, c'est-à-dire mercredi soir 16 avril 2003 et jeudi soir 17 avril 2003, en particulier pour les trois Matsots posées sur le plateau.
F. L
De Recit de la Semaine
Un Rabbi âgé de trois ansLe 2 Nissan est la date de la Histalkout (du départ de ce monde) de Rabbi Chalom Dov Ber Schneersohn, cinquième Rabbi de Loubavitch, en 1920 à Rostov sur le Don.
Ce n’est que dix ans après la mort de son père (le Rabbi Maharach, Rabbi Chmouel de Loubavitch) que Rabbi Chalom Dov Ber accepta officiellement de prendre sa succession. Dès que la nouvelle fut connue, les ‘Hassidim se rendirent en nombre vers le village de Loubavitch.
Parmi eux se trouvait un enseignant, Reb ‘Haïm, du village de Ollola. Son voyage fut long et pénible: il s’arrêta pour passer Chabbat à Vitebsk, dans la maison d’un de ses collègues. Celui-ci lui demanda pourquoi il se rendait à Loubavitch.
“Pour moi, Rabbi Chalom Dov Ber a toujours été Rabbi. Quand je l’ai connu, il avait trois ans (!) et déjà il agissait et parlait comme un ‘Hassid” répondit Reb ‘Haïm.
“Comment cela ?”
“Cela fait donc près de trente ans. Le grand-père de Rabbi Chalom Dov Ber était encore Rabbi. On l’appelait le Tséma’h Tsédek, d’après le titre qu’il avait donné à son recueil de réponses rabbiniques. Je m’étais rendu à Loubavitch avec un de mes amis et, à l’issue du Chabbat, nous attendions devant la porte du bureau du Rabbi pour être reçus en audience privée.
A ce moment-là, le Tséma’h Tsédek parlait avec son fils, Rabbi Chmouel. Nous entendions leurs voix, mais ne pouvions distinguer leurs paroles. Le couloir où nous nous trouvions était assez sombre, éclairé faiblement par le feu dans une cheminée.
Soudain nous avons aperçu deux des petits-fils du Rabbi qui jouaient ensemble mais eux ne pouvaient pas nous voir. Le plus jeune était celui qui est maintenant Rabbi Chalom Dov Ber et il avait à peu près trois ans. Son frère, Zalman Aaron, avait cinq ans.
“Viens ! Nous allons jouer au Rabbi et au ‘Hassid !”
Comme Zalman Aaron était le plus âgé, il fut naturellement choisi pour jouer le rôle du Rabbi. Il s’assit sur une chaise. Le frère plus jeune, qui figurait le ‘Hassid, se tint respectueusement à distance: il lissa ses “Péot” (papillotes), mit un chapeau, arrangea les boutons de sa veste et s’avança à pas mesurés vers “le Rabbi”, tout en baissant humblement la tête.
“Rabbi, dites-moi comment faire Techouva, comment revenir à D.ieu !”
“Etudie en profondeur les livres de “Tanya” et “Réchit ‘Ho’hma !” répondit le Rabbi”.
Le “‘Hassid” s’éloigna à reculons, le visage empreint d’une crainte respectueuse.
En observant cela, mon ami et moi-même avons conclu que nous avions appris deux points importants: comment s’approcher du Rabbi et comment en prendre congé.
Le jeu continua et nous regardions de loin. A nouveau le “‘Hassid” arrangea ses vêtements et s’approcha du “Rabbi”, avec le même respect.
“Rabbi, qu’est-ce que D.ieu ?”
“D.ieu est du feu !” trancha le “Rabbi”.
Le “‘Hassid” écouta attentivement et s’éloigna à nouveau, toujours à reculons. Puis le ‘Hassid s’approcha une troisième fois :
“Rabbi, où se trouve D.ieu ?”
“D.ieu se trouve dans le ciel, sur terre et dans les quatre directions du monde; aussi en moi et en toi !” répondit le “Rabbi” avec assurance.
Le jeu s’arrêta là et les enfants se remirent à courir comme le font tous les enfants. Ils couraient en rond le long du mur. Quand ils arrivèrent à notre hauteur, j’arrêtai le “‘Hassid”, donc notre Rabbi, et je lui demandai:
“Dis-moi, je t’en prie, que t’a répondu exactement ton “Rabbi” quand tu lui as demandé qu’est-ce que D.ieu ?”
“Mon Rabbi m’a dit que D.ieu est du feu !” dit l’enfant qui m’échappa pour courir à nouveau.
Quand il courut encore une fois devant moi, je l’attrapai et lui demandai: “Ne t’enfuis pas ainsi. Que t’a répondu ton “Rabbi” quand tu lui as demandé où est D.ieu ?”
L’enfant me regarda très sérieusement et dit: “Mon “Rabbi” m’a dit que D.ieu est dans le ciel, sur terre, dans les quatre directions du monde et en moi et en toi”. Puis il ajouta : “Et aussi en vous !”
Le fait qu’il ait rajouté ces derniers mots éveilla notre curiosité. L’enfant voulut s’enfuir à nouveau, mais je le retins et lui demandai: “Si D.ieu est feu et qu’Il se trouve en moi et en toi, pourquoi quand je te touche n’es-tu pas brûlé ? Alors que si tu mets ta main dans le feu, tu seras brûlé !”
Sans avoir besoin de réfléchir à deux fois, l’enfant me répondit: “ Ah, ah ! Comment pouvez-vous faire une telle comparaison ? Le feu de la cheminée n’est pas le même feu qui se trouve en vous et c’est pourquoi il peut vous brûler. Mais le feu de D.ieu, qui se trouve aussi bien en moi qu’en vous, est le même feu et le feu n’est pas brûlé par le feu ! ”
A ce moment Rabbi Chmouel sortit du bureau de Tséma’h Tsédek et mon ami puis moi-même avons été reçus séparément en audience privée.
Mais la conduite remarquable de ce petit “‘Hassid” ainsi que ses paroles sont restées gravées en mon cœur jusqu’à ce jour. Si Rabbi Chalom Dov Ber se conduisait ainsi à l’âge de trois ans, il n’y a pas de quoi t’étonner que je me rende aujourd’hui à Loubavitch pour l’accepter comme mon Rabbi !
Traduit par Feiga Lubecki