Samedi, 13 avril 2024

  • Tazria
Editorial

 Au seuil du nouveau chemin

Le mois d’Adar s’est écoulé avec grandeur. Il nous a donné à vivre, encore une fois, l’allégresse de Pourim et l’exaltation de la victoire éternelle du Bien sur le Mal. Redoublé cette année, il nous a offert soixante jours d’une joie croissante. En dépit de tout, malgré les douleurs du monde et la folie des hommes, défiant les menaces qui parviennent à s’élever à la face de notre conscience, il nous a apporté lumière et confiance. Cependant, voici qu’il s’achève. Sans doute jette-t-il encore ses derniers feux dans ses jours ultimes mais il s’éloigne inexorablement et nous donne rendez-vous dans un an. C’est, bien sûr, un rendez-vous que nous ne manquerons pas mais la question indispensable subsiste : de quoi sera constitué, à présent, le tissu de notre existence ?

Cette semaine, avec la fin du mois d’Adar commence celui de Nissan et la réponse retentit, éclatante. C’est que le beau titre du mois est loin d’être anodin : Nissan, mois de la Libération. En quelques mots, tout est dit. Comme l’enseignent les Sages, nous passons « de la Délivrance de Pourim à la Délivrance de Pessa’h ». Nous avons vécu pleinement la première, à nous de découvrir et réaliser la seconde. C’est que le mois de Nissan est un temps de joie sereine et constante. Cela apparaît à l’évidence quand on remarque que, dès son premier jour, on donne à notre prière quotidienne un ton différent en ne disant pas les textes traditionnels marqués par la tristesse de la faute et le repentir. De tels sentiments n’y ont pas leur place car, d’une certaine façon, l’horizon change alors. Nous entrons à présent dans un monde nouveau et il nous faut nous mettre à sa mesure.

Certes, personne ne peut oublier les difficultés de la période, tout ce qu’affronte le Peuple juif dans tous les lieux où il se trouve, l’inquiétude légitime qui souvent nous étreint. Mais Nissan entre à présent avec toute sa puissance. Il ne tient qu’à nous de nous en imprégner et poursuivre notre chemin. Car la route est ici tracée. « De la Délivrance de Pourim à la Délivrance de Pessa’h » a-t-on dit et, de cette dernière, jusqu’à la Délivrance finale, celle, complète, que Machia’h nous apportera.

Etincelles de Machiah

 Tout est entre nos mains

Le Tanya (chap. 37) enseigne : « Cet accomplissement ultime du temps de Machia’h et de la résurrection des morts, qui est la révélation de la Lumière Divine infinie dans ce monde, dépend de nos actions et de notre travail pendant tout le temps de l’exil ».

La période actuelle est celle des « talons de Machia’h », au sens où elle précède immédiatement sa venue. Ainsi, chacun doit ressentir cette idée constamment, dans son service de D.ieu quotidien. Lorsqu’on ressent profondément et sincèrement que l’effort que l’on fait, la Torah que l’on étudie hâtent la venue de la Délivrance et entraînent le monde à son parachèvement en faisant la « résidence de D.ieu ici-bas », alors il est bien clair que l’on ne peut que redoubler d’enthousiasme afin de mener le processus à son terme aussi vite que possible

(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXI, p.18)

Vivre avec la Paracha

 Tazrya

La Paracha nous enseigne les lois de l'impureté et les sacrifices que devait apporter la femme après avoir donné naissance. Tous les bébés garçons doivent être circoncis le huitième jour de leur vie. Tsaraat (que l’on traduit parfois, de façon erronée, par « lèpre ») est une plaie surnaturelle qui peut également infecter les vêtements. Si des taches roses ou blanches apparaissent sur la peau d’une personne (rouge foncé ou vert foncé sur les vêtements), l’on convoque un Cohen. S’appuyant sur différents signes, il déclare cette personne impure. Le Cohen peut aussi le mettre en quarantaine en attendant que la plaie augmente ou diminue pendant sept ou quatorze jours, le Cohen déclarera ensuite si la tache est Téméa (impure) ou Téhora (pure). La personne affligée de la Tsaraat doit résider seule, à l’extérieur du campement (ou de la ville) jusqu’à sa guérison. La partie infectée d’un vêtement est enlevée. Si la Tsaraat s’étend ou réapparaît, tout l’habit doit être brûlé.

Les animaux avant les êtres humains ?

L’ordre importe

L’ordre des séquences de la Torah n’est pas seulement important mais il nous aide également à percevoir, avec plus d’acuité, le message et les directives de la Torah. Il ne nous importe pas seulement de savoir ce que dit la Torah dans une Paracha précise, dans un chapitre ou dans un verset, mais également de comprendre quelle leçon peut être tirée de la juxtaposition de ces sections et de leur ordre de présentation.

L’importance de cet ordre est tout particulièrement souligné par nos Sages dans leurs commentaires de la Paracha de cette semaine. La semaine dernière, dans Chemini, la Torah élaborait sur le sujet des animaux rituellement purs et de ceux qui ne le sont pas.

Cette semaine, la Paracha énonce les lois concernant l’état de pureté rituelle des êtres humains.

Nos Sages, s’intéressant de très près à cette séquence, demandent pourquoi la Torah évoque les lois concernant la pureté des animaux avant celles concernant la pureté des hommes. Ils répondent que cela est parallèle à l’ordre dans lequel D.ieu introduisit les animaux et les êtres humains, lors de la Création. Tout d’abord, Il créa les animaux et ce n’est après qu’Il créa Adam et ‘Hava.

Bien que nos Sages répondent à cette problématique en citant l’ordre de la Création, cela ne fait que soulever une autre question : pourquoi D.ieu créa-t-Il d’abord les animaux puis les hommes ?

Des réponses paradoxales

Cette question est discutée dans le Talmud qui y apporte deux réponses paradoxales.

La première a pour but de nous faire prendre conscience que nous sommes inférieurs à toutes les autres créatures. Quand nous avons tendance à devenir arrogants, il nous est rappelé que même les moucherons nous ont précédés.

La seconde réponse affirme, bien au contraire, que D.ieu désirait que le monde entier soit achevé pour que nous puissions entrer en scène dans un univers complètement prêt à nous recevoir.

L’une de ces deux approches peut-elle également apporter une explication adéquate à la raison de l’ordre des lois de pureté qui fait également précéder les animaux ?

Il semblerait que la séquence de la création des animaux et des humains peut également traduire notre petitesse ou notre importance, car en fait, les deux sont réelles. Mais préfacer les lois concernant les humains de celles se rapportant aux animaux ne suggère ni l’infériorité ni la supériorité d’aucun d’eux, parce que les deux groupes de lois s’adressent à des personnes. Les premières gouvernent notre interaction avec les animaux et les secondes avec nous-mêmes. Il n’existe aucune loi adressée directement aux animaux !

Il nous faut clarifier la raison pour laquelle les êtres humains sont inférieurs aux moucherons.

Au moment de notre création, nous n’avions commis aucun péché. Pourquoi alors nous considérer comme moindres par rapport aux animaux ?

C’est le simple fait que l’être humain a le potentiel de pécher qui le rend inférieur.

Essayons de clarifier cette affirmation. Pourquoi un simple potentiel de fauter nous rendrait-il inférieurs ? Et qu’en est-il des véritables Tsadikim (justes parfaits) qui ne fautent pas.

Les animaux et les humains

La réponse réside peut-être dans notre compréhension de la différence fondamentale entre les humains et les animaux. En termes simples : les animaux manquent de peu de choses. Leurs besoins sont élémentaires et leurs désirs ne dépassent pas leurs besoins. Mais, comme nous le savons bien, les hommes ont de très nombreux besoins : des besoins physiques, émotionnels et spirituels. Et chacune de ces catégories se subdivise elle-même en de nombreuses sous-catégories de besoins. Et cela ne s’arrête pas là. Les hommes aspirent également à des choses dont ils n’ont pas besoin. Et quand bien même nous obtenons ce que nous voulons, cela devient souvent notre « besoin », au point que nous ressentons que nous ne pouvons pas nous en passer.

Être humain signifie être fondamentalement incomplet et être une créature intrinsèquement faillible. Pourquoi donc D.ieu généra-t-Il en nous cette permanente insatisfaction ?

En réalité, notre condition humaine exige que nous ne soyons jamais satisfaits puisque notre âme divine est animée d’une insatiable soif de Divinité. D.ieu est infini et donc l’homme, dans lequel réside une âme divine, ne peut, par définition, se sentir pleinement content. Le Tsadik, dominé par son âme divine, veut se rapprocher de D.ieu. Il veut étudier davantage de Torah et accomplir plus de Mitsvot. Il n’en a jamais assez. Quant à celui qui a l’air le moins préoccupé par D.ieu, il peut aussi être obsédé par ses désirs parce que son âme divine lui envoie des messages subliminaux qui lui indiquent de vouloir plus. Malheureusement, l’âme animale ne reçoit qu’un aspect du message et le traduit par un désir de toujours encore plus de plaisirs matériels.

Tsadik ou non, être humain signifie ne jamais être complet, ne jamais satisfaire entièrement ses désirs et toujours rester sensible à ce qui manque.

Cela peut expliquer pourquoi notre aptitude à pécher nous rend inférieurs aux animaux, y compris le plus juste parmi nous. On peut suggérer que notre aptitude à pécher, qui nous rend inférieurs aux animaux, vient du fait de mener une vie dans laquelle nos désirs nous rendent des insatisfaits perpétuels. Nous avons failli, même avant de pécher.

Nous pouvons, dès lors, comprendre pourquoi nous fûmes créés après toutes les autres créatures. Ce ne sont pas nos péchés eux-mêmes qui nous discréditent. C’est parce que notre potentiel de pécher, de faire preuve de déficience morale et spirituelle, est enraciné dans notre statut de créatures qui ne peuvent jamais être complètes.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les Mitsvot essentielles du Séder ?

Lundi 22 avril 2024, avant 20h 35, les femmes et les filles allumeront leurs bougies de la fête en récitant les bénédictions suivantes :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chel Yom Tov. »

(Béni sois-Tu Éternel notre D.ieu Roi de l’univers qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les lumières du jour de fête).

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé. »

(Béni sois-Tu Éternel notre D.ieu Roi de l’univers qui nous as fait vivre, exister et parvenir à ce jour).

Le lundi 22 et le mardi 23 avril 2024, on organise le repas du Séder pour célébrer la sortie d’Egypte. On ne pourra commencer qu’après la nuit tombée (21h 29 en Ile de France). Tous les Juifs doivent participer au Séder, hommes, femmes et enfants. Il faut :

Raconter la sortie d’Egypte

On le fait en lisant la Hagada. Il faut raconter à tous les participants et en particulier aux enfants, selon ce qu’ils peuvent comprendre. Pour éviter qu’ils ne s’endorment, on aura pris soin de les faire dormir l’après-midi et on leur fera chanter certains paragraphes de la Haggada.

Manger de la Matsa

On mange de la Matsa Chmoura les deux soirs du Séder après avoir dit la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al A’hilat Matsa », en plus de la bénédiction habituelle « Hamotsi ». La Matsa du Séder sera « Chmoura », c’est-à-dire qu’on aura surveillé depuis la moisson, que les grains de blé, et plus tard la farine, n’auront pas été en contact avec de l’eau, ce qui aurait risqué de les rendre ‘Hamets. Les Matsots Chmourot sont rondes, cuites à la main (et non à la machine) comme au temps de la sortie d’Egypte.

Il faut manger au moins 30 grammes de Matsa, et il est préférable de les manger en moins de quatre minutes. Il faudra manger trois fois cette quantité de Matsa : pour le « Motsi », pour le « Kore’h » (le « sandwich » aux herbes amères), et pour le « Afikoman », à la fin du repas, en souvenir du sacrifice de Pessa’h qui était mangé après le repas.

Manger des herbes amères (Maror)

On mange des herbes amères en souvenir de l’amertume de l’esclavage en Egypte. On achètera de la salade romaine qu’on nettoiera feuille par feuille devant une lumière pour être sûr qu’il n’y a pas d’insecte, après l’avoir fait tremper dans de l’eau. On prépare pour chacun des convives au moins 19 grammes de « Maror », c’est-à-dire de salade romaine avec un peu de raifort râpé, trempé dans le « Harosset » (compote de pommes, poire et noix, avec un peu de vin) après avoir prononcé la bénédiction : « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Al A’hilat Maror ». On consomme encore 19 grammes de Maror bien séché entouré de Matsa pour le « Sandwich de Kore’h ».

Boire 4 verres de vin

On doit boire au cours du Séder au moins quatre verres de vin ou de jus de raisin cachère pour Pessa’h. Le verre doit contenir au moins 8,6 centilitres, et on doit en boire à chaque fois au moins la moitié, en une fois. Les hommes et les garçons doivent s’accouder sur le côté gauche, sur un coussin, pour manger la Matsa et boire les quatre verres de vin.

Mardi soir 23 avril 2024, les femmes et filles allumeront leurs bougies après 21h 29 à partir d’une flamme déjà existante et prononceront les bénédictions :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Lehadlik Nèr Chel Yom Tov.

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vékiyémanou Véhiguianou Lizmane Hazé. »

Le Recit de la Semaine

 De huit jours à 89 ans…

On l’appelle le « Mohel d’Ukraine ». Le docteur Yaakov Gaissinovitch s’est spécialisé dans les circoncisions d’adultes car lui-même est passé par là…

Né à Moscou dans une famille très éloignée de toute pensée ou pratique religieuse, il a été éduqué dans les meilleures structures scolaires puis universitaires. « Tous savaient que j’étais juif, se souvient-il, mais je n’ai jamais souffert d’antisémitisme. Sans doute grâce aux professions académiques et au haut niveau scientifique de mes parents et de mes grands-parents ».

Le fait qu’il était juif ne l’avait jamais intéressé. Pour lui, c’était juste une mention technique sur sa carte d’identité puisqu’en Union Soviétique la religion est mentionnée obligatoirement sur les papiers. En 1993, l’adolescent décida de monter en Israël. Pourquoi ? Il ne se l’explique pas vraiment ou peut-être si : de nombreux Juifs émigraient alors en Israël car la Russie livrait une guerre contre la Tchétchénie et le fait de quitter le pays mettait évidemment les jeunes gens à l’abri du service militaire obligatoire ! « Je savais que les Juifs ont une maison qui s’appelle Israël et donc j’ai fait mon Alya ». Il étudia à l’université hébraïque de Jérusalem, un camarade lui donna l’adresse d’une Yechiva pour jeunes Baalé Techouva (qui retournent à une vie de Torah) et cela éveilla sa curiosité : « J’aimais la philosophie, les idées, les différentes visions du monde. J’avais envie de connaître le judaïsme mais sans imaginer un instant m’intéresser à sa pratique et en adopter la façon de penser, de parler, de vivre… ».

Cependant, ce qu’il découvrit ne le laissa pas indifférent et toucha toutes les fibres de son âme. C’est à cette époque qu’il rencontra Rav Yaron Amit qui s’occupait plus particulièrement de faire circoncire les nouveaux immigrants de l’ex-Union Soviétique. Yaakov avait alors 19 ans et il décida de sauter le pas. C’est ainsi qu’adulte, il entra dans l’alliance de notre père Avraham.

« Le contact avec Rav Amit ne s’arrêta pas là. Je l’aidais dès que j’avais un moment de libre : véhiculer les garçons et les hommes vers l’hôpital, rester à leur chevet quelques heures, régler les formalités administratives… Un jour, Rav Amit m’annonça qu’en Ukraine, on avait besoin d’un Mohel et il me proposa le poste puisque je connaissais la mentalité et qu’en Ukraine, les gens parlent aussi le russe. Je décidai de relever le défi. J’ai appris le « métier » dans une école médicale et je me suis installé en Ukraine où je me suis marié ».

Cela fait déjà plus de 20 ans que Yaakov sillonne toutes les régions d’Ukraine, même les petits villages éloignés. Le fait que lui-même se soit fait circoncire à 19 ans lui permet de comprendre les hésitations et les questionnements de ceux qui choisissent de passer par là. « Je n’effectue qu’un tiers des Brit Milot sur des bébés de huit jours. La plupart du temps, c’est sur des enfants, des adultes et même des personnes très âgées – bien sûr avec l’accord et la présence d’un médecin. C’est ainsi qu’il a circoncis un homme de 89 ans ; une autre fois, il a circoncis le même jour 22 garçons d’une colonie de vacances du mouvement Loubavitch, bien sûr avec l’accord de leurs parents. Un autre jour, il a reçu un appel d’un homme habitant à plus de mille kilomètres de Dnipro : l’homme voulait se faire circoncire. « Je lui ai répondu que, dans les prochains jours, je me rendrai justement dans sa région. Le lendemain matin, l’homme me téléphona à nouveau : « Je suis là, à Dnipro ! ». Il n’avait pas voulu attendre encore quelques jours et avait voyagé toute la nuit en train pour arriver ici ! ». Quelques heures plus tard, il était admis dans la salle d’opération aseptisée réservée à cet usage dans l’immense complexe communautaire Menorah fondé par Rav Chmouel Kaminetsky, le principal émissaire du Rabbi de Loubavitch en Ukraine. Après l’opération, il était si joyeux d’avoir enfin accompli son rêve qu’il participa avec entrain au repas où il décida de son nouveau prénom juif.

Mena’hem Cohen – Si’hat Hachavoua N° 1659

Traduit par Feiga Lubecki