La naissance d’une lumière
Dans les temps d’obscurité, la lumière qui naît est toujours plus grande et la joie quelle porte, toujours plus belle. Cette semaine est celle du 10 Chevat. Ce jour-là, il y a 59 ans, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le Précédent Rabbi de Loubavitch, quittait ce monde; son gendre Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, lui succédait. C’est là une de ces dates qui ne laissent pas le monde ni les hommes inchangés mais, pour le percevoir, sans doute faut-il se donner le temps d’y réfléchir tant il est vrai que la lumière ne prend sens que si on la regarde.
C’était en 5710 – 1950, une époque où le peuple juif se relevait à peine des pires drames qu’il ait jamais connus. C’était des jours où peu avaient gardé le sens de l’avenir et le goût de l’espoir. Rabbi Yossef Its’hak, depuis les Etats-Unis où il s’était installé dix ans plus tôt, avait entrepris l’œuvre de reconstruction nécessaire. Ses envoyés avaient commencé cette action qui allait devenir si familière au judaïsme d’aujourd’hui : la visite des communautés, la rencontre avec des Juifs que l’histoire, personnelle ou collective, avait détaché du judaïsme. Peu à peu, on en venait à comprendre que le renouveau était possible.
Le 10 Chevat, Rabbi Mena’hem Mendel, que le monde juif n’allait pas tarder à appeler “le Rabbi”, assuma cet héritage. C’est alors que tout prit une nouvelle ampleur. Partout, on vit renaître la soif de comprendre et de connaître le judaïsme. Partout, des émissaires se trouvèrent pour répondre aux interrogations de chacun et mettre en place les structures et les institutions qui allaient être, au fil des années, les centres de cette floraison nouvelle.
Alors que, 59 ans plus tard, on se retourne sur le chemin parcouru, on ne peut qu’être impressionné par la transformation opérée. On prend alors conscience que tout cela a eu, un jour, un point de départ et que ce que nous voyons n’en est que l’aboutissement provisoire. A l’approche du 10 Chevat, c’est là un enseignement essentiel: il revient à chacun de prendre part à l’effort d’acquisition et de partage de la connaissance, à cet élan vers soi et vers l’autre qui sont les voies irremplaçables de la Délivrance ultime. Lumière a-t-on dit…
Des enfants porteurs d’avenir
Lors du passage de la Mer Rouge, les Juifs, enfin définitivement sauvés de la cruauté égyptienne, entonnèrent le fameux cantique où ils proclamèrent (Ex. 15 : 1-2) : «C’est mon D.ieu et je le louerai». Le Midrach précise : «Chacun montre du doigt et dit ‘voici !’» En d’autres termes, la révélation divine qui intervint alors fut telle que les Juifs ne firent pas que la ressentir mais la virent concrètement. Le Midrach ajoute ensuite que ce sont les enfants qui «Le reconnurent en premier».
Cette idée souligne l’importance de l’éducation. Nés en Egypte, élevés dans des conditions difficiles, les enfants de ce temps-là surent être ceux qui «reconnurent D.ieu». De la même façon, en cette fin d’exil, il nous appartient, par l’éducation juive, de donner à nos enfants le moyen de vivre et d’agir ainsi.
(D’après Likoutei Si’hot, vol. II) H.N.
Bechala’h : le chant de Miryam
Miryam la prophétesse… prit le tambourin dans sa main ; et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des danses. Et Miryam leur enjoignit : Chantez pour D.ieu (Chemot 15 :20-21)
Nous ne chantons pas quand nous avons peur, quand nous sommes désespérés ou après un repas copieux. Nous chantons quand nous espérons en quelqu’un que l’on aime, quand nous aspirons à des temps meilleurs, quand nous célébrons un accomplissement ou souhaitons une révélation.
Nous ne chantons pas quand nous sommes béats. Nous chantons quand nous sommes assoiffés de quelque chose ou quand nous goûtons une joie et «sommes au septième ciel» !
Le chant est une prière, une tentative de nous élever au-dessus des petitesses de la vie quotidienne et de nous lier à notre source. Le chant est l’expression de la quête pour une rédemption.
Le Midrach énumère dix chants importants dans l’histoire d’Israël, dix occasions où notre expérience de la rédemption trouva son expression dans la mélodie et les paroles. Les neuf premiers furent : le chant entonné le soir de l’Exode d’Egypte (Yichayah 30 :29), le «Chant de la Mer» (Chemot 15 :1-21), «le chant du puits» (Bamidbar 21 :17-20), le chant de Moché lorsqu’il eut terminé l’écriture de la Torah (Devarim 32), le chant par lequel Yehochoua arrêta le soleil (Yehochoua 10 :12-13), le chant de Devorah (Juges 5), le chant du Roi David (Chmouel 2 :22), le chant inaugural du Beth Hamikdach (Psaumes 30) et le Cantique des Cantiques du roi Chlomo, décrivant l’amour entre le Fiancé Divin et son épousée, Israël.
Le dixième chant, poursuit le Midrach, sera le Chir ‘Hadach, le «nouveau chant» de la Rédemption ultime : une Rédemption universelle et absolue, une Rédemption qui annihilera, de la face de la terre, la souffrance, l’ignorance, la jalousie et la haine, une Rédemption telle que l’attente qu’elle suscite et la joie qu’elle apportera nécessiteront un nouveau chant, un vocabulaire musical tout à fait inhabituel, pour capturer la voix de l’aspiration ultime de la Création.
Le «Bis»
Le chant le plus connu est Chirat Hayam, «le Chant de la Mer» chanté par Moché et les Enfants d’Israël au moment de la traversée de la Mer Rouge. Nous le récitons tous les jours dans nos prières du matin et il est publiquement lu à la synagogue, deux fois l’an : le septième jour de Pessa’h (anniversaire du passage de la Mer Rouge et de la création de ce chant) et lors d’un Chabbat d’hiver, dans les lectures hebdomadaires de la Torah, Chabbat Bechala’h, distingué par le nom : Chabbat Chira, le «Chabbat du Chant».
Le Chant de la mer loue D.ieu pour Sa rédemption miraculeuse d’Israël lorsqu’Il sépara pour lui la Mer Rouge et noya les Egyptiens qui le poursuivaient et il exprime également le désir d’Israël que D.ieu les guide vers leur patrie, repose parmi eux dans le Temple. Il se conclut avec une référence à la Rédemption ultime, quand «D.ieu régnera pour l’éternité».
En fait, il existe deux versions du Chant de la Mer : une version masculine et une version féminine. Après que Moché et les Enfants d’Israël eurent chanté, «Miryam la prophétesse, la sœur d’Aharon, prit le tambourin dans sa main ; et toutes les femmes la suivirent avec des tambourins et des danses. Et Miryam leur enjoignit : «Chantez pour D.ieu car Il est le plus élevé ; cheval et cavalier Il a jeté dans la mer…»
Les hommes chantèrent et puis les femmes. Les hommes chantèrent et puis les femmes chantèrent, dansèrent et jouèrent du tambourin. Les hommes chantèrent, chantèrent leur joie devant la délivrance, chantèrent leur aspiration à une rédemption encore plus parfaite, mais quelque chose manquait. Quelque chose que seul le chant d’une femme pouvait exprimer.
Le sentiment et la foi
Miryam, la sœur aînée de Moché et d’Aharon, dirigea le «bis» des femmes dans le Chant de la mer. Miryam était celle dont le nom signifiait «amertume» parce qu’à sa naissance, le Peuple d’Israël était entré dans la phase la plus cruelle de l’exil égyptien. Miryam était celle qui, lorsque le nourrisson Moché fut placé dans une corbeille sur les bords du Nil, «se tint pour le surveiller de loin et voir ce qu’il adviendrait de lui» (Chemot 2 :4)
Car c’était Miryam, avec son profond puits d’intuition féminine, qui ressentait véritablement l’amertume du galout (exil et persécution). Et ce fut Miryam qui, avec ses aptitudes féminines à l’endurance, à la persévérance et à l’espoir, se tint dans une garde solitaire pour surveiller la vie tendre et menacée qui voguait dans une corbeille fragile sur les flots du fleuve monstrueux. Ce fut elle, enfin, dont la vigilance sur ce qui allait advenir de lui et de sa mission de sauver son peuple, ne faillit jamais.
L’image de cette jeune femme tenant sa garde dans des buissons de ronces au bord du Nil, l’espoir de la rédemption persévérant envers et contre l’amertume de l’exil qui habitait son cœur, n’est pas sans nous rappeler l’image d’une autre de nos Matriarches, Ra’hel. Comme le décrit le prophète Yirimyahou, c’est Ra’hel qui, de sa tombe solitaire sur la route de Bethlé’hem à Yerouchalayim, pleure sur la souffrance de ses enfants dans l’exil. C’est elle qui, plus encore que nos Patriarches ou guides, ressent la profondeur de notre détresse. Et c’est son intervention devant D.ieu, après l’échec de la leur, qui apporte la Rédemption.
Miryam et son chœur apportèrent au Chant de la Mer la force du sentiment et la profondeur de la foi, uniques chez les femmes. Leur expérience de l’amertume de l’exil avait été bien plus intensément vécue que chez les hommes et pourtant leur foi était plus forte et plus durable. C’est pourquoi leur aspiration à la rédemption était plus poignante et leur joie devant sa réalisation et l’espoir d’une rédemption parfaite s’exprimèrent plus ardemment.
Aujourd’hui
Le grand Kaballiste, Rabbi Yits’hak Louria, écrit que la dernière génération, avant la venue du Machia’h, est la réincarnation de la génération de l’Exode.
Aujourd’hui, alors que nous nous tenons au seuil de la Rédemption ultime, une nouvelle fois, c’est le chant des femmes qui est le plus poignant, ce sont leurs tambourins qui sont les plus résonnants d’espoir et ce sont leurs danses qui sont les plus joyeuses. Aujourd’hui, comme alors, la Rédemption se fera par le mérite des femmes vertueuses. Aujourd’hui, comme alors, l’aspiration des femmes à la venue de Machia’h, une aspiration qui coule plus profondément que chez les hommes, inspire et élève les accents de la mélodie de la Rédemption.
Qu’est-ce que Tou Bichevat ?
Le 15 («Tou») du mois juif de Chevat est un jour particulier : il est un des quatre «Roch Hachana» (début de l’année), en l’occurrence le Roch Hachana des arbres. On ne récite pas la prière du Ta’hanoune (supplication).
Ce lundi 9 février 2009, on mangera davantage de fruits, en particulier des fruits qui font la fierté de la terre d’Israël : blé, orge, raisin, figue, grenade, olive et datte. On s’efforcera également de manger des caroubes ainsi que des fruits nouveaux. On n’oubliera pas de réciter les bénédictions adéquates avant et après manger.
On aura soin de prélever la «Terouma» et le «Maasser» des fruits provenant d’Israël.
On se renseignera auprès des autorités rabbiniques compétentes en ce qui concerne les lois de la Chemitta qui s’appliquent encore pour certains fruits.
La Torah compare l’homme à un arbre des champs : lui aussi est supposé produire des fruits, c’est-à-dire des Mitsvot, des bonnes actions. De même que le fruit peut produire des arbres qui donneront a leur tour des fruits etc…, de même nos Mitsvot entraînent d’autres Mitsvot, encouragent d’autres Juifs à assumer leur judaïsme, à retrouver leurs racines et à s’enraciner dans un sol riche d’étude de la Torah et de pratique des Mitsvot. C’est ainsi que le peuple juif se perpétue, se développe et produira d’autres fruits.
A Tou Bichevat, nous mangeons des fruits, nous «produisons» des fruits, nous plantons des graines de bonnes actions.
F. L.
Maintenant, je suis rassurée…
Dans les années 60, puis 80, Rav Israël Tsvi Haber – zal – effectua de longues missions en Roumanie. Officiellement chargé de la Che’hita – l’abattage rituel, par l’organisation américaine «Joint», il s’occupa également de répandre le judaïsme dans la communauté juive de Bucarest et ses environs, en accord avec le Grand Rabbin local, Rav Rosen.
Les services secrets de la «Securitat» étaient redoutablement efficaces. Leurs fonctionnaires surveillaient tous les gestes du couple Haber, assistant à tous les offices dans les synagogues, épiant leurs allées et venues, enregistrant toutes leurs paroles. Le couple Haber recevait de nombreux invités, parmi lesquels les membres du Consulat israélien, pour les fêtes juives mais toujours discrètement. Rav Haber réussit ainsi à influencer certains Juifs et à les renforcer dans leur judaïsme.
Un autre Cho’het, Rav Chmouel Glauberman avait également accepté de venir d’Israël pour permettre aux Juifs de Roumanie de manger cachère. Le Rabbi avait spécifiquement conseillé à Rav Gorodetsky, son émissaire pour l’Europe, de ne pas proposer le poste à des Cho’hatim américains qui n’auraient sans doute pas accepté les conditions matérielles effrayantes de ce pays communiste.
Parfois Rav Haber entreprenait de longs voyages, n’hésitant pas à passer des jours et des nuits dans le train juste pour effectuer la Che’hita dans un village perdu afin que les Juifs puissent manger de la viande cachère. A l’approche des fêtes comme ‘Hanouccah et Pourim, son épouse l’accompagnait malgré l’inconfort et la fatigue que cela impliquait. Une fois, leur fille Ra’hel les accompagna également : «Mon père était aussi Mohel mais avait rarement l’occasion d’effectuer des Brit Milot (circoncisions) car la population juive de Roumanie vieillissait.
C’était en hiver 1987. Nous avons pris le train et voyagé une nuit entière, à plus de mille kilomètres de Bucarest. La grand-mère de l’enfant nous accueillit à la gare et nous emmena chez elle ; elle voulut nous offrir à manger mais nous avons refusé puisque nous avions emporté notre nourriture strictement cachère. En entendant le mot «cachère», elle manifesta une vive émotion.
Après une courte conversation, je me levai pour prier et elle ne cacha pas sa stupéfaction : une jeune femme juive qui prie, elle n’arrivait pas à croire cela possible !
Cette femme avait deux fils qui avaient réussi. Elle les avait empêché de se marier et n’avait épargné aucun effort pour leur trouver des épouses juives. Ce n’est que lorsqu’ils atteignirent l’âge de trente ans et plus qu’elle dénicha une autre famille juive qui habitait très loin de sa ville : dans cette famille, il y avait deux jeunes filles : l’aînée épousa le fils aîné et la seconde le cadet !
Le fils aîné venait de devenir père et la grand-mère avait entendu que le Cho’het de Bucarest était aussi Mohel. Elle nous fit donc venir spécialement de Bucarest.
Dans la synagogue, la plupart des fidèles étaient des personnes âgées, survivants de la Shoah. Depuis des dizaines d’années, ils n’avaient plus assisté à une Brit Mila ! La mère et la grand-mère maternelle quittèrent la synagogue, craignant de ne pouvoir supporter les pleurs de l’enfant, âgé maintenant de deux mois. Mais la grand-mère paternelle tint à rester présente et, une fois que l’opération fut terminée, elle s’exclama, heureuse : «Maintenant je suis rassurée : mon petit-fils est juif !»
Mon père distribua des gâteaux cachères à toute l’assemblée et fit répéter les bénédictions à tous les fidèles. La joie était grande et mon père se mit à danser avec les membres de la communauté.
Tout ceci grâce à l’obstination d’une grand-mère décidée à tout faire pour que ses descendants restent juifs ».
Rav Shneur Zalman Berger
Kfar Chabad n°1308
traduit par Feiga Lubecki