Samedi, 10 juillet 2021

  • Mattot - Massé
Editorial

 Juillet, pour le bonheur !

Le joli mois de juillet, rien ne peut jamais lui retirer sa magie particulière ! Bien sûr, avec le soleil, tout va mieux. Mais, même s’il arrive qu’il fasse défaut, il brille dans cette période une autre lumière et c’est une autre chaleur qui pénètre chacun. Et cette lumière et cette chaleur-là  naissent dans le cœur et s’y développent jusqu’à emplir tout ce que l’on est et aussi ce qui nous entoure. Cela porte un nom : Gan Israël. En effet, les centrés aérés commencent à présent et quelque chose a changé dans le monde.

Il est vrai que l’événement n’est pas nouveau, que, d’année en année, les enfants retrouvent cette espèce de chemin du paradis que sont les Gan Israël. Mais la répétition ne fait rien à l’affaire. La joie est toujours renouvelée et peut-être porte-t-elle encore plus haut et plus fort. Et cela est bien important en un moment où les nouvelles qui montent n’invitent pas toujours à l’optimisme. Un Gan Israël – au nom si évocateur « jardin d’Israël » – c’est un lieu où, pendant tout un mois, les enfants rient, vivent, apprennent et ressentent. Ils renforcent, et parfois redécouvrent, la conscience que le judaïsme leur appartient comme il a appartenu à leurs ancêtres et comme il sera la propriété pleine et entière de leurs descendants. Tout cela devient le tissu même de leur existence. Les centres existent partout, et bien sûr dans toute la région parisienne. Ils ouvrent à présent leurs portes, prêts à accueillir tous ceux et celles que le bonheur attire, et avec raison.

En ces temps de mondialisation, et d’uniformisation des cultures, où l’on s’interroge parfois sur la pérennité de notre manière de voir le monde et d’y vivre sereinement, les Gan Israël constituent une réponse. Etre fidèle à son histoire, ne pas oublier, sans bâtir un monde clos et sclérosé. Construire un avenir dont les profondes racines garantissent la solidité en gardant la voie ouverte à tous les possibles. Quand des enfants croient en ce dont ils sont les porteurs, quand ils s’engagent dans les jours qui passent avec toute l’assurance qu’ils expriment, quand la joie éclaire tous les visages, c’est plus qu’un combat qui est gagné. C’est une victoire qui s’avance. Belle victoire, obtenue par la paix, qui est, pour cela, un gage de paix, pour soi et pour le monde. Bienvenue aux Gan Israël.

Etincelles de Machiah

 Machia’h en chacun

La capacité de Machia’h à délivrer tout le peuple juif vient du fait qu’il possède un lien avec le peuple tout entier c’est-à-dire qu’il existe une partie de lui en chaque Juif.

C’est ainsi qu’il faut comprendre la déclaration de Moïse (Bamidmar 11 : 21) : « Le peuple au sein duquel je suis est constitué de six cent mille hommes ». Il signifie, par ces mots, qu’une parcelle de lui-même se trouve littéralement dans chacun des individus concernés.

C’est grâce à cela qu’il put tous les libérer d’Egypte.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Pessa’h 5743)

Vivre avec la Paracha

 Matot-Massé

Matot

Moché transmet les lois concernant la validation et l’annulation des vœux.

Une guerre est engagée contre Midian pour son rôle dans la dégradation morale d’Israël.

La Torah procède au compte-rendu du butin et de son partage.

Les tribus de Gad et Réouven demandent des terres à l’est du Jourdain. Moché finit par accepter cette requête, y incluant plus tard la moitié de la tribu de Menaché, à condition qu’ils se joignent d’abord au reste du peuple dans sa conquête d’Israël.

Massé

Sont listés les quarante-deux voyages et campements du Peuple juif, depuis son départ d’Egypte.

Sont données les limites de la Terre Promise et sont désignées des villes de refuge.

Les filles de Tsélof’had se marient au sein de leur propre tribu pour préserver l’héritage paternel.

Consoler le père. Consoler l’enfant

La Paracha Matot et celle de Massé sont combinées et lues le même Chabbat dans deux cas : quand ce Chabbat précède le mois de Mena’hem Av (et donc c’est ce Chabbat qu’on bénit le mois) ou bien quand ce Chabbat lui-même est le premier Chabbat du mois de Mena’hem Av.

Nos Sages commentent que toutes les Parachiot de la Torah ont un lien avec la période au cours de laquelle elles sont lues. Il s’ensuit que Matot et Massé sont connectées au mois de Mena’hem Av.

Cette relation est encore plus étroite que celle qui unit ces Parachiot à la période de « quasi deuil », connue sous le nom de Bein Hamétsarim, où elles sont toujours lues.

La coutume juive veut, et la coutume juive elle-même est considérée comme ayant la même sainteté que la Torah, que l’on se réfère au mois d’Av, (quand on le bénit), en employant l’expression Mena’hem Av.

Le sens littéral de Mena’hem Av est : « consoler le père ». Le Peuple juif console, pour ainsi dire, son Père, dans le Ciel. Et D.ieu, notre Père, a besoin de consolation, comme le montre la déclaration de nos Sages (Bera’hot 3a) selon laquelle D.ieu dit : « Combien est malheureux le Père Qui a exilé Ses enfants ! »

Le lien entre Mena’hem Av et les sections de Matot et Massé peut se comprendre selon la même démarche. Le Juif aspire à la consolation durant ce mois. Mais il ne la désire pas tant pour lui-même que pour son Père. Et ce concept est mis en lumière à la fois dans Matot et dans Massé.

La section de Matot rapporte comment D.ieu ordonna à Moché de combattre les Midianites, en ces termes : « Exerce la vengeance due au Peuple d’Israël sur les Midianites… » (Bamidbar 31 :2).

Cependant, lorsque Moché transmit ce commandement au Peuple juif, il dit : « …exerce la vengeance due à D.ieu sur les Midianites. » Le Sifri commente : « Moché dit au Peuple juif : ‘vous ne vengez pas la chair et le sang, vous vengez Celui qui a parlé et a fait exister le monde’ ».

Ce thème se retrouve en miroir dans la Paracha Massé, quand le verset statue : « Vous ne souillerez pas la terre… sur laquelle Je réside ; car Moi, D.ieu, Je réside parmi le Peuple juif. » Et le Sifri d’expliquer : « Les Juifs sont aimés [par D.ieu] ; où qu’ils soient exilés, la Che’hina [la Présence Divine] les accompagne… et quand ils reviennent, la Che’hina revient avec eux. »

Aussi l’exil n’affecte-t-il pas seulement le Peuple juif mais la Che’hina est également en exil, si l’on peut s’exprimer ainsi. La Rédemption des Juifs est donc également une Rédemption pour la Che’hina. Il va de soi que la Rédemption de la Che’hina a une portée bien plus vaste. C’est pour cela que Mena’hem Av, « la consolation du Père » met l’accent sur la consolation de D.ieu.

Mais il nous reste à comprendre pourquoi Mena’hem Av ne mentionne pas la consolation de l’enfant, la consolation du Peuple juif.

Cela tient au fait qu’un Juif est si profondément enraciné dans D.ieu que sa volonté, ses désirs, sa situation d’exil etc. ne sont pas considérés comme seulement les siens. S’il est exilé, son Père est automatiquement dans la même situation. Et par le même ressort, la consolation du Père est la consolation de Ses enfants. Il ne peut donc y avoir de plus grande consolation pour les enfants que Mena’hem Av, « la consolation du Père ».

Les villes des Léviim

La section de Massé nous informe de la directive de D.ieu (Bamidbar 31 :1) de donner aux Léviim quarante-huit villes pour qu’ils y résident. Parmi elles, trois Villes de Refuge étaient situées de l’autre côté du Jourdain.

Dans la Paracha qui précède, Matot, nous lisons comment Moché fut extrêmement mécontent quand les tribus de Gad et de Réouven demandèrent que leur portion de la Terre d’Israël soit de l’autre côté de la rive du Jourdain. Son mécontentement venait du fait qu’il lui semblait inapproprié de désirer un emplacement permanent en dehors des frontières d’Érets Israël.

S’il en est ainsi, pourquoi D.ieu demanda-t-Il que les Léviim reçoivent trois Villes de Refuge situées au-delà du Jourdain ?

Et s’il est vrai qu’il était vital que des Villes de Refuge soient établies de part et d’autre du Jourdain, cela n’était pas en soi une raison suffisante pour faire de ces villes « extra territoriales » des résidences permanentes pour les Léviim.

Certes, nous pourrions souligner que ce verset déclare : « Commande aux Enfants d’Israël qu’ils donnent aux Léviim des villes de résidence pour biens à hériter. » Ainsi ces villes n’étaient-elles pas données en héritage par D.ieu mais à cause d’une obligation incombant au Peuple juif de réserver une part d’héritage à la tribu des prêtres.

Puisque les Juifs reçurent leur part de terres situées sur les deux rives du Jourdain, il s’ensuit que ceux qui habitaient de l’autre côté du Jourdain durent également en donner une part aux Léviim.

Nous pourrions dire, en d’autres termes, que la Torah ne spécifie pas que certains Léviim devaient résider de l’autre côté du Jourdain mais plutôt qu’il était obligatoire pour tout le Peuple juif, y compris pour ceux qui résidaient au-delà du Jourdain, de donner des terres aux Léviim.

Mais pourquoi les Léviim, dont la fonction première était de servir dans le Beth Hamikdach, le Saint Temple de Jérusalem, recevraient-ils des terres situées au-delà du Jourdain ?

La réponse à cette question réside dans le fait que les Léviim ne servaient pas tous dans le Temple. Cela est amplement démontré par le fait que leur furent attribuées quarante-huit villes dispersées dans tout Israël, tout comme sur l’autre rive du Jourdain.

En outre, le verset énonce très spécifiquement qu’aux Léviim devaient être donnés : « des espaces ouverts en dehors de leurs villes… pour leurs troupeaux. » Il était donc tout à fait possible que certains Léviim possèdent de nombreuses bêtes et qu’il était donc pour eux préférable de vivre sur l’autre rive du Jourdain où la terre était idéale pour le pâturage.

Mais cette réponse n’est pas tout à fait satisfaisante. Étant tout à fait conscients du fait que la résidence principale du Peuple juif était à l’intérieur d’Erets Israël, pourquoi certains Léviim auraient-ils voulu résider en dehors de ses frontières ?

Dans la Paracha Matot, nous lisons que Moché donna à la moitié de la tribu de Menaché une portion située de l’autre côté du Jourdain. Nos sages soulignent qu’ils n’avaient pas demandé cette terre mais Moché la leur présenta de son propre chef.

S’il agit ainsi, c’est parce que la première entrée du Peuple juif en Israël est liée à l’entrée finale sous la direction du Machia’h et Moché est considéré comme « à la fois le premier et le dernier Rédempteur. »

Dans ces circonstances, son partage de la terre à Menaché est annonciateur de la Rédemption future, époque à laquelle les frontières de la Terre d’Israël seront élargies jusqu’à inclure également l’autre rive du Jourdain.

Nous observons donc que se positionner dans cet endroit peut être un acte entièrement positif puisqu’il fait allusion aux frontières de l’Ere Messianique.

Et c’est la raison pour laquelle ce sont particulièrement les Léviim, dont l’amour pour Israël était si grand qu’ils n’avaient pas succombé aux propos des explorateurs (qui cherchaient à dissuader les Juifs d’entrer en Israël), qui méritèrent de résider dans le lieu qui était avant-coureur des temps futurs.

Le Coin de la Halacha

 Quand commencent « les neuf jours » ?

A partir de Roch ‘Hodech Av (cette année samedi soir 10 juillet 2021), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin (sauf Chabbat) en souvenir des jours terribles qui aboutirent à la destruction du Temple de Jérusalem.
On ne fait pas de couture, on ne lave pas de linge (sauf pour les petits enfants ou les grands malades) et on ne repasse pas. On ne met pas de vêtements fraîchement lavés et repassés, sauf s’ils ont déjà été portés quelques instants avant cette période. On ne prend pas de bain et on évite les pratiques sportives dangereuses (par exemple la baignade en piscine ou à la mer).
On évite de passer en jugement.

Toutes ces interdictions prendront fin le lundi 19 juillet après le milieu de la journée.

Qu’est-ce qu’un Siyoum ?

Un « Siyoum » est une fête qu’on organise lorsqu’on a achevé l’étude d’un traité talmudique. Le Rabbi avait demandé qu’on organise un Siyoum pendant chacun des « neuf jours » puisqu’une telle joie sainte est permise durant cette période. On peut participer à un Siyoum sur certains sites Internet ou en écoutant chaque jour à la radio juive une personne qui achève l’étude du traité Midot ou Moëd Katane par exemple. Restez à l’écoute !

Le Recit de la Semaine

 Le Choul’hane Arou’h décoratif…

Nous sommes arrivés à Chengdu (en Chine) pour célébrer avec nos amis, Rav Dovi Honig et Sarah, la première coupe de cheveux de leur fils Mendel à l’occasion de ses trois ans. Dans l’après-midi, nos deux familles se sont rendues dans ce qui est considéré comme le plus grand centre commercial du monde, New Century Global Mall qui comporte entre autres un hôtel Intercontinental, une plage privée, un parc aquatique et de nombreuses attractions pour les enfants.

Tout en déambulant parmi les boutiques, Rav Dovi mentionna qu’il y avait là, dans la vitrine d’une parfumerie française - allez savoir pourquoi - un volume du Choul’hane Arou’h en hébreu et français, depuis l’ouverture du magasin en 2013. (Le Choul’hane Arou’h est le Code de Lois Juives de base, écrit au 16ème siècle par Rabbi Yossef Karo, exilé d’Espagne et réfugié d’abord en Turquie puis en Terre sainte). Rav Dovi avait plusieurs fois demandé aux propriétaires de le lui donner mais sans succès. Poliment et respectueusement, ils avaient objecté qu’ils n’étaient en fait que les gérants d’une firme française qui dictait exactement à quoi devait ressembler la vitrine, ils n’avaient pas le droit de changer. En entendant cela, je décidai d’essayer à mon tour. Nous sommes entrés dans le magasin où se trouvaient de nombreux livres (bizarre, dans une telle boutique) et ce volume sacré, placé (artistiquement ?) sous un bol de porcelaine contenant des tranches de citron séchées : j’en eus un haut-le cœur car, on le sait, les Juifs ne placent rien sur un livre saint. Une vendeuse s’approcha et je lui demandai, en chinois, si elle possédait une carte de visite de la compagnie (je pensai contacter le PDG de la firme pour demander la permission de prendre le livre). Non, elle n’avait pas de carte de visite mais pouvait me remettre la carte Wechat de son magasin. Elle scanna mon numéro de portable puis m’envoya un message, en chinois, pour me demander ce que je voulais. J’expliquai que j’étais juif et que j’étais le rabbin de la communauté de Beijing :

- Ce livre est un de nos livres les plus sacrés et cela me peine de le voir ainsi utilisé comme faire-valoir dans une vitrine. Je suis prêt à vous l’acheter pour le prix que vous demanderez !

Elle me regarda et demanda :

- Si je vous le donne, qu’en ferez-vous ?

- Je le lirai et je l’étudierai.

- Ce livre est pour votre usage personnel ?

- Non, je m’en servirai pour enseigner la loi juive à la communauté de Beijing.

Elle souleva le bol, prit le livre et me le tendit.

- Combien puis-je le payer ?

- Rien du tout ! C’est un cadeau pour votre communauté !

Je la remerciai chaleureusement puis suggérai à mon épouse d’acheter au moins un parfum en signe de gratitude pour son geste, bien que ces marchandises soient hors de prix dans ce magasin de luxe mais c’était bien la moindre des choses.

En sortant, je me tournai vers mon collègue Rav Dovi :

- Te rends-tu compte de cette extraordinaire Hachga’ha Pratit (effet de la providence divine) ?

- Euh… Ah bon ?

- En 1509, l’empereur Maximilien d’Allemagne ordonna de brûler tous les livres juifs des villes de Cologne et Francfort (en Allemagne) à cause d’une accusation mensongère de Pfefferkorn, un Juif converti au christianisme qui prétendait que ces livres étaient remplis d’insultes envers sa nouvelle religion. Les Juifs supplièrent l’empereur de revoir sa décision et il accepta d’investiguer la question. Il remit cette mission à un érudit allemand, Johann Reuchlin qui démontra que ces accusations étaient sans fondement, que ces livres étaient utilisés pour le culte juif et contenaient aussi des connaissances utiles pour la théologie et les sciences. L’empereur accepta d’annuler son décret : c’était le 14 Sivan 1510.

Ce livre écrit par Rabbi Yossef Karo à Safed (en Galilée) fut imprimé et traduit en France (comme l’atteste la page de garde) pour se retrouver à Chengdu (en Chine) et je viens de le récupérer justement aujourd’hui 14 Sivan 2021 pour le rapporter à Beijing où nous l’étudierons !

Rav Shimon Freundlich - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki