Editorial
RacinesLa venue de Tou Bichevat, le 15 du mois de Chevat – «nouvel an des arbres», soulève toujours une question traditionnelle : faut-il vraiment parler de «nouvel an» voire en relever la date alors que, même s’il est réel, cela ne semble pas concerner, au moins directement, l’espèce humaine ? En quoi avons-nous rapport avec une célébration qui relève, au mieux, de l’ordre du végétal ? Pourtant, ce jour est bien marqué par les textes et la tradition très généralement établie d’y consommer des fruits. La réponse, comme souvent, tient en une partie de verset : «Car l’homme est un arbre des champs…» C’est certes là une proposition audacieuse. Au-delà de la préoccupation écologique avant la lettre, ce membre de phrase recèle une idée essentielle : il existe entre l’arbre et l’homme des points communs qui sont autant d’enseignements précieux.
De fait, l’arbre, solidement arrimé par ses racines à la terre nourricière, se développe harmonieusement jusqu’à produire des fruits qui, plus que simples aliments, apporteront à l’homme le sens du «plaisir» et du «délice». N’obtient-on pas ainsi un premier portrait de l’être humain dont le développement spirituel, intellectuel et moral ne tient qu’à la robustesse de ses racines et à la qualité du sol où elles s’enfoncent ? Car existe-t-il un avenir pour les arbres sans passé ou pour les hommes à la trop courte mémoire ou aux racines oublieuses ? Dans le même sens, l’arbre arrive à sa plénitude par les fruits qu’il produit et qui sont comme son couronnement. C’est ainsi que se déroule la vie de l’homme qui ne prend sa pleine signification que si, productrice d’avenir, elle est capable de transmettre, par ses fruits, à la génération suivante.
C’est dire que, comme l’arbre, l’homme est un être qui se cultive. Il est celui que les soins et l’attention perfectionnent, lui permettant d’exprimer l’infini de son potentiel. Et si tout commençait par l’éducation, la sienne propre, celle de ses enfants et de son entourage ? Une éducation, au sens le plus noble et le plus large du terme qui donne une vision du monde, la capacité de le comprendre, la volonté de l’améliorer et la conscience de mener l’œuvre à bien. Cette année, le gala du Beth Loubavitch a lieu justement le 15 Chevat ; c’est tout cela qu’il éclaire et qu’il permet de réaliser.
Etincelles de Machiah
Le soleil et la luneLe texte de la Torah (Gen. 38 : 28-30) nous annonce la naissance de Pérètz et Zara’h, fils de Yéhouda. A leur propos les commentateurs relèvent que Zara’h est comparable au soleil tandis que Pérètz l’est à la lune. Quel est le sens de cette parabole ?
Le soleil représente le mode de service de D.ieu des Justes. En effet, ceux-ci ne connaissent ni changement ni chute. Comme le soleil qui éclaire de façon constante, ils sont d’une perfection immuable. A l’inverse, la lune symbolise le service de D.ieu des Baalei Techouva, ceux qui ont commis des fautes et sont revenus à D.ieu. Ils ont ainsi connu la chute et redécouvert la plénitude, comme la lune qui décroit pour revenir à la perfection.
Cette idée explique pourquoi c’est de Pérètz, ancêtre de la dynastie du roi David, que descendra le Machia’h. Car un des apports essentiels de ce dernier sera justement de donner accès à la Techouva aux Justes puisque celle-ci est toujours d’une grandeur et d’une puissance inégalables !
(D’après Likoutei Si’hot vol. XXX –
Parachat Vayéchev II) H.N.
Vivre avec la Paracha
Yitro : La transformation«0r, au troisième jour, quand vint le matin, il y eut des tonnerres et des éclairs et une nuée épaisse sur la montagne, et le son du chofar très fort ; et le peuple entier à l’intérieur du camp trembla. Et Moché fit sortir le peuple du camp pour rencontrer D.ieu et ils se tinrent au pied de la montagne…»
«Et D.ieu descendit sur le mont Sinaï, sur le sommet de la montagne. Et D.ieu appela Moché sur le sommet de la montagne et Moché monta». (Chemot 19 :16-20)
L’événement le plus important de notre histoire eut lieu un Chabbat, le sixième jour du mois de Sivan en l’an 2448 (1313 avant l’Ere commune°). En ce jour, le peuple d’Israël tout entier, plus de deux millions d’hommes, de femmes et d’enfants, de même que les âmes de toutes les générations futures des Juifs, se rassemblèrent au pied du mont Sinaï pour recevoir la Torah de D.ieu. Depuis lors, l’événement est marqué dans notre calendrier comme la fête de Chavouot : « le Temps du Don de Notre Torah ».
Mais la Torah que nous reçûmes au mont Sinaï était déjà en notre possession depuis de nombreuses générations. Nos ancêtres étudiaient et accomplissaient toute la Torah avant même qu’elle ne soit donnée, observant chacune de ses lois et des ses règles. Que nous fut-il donc donné au Don de notre Torah ?
Le Midrach explique la signification d’un tel événement avec la parabole suivante :
Un jour, un roi décréta : les gens de Rome n’ont pas le droit de descendre en Syrie et les gens de Syrie ne peuvent monter à Rome. De la même façon, quand D.ieu créa le monde, Il fit un décret et dit : «les Cieux appartiennent à D.ieu et la terre a été donnée à l’homme». Mais quand Il désira donner la Torah à Israël, Il modifia son décret originel et déclara : «les royaumes inférieurs peuvent monter vers les royaumes supérieurs et les royaumes supérieurs peuvent descendre vers les royaumes inférieurs. Et Moi-même Je vais commencer, comme il est écrit : «Et D.ieu descendit sur le mont Sinaï».Et plus loin : «Et à Moché, Il dit : ‘Monte vers D.ieu’» (Midrach Tan’houma, Vaéra 15 ; Midrach Rabbah, Chemot 12 :4)
Pendant les vingt-cinq premiers siècles de l’histoire, il existait un décret séparait la réalité en deux mondes hermétiques : le spirituel et le matériel. Le spirituel ne pouvait être amené au niveau de ce monde concret. Le monde matériel ne pouvait non plus être rendu transcendant ou divin. Ainsi la Torah, sagesse et volonté divines, ne pouvait-elle avoir un effet réel sur le monde matériel. Ses concepts pouvaient être appliqués dans la vie physique, et ils l’étaient, mais cette dernière ne pouvait s’en trouver élevée.
Au Sinaï, D.ieu annula le décret qui confinait la matière et l’esprit dans deux domaines distincts. D.ieu descendit sur le mont Sinaï, apportant sur terre la spiritualité des Cieux. Il convoqua Moché en haut de la montagne, donnant à l’homme la force d’élever son être physique et le monde et leur permettant d’avoir accès à la spiritualité. La Torah pouvait enfin sanctifier la vie matérielle. Ce n’est donc qu’après le Sinaï que la Mitsva put concrétiser le spirituel et sanctifier le matériel.
Un monde qui absorbe
C’est là que réside le sens d’un détail étonnant relaté par nos Sages et relatif à la Révélation Sinaïtique.
La Torah nous dit que D.ieu donna les commandements d’ «une voix puissante qui ne cessa pas» (Devarim 5 : 19).
Le Midrach offre un certain nombre d’interprétations pour cette description. L’une d’entre elles indique que cette voix ne se confinait pas à la langue sainte mais se répercutait dans les soixante-dix langues de l’humanité. Une autre version indique que cette voix ne cessa pas, en ce Chabbat matin, il y a plus de 3 300 ans : à travers les générations, tous les Prophètes et les Sages qui prophétisent, enseignent et développent la sagesse de la Torah sont l’extension de cette voix car ils n’ajoutent rien à ce qui était déjà inhérent aux Dix Commandements.
En dernier lieu, le Midrach offre une troisième explication quant à la nature «perpétuelle» de cette voix : elle avait la qualité unique de ne pas avoir d’écho.
Qu’y a-t-il donc de «grand» à propos d’une voix qui n’a pas d’écho ? Pourquoi se distinguerait-elle de tous les autres sons par cette caractéristique ?
En réalité, cette particularité de la voix divine qui ne portait pas d’écho constitue l’essence même de ce qui se produisit au Sinaï. Un écho survient quand un son rencontre un matériau qui lui résiste au lieu d’absorber ses ondes. Le matériau les rejette, les renvoyant dans le vide. Avant le Sinaï, la voix de la Torah avait un écho. Appartenant à la spiritualité des Cieux, elle ne pouvait pénétrer la matérialité de la terre. Le monde pouvait entendre la Torah, en être affecté mais il lui restait un certain degré de résistance, la Torah et le monde gardant chacun leur appartenance propre aux royaumes supérieur et inférieur. Mais au Sinaï, D.ieu annula Son décret. Le monde pouvait désormais absorber la voix divine, un objet matériel pouvait désormais devenir un avec sa mission et son rôle.
Un cas de jurisprudence puissant
C’est ici que réside un enseignement profond pour nous qui poursuivons la mission de notre vie : implanter dans le monde l’éthique et les idéaux de la Torah.
Il se peut que parfois, nous soyons confrontés à un monde sourd voire hostile. Il peut apparaître que l’un ou l’autre des préceptes de la Torah n’est pas en accord avec la situation présente. C’est alors que la Torah nous dit que la voix qui fait entendre le message de D.ieu au monde n’a pas d’écho.
La voix des Dix Commandements pénétra chaque objet et chaque réalité de l’univers. Ainsi, si nous rencontrons des résistances pour les implanter, ces difficultés ne sont que superficielles et ponctuelles. Car au Sinaï, l’essence de chaque créature fut rendue apte et complètement réceptive au bien et à la perfection que D.ieu désire.
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que Tou Bichevat ?Le 15 («Tou») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre «Roch Hachana» (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplications).
Ce mercredi 8 février 2012, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.
On aura soin de prélever la «Terouma» et le «Maasser» des fruits provenant d’Israël.
La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc…, de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.
À Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous «produisons» des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.
F. L.
De Recit de la Semaine
Il était une fois… la Rabbanite ‘Haya Mouchka – que son mérite nous protège !Quand j’avais neuf ans, j’ai eu l’immense privilège de me rendre en personne chez la Rabbanite avec toute ma famille. (De fait, mes grands-parents avaient toujours entretenu d’excellentes relations personnelles avec le Rabbi et la Rabbanite et m’avaient déjà emmené plusieurs fois dans leur maison mais je n’en ai pratiquement gardé aucun souvenir).
Je me souviens que la Rabbanite connaissait bien nos prénoms et nous demandait : «Viens chez Tata !». Bien entendu, nous allions vers elle et elle nous demandait de chanter des chants ‘hassidiques puis elle nous donnait des bonbons. C’était durant la fête de Souccot et c’est ainsi que j’ai eu l’insigne privilège d’entrer dans la Souccah personnelle du Rabbi pour y déguster le bonbon (c’était Chabbat et je ne pouvais pas l’emporter à la maison). La Rabbanite s’assura que je récitais bien la bénédiction Chéhakol et, pour cela, elle me tendit son Sidour (livre de prières) personnel : je crois bien que c’est une des seules fois de ma vie que j’ai utilisé un Siddour pour réciter cette bénédiction qu’on récite si souvent dans la journée sans y prêter assez attention… Toute cette visite se déroula dans la bibliothèque du Rabbi et j’ai donc ainsi pu observer les innombrables livres saints que le Rabbi utilisait régulièrement.
Je me souviens que, comme tous les enfants, nous touchions à tout et que mes parents, comme tous les parents, n’arrêtaient pas de nous demander de ne toucher à rien. Mais la Rabbanite, sans se départir de son calme et de ses manières raffinées, déclarait pour nous mettre à l’aise: «Ne vous inquiétez pas, c’est normal, laissez-les toucher !»
* * *
Quand mes parents se sont fiancés, ils se rendirent chez la Rabbanite pour lui annoncer la bonne nouvelle. La Rabbanite demanda à mon père – puisqu’il était le fiancé – de servir les boissons.
Elle avait préparé un punch de couleur rouge qu’il devait verser dans des verres en cristal dans lesquels se trouvaient des pailles transparentes.
Très ému, mon père versa la boisson mais il tremblait tellement de la responsabilité qui lui incombait devant cette grande dame qu’il renversa un verre de punch rouge sur la belle nappe blanche damassée. Quand il racontait cet épisode, mon père disait qu’à ce moment précis, il aurait voulu se cacher dans un trou de souris et se réveiller en pensant que ce n’était qu’un cauchemar mais la Rabbanite lui adressa un grand sourire et commenta simplement : «Quand on renverse de la boisson, c’est un signe de bénédiction, ne vous inquiétez pas, ce n’est vraiment pas grave !»
(Par la suite, mon père remarqua que s’il avait pu prévoir la réaction de la Rabbanite, il aurait renversé toute la carafe !).
* * *
Un certain Pourim, la Rabbanite tomba dans sa maison et se cassa la main. Un de ses secrétaires présents sur place décida de l’emmener immédiatement en voiture chez le docteur mais elle refusa. Elle déclara qu’elle attendrait après le repas de Pourim qu’elle avait prévu de prendre avec le Rabbi, comme chaque année. Elle demanda d’ailleurs au secrétaire de ne pas en informer le Rabbi afin de ne pas lui causer de peine ! C’est ainsi qu’elle resta assise durant tout le repas avec son bras cassé qui devait certainement lui faire très mal mais elle parvint à agir de façon toute naturelle et de ne rien laisser paraître. Ce n’est qu’après que le Rabbi soit reparti pour le Farbrenguen (réunion ‘hassidique) traditionnel qu’elle accepta d’aller se faire soigner.
* * *
Peu de temps avant son décès, la Rabbanite souffrit d’un problème aux yeux. Il était évident que cela lui causait une douleur difficilement supportable. Quelqu’un lui demanda :
- Pourquoi ne pas demander une bénédiction au Rabbi ? Les gens viennent du monde entier, l’informent de leurs problèmes dans des lettres poignantes, supplient par téléphone pour obtenir sa bénédiction… Il répond à chacun et serait heureux de pouvoir vous aider vous aussi !
Mais elle répondit qu’elle ne désirait pas causer de peine à son époux et préférait continuer à souffrir pour lui épargner un souci supplémentaire.
Puissent les innombrables mérites de la Rabbanite ‘Haya Mouchka nous apporter la bénédiction pour laquelle elle a tant œuvré : la venue immédiate de notre juste Machia’h !
Traduit par Feiga Lubecki