Samedi, 6 février 2021

  • Yitro
Editorial

 Un temps pour changer le monde

Le 22 Chevat, qui tombe cette semaine, fait partie de ces dates que personne ne peut ni ne veut ignorer. C’est un de ces jours de l’année qui paraissent marqués avec une telle force sur le calendrier que celui-ci en paraît différent, moins instrument de mesure du temps qu’expression du cœur des hommes. 22 Chevat : c’est ce jour-là que la Rabbanite ‘Haya Mouchka, l’épouse du Rabbi de Loubavitch, quitta ce monde. On a coutume de le noter : le jour où un Tsadik, un Juste – ou une Tsidkanite – quitte ce monde doit être en soi relevé. Ne nous est-il pas enseigné que ce jour est celui où ses actions arrivent à leur degré suprême et que son départ physique doit d’abord se comprendre comme une élévation ? N’est-il pas encore précisé qu’alors le Tsadik en question « se trouve dans ce monde plus que de son vivant » dans la mesure où il a dépassé les limites naturelles de la matière ? N’est-il pas enfin souligné qu’il ne cesse d’agir dans les mondes spirituels et ainsi « réalise des délivrances sur la terre » ?

Le bref rappel de ces idées aurait suffi à faire de ce jour un temps différent des autres, à vivre d’une manière plus pleine et, sans rechercher le paradoxe, plus vivante. Mais ce jour est aussi celui que les femmes qui, au côté de leur mari, sont les émissaires du Rabbi aux quatre coins du monde, ont choisi pour se réunir chaque année. Habituellement, elles le font à New York mais, pour les raisons que l’on sait, cette année, elles ne se réunissent que virtuellement. Et décidément l’unité est plus forte que les frontières matérielles. Elles ont même un nom collectif : les Chlou’hot – les déléguées. Qui dira l’héroïsme au quotidien de ces femmes qui ont choisi une vie loin du confort rassurant des communautés juives établies ? Qui dira leur action, elles qui, épouses, mères de famille, sont aussi animatrices de communautés, enseignantes, directrices d’institutions qu’elles ont créées et bien d’autres choses encore. Dans les villes, petites ou grandes, de Russie ou de l’Amérique profonde, dans les métropoles d’Europe ou d’Asie, en Afrique ou en Océanie, souvent loin des leurs, elles sont présentes et leur enthousiasme déplace des montagnes d’indifférence et abat toutes les murailles de la froideur et de l’oubli de soi. Elles sont les Chlou’hot et leur vitalité redonne vie à la vie.

A toute grande action, il faut une source d’inspiration puissante. Elles ont choisi de se réunir le 22 Chevat et la Rabbanite ‘Haya Mouchka est leur exemple. Peu avant son départ de ce monde, la Rabbanite eut l’occasion de dire ce mot : « Rien n’appartient en propre au Rabbi, lui et tous ses biens sont aux ‘hassidim ». C’est là bien plus qu’une devise ; c’est une vision du monde, fondement d’un mode de vie. Les Chlou’hot le savent. Animées de cette conscience, et du sens de leur responsabilité, elles changent le monde, lui apportant, peu à peu, cette lumière qui, très prochainement, en fera, par la venue de Machia’h, la résidence annoncée de la Présence Divine.

Etincelles de Machiah

 « Comme l’eau couvre les mers »

Décrivant le temps de Machia’h, le prophète Isaïe (11:9) déclare : « Et la terre sera pleine de la connaissance de D.ieu comme l’eau couvre les mers ».

Les ‘Hassidim commentèrent ainsi le verset :

L’eau des mers recouvre tout l’espace qu’elle occupe de manière parfaitement égale en surface. Toutefois, lorsqu’il y a une fosse au fond de l’océan, celle-ci contient plus d’eau. Il en est de même à propos des révélations qui interviendront dans les temps messianiques. Il est bien clair qu’elles apparaîtront et recouvriront tout à égalité. Mais il y aura une infinité de degrés dans la manière de les recevoir. Ces degrés dépendent de notre effort spirituel aujourd’hui en temps d’exil.

 (D’après les Maamarim Haketsarim de l’Admour Hazakène p.141)

Vivre avec la Paracha

 YItro

Le beau-père de Moché, Yitro, entend parler des miracles extraordinaires qu’a accomplis D.ieu pour le Peuple d’Israël. Il se rend de Midian au camp d’Israël, accompagné de la femme de Moché et de leurs deux fils. Yitro conseille à Moché de désigner une hiérarchie constituée de magistrats et de juges pour l’aider dans sa tâche de gouvernance et de législateur pour le peuple.

Les Enfants d’Israël établissent leur campement face au Mont Sinaï où il leur est dit que D.ieu les a choisis pour être Son « royaume de prêtres » et « une nation sainte ». Le peuple répond en proclamant : « Tout ce que D.ieu a dit, nous le ferons ».

Le sixième jour du troisième mois (Sivan), sept semaines après l’Exode, la nation d’Israël dans son intégralité s’assemble au pied du Mont Sinaï. D.ieu descend sur la montagne dans le tonnerre, les éclairs, des tourbillons de fumée et le son du Chofar. Il commande à Moché de monter.

D.ieu proclame les Dix Commandements, enjoignant le Peuple d’Israël de croire en D.ieu, de ne pas servir d’idoles ou de prononcer le nom de D.ieu en vain, de garder le Chabbat, d’honorer les parents, de ne pas tuer, de ne pas commettre d’adultère, de ne pas voler et de ne pas porter de faux témoignages ni de jalouser la maison d’autrui. Le peuple s’adresse à Moché en criant que la révélation est trop intense pour qu’ils puissent la supporter, le suppliant de recevoir, lui, la Torah de D.ieu et de la leur transmettre.

Rabbi Chneor Zalman explique que nous devons vivre en nous inspirant des leçons de la Paracha hebdomadaire. La Paracha de cette semaine, Yitro, décrit le Matan Torah, « le Don de la Torah ». La Haftara y ajoute plus d’emphase encore en décrivant la vision du prophète Yéchayahou (Isaïe) du « Chariot Divin » : lors du Don de la Torah, D.ieu descendit sur le Mont Sinaï et Se révéla, Lui, ainsi que Son chariot (Chemot Rabbah 29 :2).

Chaque année, à trois reprises, nous lisons la description du Don de la Torah : dans la Paracha Yitro, à Chavouot et dans la Paracha Vaét’hanane. Bien que le contexte en soit identique, nous pouvons tirer différents enseignements de chacune de ces lectures.

A Chavouot, qui est un Yom Tov (un jour de fête), nous récitons des prières spécifiques et pratiquons certaines coutumes particulières. En outre, tout travail est interdit. Les mots Yom Tov signifient « bon jour », autrement dit, un jour tout particulièrement désigné pour la réjouissance. C’est la raison pour laquelle, lors de Chavouot, la lecture de la description du Matan Torah se fait dans une atmosphère de joie.

Il n’en va pas de même pour les deux autres lectures. La Paracha Vaét’hanane se lit immédiatement après les trois semaines de deuil, à un moment où le service du Peuple juif se caractérise par la Techouvah (retour à D.ieu).

Par ailleurs, la Paracha Yitro est lue alors que le Peuple juif est immergé dans son service quotidien de D.ieu, un service qui est plutôt lié aux Tsaddikim (Justes) qu’aux Baalé Techouvah (ceux qui font un retour à D.ieu). En effet, cette Paracha décrit les événements qui eurent lieu immédiatement avant le Don de la Torah, alors que les Juifs avaient atteint le niveau de Tsaddikim. Bien évidemment, tout cela avait lieu avant le péché du veau d’or.

Vaét’hanane, en revanche, décrit le service des Baalé Techouvah puisqu’elle se situe après l’épisode du veau d’or. Il s’agit donc de la description du Don des secondes Tables de la Loi.

Les premières Tables de la Loi furent données avec « du tonnerre et des éclairs », dans le bruit. Nos Sages affirment que « …là-bas (au Mont Sinaï), il y avait de la crainte et de la peur, des tremblements et des sueurs. » Rabbi Chnéor Zalman explique que bien qu’au Mont Sinaï il se produisît des miracles révélés, qui ne sont pas présents lors de notre présente étude de la Torah, néanmoins, la crainte doit rester en nous puisque la Torah que nous avons reçue est la Torah de D.ieu. Notre approche doit y être semblable à celle des Juifs au Mont Sinaï et également s’accompagner de « bruit ».

Le Tanya (œuvre majeure de Rabbi Chnéor Zalman) souligne un concept similaire en déclarant que la Torah doit « reposer à l’intérieur des 248 membres du corps ».

Apparemment, la Torah semble constituer une étude intellectuelle. Elle doit être abordée avec « la paix de l’esprit et la paix du corps. » Un effort pour l’intégrer dans le corps entier entraverait notre concentration. Et pourtant, la Torah nous enseigne que « mon être tout entier doit la déclarer. » La Torah doit imprégner notre existence dans sa totalité.

Ce qui précède est pour nous source d’un enseignement important. Nous devons nous impliquer dans la diffusion de la Torah, et tout particulièrement des sources de la ‘Hassidout, et nous devons le faire avec grand « bruit », avec excitation et tumulte.

L’on pourrait arguer que « les paroles du sage sont entendues dans le calme », que nous devons adopter une attitude réfléchie et commencer à travailler doucement, pas à pas, quand nous nous occupons de répandre la Torah. Cependant, une telle approche va à l’encontre de ce que fut celle du Rabbi précédent qui mettait l’accent sur l’action immédiate. Il souligna que nous n’avons que « quelques instants » avant la venue du Machia’h et que maintenant est venu le temps d’ « agripper et manger, agripper et boire. » Nous devons utiliser chaque moment disponible, susciter une grande agitation et un grand tumulte pour la Torah. Plus encore, cette agitation et ce tumulte ne doivent pas seulement avoir lieu lors des jours de fête mais également durant les jours de la semaine. C’est pour souligner ce point que le Don de la Torah de la Parachah Yitro, n’est pas seulement lu lors de la fête de Chavouot mais également cette semaine.

Le Midrach nous dit que le « bruit » du Mont Sinaï eut un effet indésirable, « l’influence du mauvais œil. » Si l’on prend en compte cette influence, comment réclamer que l’on fasse du bruit dans la diffusion de la Torah ? La réponse à cette question réside dans le concept du péché de l’arbre de la connaissance, source de toutes les influences indésirables dans le monde. Le Midrach (Beréchit Rabbah 21 :7) relate que le péché d’Adam consistait dans le fait d’avoir mangé ce fruit au mauvais moment. S’il avait attendu trois heures, il aurait pu faire du vin à partir de ce fruit de l’arbre de la connaissance et l’utiliser pour le Kiddouch. En d’autres termes, la consommation du fruit, au moment adéquat, aurait pu constituer un acte positif.

Le même principe s’applique au « bruit » dans lequel nous devons répandre la Torah. Nous sommes désormais dans une époque où une telle approche est nécessaire. Nous devons étudier la Torah et diffuser la Torah, et particulièrement les sources de la ‘Hassidout, avec du « bruit », de l’excitation.

Et si l’on vient objecter que la source du bruit est dans Yitro, autrement dit que seuls les Tsaddikim et non les Baalé Techouvah doivent s’impliquer dans le « bruit », il nous faut alors citer la déclaration du prophète Yéchayahou : « Votre nation est toute entière des Tsaddikim », et ajouter que la Torah doit être propagée avec tellement de « bruit » qu’elle en affecte non seulement ceux que nous connaissons mais même ceux avec lesquels nous n’entretenons aucune relation.

Cependant, il nous faut veiller à ne tirer de nos activités ni orgueil mal placé ni égocentrisme. Et quand d’autres personnes accomplissent des actions de valeur, nous ne devons pas réagir négativement. Mais la tâche doit plutôt être abordée dans une véritable unité. En bref, nous devons œuvrer à faire connaître la Torah avec enthousiasme et excitation, par un effort joint et des buts communs. Ces efforts hâteront la révélation du troisième Temple, le Temple qui a été construit par D.ieu, avec la venue du Machia’h, rapidement, de nos jours.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les trois Mitsvot de la femme ?

Les femmes juives sont tenues de respecter toutes les Mitsvot (sauf les Mitsvot positives limitées par le temps comme les Téfilines qui ne peuvent être mis que le jour et non la nuit).

Certaines Mitsvot sont effectuées plus souvent par les femmes que par les hommes et ce sont :

1)Halla : le prélèvement de la pâte. Quand on pétrit une pâte (à pain ou à gâteaux) qui contient plus de 1,200 kg de farine, on en prélève un petit morceau. Si la pâte contient plus de 1,700 kg de farine, on récite la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Élo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehafrich ‘Halla » avant d’effectuer le prélèvement. Ce petit morceau de pâte (qui était destiné au Cohen quand le Temple se dressait à Jérusalem) est, de nos jours, brûlé. La Mitsva de la ‘Halla symbolise toutes les Mitsvot liées à la cacherout de la nourriture, domaine féminin par excellence.

2) L’allumage des bougies de Chabbat et des fêtes : les femmes se trouvant plus souvent que les hommes à la maison accueillent le Chabbat en allumant vendredi après-midi au moins deux bougies. Les jeunes filles et petites filles allument une bougie dès l’âge de trois ans, en récitant la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Élo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Kodèch »). (S’il ne se trouve pas de femme ou de fille dans la maison, ce sera au maître de maison qu’incombera la Mitsva d’allumer les bougies).

3) La pureté familiale dépend essentiellement de la conduite scrupuleuse de la femme juive. Seule la femme prononce une bénédiction en se trempant au Mikvé (bain rituel). Du respect de ces lois, dépendent la stabilité du couple, l’harmonie de la famille et le développement satisfaisant des enfants.

Le Recit de la Semaine

 Jouer à cache-cache

On raconte qu’un jour, le plus jeune fils du Maguid de Mézeritch rentra chez lui en pleurant. Il raconta à son père qu’il avait joué à cache-cache avec ses amis. Tous les garçons étaient partis se cacher mais ils s’étaient si bien cachés que le garçon qui était supposé les trouver avait abandonné la partie et était rentré chez lui. S’efforçant de ne pas bouger et de ne pas se faire remarquer pendant longtemps, les garçons, déçus, avaient compris qu’on ne les cherchait plus. En entendant cela, le Maguid se mit lui aussi à pleurer : « C’est exactement ce que D.ieu ressent : Il se cache de nous car Il veut qu’on Le trouve. Mais nous ne Le recherchons même pas ! ».

La ‘Hassidout nous enseigne que dans cette situation d’exil, nous nous demandons parfois : « Où D.ieu se cache-t-Il ? ». Cela fait aussi partie de notre mission sur terre : rechercher D.ieu même dans les situations les plus difficiles, comprendre que nous ne percevons pas tout le canevas aussi bien du monde que de nos vies personnelles. Quand nous réalisons cela, nous cherchons avec davantage de détermination et nous finissons par trouver – au moins un indice… Et quand D.ieu constate que nous n’avons pas abandonné la partie, Il sort de « Sa cachette » et déverse sur nous Ses bénédictions abondantes et dévoilées.

Ceci me rappelle une expérience personnelle que j’ai vécue dans mon enfance et qui m’a laissé une forte impression.

Quand j’étais petite, j’ai eu le privilège de passer beaucoup de temps auprès de la Rabbanit ‘Haya Mouchka, l’épouse du Rabbi de Loubavitch. En effet, mon père (Rav Halberstam) était son secrétaire personnel et son chauffeur. Avant l’entrée du Chabbat, mon père amenait la Rabbanit en voiture de sa maison sur President Street jusqu’au 770 Eastern Parkway où un appartement avait été aménagé pour le Rabbi et la Rabbanit afin de leur éviter de devoir marcher pendant Chabbat. Mon père nous emmenait, mon frère Ari (tué par la suite en 1994 dans un attentat sur le Pont de Brooklyn) et moi afin que nous tenions compagnie à la Rabbanit depuis le moment où elle allumait les bougies de Chabbat jusqu’à ce que le Rabbi rentre de l’office et que mon père vienne nous rechercher.

Un vendredi soir, la Rabbanit remarqua que nous nous ennuyions et nous proposa de jouer à cache-cache : nous devions nous cacher et elle nous rechercherait (pensez-vous, elle avait déjà plus de 80 ans !). Nous pensions être très doués et nous nous sommes cachés derrière une porte en verre dépoli en nous imaginant que, si nous nous aplatissions contre la paroi, elle ne soupçonnerait pas notre présence.

Tout le monde sait que du verre dépoli permet d’observer des formes plus ou moins précises mais la Rabbanit « joua le jeu » et fit semblant de ne pas nous avoir trouvés, se contentant d’appeler : « Mais où êêêêtes-vous ? Je ne vous retrouve pas ! ». Bien entendu, nous étions ravis d’avoir réussi à si bien nous cacher !

En y repensant, je réalise combien la Rabbanit comprenait la mentalité d’un enfant. L’enfant veut juste marquer un point contre l’adulte. Certainement la Rabbanit nous avait vus et même entendus car nous n’arrêtions pas de chuchoter l’un à l’autre qu’il ne fallait pas faire de bruit et qu’il fallait arrêter de rire mais elle nous laissa mener le jeu.

Quand je réfléchis à ces deux épisodes de cache-cache – celui du Maguid et celui de la Rabbanit – je me souviens combien il est important, en tant qu’adultes, de participer aux jeux des enfants et de leur en expliquer la signification. Je réalise surtout combien nous devons persister à retrouver D.ieu dans toutes « Ses cachettes » car il nous appartient de reconnaitre qu’Il est partout avec nous. Ainsi nous sommes assurés qu’Il répondra avec des bénédictions révélées et nous accordera santé, prospérité et satisfactions familiales.

Sara Gutnick

Melbourne (Australie)

COLlive

Traduite par Feiga Lubecki

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