Continuons la route !
Le temps passe, les mois s’envolent sans qu’aucune interruption puisse marquer leur cours. Pourtant, certains jours demeurent. Ils sont comme de fermes points d’ancrage dans l’éphémère des choses. Sur eux, il est possible de construire une vie… ou un monde.
C’était le 10 Chevat, il y a 66 ans. La nouvelle avait retenti avec la puissance des événements qui bouleversent toute existence paisible: Rabbi Yossef Its’hak, le précédent Rabbi, avait quitté ce monde. Au-delà du caractère dramatique de cette nouvelle, chacun savait que l’action de Rabbi Yossef Its’hak avait radicalement changé le cours des choses. L’éducation juive avait retrouvé sa vigueur et, en ces temps de détresse, encore si proches de la guerre qui avait anéanti tant de Juifs, le judaïsme paraissait renaître. Mais tout cela paraissait peut-être encore si fragile…
En ce 10 Chevat, l’action entreprise ne pouvait s’interrompre. Chacun ressentait que s’ouvrait une nouvelle époque pour poursuivre, approfondir et élargir cette oeuvre. Le Rabbi allait en être la continuation. De fait, dès qu’il accepta la charge qui lui était confiée, les domaines d’intervention se multiplièrent. Aucun Juif ne devait être laissé à l’écart de l’héritage du judaïsme. Il en allait de la responsabilité de tous. Commença alors le temps des grandes avancées. D’enseignements profonds en demandes d’action, de campagnes de Mitsvot en messages adressés à tous, le Rabbi prit la tête de nouveaux développements.
Aujourd’hui, chacun mesure l’ampleur des changements. A une judaïté qui s’interrogeait sur son devenir, a succédé un judaïsme conscient de l’importance du message qu’il porte. A une culture juive en déshérence, a succédé une connaissance mise à la portée de tous. Il importe de prendre conscience que nous sommes les héritiers de ce dynamisme et que, de ce fait, nous devons être les porteurs de cet enthousiasme.
Certes, beaucoup reste encore à accomplir. Les temps apportent leur lot de menaces nouvelles et l’action entreprise ne saurait souffrir aucun relâchement. Cependant, nous savons que devant nous continue le chemin qui nous fut indiqué dès le 10 Chevat. Au travers de toutes les tempêtes, la route est droite et il nous appartient, très simplement, de la poursuivre. Chacun porte en tête et en cœur le but à atteindre – et nous savons qu’il est à portée : la venue de Machia’h.
Les « guerres de D.ieu »
Parmi les étapes de la venue de Machia’h que détermine Maïmonide dans le Michné Torah, on trouve l’idée des «guerres de D.ieu» où il faut obtenir la victoire. Il faut préciser la nature de ces «guerres».
En fait, c’est à un phénomène observable qu’il est fait ici référence. Plus on approche de la venue de Machia’h, plus l’obscurité paraît se renforcer dans le monde. Les deux événements sont liés car plus grande est la présence de la sainteté, plus forte est celle de l’obscurité spirituelle qui s’y oppose. La «guerre» à mener est justement celle-là : vaincre l’obscurité grâce à la Lumière de l’âme.
(Extrait d’une Si’ha du 1er Tévèt 5752)
Bechala’h
La Paracha Bechala’h comprend de nombreux événements majeurs : les premières étapes de l’Exode, l’ouverture miraculeuse de la Mer Rouge et les révélations divines qui s’y produisirent, le chant de louange que les Juifs adressèrent à D.ieu, le don de la manne et des cailles et enfin, la bataille victorieuse contre Amalek.
Et pourtant elle n’est pas nommée d’après l’un de ces événements, mais Bechala’h «quand [Pharaon] renvoya [le peuple]». Il est donc évident que le choix de ce nom se justifie par le fait qu’il englobe et transcende tous les événements de la Paracha.
Par ailleurs, le mot Bechala’h semble impliquer que les Juifs n’étaient pas désireux de quitter l’Egypte et qu’ils durent y être forcés. Il est difficile d’imaginer que cette idée puisse être le thème sous-jacent et unificateur de la Paracha. Il semble plutôt constituer un commentaire négatif et désobligeant sur l’état du Peuple Juif à ce moment.
Si nous réfléchissons, il semble très étrange que le Pharaon dût renvoyer le peuple. Pourquoi un seul Juif n’aurait-il pas voulu quitter l’Egypte ? L’Egypte était une dictature terrible qui soumettait les Juifs à un esclavage oppressif. Moché avait promis aux Juifs que leur exode les mènerait au summum de la spiritualité, qu’ils seraient choisis par D.ieu comme Sa nation et qu’ils recevraient la Torah sur le Mont Sinaï. Et cela serait les prémisses de leur entrée en Terre Promise. Qui n’aurait pas sauté sur une telle opportunité ? Il est vrai qu’un nombre significatif de Juifs avait affirmé ne pas vouloir s’en aller mais nous savons que tous ces Juifs étaient morts durant la plaie de l’obscurité. Ainsi ceux qui allaient être libérés en étaient tous désireux. Pourquoi donc Pharaon dut-il les «renvoyer» ?
La réponse est qu’il existait deux dimensions dans le désir des Juifs de quitter l’Egypte. D’une part, ils avaient hâte de fuir l’oppression et de devenir le peuple choisi au Mont Sinaï. Ce désir, aussi fort et sincère qu’il fut, était simplement la conséquence directe de leur situation et de l’opportunité qui se présentait à eux. C’était un désir rationnel, essentiellement dicté par la logique, un désir à propos duquel ils n’avaient virtuellement aucun choix.
Mais au moment même où ils furent libérés, ils ressentirent un désir différent pour partir. A la minute même où ils purent respirer l’air frais de la liberté, ils furent frappés par le contraste profond entre leur esclavage à l’idolâtrie du matérialisme égyptien et la liberté offerte par la vie divine. L’intensité de leur volonté de partir immédiatement s’éleva bien au-dessus de ce qui avait été leur désir dicté par la logique. Leur fuite d’Egypte prit soudain une dimension supra rationnelle, devint une nécessité absolue. Leur premier désir paraissait alors, en comparaison, forcé et imposé.
Ce contraste est souligné par l’utilisation du mot Bechala’h. Ce nom nous rappelle qu’aussi intensément et sincèrement que nous ayons aspiré à la liberté pour accomplir notre destinée divine durant toutes les années d’oppression, notre désir de partir est comparable au fait d’être renvoyé par rapport à l’aspiration à la liberté que nous ressentîmes une fois que les chaînes de l’esclavage furent brisées.
Dans ce contexte, tous les événements miraculeux de cette Paracha peuvent effectivement être considérés comme subordonnés à la teneur générale exprimée par le mot Bechala’h , car une fois que les Juifs entamèrent une relation avec D.ieu à un niveau qui dépasse la logique, D.ieu passait à l’étape de transcender les lois de la nature dans Sa relation avec eux. C’est précisément cette ascension à une relation supra rationnelle avec D.ieu qui donna l’élan spirituel pour tous les événements miraculeux que l’on voit se produire dans le récit de la Paracha.
La réalité de cette dynamique s’applique à nous, aujourd’hui. Il est certainement recommandé d’aider autrui à sortir de son «Egypte» personnelle, des limites qui l’empêchent d’expérimenter pleinement la vie que D.ieu recommande et de remplir sa mission divine. D.ieu récompensera tous ceux qui aident leurs prochains à aller vers leur rédemption personnelle de quelle que soit l’ «Egypte» dont il s’agit.
Mais parfois, nous rencontrons quelqu’un qui ne possède aucun désir conscient d’être libéré. Il est tellement retranché dans la matérialité de la vie qu’il n’est pas conscient qu’il existe quelque chose de meilleur. Dans un tel cas, notre travail consiste d’abord et avant tout à créer en lui le désir d’être libre. La récompense de D.ieu est alors proportionnelle à l’accomplissement : tout comme nous avons créé un désir là où il n’y en avait pas, Il transforme notre volonté en désir si intense qu’il reste sans comparaison avec ce que nous ressentions auparavant.
Le mot Bechala’h évoque également ce que les Juifs accomplirent durant ce processus. Comme nous l’avons déjà vu, chaque action que nous entreprenons a une réaction concomitante dans le monde spirituel. Ici, quand le désir d’un Juif pour la liberté Divine devient si intense que tout ce qu’il ressentait auparavant paraît forcé, cela suscite une réaction violente dans le monde en général. La transition radicale de l’obscurité de l’exil à la lumière de la rédemption eut pour effet que Pharaon lui-même changea : de la personnification du mal, il devint une force de la sainteté. Le même Pharaon qui avait auparavant grossièrement proclamé : «Qui est D.ieu pour que je tienne compte de Sa parole et renvoie les Juifs de mon pays ?» était totalement transformé : non seulement il les laissa partir mais il les aida à le faire.
La leçon s’applique également aujourd’hui. Une conception de D.ieu et une relation avec Lui entièrement basées sur la raison sont limitées dans leur intensité. Il nous faut aller au-delà des limites de la raison et atteindre une appréhension de D.ieu qui nous dépasse. Ainsi, devient-il possible de transformer même «Pharaon», nos caractéristiques les plus matérialistes et cyniques, en un être conscient de la présence de D.ieu. Quand nous observons que les forces de la nature, qui constituent les obstacles les plus insurmontables dans l’accomplissement de notre mission divine, sont transformées en forces qui nous aident, quand comme Pharaon, elles nous «renvoient» par force d’Egypte, nous savons que nous avons atteint notre but.
Quand Pharaon «renvoya le peuple», il lui permit d’entamer la première étape qui allait le conduire au Don de la Torah et à entrer en Terre d’Israël. Il en va de même pour nous : en élevant notre relation avec D.ieu à un niveau qui va au-delà de la logique et en transformant la grossièreté de la réalité matérielle en une force active pour la sainteté, nous hâtons la venue de la Rédemption Messianique et les nouvelles révélations de la Torah qui transformeront, en dernier ressort, ce monde en une véritable Demeure pour D.ieu.
Qu’est-ce que Tou Bichevat ?
Le 15 («Tou») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre «Roch Hachana» (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplication).
Ce dimanche 24 janvier au soir et lundi 25 janvier 2016, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.
On aura soin de prélever la «Terouma» et le «Maasser» des fruits provenant d’Israël.
La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui produiront des fruits etc., de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.
À Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous «produisons» des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.
La voix du fiancé et la voix de la fiancée…
Comme d’habitude, plusieurs personnes passaient devant l’écran qui retransmettait des vidéos du Rabbi, dans la petite maison adjacente au plus grand cimetière juif de New York, là où repose le Rabbi (221 Francis Lewis – Cambria Heights - Queens). C’était Motsaé Chabbat Chemot cette année 5776. Dès qu’une cassette vidéo se terminait, d’autres prenaient la relève, continuellement, jour et nuit, ne s’arrêtant que le Chabbat.
Justement, sur l’écran, on pouvait «assister» au Farbrenguen (réunion ‘hassidique) du 10 Chevat 5732 (1972) que le Rabbi menait dans sa synagogue du 770 Eastern Parkway. Il marquait ainsi, selon la tradition juive, l’anniversaire de décès (en 1950) de son beau-père, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn et le début de son acceptation de la lourde responsabilité de lui succéder.
Entre les Si’hot (discours), alors que les ‘Hassidim chantaient, on remarquait sur l’écran que le Rabbi semblait chercher quelqu’un dans l’immense foule qui participait avec enthousiasme à l’ambiance électrique qui régnait dans la synagogue. Et ce qui se passa ensuite sur l’écran causa à un des spectateurs présents dans la maison adjacente au Ohel (le cimetière) une intense émotion.
Il s’agissait de David Weisshaar, domicilié à Atlanta, dans l’état américain de Géorgie. Il est propriétaire d’une agence immobilière. Sa fiancée, Leah Ganz habite près de New York et travaille pour la grande institution de Cacherout Orthodox Union connue dans le monde entier par ses initiales : OU.
«Nous nous sommes fiancés le 13 décembre et les gens m’ont encouragé à venir demander une bénédiction auprès du tombeau du Rabbi».
A 44 ans, David Weisshaar s’était depuis quelque temps rapproché du mouvement Loubavitch sous l’influence de Rav Chmouel Posner de Boston. Il avait même étudié dans des Yechivot à Kfar 'Habad, New York et Jérusalem.
Quand il avait rendu visite à sa fiancée près de New York, il lui avait proposé de l’accompagner dans cet endroit saint qu’est le Ohel du Rabbi dans le vieux cimetière Montefiore. Auparavant, ils avaient discuté du concept d’Hachga’ha Pratit, comment tout ce qui arrive dans la vie est absolument coordonné par la Providence Divine dans les moindres détails. Tous deux avaient alors écrit une lettre personnelle à lire sur le tombeau : ils y avaient inscrit toutes leurs demandes de bénédictions pour leur prochain mariage. Après avoir longuement prié du plus profond de leur cœur, ils avaient pris une boisson chaude et s’étaient assis devant l’écran pour continuer à s’inspirer de la présence du Rabbi.
«Soudain, raconte David, j’ai vu sur l’écran le Rabbi demander distinctement : «Y a-t-il ici un Juif de Géorgie ?». Étonné, je me suis tourné vers Leah pour m’assurer qu’elle avait bien remarqué la scène. Puis le Rabbi continua : «Où est David de Géorgie ?». Là, j’avoue que j’ai sauté de ma chaise : «Incroyable !». Non seulement le Rabbi cherchait quelqu’un de Géorgie (je vous rappelle que je viens de l’état américain du même nom) mais en plus «David de Géorgie !». Il fallut un peu de temps à la foule pour laisser arriver ce «David de Géorgie» devant le Rabbi. De fait, c’était un David originaire de la Géorgie soviétique… Le Rabbi lui demanda de chanter. Ce David géorgien était un négociant en diamants, avait émigré et s’était installé à Kiryat Mala'hi en Israël.
Que choisit-il de chanter ? Non, vous ne pourrez pas le deviner…
«Kol Sassone Vekol Sim’ha», «la voix de l’allégresse et la voix de la joie, la voix du fiancé et la voix de la fiancée…», le texte chanté sous le dais nuptial, la bénédiction des mariés !
Je me suis tourné vers les jeunes ‘Hassidim présents qui fredonnaient instinctivement le chant et leur ai annoncé que je m’appelai David, que je venais de Géorgie (américaine mais…) et que j’étais venu au Ohel avec ma fiancée pour demander au Rabbi une bénédiction pour notre mariage ! Ils se sont arrêtés net de chanter et certains d’entre eux ont alors remarqué que je ressemblais un peu au David qui continuait de chanter sur l’écran ! Ils m’ont même aidé à acquérir une copie de cette vidéo. J’ai alors remarqué que cette vidéo datait de l’année de ma naissance !
«Hachga’ha Pratit», dites-vous ?
Je savais que ces fiançailles étaient le début d’une nouvelle vie pleine de promesses et j’étais heureux d’avoir demandé la bénédiction du Rabbi. Mais cette vidéo, juste à ce moment, était vraiment la cerise sur le gâteau !».
Mazal Tov à David et sa fiancée !
COLlive – 3 janvier 2016
Traduit par Feiga Lubecki