Roch Hachana : rassemblons-nous !
Roch Hachana est, par définition, un jour que personne ne peut manquer. Premier jour de l’année juive, il est surtout un grand rendez-vous, autant avec D.ieu qu’avec soi-même. Lorsque le Chofar retentit, c’est la royauté Divine qui est renouvelée dans la création. Et, bien entendu, cela ne peut laisser personne indifférent car, à l’appel du cœur de chacun, le Créateur répond alors et accorde la meilleure année dont nous rêvons tous, tel un Père qui entend toujours la demande de Ses enfants. Cela est vrai d’année en année, et de manière sans doute croissante car la lumière Divine qui apparaît chaque Roch Hachana et maintient le monde à l’existence, est une expression de niveaux spirituels de plus en plus élevés. En fait, nous est-il précisé, il s’agit d’une « lumière nouvelle qui n’était jamais descendue jusque-là ».
Cependant, l’année qui commence à présent, 5783, présente une particularité qu’il faut relever : elle est celle du « Hakhel », du rassemblement. A l’époque de l’ancien Israël, l’année qui suivait celle du repos agricole, la Chemita, tous, hommes, femmes et enfants, se rassemblaient dans le Temple au moment de Souccot. Là, une estrade de bois avait été dressée et le roi y montait pour lire devant tous des passages de la Torah. Et cela dépassait le simple rite. Ordonnée par la Torah elle-même, la cérémonie donnait à chacun à ressentir et à vivre la plus authentique des craintes de D.ieu associée à la plus profonde unité. Ici, se retrouvaient ensemble, dans un même lieu et portés par un même élan, des hommes et des femmes très différents, tant en âge qu’en niveau spirituel ou en connaissance. Mais tout cela n’avait pas d’importance car c’est d’essence qu’il était question bien plus que de considérations finalement superficielles.
Certes, matériellement le rassemblement si spécial du « Hakhel » n’existe plus. Il se déroulait dans le Temple et le roi en était l’acteur. Tout cela sera rétabli, très prochainement, nous l’espérons tous, avec la venue du Machia’h. Mais les commandements donnés par D.ieu ne disparaissent jamais. Même si leur pratique concrète est suspendue par le fait des choses, ils existent toujours au sens spirituel, sont ainsi porteurs du même pouvoir et doivent être vécus comme tels. L’année 5783 est donc bien celle du « Hakhel-rassemblement ». Elle est cette période qui commence où notre lien avec D.ieu est plus grand, plus fort, plus entraînant. Elle est aussi celle où l’unité chasse tout ce qui pourrait la compromettre. En d’autres termes, c’est une année clé qui se présente à nous. Alors que le Chofar sonne, il nous appartient également de choisir ce nouveau monde.
« D.ieu sera Un et Son Nom sera Un »
Le prophète Zacharie (14:9) enseigne au sujet du temps de Machia’h : « En ce jour, D.ieu sera Un et Son Nom sera Un ». Il est clair que l’unité de D.ieu est un fondement du judaïsme mais pourquoi lier la révélation de cette idée à la venue de Machia’h ?
C’est qu’en notre temps, l’unité divine n’apparaît pas à l’évidence. Le monde paraît constituer une existence autonome. Au contraire, dans le monde de Machia’h, l’unité du Créateur sera manifeste aux yeux de tous. Chacun verra que le monde est inexistant devant la Lumière divine qui le fait vivre.
(d’après Torah Or, Vaéra p. 55c)
Roch Hachana : Le paradoxe de nos prières
Le livre de prières de Roch Hachana contient de nombreuses prières qui expriment une demande à D.ieu. On peut citer comme exemple : « que nous soyons rappelés et inscrits dans le Livre de la vie, des bénédictions, de la paix et de la prospérité… »
Outre ces prières collectives, nous sommes nombreux à ajouter des requêtes personnelles pour diverses bénédictions matérielles.
Mais l’on peut se demander si de telles demandes sont convenables. Nos Sages enseignent que durant les deux jours de Roch Hachana, D.ieu demande à l’humanité de Le « proclamer [Son] Roi ». En plein milieu de la cérémonie du couronnement du roi, quel sujet oserait s’adresser à son souverain avec une requête personnelle ? Et pourtant, à Roch Hachana, tout en reconnaissant la Souveraineté divine, nous nous tournons également vers Lui avec des prières pour l’accomplissement de nos désirs matériels. Cela, en dépit de la perspective du Zohar selon lequel une personne qui se livre à de telles demandes, lors des jours solennels, ressemble à une sangsue parasite qui crie : « Donne, donne ! »
Et pourtant, ces demandes font partie de la liturgie de Roch Hachana. L’autorité qui a institué la prière : « Règne sur le monde entier dans Ta gloire » a également inclus la requête adressée à D.ieu : « Inscris-nous dans le Livre de la Vie ».
On retrouve le même paradoxe dans le concept de la prière en général. Dans sa dissertation sur la prière, le Rambam (Maïmonide) écrit que le commandement de la prière est issu de l’injonction « Et tu Le serviras de tout ton cœur ». Nos Sages questionnent : « Quel est le service du cœur ? » Et ils répondent : « C’est la prière ». Le Rambam ajoute que « ce commandement oblige chaque personne à demander à D.ieu de pourvoir à ses besoins. »
Comment le fait de demander à D.ieu de pourvoir à nos besoins devrait-il être appelé « le service du cœur » ?
En ce jour, cette question prend encore plus d’acuité dans la mesure où Roch Hachana est « la tête de l’année », le moment où l’on renouvelle le cœur de notre relation avec D.ieu. Puisque durant cette période, nous prions tous avec plus de ferveur qu’à l’habitude, le contenu de nos prières est d’autant plus significatif.
La prière de ‘Hanna
La question du contenu de la prière peut être résolue en analysant l’histoire de la prophétesse ‘Hanna, qui constitue la Haftara lue le premier jour de la fête. ‘Hanna était restée de longues années sans enfant. Chaque année, elle se rendait avec son mari Elkana au Sanctuaire de Chiloh. Mais un jour, attristée par sa stérilité, ‘Hanna quitta les festivités données en l’honneur des sacrifices, pénétra dans le Sanctuaire et ouvrit son cœur, déversant dans sa prière son désir ardent d’avoir un fils.
Il se trouva qu’alors qu’elle s’épanchait longuement devant D.ieu, seules ses lèvres remuaient mais sa voix ne se faisait pas entendre. Éli pensa qu’elle était ivre (car l’habitude était de prier à voix haute).
Il lui dit : « Depuis combien de temps es-tu saoule ? Débarrasse-toi de ton vin ». « Non mon Seigneur, répliqua-t-elle, je suis une femme affligée. Je n’ai bu ni vin ni boisson forte. J’ai épanché mon âme devant D.ieu… »
Éli répondit : « Va en paix. Que le D.ieu d’Israël accède à ta demande… »
Éli était le Grand Prêtre et le Juge du Peuple juif tout entier. Si l’on tient compte de sa sagesse et de son expérience, l’on peut s’interroger sur le fait qu’il ait immédiatement jugé ‘Hanna si sévèrement au lieu de clarifier, au préalable, la situation et rechercher la véritable nature de ses sentiments.
Plus encore, compte tenu du principe selon lequel le Tana’h ne s’attarde généralement pas sur des sujets négatifs, pourquoi l’erreur de jugement d’Éli est-elle consignée pour la prospérité ? Enfin, pourquoi c’est précisément ce récit qui a été choisi comme Haftara pour Roch Hachana ?
« J’ai épanché mon âme »
Pour pouvoir apprécier la signification de ce récit, nous devons comprendre qu’Éli ne considéra jamais ‘Hanna comme ivre, au sens littéral, sinon il l’aurait renvoyée du Sanctuaire.
Éli entendit la prière de ‘Hanna et perçut sa sincérité. Quand il l’accusa d’ébriété, il parlait au sens figuré. Il ne pouvait comprendre comment ‘Hanna, se tenant devant D.ieu, dans le Saint Sanctuaire, pouvait penser à ses besoins personnels et demander un fils. Il la considéra comme intoxiquée par ses désirs personnels, absorbée de façon immodérée par des préoccupations matérielles.
C’est à cette perception erronée de sa motivation que ‘Hanna répondit : « Je ne suis pas saoule, » (en d’autres termes, « Je ne veux rien pour moi-même »), mais au contraire, « j’ai épanché mon âme devant D.ieu. » (Autrement dit : « mon désir vient des profondeurs de mon être ».)
« Leur âme se languit à l’intérieur »
Les désirs matériels ne sont pas toujours motivés par l’égocentrisme. Bien qu’un homme puisse penser que son désir de matérialité est une fin en soi, il se peut néanmoins que l’origine s’en trouve dans les profondeurs de son âme.
Tout dans le monde contient une étincelle de Divinité cachée par la nature concrète de son environnement. L’humanité a reçu la tâche de raffiner la matérialité et de révéler sa Divinité intrinsèque. Chacun est destiné à élever certaines étincelles et ce service divin est nécessaire pour l’élévation personnelle. Si ces énergies divines ne sont pas sublimées, l’âme de l’individu reste incomplète.
Le Baal Chem Tov explore ce concept dans son interprétation du verset : « Affamée et assoiffée, leur âme se languit à l’intérieur ». Il demande : « Pourquoi est-elle affamée et assoiffée ? ‘Parce que leur âme se languit à l’intérieur.’ Leur âme cherche à établir un lien avec l’énergie divine contenue dans les aliments et les boissons ».
Il se peut que nous n’ayons pas conscience de la motivation spirituelle sous-jacente à nos désirs et que nous considérions qu’ils ont une origine physiologique ou psychologique, que nous trouvions toutes sortes de raisons pour expliquer ce que nous voulons et pourquoi nous le voulons. Mais en réalité, un élan plus profond justifie notre volonté. Pourquoi un Juif désire-t-il des enfants, des possessions et le succès matériel ? Parce que son âme éprouve un désir inhérent et tacite d’accomplir la Volonté divine associée à ces bénédictions apparemment matérielles.
C’est ainsi que s’explique la prière de ‘Hanna. Elle n’était absolument pas concernée par des préoccupations d’ordre personnel. On peut l’observer dans son vœu de consacrer son fils « à D.ieu, tous les jours de sa vie. »
En « épanchant son âme devant D.ieu », elle n’exprimait aucun désir égocentré mais la motivation profonde de son âme.
Dans le même ordre d’idées, dès qu’Éli entendit l’explication de ‘Hanna, il répondit par une bénédiction, demandant que soit exaucé le plus profond désir de son âme.
Une résidence parmi les mortels
Avec cet éclairage sur la prière de ‘Hanna, nous pouvons désormais résoudre les questions soulevées par la prière de Roch Hachana. En ce jour, nous nous concentrons sur le but de la création, le désir de D.ieu d’avoir un lieu de résidence parmi les mortels. D.ieu ne recherche pas la souveraineté sur des êtres spirituels mais sur des hommes mortels qui mènent leur vie au sein de la matérialité.
L’aspiration de l’homme au bien-être peut être considérée comme une extension de son acceptation de la souveraineté de D.ieu et non comme sa négation.
Une personne ne peut servir correctement D.ieu si elle se sent troublée par des préoccupations d’ordre matériel. Pour pouvoir mener à bien ses efforts de construire une résidence pour D.ieu dans le monde matériel, elle demande la santé et la prospérité. Ce ne sont pas des requêtes égoïstes. Bien au contraire, ce désir de bien-être matériel est enraciné dans le désir de D.ieu d’avoir une résidence parmi les mortels.
« Qu’Il élève très haut le niveau de celui qu’Il a oint »
La Haftara de Roch Hachana monte en crescendo avec la seconde prière de ‘Hanna, un déversement jubilatoire de remerciements à D.ieu pour avoir accédé à sa requête. Cette seconde prière se conclut ainsi : « Qu’Il élève très haut le niveau de celui qu’Il a oint » (littéralement : « de Son Machia’h »).
Cette phrase de conclusion constitue le point de jonction entre les deux prières de ‘Hanna parce qu’à l’Ère de la Rédemption, il sera clairement manifeste que le monde est la résidence de D.ieu et qu’il n’y a aucun conflit entre le matériel et le spirituel.
Nous apprenons, de la première prière de ‘Hanna, que le désir que nous éprouvons pour les objets matériels peut refléter un engagement spirituel au service divin. Et de sa seconde prière, nous observons la dimension ultime et le but de ce service : la venue d’une Ère où « il n’y aura ni famine ni guerre, ni envie ni compétition, car les bonnes choses couleront en abondance et tous les délices seront aussi librement accessibles que la poussière… Le monde sera empli de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le fond de la mer ».
Puisse cela se réaliser dans l’immédiat !
Qu’est-ce que le Prouzboul ?
L’année 5782 (2021 - 2022) était une année de Chemitta. Cela signifie que tout travail agricole (labourage, ensemencement, cueillette…) était interdit en Terre d’Israël – avec tous les détails que cela implique. Par ailleurs, toutes les dettes entre particuliers ont été annulées lors de la Chemitta.
De crainte que les gens se retiennent de prêter des fonds parfois essentiels aux personnes dans le besoin, le Sage Hillel Hazakène a institué le Prouzboul, une procédure de transfert des dettes au Beth-Din (tribunal rabbinique) – ce qui permet au particulier d’en réclamer le remboursement – même après l’année de Chemitta. Il suffit pour cela de prononcer avant Roch Hachana, en même temps que l’annulation des vœux – devant trois Juifs – la formule :
« Haréni Mossère La’hem Kol ‘Hovot Chéyech Li Chéhégbé Otam Kol Zemane Chéhértsé. »
La veille de Roch Hachana :
dimanche 25 septembre 2022
On ne récite ni le Ta’hanoun ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d’Elloul) et l’obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes (ou éventuellement trois), chacun récite le texte de « Hatarat Nedarim », l’annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu’on n’aurait pas accompli tout ce qu’on a promis l’année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d’une telle promesse si l’on n’a pas tenu les promesses de l’année précédente ?
Les hommes se coupent les cheveux, s’immergent dans le Mikvé. On revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsedaka (charité) en s’assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu’ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsedaka (charité) l’argent équivalent aux repas consommés (en général une somme multiple de 18).
Que fait-on à Roch Hachana ?
(cette année lundi 26 et mardi 27 septembre 2022)
Dimanche 25 septembre 2022, après avoir mis des pièces à la Tsedaka (charité), les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de Roch Hachana (les femmes mariées au moins deux bougies, les filles une seule bougie) ainsi qu’une bougie qui dure au moins 48 heures, avant 19h 24 (en Ile-de-France) en récitant les bénédictions suivantes :
- « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Yom Hazikarone »
« Béni sois-Tu Eternel notre D.ieu Roi du monde qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les lumières du jour du souvenir.
2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé ».
« Béni sois-Tu Eternel notre D.ieu Roi du monde qui nous a fait vivre, exister et arriver à cet instant ».
Après la prière du soir, on se souhaite mutuellement : « Lechana Tova Tikatev Veté’hatème » - « Sois inscrit(e) et scellé(e) pour une bonne année ». Après le Kiddouch, on se lave les mains rituellement et on trempe la ‘Halla dans le miel (et ce, jusqu’à Hochaana Rabba, dimanche 16 octobre 2022 inclus).
Ensuite, on trempe un morceau de pomme douce dans le miel et l’on dit la bénédiction : « Barou’h Ata… Boré Péri Haèts » et on ajoute : « Yehi Ratsone Milfané’ha Chéte’hadèche Alénou Chana Tova Oumetouka » (« Que ce soit Ta volonté de renouveler pour nous une année bonne et douce »). Durant le repas, on s’efforce de manger de la tête d’un poisson, des carottes sucrées ou du gâteau au miel, une grenade et, en général, des aliments doux, pas trop épicés, comme signes d’une bonne et douce année.
Lundi 26 septembre 2022, après la prière de Min’ha, on se rend près d’un cours d’eau et on récite la prière de Tachli’h.
Les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de la fête après 20h 24, (en Ile-de-France) à partir de la flamme allumée avant la fête, en récitant les mêmes bénédictions.
On aura auparavant placé sur la table un fruit nouveau, qu’on mangera après le Kiddouch, avant le repas.
Lundi 26 et mardi 27 septembre 2022, on écoute la sonnerie du Choffar (corne de bélier). Si on n’a pas pu l’entendre à la synagogue, on peut encore l’écouter toute la journée.
Roch Hachana se termine mardi 27 septembre 2022 à 20h 25 ; on récite la Havdala (sans épices odorantes et sans la bénédiction « Meoré Haèch » sur la bougie tressée).
Durant les deux jours de Roch Hachana, on évite les paroles inutiles et on s’efforce de lire de nombreux Tehilim (Psaumes).
Il est permis de porter des objets dans la rue les deux jours de Roch Hachana.
Jusqu’à Yom Kippour inclus, on ajoute dans la prière du matin le Psaume 130 et on récite matin et après-midi (sauf Chabbat) la prière « Avinou Malkénou » (« Notre Père, notre Roi »). On ajoute certains passages de supplication dans la prière de la « Amida ». On multiplie les actes de charité et, en général, on s’efforce d’être davantage scrupuleux dans l’accomplissement des Mitsvot.
Mercredi 28 septembre 2022, c’est le jeûne de Guedalia. Il commence (en Ile-de-France) au lever du jour à 6h 12 et se termine à la tombée de la nuit à 20h 15. Il commémore l’assassinat de Guedalia qui fut le dernier gouverneur juif de Judée après la destruction du 1er Temple par les Babyloniens, en 3339 (423 ans avant l’ère commune). Il avait été un homme sage et respecté ; sous son autorité, le reste de la communauté juive restée en Eretz Israël avait prospéré et sa mort causa de grands bouleversements, des massacres et l’exil d’une grande partie de la communauté restante.
Des valises et des prières
C’est au milieu du voyage que les passagers apprirent la terrible nouvelle ; l’Allemagne nazie venait de conquérir la Pologne en une guerre éclair. La Seconde Guerre mondiale avait commencé avec son cortège d’atrocités et les voyages devenaient de plus en plus hasardeux, dangereux ou même impossibles. De nombreux bateaux furent obligés d’accoster dans des ports imprévus ou devinrent la cible de sous-marins ennemis.
Rav Zalman Grossman avait passé cinq années aux États-Unis : envoyé par la Yechiva Ohel Moché de Jérusalem (qui avait été fondée par Rabbi Yehouda Leib Diskin), il avait été chargé d’aller récolter des fonds auprès des Juifs américains au bon cœur.
Au début Rav Zalman avait refusé cette tâche mais avait été forcé d’accepter en constatant la situation catastrophique des finances de l’institution. Depuis, il avait sillonné les États-Unis en long et en large, entassant dans ses valises les billets qu’on lui remettait. Rav Zalman était une personnalité remarquable - pieux et ouvert, généreux et érudit, sociable et souriant : les gens avaient généreusement répondu à ses appels passionnés en faveur de sa Yechiva.
Sa mission s’acheva en août 1939 et il prit le bateau qui devait, en quelques semaines, l’amener au port de Haïfa en Terre sainte, juste à temps pour la fête de Roch Hachana. Mais la guerre venait maintenant d’éclater et tous les plans devaient être revus. Le capitaine s’efforça de contourner les pays dangereux – ce qui retarda le périple. Finalement le bateau accosta sans encombre le matin-même de Roch Hachana : les passagers étaient soulagés d’avoir échappé au pire et se hâtèrent de descendre de l’embarcation qui, de toute manière, devait repartir bientôt ; les marins déposèrent les bagages des voyageurs sur le quai et le bateau reprit la mer.
Rav Zalman ne savait comment agir : ses valises ne contenaient pas que ses affaires personnelles, elles étaient aussi chargées de tout l’argent durement amassé en cinq ans pour couvrir les besoins de la Yechiva ! Mais on était Roch Hachana, le jour du couronnement du Roi, le jour où tout est décidé dans les cieux pour toute l’année à venir mais aussi un jour de fête où il est interdit de toucher et de transporter argent et documents précieux. Les gens autour de lui le pressaient de mettre ses valises à l’abri car s’il les laissait à l’abandon, elles seraient certainement volées. Il hésitait : d’un côté son argent personnel (destiné à couvrir une partie des dettes de sa famille) plus celui de la Yechiva, d’un autre côté les prières avec la communauté à la synagogue, la Mitsva d’écouter le Chofar… Soudain, d’un pas décidé, il partit, laissant sur le quai ses valises. Il se mit à gravir la pente du Mont Carmel et se rendit directement à la synagogue des ‘Hassidim de Karlin, là où il savait pouvoir prier comme ses ancêtres eux aussi ‘Hassidim de Karlin. Le cœur léger, il remerciait silencieusement son Créateur de l’avoir aidé à prendre la bonne décision - quel qu’en soit le prix.
Quand on vit arriver ce ‘Hassid originaire de Jérusalem, on l’accueillit comme un cadeau du Ciel. Tous savaient que Rav Zalman était doué d’une voix à nulle autre pareille et que, grâce à lui, toute la prière de Roch Hachana dans cette petite synagogue atteindrait des niveaux spirituels sublimes.
Cette année-là, Roch Hachana tombait un jeudi – ce qui signifiait que, pendant trois jours, les prières se succéderaient dans une ambiance festive. Rav Zalman se surpassa pour s’attacher à son Roi et entraîner avec lui une communauté ravie d’héberger ce cantor extraordinaire. Quant à lui, il assumait son choix et oublia complètement ses valises…
Ce n’est qu’à la sortie du Chabbat que le responsable de la synagogue, Berel Friedman, lui proposa d’en avoir le cœur net et d’effectuer un petit tour sur les quais. Désabusé, Rav Zalman était conscient du nombre de gens qui avaient sans doute déambulé dans le port et, selon lui, il ne servait à rien de se déplacer.
Et pourtant… Quand ils arrivèrent sur le quai, quelle ne fut pas la surprise de Rav Zalman de constater que ses valises étaient restées sagement à leur place : personne ne les avait même déplacées ! C’était un miracle évident !
Pendant ce temps, à Jérusalem, la famille Grossman s’angoissait : Rav Zalman était supposé arriver à Haïfa mais on avait appris que la guerre avait éclaté… Dès la fin du Chabbat, on avait envoyé quelqu’un à la maison d’un des notables de la ville qui disposait d’un grand luxe : une ligne téléphonique ! On lui demanda la permission de téléphoner à Berel Friedman de Haïfa : peut-être lui qui habitait non loin du port aurait-il des nouvelles… Or, non seulement il avait des nouvelles mais il ne tarit pas d’éloges sur les merveilleuses prières auxquelles sa communauté avait eu droit grâce à Rav Zalman…
L’année suivante, Rav Zalman retourna à Haïfa pour servir la communauté qui l’avait si bien accueilli. Mais il posa ses conditions : il demandait une belle contribution pour la Yechiva des ‘Hassidim de Karlin à Jérusalem !
D’après le livre Gadol Beyisraël – Si’hat Hachavoua N° 1603
Traduit par Feiga Lubecki