Bonne année 5767 !
Est-il bien nécessaire de redire la grandeur de Roch Hachana ? Bien plus qu’un simple jour de l’an comme il en existe dans toutes les sociétés, bien plus qu’un rythme utile pour mesurer le passage du temps, Roch Hachana est cette fête dont tout dépend. «Tête de l’année» plus que «début de l’année», l’expression «Roch Hachana» nous en informe : c’est en ce jour que tout se joue. La métaphore est connue : comme la tête conduit et donne vie à l’ensemble du corps, ainsi Roch Hachana anime chaque instant de l’année nouvelle.
Il ne peut en être moins, c’est du jour du «couronnement du Roi» qu’il s’agit, comparable à cet instant de la création du monde où Adam, le premier homme, appela autour de lui toutes les créatures et les invita ainsi : «Venez, prosternons-nous devant D.ieu, notre Créateur». C’est, en effet, par un tel choix que nous assurons la pérennité de l’univers. Et c’est au son du Choffar, ce lancinant appel lancé par la corne de bélier et qui exprime de manière si profonde les sentiments les plus profonds de chacun, que D.ieu accepte de donner au monde la vie dont il a besoin.
Cette année, le premier jour de Roch Hachana tombant un Chabbat, le Choffar ne retentira que le deuxième jour de la fête. Certes, en soi, ce caractère unique contribue à souligner l’importance de la cérémonie. Et personne ne manquera d’y participer. Pourtant, il y a ici autre chose. Dire que le Chabbat est le premier jour de l’année, c’est dire que toute la vitalité de l’année sera imprégnée de ce caractère essentiel. Le Chabbat, enseignent les sages, est le jour du «délice» au sens le plus élevé, le plus noble du terme. Il porte en lui le délice de D.ieu et celui des hommes. C’est toujours ce délice que chacun ressent lorsqu’il s’assoit, à la table du Chabbat, entouré par les siens, baigné de la douce et intense lumière des bougies qui illuminent le jour. Une année peut être vécue de manières diverses. Celle qui commence aura, en chacune de ses minutes, le goût du Chabbat qui l’a ouverte. Chaque acte des hommes en portera la marque et celui qui le veut en ressentira la beauté quand il le souhaitera.
Sachons-le : à Roch Hachana, nous choisissons le chemin qui nous conduira cette année. Eclairés par la lumière sereine du Chabbat, guidés par l’appel du Choffar, confiants que D.ieu accompagne chacun, nous y avançons et nous savons qu’il nous mène aux plus grandes bénédictions. Pour une année bonne et douce.
La Techouva des Tsadikim
Le Zohar (vol. III, p. 153b) enseigne que «le Machia’h viendra pour faire faire Techouva aux Tsadikim». En d’autres termes, à ce moment, les Justes reviendront pleinement à D.ieu. Pourtant, on sait que la dénomination de «Tsadik» ou Juste s’applique à l’homme que rien ne détache jamais de la Divinité. Comment pourrait-il donc avoir à «revenir à D.ieu» ?
Le Talmud (traité Chabbat, p. 153a) déclare que «l’homme doit consacrer toute sa vie à la Techouva». C’est dire que même les Justes y ont leur part mais quelle peut-elle être ? En fait, quand un de ces hommes si élevés abandonne, ne serait-ce qu’un instant, le degré de prière ou d’étude de la Torah auquel il se tient, cela est déjà qualifié de «chute». Pour cela, la Techouva est également nécessaire.
(d’après Or Hatorah sur Chir Hachirim, p. 788)
Roch Hachana
Le passe-partout
Une année, avant Roch Hachana, Rabbi Israël Baal Chem Tov s’adressa à Rabbi Zeev Kitzes, l’un de ses disciples vétérans : «C’est toi qui sonneras du Choffar pour nous, ce Roch Hachana. Je veux que tu étudies toutes les Kavanot (méditations cabalistiques) concernant le Choffar afin de pouvoir y méditer lorsque tu le feras retentir».
Rabbi Zeev s’appliqua à la tâche avec joie et frémissement : la joie devant le grand privilège qui lui avait été accordé et le frémissement devant l’immensité de la responsabilité. Il étudia les écrits de la Cabale qui discutent des facettes multiples de la signification du Choffar et de l’impact de ses sonneries dans tous les niveaux du monde matériel et dans les tréfonds de l’âme. Il prépara également une feuille de papier sur laquelle il nota les points principaux de chaque Kavanah afin de pouvoir s’y référer quand il sonnerait du Choffar.
Finalement le grand jour arriva. C’était le matin de Roch Hachana et Rabbi Zeev se tenait sur la Bimah, au centre de la synagogue du Baal Chem Tov, au milieu des rouleaux de la Torah et entouré par une mer de corps enveloppés dans leur Talith. Son Maître, le Baal Chem Tov était à sa place, au fond de la pièce, le visage enflammé. Un silence chargé de crainte devant la majesté du moment remplissait la salle : on attendait les sonneries et les sanglots du Choffar.
Rabbi Zeev mit la main dans sa poche et son cœur s’arrêta de battre : le papier avait disparu ! Il se rappelait très distinctement l’y avoir placé le matin même, mais maintenant, il n’y était plus. Il fouilla nerveusement sa mémoire pour y faire resurgir ce qu’il avait étudié mais son désespoir devant la disparition de ses notes semblait avoir gelé son cerveau : son esprit était dans un vide absolu. Des larmes de frustration emplirent ses yeux. Il allait décevoir son Maître qui lui avait confié la tâche la plus sacrée. Maintenant il allait devoir souffler dans le Choffar comme dans un simple cor, sans Kavanot. Avec un cœur empli d’accablement, Rabbi Zeev souffla la litanie de sons requis par la loi et, évitant le regard de son Maître, rejoignit sa place.
A la conclusion des prières du jour, le Baal Chem Tov se dirigea vers le coin de la synagogue où Rabbi Zeev était assis, sanglotant dans son Talith.
«‘Hag Saméa’h, Reb Zeev, nous avons entendu aujourd’hui une sonnerie du Choffar exceptionnelle !».
«Mais Rabbi, je…»
«Dans le palais du Roi, dit le Baal Chem Tov, il existe de nombreux portails et de nombreuses portes conduisant à de multiples salles et pièces. Les gardiens du palais détiennent de grands anneaux auxquels sont accrochées d’innombrables clés, chacune ouvrant une porte différente. Mais il y a une clé qui ouvre tous les verrous, le passe-partout ouvre toutes les portes.
Les Kavanot sont des clés, chacune ouvrant une autre porte de notre âme, chacune permettant d’accéder à une autre chambre dans les mondes célestes. Mais il y a une clé qui déverrouille toutes les portes, qui ouvre les pièces les plus intérieures du palais divin. Et cette clé-là, c’est un cœur brisé.»
Les dards sucrés
A Roch Hachana, nous mangeons des pommes et du miel pour une nouvelle année douce. Mais pourquoi particulièrement des pommes et du miel ? Il existe de nombreux aliments sucrés. Qu’y a-t-il de particulier dans ceux-là ?
Il existe une différence entre la douceur d’une pomme et celle du miel. La pomme est un fruit sucré qui pousse sur un arbre. Il n’y a rien d’étonnant à cela, de nombreux fruits sont sucrés. Mais le miel vient de l’abeille, un insecte qui non seulement n’est pas comestible mais en outre possède un dard qui pique. Pourtant, le miel est plus sucré que la pomme !
De la même façon, dans notre vie, nous connaissons deux types de douceur : nous vivons des moments de célébration familiale, de succès professionnel, de triomphes personnels et de relations harmonieuses. Ce sont de doux moments comme la douceur de la pomme. Mais il existe également un type de douceur différent : celle qui survient après des moments de difficulté. Quand les choses ne vont pas comme nous aimerions qu’elles aillent, quand la tragédie frappe, quand notre travail est en péril, quand nous échouons à atteindre les buts que nous nous sommes assignés, quand nos relations sont tendues et menacées, quand nous nous sentons seuls.
Quand nous affrontons ces défis de l’existence, ils semblent amers et insurmontables, comme la piqûre d’une abeille. Mais si nous sommes forts et supportons ces moments si difficiles, si nous surmontons les obstacles à notre propre bonheur, nous révélons des aspects de notre personnalité que nous n’aurions jamais concrétisés sans l’épreuve. Quelque chose de plus profond émerge quand nous relevons un défi. La tension dans une relation est douloureuse mais il n’existe rien de meilleur que la réconciliation qui suit. Perdre un emploi est dégradant mais il est plus que fréquent de retrouver mieux et plus grand pour continuer. La solitude peut ronger mais elle peut aussi conduire à des niveaux supérieurs de connaissance de soi. Nous expérimentons tous dans notre vie des événements douloureux mais rétrospectivement, souvent, nous prenons conscience qu’ils nous ont permis de grandir.
Ainsi, nous mangeons des pommes et du miel le premier jour de la nouvelle année. Nous nous bénissons mutuellement pour que, dans l’année à venir, les pommes apportent la douceur et que le dard des abeilles soit encore plus doux !
Que fait-on la veille de Roch Hachana (cette année vendredi 22 septembre 2006) ?
On ne récite ni le Ta’hanoune ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d’Elloul) et l’obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes, chacun récite le texte de «Hatarat Nedarim», l’annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu’on n’aurait pas accompli tout ce qu’on a promis l’année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d’une telle promesse si on n’a pas tenu les promesses de l’année précédente ?
On se coupe les cheveux, on s’immerge dans le Mikvé (bain rituel) et on revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsedaka en s’assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu’ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsedaka (charité) l’argent équivalent aux repas consommés (en général une somme multiple de 18-180-1800, 18000).
F. L. (d’après «Cheva’h Hamoadim» - Rav Shmuel Halevy Hurwitz)
Que fait-on à Roch Hachana ?
Vendredi 22 septembre, après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de Roch Hachana (avant 19h 30, horaire de Paris) avec les bénédictions suivantes :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Vechel Yom Hazikarone»; et 2): «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du Chabbat et du Jour du Souvenir.
Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde qui nous a fait vivre, exister et parvenir jusqu’à cette époque.
Après la prière du soir, on se souhaite mutuellement : «Lechana Tova Tikatev Veté'hatème» – «Sois inscrit(e) et scellé(e) pour une bonne année». Après le Kiddouch, on se lave les mains rituellement et on trempe la 'Hallah dans le miel et non dans le sel (et ce, jusqu'à Hochana Rabba, vendredi 13 octobre 2006 inclus).
Ensuite on trempe un morceau de pomme douce dans le miel, on dit la bénédiction : «Barou’h…. Boré Peri Haètz» et on ajoute : «Yehi Ratsone Milfané'ha Chete'hadèche Alénou Chana Tova Oumetouka» («Que ce soit Ta volonté de renouveler pour nous une année bonne et douce»). Durant le repas, on s'efforce de manger de la tête d'un poisson, des carottes sucrées, du gâteau au miel, une grenade et, en général, des aliments doux, pas trop épicés, comme signes d'une bonne et douce année.
On aura auparavant placé sur la table un fruit nouveau, qu'on mangera durant le repas.
Samedi soir 23 septembre, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de la fête (après 20h 34, horaire de Paris) à partir d'une flamme allumée avant la fête, avec les bénédictions suivantes :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Ner Chel Yom Hazikarone» ; et 2) «Barou'h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
Dimanche 24 septembre, on écoute la sonnerie du Choffar. Si on n'a pas pu l'entendre à la synagogue, on peut encore l'écouter toute la journée.
Dans l’après-midi, après la prière de Min'ha, on se rend près d'un cours d'eau et on récite la prière de Tachli'h.
Durant les deux jours de Roch Hachana, on évite les paroles inutiles et on s'efforce de lire de nombreux Téhilim (Psaumes).
Jusqu'à Yom Kippour inclus, on ajoute dans la prière du matin le Psaume 130 et on récite matin et après-midi (sauf Chabbat) la prière «Avinou Malkénou» («Notre Père, notre Roi»). On ajoute certains passages de supplication dans la prière de la «Amida». On multiplie les actes de charité et, en général, on s’efforce d’être davantage scrupuleux dans l’accomplissement des Mitsvot.
F. L.
Dix-huit lettres
- Excusez-moi ! Puis-je vous parler ? Juste quelques minutes !
Pnina se tourna vers la femme aux cheveux argentés qui, visiblement, n’avait pas l’habitude de fréquenter la synagogue : «Oui, bien sûr, répondit-elle poliment. Mais, s’il vous plaît, attendons la fin de la prière !».
La femme, rassurée, accepta. Elle avait de beaux yeux bleus, d’un bleu remarquable comme Pnina n’en avait jamais vus : «Je voudrais vous parler en privé, c’est un sujet qui me tient à cœur et j’ai du mal à en parler…».
Pourquoi justement moi ? se dit Pnina. Après tout, la synagogue est pleine de femmes qui me ressemblent…
Elle continua à prier tout en remarquant que la femme ne la quittait pas des yeux. Celle-ci avait trouvé un livre de prières traduit et tentait de prier elle aussi. Apparemment, elle ignorait quand il fallait se lever, quand on pouvait s’asseoir et semblait en proie à un bouleversement intérieur profond.
Justement aujourd’hui ! Le dernier Chabbat de l’année ! Pnina avait réussi à habiller tous ses enfants pour qu’ils soient présentables à la synagogue, elle avait rangé la maison et avait presque couru pour ne pas être trop en retard. Quand elle avait enfin atteint le moment de la «Amida» et qu’elle s’était levée, le rabbin commença son discours : tous les fidèles s’étaient assis et la dame derrière elle semblait hésiter : se lever comme Pnina ou s’asseoir comme les autres et écouter le sermon ? Finalement elle préféra - au grand soulagement de Pnina - imiter la majorité et s’assit tout en continuant à observer Pnina. Celle-ci termina la Amida et se rassit tout en adressant un sourire à la dame qui la remercia silencieusement avec un visage rayonnant.
Quand l’office s’acheva, la galerie des dames se vida lentement. Pnina invita la femme à s’asseoir en face d’elle près d’une table dans un coin.
- Je m’appelle Goldie Steinberg, murmura-t-elle. C‘est bientôt Roch Hachana…
Pnina trouvait cette phrase inutile : tous les enfants du Gan (jardin d’enfants) savaient que c’était bientôt Roch Hachana, la nouvelle année…
- Et il faut absolument que je parle à mon frère et à ma voisine ! continua Goldie.
Pnina était étonnée. Elle attendit la suite, mais Goldie se tut tout en dévisageant son interlocutrice avec ses yeux bleus si intenses. Puis elle s’expliqua : «Cela fait cinq ans que je n’ai pas parlé à mon frère ! Et six mois que je ne parle plus à ma voisine !».
Elle parlait un peu plus haut maintenant et plusieurs femmes s’étaient approchées d’elles et s’intéressaient à leur conversation.
- Cinq ans ? remarqua Pnina. Et les autres Roch Hachana, vous n’avez pas tenté de renouer les liens avec votre frère ?
- Oui, je sais, chaque Roch Hachana, je me dis que je devrais remédier à la situation mais cette année, j’ai décidé de demander conseil et c’est pourquoi je me suis rendue à la synagogue encore avant la nouvelle année pour en discuter avec la personne qui me paraîtra la plus apte à m’aider.
Apparemment Goldie ne cherchait plus à parler en privé et ne se gênait pas devant les autres femmes qui écoutaient leur conversation.
- Et pourquoi n’en discutez-vous pas avec le rabbin ? tenta encore Pnina.
- Non, non ! s’exclama Goldie. Jamais de ma vie je n’ai parlé avec un rabbin !
- Alors, avec la femme du rabbin… ?
La femme du rabbin était encore assise non loin de là. Elle parlait avec Myriam et Chochana. Pnina regretta ce qu’elle venait de proposer car cela faisait déjà quelques mois qu’elle était en froid avec Chochana, elle ne savait d’ailleurs plus très bien pourquoi…
- Non ! Je préfère parler avec vous plutôt qu’avec quelqu’un d’officiel ! Vous avez l’air très sympathique, pratiquante et agréable ! Je suis sûre que vous ne vous êtes jamais mise en colère contre quiconque, surtout pas contre un frère ou une voisine… Mais moi, j’en veux terriblement à mon frère et à ma voisine. Cependant, quand j’y réfléchis bien, ce qu’ils m’ont fait n’est pas très grave, mais je ne peux pas reprendre les relations à présent juste comme si de rien n’était… Je suis sûre que vous, cela ne vous arrive jamais !
Pnina rougit et remarqua que les autres dames semblaient elles aussi mal à l’aise.
- Que s’est-il passé exactement ? demanda-t-elle encore.
- Heu… mon frère m’a dit des mots qui m’ont blessée… Du moins, sur le coup. A y réfléchir à tête reposée, je me suis aperçue que ce n’était pas si grave que cela… Lui, il a tenté de me téléphoner plusieurs fois, mais chaque fois que j’entendais sa voix, j’ai raccroché. Il m‘a écrit des lettres, mais je les ai jetées au panier sans même les ouvrir. Quant à la voisine, je lui avais demandé de me prêter un mixeur mais elle m’avait répondu qu’il était endommagé. J’ai cru qu’elle m’accusait de l’avoir cassé la dernière fois que je l’avais emprunté et cela m’a vexée. Mais au fond, peut-être voulait-elle dire que c’était elle qui l’avait abîmé… Toujours est-il que je ne lui parle plus, bien qu’elle ait tenté plusieurs fois de m’inviter pour les repas du vendredi soir…
- Que comptez-vous faire alors ?
- Justement ! Je viens vous demander conseil !
- Téléphonez-leur et expliquez que vous vous excusez…
- Non ! C’est terrible ! Jamais je ne pourrais dire cela ! De plus, avec mon frère, je ne me souviens même plus pourquoi exactement je suis fâchée…
Toutes les femmes se mêlaient maintenant de la conversation, Sarah, Ronit, Anat et d’autres…
- Attendez encore quelques jours et vous y verrez plus clair ! suggéra Esther.
- Quelques jours ? Mais cette semaine, c’est Roch Hachana ! soupira Goldie, angoissée. Je ne suis peut-être pas aussi pratiquante que vous, je ne fréquente que très rarement la synagogue mais l’année dernière, le rabbin avait recommandé dans son discours de régler avant Roch Hachana les différends entre un homme et son prochain. Il avait expliqué que les ressentiments à l’intérieur des familles ou entre les voisins causent une séparation entre D.ieu et Son peuple et gênent la prière. Je n’ai peut-être pas tout compris dans son sermon, mais je sais qu’avant Roch Hachana, je dois arranger tout cela !
Chacune des femmes présentes réfléchissait et se sentait… mal à l’aise en pensant qu’elle aussi, peut-être, un jour...
- Peut-être une lettre ? suggéra Yehoudit.
- Oui, exactement ! s’exclama Goldie. Mais comment la commencer ?
- Heu… Ecrivez d’abord que… de fait vous avez envie de les revoir, que les liens se sont relâchés mais que vous êtes prête à les renouer…
Goldie avait les larmes aux yeux : «Vous êtes formidables ! J’avais raison de venir vous demander conseil ! Dès ce soir, j’écrirai ces deux lettres !».
* * *
Le même soir, ce sont dix-huit femmes qui envoyèrent des lettres commençant à peu près de la même façon, Pnina à Chochana, Esther à sa sœur, Yehoudit à son amie…
* * *
À Roch Hachana, la synagogue était pleine à craquer. Et cette année, la prière fut différente, plus vivante ; on pourrait presque dire plus souriante car chacune souriait à l’autre, même à celle avec laquelle elle n’avait pas échangé un mot l’année passée…
Goldie priait elle aussi et les larmes coulaient sur son livre de prières traduit. Avait-elle conscience que, grâce à elle… ?
Quelqu’un attendait Goldie à la sortie de la synagogue, un monsieur aux tempes argentées et aux yeux bleus, d’un bleu indescriptible… ! Tous deux se dirigèrent dans la rue de Goldie : ils étaient invités pour le repas de fête chez sa voisine…
Attendries, les dames de la synagogue suivaient Goldie des yeux : celle-ci pouvait-elle seulement s’imaginer tous les problèmes que sa conversation de Chabbat dernier avait contribué à résoudre dans cette communauté ?
Ruth Binyamine
The Jewish Homemaker
Michpa’ha ‘Hassidit
traduite par Feiga Lubecki