Un temps nouveau
Voici que, sur nos calendriers, un nouveau nombre apparaît. L’année qui commence porte le numéro 5766 et, en soi, c’est déjà une nouveauté impressionnante pour nos esprits trop facilement routiniers. Cette seule constatation pourrait nous laisser voir que Roch Hachana se limite à cette modification-là: une unité supplémentaire ajoutée au décompte du temps. Pourtant, il n’en est rien.
A Roch Hachana, jailli du plus profond du cœur de chacun, un cri retentit. Inarticulé car trop puissant pour que les mots puissent le circonscrire, il remplit les synagogues. Ce cri, présent en l’âme de chacun, c’est le Choffar qui l’exprime. Il proclame que D.ieu est le Roi de l’univers et que Son peuple Le désigne comme tel.
N’est-il pas étrange que, pour une si grande solennité, on ait recours à un instrument si primitif: une simple corne? Une musique plus sophistiquée n’aurait-elle pas été plus appropriée? C’est que justement, en un tel jour, les artifices n’ont pas leur place. C’est la sincérité du cri qui importe ici.
Lorsque Roch Hachana revient, nous sommes ainsi invités à un grand rendez-vous: celui de chacun avec son Créateur et, d’une certaine manière, avec soi-même. Lorsque, le jour où la nouvelle année commence, nous nous retrouvons à la synagogue, que nous écoutons le Choffar et affirmons ainsi notre attachement à D.ieu, nous savons que le monde ne sera plus jamais le même. Nous savons que nos actes, à la modeste place qu’ils occupent, ont en eux ce pouvoir de réaliser un bouleversement profond et durable.
On dit parfois que les temps que nous vivons sont difficiles, voire lourds de menaces. Lorsque revient Roch Hachana, nous prenons conscience qu’une année véritablement nouvelle commence, qu’elle peut être porteuse de toutes les bénédictions, qu’il nous appartient de les faire se concrétiser par nos actions de chaque instant. Le Choffar est ici comme une clé qui nous ouvre la porte de demain.
Il faut savoir l’entendre afin que cette année soit non seulement bonne et douce mais aussi celle où il retentira, signe annonciateur de la Délivrance.
A la fin de l’exil
“A l’approche du temps de Machia’h... chaque jour, la malédiction est plus grande que la veille”. C’est en ces termes que le Talmud (Sotta 49a) décrit la période qui débouchera sur l’ère tant attendue. Cette phrase ne laisse pas que d’être étonnante. En effet, pourquoi insister avec une telle force sur des événements essentiellement négatifs même si leur aboutissement est positif ? A quoi sert de savoir qu’après tant de siècles d’attente, c’est à une telle situation que l’on doit arriver ?
Pourtant cette assurance est nécessaire. Si la Torah ne nous l’avait pas faite, nous aurions pu désespérer car nous n’aurions pas compris comment une telle évolution est possible. Nous aurions perdu le courage de lutter pour l’accomplissement des choses. C’est pourquoi la Torah prend soin de nous informer qu’à la fin de l’exil, la situation sera difficile. Ainsi nous gardons espoir et nous poursuivons notre œuvre spirituelle de Torah et de Mitsvot sachant que les temps sont proches.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch
19 Tévet 5742)
Roch Hachana : une sonnerie en trois dimensions
C’est un commandement positif de la Torah d’écouter la sonnerie du Choffar à Roch Hachana, comme il est statué : «ce sera un jour de sonnerie du cor pour vous» (Michné Torah, Lois du Choffar, 1 :1).
Bien que la sonnerie du Choffar à Roch Hachana soit un décret de la Torah, elle y fait également allusion. Elle dit : «Réveillez-vous, dormeurs, de votre sommeil, et assoupis, levez-vous de votre assoupissement ; cherchez dans vos actes et revenez par la Techouva…» (Ibid, Lois de Techouva 3 :4).
Dites devant Moi [des versets de] royauté, pour que vous Me couronniez sur vous… Comment ? Avec le Choffar (Talmud, Roch Hachana 16a).
Une Mitsva est un commandement, un décret divin. Le mot Mitsva signifie également «lien», car elle lie son observant terrestre à son Commandant céleste.
L’homme est, par définition, fini et mortel; D.ieu est infini, immortel et absolument au-delà de toute atteinte ou de toute définition. Aussi, rien qui soit généré par l’humain ne peut-il se relier à D.ieu. La possibilité d’une relation ne peut venir que de l’autre direction : quand D.ieu Qui transcende toute définition (y compris les catégorisations de «fini» et «d’infini») choisit de Se relier à l’homme et de permettre à l’homme de se relier à Lui. En nous commandant les Mitsvot, D.ieu permet à certains actes matériels de constituer l’accomplissement de Sa volonté. En accomplissant ces actes, nos corps et nos âmes deviennent les instruments de la volonté supérieure et l’homme peut alors toucher le Divin.
A cette lumière, les détails d’une Mitsva semblent n’avoir aucun intérêt. Ce qui est significatif n’est pas ce que D.ieu nous commande de faire, mais le fait que D.ieu nous commande de le faire. Selon les mots de Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, «si D.ieu nous avait ordonné de couper du bois», c'est-à-dire un acte dénué de toute utilité sociale, expérimentale ou spirituelle, cela n’en serait pas moins une Mitsva que le précepte le plus «moral» ou l’observance la plus émouvante qui nous est commandée dans la Torah.
Le retour
Les Mitsvot créent une relation entre l’homme et D.ieu, l’homme réalisant la volonté divine. Mais D.ieu nous donne également un moyen de nous lier à Lui encore plus profond: la Techouva.
La Techouva est communément traduite par «repentance», mais le mot signifie en fait «retour». La Techouva est le remède prescrit par D.ieu pour celui qui a violé une Mitsva et inclut trois étapes fondamentales : la cessation de la transgression, la réalisation et la confession, et la résolution de ne plus jamais transgresser. Par une bonne Techouva, la transgression est pardonnée et la tache infligée sur l’âme du transgresseur effacée. La Techouva a même le don de «transformer les péchés en vertus» et élève le Baal Techouva (pénitent) à un niveau que «même le juste parfait ne peut atteindre».
Le fait que la Techouva puisse rectifier une violation d’une Mitsva signifie qu’elle va au-delà des paramètres du lien créé entre l’homme et D.ieu par les Mitsvot. De la perspective des Mitsvot, l’homme se lie à D.ieu en accomplissant Sa volonté. Une violation de la volonté divine obtient l’effet opposé : non seulement il n’est plus lié mais il s’est encore plus distancé de D.ieu. Dans ce contexte, une transgression restera toujours un événement négatif. Il peut être absous par la punition ou même être pardonné par D.ieu dans Sa grande miséricorde ; le lien peut être rétabli par un nouvel engagement à l’accomplissement des Mitsvot. Mais le fait reste que, dans le passé, il y a eu une rupture dans la relation. Ce fait ne peut être défait et certainement pas considéré comme une vertu.
Cependant, la Techouva redéfinit le passé, transformant la transgression qui était une rupture dans la relation en un agent de relation encore plus profonde. Quand un individu regrette ses péchés et souffre de s’être déconnecté de D.ieu, sa douleur se traduit en une aspiration à D.ieu plus intense que tout ce que peut ressentir le juste parfait. Tout comme un miroir renvoie un rayon de lumière bien plus intense que le rayon brillant directement de sa source, ainsi le Baal Techouva retourne-t-il vers D.ieu avec une passion et une intensité plus fortes que celles de celui qui ne s’est jamais éloigné du droit et véritable chemin du lien avec D.ieu par l’intermédiaire des Mitsvot. La transgression devient une vertu car la distance et la rupture qu’elle a engendrées se sont transformées en une force pour un rapprochement plus intense et plus profond.
La Mitsva et l’allusion
C’est ici que réside la signification des deux passages du Michné Torah de Maïmonide cité ci-dessus.
Dans le premier passage, qui est la loi qui ouvre la section des Lois du Choffar, Maïmonide définit la sonnerie du Choffar à Roch Hachanah comme une Mitsva, un commandement divin. Il ne donne aucune raison à cette Mitsva, comme c’est en fait le cas pour pratiquement toutes les Mitsvot dont il codifie les lois.
Mais la sonnerie du Choffar est plus qu’une Mitsva. Le son de cet instrument, celui d’un enfant sanglotant à la recherche de son père qu’il a abandonné, réveille nos cœurs à un retour vers D.ieu et restaure et intensifie la relation que nous avons endommagée à cause de nos transgressions. Comme l’écrit Maimonide dans les Lois de la Techouva, «Bien que la sonnerie du Choffar à Roch Hachana soit un décret de la Torah, elle y fait aussi allusion. Elle dit «réveillez-vous, dormeurs. Recherchez dans vos actes et retournez par la Techouva». Notez que Maimonide parle du réveil par le Choffar à la Techouva comme d’une «allusion» plutôt que comme étant une «raison» ou une «fonction» du Choffar. Car l’élément du Choffar qui évoque la Techouva, bien plus spirituel que l’élément de la Mitsva, ne peut faire partie de la Mitsva. Au meilleur des cas, le Choffar ne peut qu’y faire allusion, tout comme une allusion laisse entendre que quelque chose réside en dessous de la signification apparente. C’est également la raison pour laquelle le passage mentionné apparaît dans les Lois de la Techouva plutôt que dans les Lois du Choffar.
Le couronnement
Il existe un troisième sens à la sonnerie du Choffar touchant un niveau de relation entre l’homme et D.ieu qui va encore plus loin que ceux forgés par les Mitsvot et la Techouva. Un niveau si sublime qu’il ne trouve aucune expression dans la loi, ni comme composante d’une Mitsva ni même comme une «allusion». Le Choffar est également la sonnerie de la trompette du couronnement de D.ieu comme Roi de l’univers.
Roch Hachana est décrit comme «le jour [qui marque] le commencement de Ton œuvre, un rappel du premier jour». En fait, Roch Hachana marque le sixième jour de la création, celui de la création de l’homme. Néanmoins, il est considéré comme «le commencement de Ton œuvre» et «le premier jour», puisque la réalisation du dessein divin dans la création commença avec les premiers actes du premier homme.
La création inclut des créatures qui sont «inférieures» (c’est-à-dire moins spirituelles) à l’être humain (animaux, objets inanimés) tout comme des créatures supérieures (âmes, anges, «mondes» ou réalités spirituelles). Mais l’homme est la seule créature qui possède le libre arbitre, un attribut qu’il ne partage qu’avec le Créateur. Ainsi, l’apparition de l’homme sur la surface de la terre introduisit-elle une nouvelle dynamique dans la création, une dynamique qui est «le commencement de Ton œuvre», le but, la fin et l’essence de la Création.
Dans la terminologie de la Cabbale et du ‘Hassidisme, jusqu’au premier Roch Hachana, D.ieu était le «dirigeant» de l’univers, non son «roi». Un roi (Mélé’h, en hébreu) est celui que les sujets ont librement choisi pour se soumettre à sa souveraineté; un tyran qui dirige par la force n’est pas un roi mais un dirigeant (Mochel). Quand le premier homme ouvrit ses yeux, reconnut son Créateur et choisit de Le servir (comme cela est relaté dans le Zohar), D.ieu devint roi. Son but dans la création, fut qu’alors un monde, dans lequel Il a choisi de cacher presque entièrement Sa présence, choisisse, par sa propre volonté, de s’unir avec Lui.
Chaque année, à l’anniversaire du jour où notre premier ancêtre se soumit à la souveraineté divine, nous renouvelons le couronnement de D.ieu par les hommes comme roi de l’univers. Nous exprimons notre désir qu’Il règne sur nous, réitérons notre engagement à Le servir et célébrons Son acceptation de la royauté avec la crainte empreinte de joie qui caractérise un couronnement. C’est là l’élément primordial de notre relation avec Lui : plus essentiel que celui des Mitsvot et que celui du lien créé par la Techouva. Car les concepts de «commandement» et de «transgression» (l’impact et la dynamique de la Techouva) n’ont de sens qu’après que l’on ait accepté l’autorité de celui à qui l’on obéit ou l’on désobéit.
Le Choffar retentit. L’oreille entend un son clair, simple, sans nuance et sans notes ; un décret divin a été accompli, un lien établi. Une oreille plus intérieure entend un sanglot de regret, un sanglot qui exprime la souffrance de se trouver loin et l’aspiration à revenir à un lien plus profond et plus passionné. Mais l’âme de l’oreille entend la série de sonneries de la trompette du couronnement qui pose, chaque année, les fondements de la relation entre l’homme et D.ieu et la raison d’être de la création.
Le coin de la Hala’ha
Qu’est-ce que les Seli’hot ?
Les Seli’hots sont des prières de supplication qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte et l’humilité requises.
Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 24 septembre 2005 vers 1 h 30. Puis on récite les Seli’hot, à partir du lundi 26 septembre 2005, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les « bénédictions du matin » ainsi que les bénédictions de la Torah.
On ne commence les Seli’hot qu’en présence de dix hommes adultes (plus de treize ans) afin de pouvoir prononcer le Kaddich.
Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les « Treize Attributs de Miséricorde » et le « Vidouy » (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les « Treize Attributs » ni les prières en araméen.
L’officiant s’enveloppe d’un « Talit » (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.
L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (lundi 3 octobre 2005) où les Seli’hot sont particulièrement longues.
Que fait-on la veille de Roch Hachana ?
On ne récite ni le Ta’hanoune ni les Psaumes 20 et 86 durant la prière du matin. On ne sonne pas le Choffar, afin de marquer la différence entre la coutume (du mois d’Elloul) et l’obligation (de Roch Hachana).
En présence de dix hommes, chacun récite le texte de «Hatarat Nedarim», l’annulation des vœux, afin de ne pas commencer la nouvelle année tant qu’on n’aurait pas accompli tout ce qu’on a promis l’année précédente : en effet, à Roch Hachana, chacun promet de mieux faire. Mais quelle serait la valeur d’une telle promesse si on n’a pas tenu les promesses de l’année précédente ?
On se coupe les cheveux, on s’immerge dans le Mikvé (bain rituel) et on revêt les vêtements de fête car on est confiant que D.ieu jugera chacun avec miséricorde.
On augmente les dons à la Tsédaka en s’assurant que chacun a de quoi faire face aux dépenses de la fête.
Nombreux sont ceux qui se rendent au cimetière sur les tombes des êtres chers disparus et des Tsadikim (Justes) afin qu’ils intercèdent en faveur de leurs descendants et de leurs fidèles.
De nos jours, on évite de jeûner et on préfère donner à la Tsédaka (charité) l’argent équivalent aux repas consommés.
F. L. (d’après « Cheva’h Hamoadim » - Rav Shmuel Halevy Hurwitz)
Que fait-on à Roch Hachana ?
Lundi 3 octobre, après avoir mis des pièces à la Tsédaka, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de Roch Hachana (avant 19h 07, horaire de Paris) avec les bénédictions suivantes :
1) «Barou'h Ata Ado-naï Elo'hénou Mélè'h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Ner Chel Yom Hazikarone»; et
2) (2): «Barou'h Ata Ado-naï Elo'hénou Mélè'h Haolam Chéhé'héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé».
Après la prière du soir, on se souhaite mutuellement : «Lechana Tova Tikatev Veté'hatème» – «Sois inscrit(e) et scellé(e) pour une bonne année». Après le Kiddouch, on se lave les mains rituellement et on trempe le pain dans le miel et non dans le sel (et ce, jusqu'à Hochaana Rabba, lundi 24 octobre inclus).
Ensuite, on trempe un morceau de pomme douce dans le miel et on dit la bénédiction: «…Boré Péri Haets» et on ajoute : «Yehi Ratsone Milfané'ha Chété'hadèche Alénou Chana Tova Oumetouka» («Que ce soit Ta volonté de renouveler pour nous une année bonne et douce»). Durant le repas, on s'efforce de manger de la tête d'un poisson, des carottes sucrées ou du gâteau au miel,, une grenade et, en général, des aliments doux, pas trop épicés, comme signes d'une bonne et douce année.
Mardi après-midi, après la prière de Min'ha, on se rend près d'un cours d'eau et on récite la prière de Tachli'h.
Mardi soir 4 octobre, les femmes, les jeunes filles et les petites filles allument les bougies de la fête (après 20h 11, horaire de Paris) à partir d'une flamme allumée avant la fête, en récitant les mêmes bénédictions que la veille.
On aura auparavant placé sur la table un fruit nouveau, qu'on mangera durant le repas.
Mardi 4 et mercredi 5 octobre, on écoute la sonnerie du Choffar. Si on n'a pas pu l'entendre à la synagogue, on peut encore l'écouter toute la journée.
Durant les deux jours de Roch Hachana, on évite les paroles inutiles et on s'efforce de lire de nombreux Téhilim (Psaumes).
Jusqu'à Yom Kippour inclus, on ajoute dans la prière du matin le Psaume 130 et on récite matin et après-midi (sauf Chabbat) la prière «Avinou Malkénou» («Notre Père, notre Roi»). On ajoute certains passages de supplication dans la prière de la «Amida». On multiplie les actes de charité et, en général, on s’efforce d’être davantage scrupuleux dans l’accomplissement des Mitsvot.
F. L.
Dans quelle synagogue ?
Quelques jours après Roch Hachana, Rav Yossef Groner qui, avec son épouse, s’occupe de la communauté de Charlotte (Caroline du Nord), s’apprêtait à quitter la synagogue après l’office du matin. C’est alors qu’entra M. Walter Schechter, tout excité :
“Mes amis ! Ecoutez bien ce que je vais vous raconter ! Vous savez que je joue toutes les semaines au tennis avec mon ami Larry. Sa fille, Debra, habite à Los Angeles. Elle a une très bonne situation et est très bien installée. En ce qui concerne le judaïsme, disons… qu’elle n’a pas les mêmes opinions que son père. Celui-ci lui a téléphoné juste avant Roch Hachana pour lui souhaiter une bonne et douce année. Il lui a aussi recommandé de se rendre à la synagogue : “Debra ! Tu sais que Roch Hachana est un jour important ! Un jour durant lequel un Juif se rattache à D.ieu et à la communauté. De plus, tu écouteras le Choffar, ce qui est une Mitsva très importante !”.
“Papa, je t’en prie, laisse-moi tranquille. Pour moi, tous ces trucs spirituels ne signifient pas grand-chose. De plus, j’ai un travail fou en ce moment et je ne peux pas me permettre ce genre de sorties !”
Larry n’a pas insisté. Il aime trop sa fille pour engager une discussion. Il s’est contenté de renouveler ses vœux et d’espérer qu’elle serait plus réceptive une autre fois.
Le lendemain de Roch Hachana, Larry a reçu un coup de fil de sa fille. Elle était bouleversée par ce dont elle avait été témoin : le matin de Roch Hachana, sans doute à l’heure où Larry priait dans sa synagogue à Charlotte, elle marchait sur Wilshire Boulvard pour se rendre à son bureau. En attendant de traverser la route à un feu rouge, elle a aperçu un jeune homme barbu, avec un chapeau et une redingote typiquement ‘hassidique qui s’approchait d’un clochard, assis juste devant un magasin. Et voilà ce qu’elle a entendu :
“Bonjour Monsieur !”
Etonné, le clochard a regardé le ‘Hassid comme pour dire : “Personne ne m’appelle Monsieur ! Et personne ne me souhaite Bonjour !”
“Bonjour, Monsieur” répéta le ‘Hassid, un peu plus fort.
Plus de doute. Le clochard comprit que le ‘Hassid s’adressait bien à lui. Son visage s’illumina.
“J’espère que je ne vous dérange pas mais… êtes-vous juif ?”
“Oui ! Je m’appelle David !”
“Aujourd’hui, David, c’est le début de la nouvelle année juive, c’est Roch Hachana ! Et nous sonnons dans le Choffar, une corne de bélier dont le son nous rappelle la présence de D.ieu, du Roi du monde ! Avez-vous déjà entendu le Choffar aujourd’hui, David ?”
“Heu… non !”
Le ‘Hassid a sorti le Choffar de son sac. Il a enlevé sa Kippa de dessous son chapeau et l’a posée sur les cheveux longs et crasseux de David. Il lui a fait réciter les bénédictions et a sonné le Choffar.
“Papa, dit Debra, en voyant cet homme religieux agir aussi gentiment envers ce pauvre homme dont la plupart des gens s’écartent avec gêne, j’ai ressenti un profond sentiment religieux ce matin-là. Ce coin de rue était ma synagogue ce Roch Hachana !”
Malka Touger
traduite par Feiga Lubecki