Samedi, 4 février 2023

  • Bechala’h
Editorial

 Continuons la route !

Le temps passe, les mois s’envolent sans qu’aucune interruption puisse marquer leur cours. Pourtant, certains jours demeurent. Ils sont comme des fermes points d’ancrage dans l’éphémère des choses. Sur eux, il est possible de construire une vie… ou un monde.

C’était le 10 Chevat, il y a 73 ans. La nouvelle avait retenti avec la puissance des événements qui bouleversent toute existence paisible : Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi, avait quitté ce monde. Au-delà du caractère dramatique de cette nouvelle, chacun savait que l’action de Rabbi Yossef Its’hak avait radicalement changé le cours des choses. L’éducation juive avait retrouvé sa vigueur et, en ces temps de détresse, encore si proches de la guerre qui avait anéanti tant de Juifs, le judaïsme paraissait renaître. Mais tout cela paraissait peut-être encore si fragile…

En ce 10 Chevat, l’action entreprise ne pouvait s’interrompre. Chacun ressentait que s’ouvrait une nouvelle époque pour poursuivre, approfondir et élargir cette oeuvre. Le Rabbi allait en être la continuation. De fait, dès qu’il accepta la charge qui lui était confiée, les domaines d’intervention se multiplièrent. Aucun Juif ne devait être laissé à l’écart de l’héritage du judaïsme. Il en allait de la responsabilité de tous. Commença alors le temps des grandes avancées. D’enseignements profonds en demandes d’action, de campagnes de Mitsvot en messages adressés à tous, le Rabbi prit la tête de nouveaux développements.

Avec un recul de 73 années, chacun mesure l’ampleur des changements. A une judaïté qui s’interrogeait sur son devenir a succédé un judaïsme conscient de l’importance du message qu’il porte. A une culture juive en déshérence a succédé une connaissance mise à la portée de tous. Sans doute est-ce un signe des temps, et la traduction concrète de ce long effort, que les cours de Torah se soient multipliés et que le nombre des traductions en français ne cesse de grandir.

Il importe de prendre conscience que nous sommes les héritiers de ce dynamisme et que, de ce fait, nous devons être les porteurs de cet enthousiasme. Certes, beaucoup reste encore à accomplir et l’action entreprise ne saurait souffrir aucun relâchement. Cependant, nous savons que devant nous continue le chemin qui nous fut indiqué dès le 10 Chevat. Au travers de toutes les tempêtes, il nous appartient, très simplement, de le poursuivre. Chacun porte en tête et en cœur le but à atteindre – et nous savons qu’il est à portée. La tradition lui a, de toujours, donné un nom: la venue de Machia’h.

Etincelles de Machiah

 Its’hak notre Père

Le Talmud (Chabbat 89b sur Isaïe 63 : 16) enseigne : « Dans les temps à venir… (le peuple juif) dira (à Its’hak) : ‘Car tu es notre père’. » C’est dire qu’il y a un lien particulier entre notre Patriarche Its’hak et le « temps à venir », celui de Machia’h.

En fait, le mot « Its’hak » renvoie, en hébreu, à l’idée de « rire » et donc de délice. Dans cette nouvelle époque, quand toutes les étincelles divines présentes dans le monde matériel auront été élevées par l’effort spirituel de chacun, le « délice » de D.ieu devant la tâche accomplie apparaîtra aux yeux de tous.

(d’après Torah Or, Vayétsé, p. 21c)

Vivre avec la Paracha

 Bechala’h

A peine a-t-il permis aux Enfants d’Israël de quitter l’Egypte que le Pharaon se lance à leur poursuite pour les obliger à revenir. Le peuple hébreu se trouve pris au piège, entre les armées égyptiennes et la mer. D.ieu dit à Moché de lever son bâton au-dessus de l’eau et la mer s’ouvre pour permettre au Peuple juif de passer puis elle se referme sur les assaillants égyptiens. Les Enfants d’Israël entonnent un chant de louange et de gratitude à l’égard de D.ieu.

Dans le désert, le peuple souffre de faim et de soif et se plaint sans cesse à Moché et Aharon. D.ieu adoucit miraculeusement les eaux amères de Mara et par la suite, Moché fait jaillir de l’eau d’un rocher, en le frappant de son bâton. Grâce à son mérite, la Manne tombe des Cieux, chaque matin avant l’aube, et des cailles apparaissent, chaque soir, dans le camp d’Israël.

Les Enfants d’Israël reçoivent l’instruction de ramasser, chaque vendredi, une double portion de la Manne, puisqu’elle ne tombera pas le Chabbat, décrété par D.ieu comme jour de repos. Certains désobéissent, veulent en ramasser le septième jour mais n’en trouvent pas. Aharon préserve une petite quantité de Manne dans une fiole, comme témoignage pour les générations futures.

A Refidim, le peuple est attaqué par Amalek qui est vaincu grâce aux prières de Moché et une armée levée par Yehochoua.

Sur l’essence du leadership

« Israël vit la main puissante de D.ieu… et ils crurent en D.ieu et en Moché Son serviteur… Alors Moché et les Enfants d’Israël chantèrent ce chant à D.ieu en disant : Je chanterai pour D.ieu car Il est le plus grand… » (Chemot 14 :31 ;15 :1)

« Ils chantèrent, Moché et les Enfants d’Israël » : Moché étant l’équivalent des Enfants d’Israël et les Enfants d’Israël étant l’équivalent de Moché. (Midrach Me’hilta, ad loc.)

Qu’est-ce que le leadership ?

Nous attendons de nos dirigeants qu’ils soient des sages : qu’ils soient capables de discerner le bien du mal et de prendre les décisions adéquates sur des sujets qui affectent notre vie, qu’ils nous projettent une vision de ce que sommes et de ce à quoi nous pouvons aspirer et qu’ils nous guident vers la réalisation de notre dessein.

Nous attendons de nos dirigeants qu’ils soient proches de nous et impliqués, qu’ils comprennent nos besoins et nos aspirations et qu’ils se consacrent à leur accomplissement.

Nous attendons de nos dirigeants qu’ils soient forts : calmes et déterminés dans les moments de crise, guerriers et diplomates pour nous faire progresser dans nos projets.

Nous attendons de nos dirigeants qu’ils soient des individus de haute stature morale, intègres, représentant des valeurs éthiques que jeunes et anciens émuleront.

Mais la fonction la plus importante, et probablement la plus prise à la légère, est celle de nous unir, de tisser les différentes individualités en un peuple unique et d’inspirer les volontés divergentes, et souvent conflictuelles, à se fondre en un destin commun.

Un chœur en trois versions

L’un des premiers actes auquel nous procédâmes en tant que peuple fut un chant.

La nation d’Israël était née les 15 Nissan de l’an 2448, après la Création, le jour où D.ieu « extirpa une nation des entrailles d’une nation », libérant les Enfants d’Israël de l’esclavage égyptien. Sept jours plus tard, les Hébreux assistèrent à la destruction de leurs asservisseurs quand la mer s’ouvrit pour leur offrir un passage et noya les Égyptiens qui les poursuivaient. La Torah relate comment, contemplant ce grand miracle,

Moché et les Enfants d’Israël chantèrent ce chant à D.ieu en disant :

Je chanterai à D.ieu car Il est le plus grand :

Le cheval et le chevalier Il les a jetés dans la mer.

D.ieu est ma force et ma gloire : Il est mon sauveur.

Voilà mon D.ieu et je Le glorifierai

Le D.ieu de mes pères, je L’exalterai… (Chemot 15)

Ce chant connu comme Chirat Hayam (« le Cantique de la Mer ») se poursuit par la description des grands miracles qu’accomplit D.ieu pour Son peuple, Sa promesse de les conduire en Terre Sainte et de révéler Sa présence parmi eux dans le Saint Temple de Jérusalem, ainsi que par la désignation de la mission d’Israël d’implanter la souveraineté de D.ieu dans le monde entier. Ses quarante-quatre versets expriment l’essentiel de notre relation avec D.ieu et de notre mission dans la vie, ce qui occupe une place primordiale dans la Torah et dans la vie juive.

Nos Sages s’interrogent sur l’expression qui préface le Cantique de la Mer : « Moché et les Enfants d’Israël ». Il est évident que Moché était l’un des Enfants d’Israël, le fait que la Torah le désigne seul implique donc qu’il prit un rôle prédominant dans la composition et l’expression de ce chant. En fait, la nature du rôle qu’endossa Moché est le sujet de nombreuses discussions de nos Sages. Le Talmud relate qu’il n’existe pas moins de trois opinions divergentes sur la manière dont Moché conduisit son peuple dans leur chant de louange et de remerciement à D.ieu.

Tout d’abord, selon Rabbi Akiva, c’est Moché qui composa et chanta le Cantique, le Peuple d’Israël ne faisant que répondre à chaque verset avec le refrain : « Je chanterai à D.ieu ».

Rabbi Éliézer, quant à lui, maintient que le peuple répétait chaque verset après Moché. Moché chantait : « Je chanterai à D.ieu car Il est le plus grand » et ils répétaient le verset intégralement. Et cela pour tous les versets.

Enfin, selon une troisième opinion, celle de Rabbi Né’hémia, Moché prononçait les premiers mots du chant puis était suivi de tout le Peuple d’Israël chantant ensemble le chant dans son entièreté.

En d’autres termes, chacun, de par lui-même, composa les quarante-quatre versets !

Soumission ou identification

Ces trois versions expriment trois perspectives de l’unité et tout particulièrement de l’unité à laquelle parvient un peuple rallié sous l’autorité de son dirigeant.

Rabbi Akiva décrit un idéal dans lequel les membres de la communauté renoncent à leur identité personnelle au profit de l’identité collective représentée par le dirigeant. Moché exprimait seul la gratitude de la nation, son expérience de la rédemption et sa vision future en tant que peuple de D.ieu. Le peuple n’avait rien d’autre à dire que d’acquiescer unanimement à ce que prononçait Moché.

A première vue, cela paraît représenter le summum de l’unité : plus de deux millions de cœurs et d’esprits se soumettent à un programme et une vision uniques.

Cependant, Rabbi Éliézer argumente que ce n’est qu’une unité superficielle, une unité imposée extérieurement par les circonstances temporelles plutôt qu’une unité éternelle et pérenne. Quand les gens renoncent à leurs propres pensées et sentiments pour accepter ce qui leur est dicté par une autorité suprême, ils ne forment une unité que dans le monde et dans l’action. Mais leur être profond reste différent et distinct. Une telle unité est irrémédiablement appelée à ne vivre que peu de temps. Tôt ou tard, les différences intrinsèques et les projets contraires referont surface et des fissures apparaîtront dans cette unanimité extérieure.

Il affirme donc que si le Peuple d’Israël parvint à cette unité véritable, il a fallu que chacun répète le verset prononcé par les lèvres de Moché. Certes, ils étaient tous soumis au leadership de Moché et le considéraient comme le représentant de leurs volontés et buts collectifs. Mais ils ne se contentèrent pas d’une affirmation « aveugle » de ce qu’il exprimait dans le Cantique. Ils le répétèrent après lui, l’imprégnant dans leur propre personne et leur propre expérience. C’est ainsi que très exactement les mêmes mots prirent deux millions de nuances et de significations quand ils furent intégrés par deux millions d’esprits et articulés par deux millions de bouches.

C’est cela, maintient Rabbi Éliézer, qui constitue la véritable unité. Quand chacun répète de lui-même les versets soufflés par Moché, qui se lie à chacun dans sa singularité, le peuple se trouve uni dans les paroles comme dans son essence.

L’unité ultime

Mais Rabbi Né’hémia n’est pas satisfait. Si Israël répétait ces versets après Moché, argumente-t-il, cela aurait impliqué que leur chant n’émergeait pas du plus profond de leur être. Car si le peuple formait réellement un avec Moché et son articulation de la quintessence d’Israël, pourquoi auraient-ils dû entendre le chant sortir de ses lèvres avant de pouvoir le chanter eux-mêmes ?

Non, dit Rabbi Né’hémia. La façon dont les choses se produisirent fut que Moché prononçait les premiers mots du chant et il était suivi par chaque Juif, y compris « le nourrisson dans le giron de sa mère et le fœtus dans son ventre », chacun chantant de lui-même le cantique entier.

Et pourtant, c’est Moché qui parvint à cette unité d’Israël, comme cela est attesté par le fait que le cantique ne pouvait être lancé avant que Moché n’en prononce les premières paroles. Sans la conduite de Moché, le peuple n’aurait pu s’élever au-dessus de l’égocentrisme qui émaille la surface de chaque caractère. Si le Peuple d’Israël n’avait pas plié sa volonté à celle de Moché, ils n’auraient pu dévoiler la quintessence de leur propre âme. Mais une fois qu’ils prirent cet engagement, une fois qu’ils répondirent unanimement aux amorces de Moché, chacun put concevoir et articuler, en toute indépendance, l’expérience parfaitement similaire du moment historique auquel ils assistaient.

Chaque Juif, depuis le sage octogénaire jusqu’à l’enfant à naître, exprima ses profonds sentiments, ses aspirations dans exactement les mêmes 187 mots. Car, ils avaient trouvé en Moché le dirigeant dans lequel l’âme d’Israël était une.

Le Coin de la Halacha

 Est-on obligé, selon la Hala’ha, de concrétiser les bonnes résolutions prises

seulement en pensée ?

Selon la Hala’ha (la loi stricte) un achat n’est finalisé que s’il y a eu une action concrète (signature d’un document et surtout paiement de la somme convenue).

Néanmoins, il convient d’honorer sa parole, comme il est écrit : « Ceux qui subsistent dans le Peuple juif ne commettront pas d’iniquité et ne parleront pas de façon mensongère » (Tsefania –- 3 : 13). Celui qui revient sur ses paroles – que ce soit pour le commerce ou autre chose – est considéré comme peu digne de confiance et les Sages ne sont pas à l’aise avec lui.

Rabbi Chnéor Zalman rapporte que celui qui a conscience de l’existence de D.ieu devrait accomplir même ce qui n’est resté qu’au niveau de la pensée : s’il a vraiment décidé dans son cœur d’acheter ou de vendre pour un certain prix même si l’autre protagoniste n’est pas au courant de sa résolution, il ne devrait pas augmenter ce prix. Ainsi, il entrera dans la catégorie définie par les Tehilim (Psaumes 15 : 2) : « Il parle la vérité dans son cœur ».

De même celui qui a décidé d’adopter une bonne conduite (aider son prochain par exemple) et a la possibilité de la concrétiser devrait le faire. Si cela ne concerne que lui-même – à condition qu’il ne s’agisse pas d’une Mitsva – il n’est pas tenu de la concrétiser.

Certains affirment que, tant qu’on n’a pas verbalisé son intention de donner une certaine somme à la Tsedaka, on n’y est pas obligé. Cependant, le Ramo écrit qu’il vaut mieux adhérer strictement à sa résolution et donner effectivement cette somme à la Tsedaka.

 (d’après Rav Yossef Ginsburgh – Si’hat Hachavoua N° 1881)

Le Recit de la Semaine

 Un voyage « bien rempli »

Un jour, en 1982, je reçus un coup de téléphone du secrétariat du Rabbi. Rav Hodakov me demandait – au nom du Rabbi – s’il m’était possible d’aller donner des conférences en Russie Soviétique. C’était à l’époque de Brejnev quand le rideau de fer isolait encore l’Union Soviétique et que les Juifs n’avaient aucune possibilité d’y obtenir un minimum d’éducation juive.

Pourquoi le Rabbi souhaitait-il me faire voyager en Russie ? Je ne parle même pas le russe ! La réponse me stupéfia : « Trois professeurs là-bas – deux à Moscou et un à Leningrad – entretiennent des relations clandestines avec les ‘Hassidim de Loubavitch qui y habitent encore. Ils souhaitent se rapprocher du judaïsme mais ils butent sur une question qui les empêche d’avancer sur la bonne voie : et ce n’est rien d’autre que la soi-disante contradiction entre la Torah et la science !»

Et c’était pour les aider à surmonter leurs doutes que le Rabbi désirait m’envoyer en Russie !

Le Rabbi de Loubavitch qui habitait à Brooklyn me contactait au Minnesota pour que trois savants juifs russes progressent dans leur pratique des Mitsvot ! J’ignore quel effet nos discussions eurent à l’époque mais je sais qu’ils sont tous les trois installés maintenant en Israël avec leurs familles et que tous sont devenus pratiquants… Je crois que le fait même que le Rabbi m’avait choisi pour répondre à leurs questions les avait impressionnés, bien plus que mes arguments…

Ce fut un voyage mémorable. Il fallait d’abord trouver un prétexte pour mes conférences. Ensuite, le Rabbi insista pour que mon épouse m’accompagne. (Je dois souligner que le Rabbi couvrit toutes les dépenses).

Nous avons effectué une étape importante à Londres pour y rencontrer Rav Shmuel Lew qui devait nous préparer à cette mission bien particulière : lui-même avait déjà effectué ce genre de voyages auparavant.

Il nous montra d’abord un album photos avec les visages de Juifs que nous serions amenés à rencontrer : il pointa du doigt ceux sur lesquels on pouvait compter puis ceux dont il fallait se méfier… Nous devions, ma femme et moi, tout enregistrer dans la tête, retenir tous ces noms par cœur !

Quelques heures avant notre départ pour Moscou, il nous rendit visite dans notre chambre d’hôtel et nous demanda d’ouvrir nos valises. A notre consternation, il les vida complètement et ne permit à mon épouse d’emporter que deux tenues – une pour la semaine et une pour Chabbat ! Moi aussi, je n’eus le droit de garder qu’un seul set de vêtements de rechange ! Et pourquoi ? Parce qu’il avait besoin de chaque centimètre carré de nos bagages…

Il se mit à remplir nos valises de tout ce dont les Juifs de Russie avaient besoin : des livres sur le judaïsme, un dictionnaire hébreu-anglais, des aliments à base de lait « Chamour » (surveillé depuis la traite par un Juif), de la charcuterie Glatt cachère, de la nourriture pour bébés strictement cachère. Il me confia même un « Guet », un acte de divorce que je devais remettre à une certaine femme juive qui était revenue à une vie de Torah mais dont le mari s’était séparé avant de s’enfuir à l’étranger.

Rav Lew ouvrit même la trousse de maquillage de mon épouse. Il vida les flacons de parfum et les remplit… d’encre pour écrire les parchemins de Téfilines et Mezouzot. Nous avons alors refermé les valises et les avons entourés de lanières bien spéciales : sept mètres de lanières en cuir noir, parfaites pour confectionner des Téfilines !

Pour couronner le tout, Rav Lew me confia quatre paires de Téfilines. Je refusais de les introduire dans mes bagages à main mais Rav Lew eut un sourire désarmant : « Non, ne les emportez pas dans votre sac, mettez-les ! » N’y tenant plus, je m’insurgeai : « Vous êtes complètement fou ! Les Téfilines se feront remarquer, j’apparaîtrai comme quelqu’un d’obèse, rempli de bourrelets… ! On va me fouiller intégralement ! Ils verront bien que je n’ai pas l’air normal ! »

Et Rav Lew de rétorquer : « Vous croyez que même une seule paire ne se fera pas remarquer ? »

Docilement, j’ai fait confiance à sa longue expérience et c’est ainsi que j’ai porté sur mon corps quatre paires de Téfilines depuis Londres jusqu’à Moscou.

Seul le Rabbi qui se souciait comme un berger fidèle des Juifs de Russie avait pu décider de m’envoyer là-bas pour trois Juifs isolés ! Le Rabbi n’était pas intéressé par des colloques à propos des cent cinquante prochaines années à venir. Il désirait que j’aille convaincre trois professeurs que ce qui les gênait dans leur perception de la Torah n’était pas conforme à la réalité et ne devait pas les empêcher d’adhérer strictement au judaïsme. Et maintenant, je devais leur permettre de goûter à la joie de la Mitsva. Je devais inviter des étudiants à ressentir la beauté de leur tradition. Je ne devais pas me laisser impressionner par de soi-disant géants et par la jeune génération ! Le Rabbi me prouvait qu’il était possible – actuellement – d’effectuer des changements et de façon bien plus rapide que je ne l’aurais cru possible.

Professeur Velvel Green (zal)

Traduit par Feiga Lubecki

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