Pour les forces de la Vie
Alors que nous avons la tête pleine de liberté – celle que Pourim nous a fait vivre et celle que la fête de Pessa’h nous donne par avance à ressentir – voici qu’a repris la sinistre litanie des assassinats de masse, si pudiquement appelés attentats, et des revendications barbares ainsi que leur suite, si légitime et nécessaire : condamnations, perquisitions, arrestations. C’est à présent presque une horrible routine. Et même si l’émotion collective est réelle, il y a comme une impression de déjà vu, voire d’habitude qui flotte dans l’atmosphère. Ainsi est sans doute faite la nature humaine : quand des événements se reproduisent, ils paraissent perdre de leur puissance. Il est bon pourtant de s’y attarder encore car c’est de la nécessité d’un véritable combat qu’il nous faut être conscient.
Entre les assassins et le reste de l’humanité, ce n’est pas que d’une divergence d’opinion ou de croyance qu’il s’agit mais bien de l’opposition entre deux visions du monde, exclusives l’une de l’autre. Celle des assassins privilégie la mort, qu’ils parent de toutes les promesses d’un imaginaire malade. Celle des hommes demande de croire en la vie et en tous ses potentiels. Elle demande de croire que, quel que soit l’être humain, il peut se construire, progresser, trouver le chemin qui le conduira plus haut et plus loin qu’il ne pouvait l’imaginer. Nos ancêtres savaient dire simplement les termes de cet affrontement ; c’est celui, éternel, qui oppose le Mal au Bien. Cette guerre-là a revêtu des apparences très diverses mais, fondamentalement, elle a toujours été la même. N’est-ce pas ce que D.ieu exprime quand Il déclare dans la Torah «J’ai mis devant toi le Bien et la vie et la mort et le Mal, et tu choisiras la vie» ?
Choisir la vie. C’est la mission assumée par le peuple juif dans toute son histoire, bien souvent à contre-courant du monde. C’est le mot d’ordre qui l’a guidé toujours et qui le conduit aujourd’hui à poursuivre sa tâche : éclairer les temps obscurs par ce qu’il vit, par son lien essentiel avec ce qui fait la nature des choses et leur donne un sens : la réalité du Créateur. Sachons que la liberté de chacun est celle que D.ieu conféra à l’homme. Sachons que, de ce fait, rien ne peut nous y faire renoncer. Un don Divin ne s’abandonne ni ne se négocie. Il est la garantie de la victoire sur toutes les forces de la nuit.
L’importance de chacun
Lorsque les exils du peuple juif seront rassemblés par la venue de Machia’h et que tous arriveront en Israël, c’est une immense multitude qui peuplera les villes de Terre Sainte. Pourtant, malgré cela, chacun gardera son individualité sans se perdre dans la collectivité. En effet, chacun possède une importance et un caractère particuliers et cela ne disparaîtra pas car, à cette grande œuvre commune, chacun a sa part propre à apporter.
(D’après un commentaire du Rabbi – Chabbat Parachat Réé 5751)
Tazrya
Résumé
La Paracha Tazria poursuit le sujet des lois de pureté et d’impureté, de l’impureté rituelle et de la pureté rituelle.
Une femme qui donne naissance doit suivre un processus de purification, qui comporte l’immersion dans un mikvé (un bassin d’eau naturelle) et des offrandes apportées au Saint Temple. Tous les garçons doivent être circoncis le huitième jour de leur vie.
Tsaraat (souvent mal traduit par «lèpre») est une plaie surnaturelle qui peut également toucher les vêtements. Si des taches blanches ou roses apparaissent sur la peau d’une personne (rouge foncé ou vertes sur les vêtements), l’on doit faire appel à un Cohen. S’appuyant sur l’observation de différents signes, comme une croissance de la zone atteinte après une mise en quarantaine de sept jours, le Cohen prononce que la tache est impure ou pure.
La personne affligée de tsaraat doit résider seule à l’extérieur du campement (ou de la ville) jusqu’à ce qu’elle soit guérie. Les parties touchées du vêtement sont enlevées. Si la tsaraat s’étend ou revient, tout le vêtement doit être brûlé.
La nuit brille comme le jour
Nos Sages déduisent des mots : «le huitième jour, la chair de son prépuce sera circoncise» (Vayikra 12 :3) que la mila, la circoncision, ne peut être accomplie que durant le jour et non la nuit.
Puisque cette affirmation ne fut promulguée qu’avec le Don de la Torah, la loi interdisant la mila la nuit fut également instituée après que la Torah eut été donnée. Au préalable, le Peuple juif pouvait l’accomplir le jour comme la nuit.
C’est ainsi que le Midrach (Chemot Rabbah 19 :5) relate que lorsque les Juifs se trouvaient toujours en Egypte, juste avant l’Exode, bon nombre d’entre eux n’avaient pas encore été circoncis. Une fois que D.ieu fit en sorte que l’arôme du sacrifice pascal de Moché se répandit sur toute la terre d’Egypte, les Juifs vinrent se présenter devant Moché, en lui demandant de partager son sacrifice pascal. Moché leur répondit qu’ils ne pouvaient le faire que s’ils étaient circoncis. A ces mots, ils voulurent accomplir cette mitsva.
Nous voyons, à partir de ce midrach, que de nombreux Juifs se circoncirent la nuit de Pessa’h.
Cela requiert des explications supplémentaires.
Bien qu’il soit vrai qu’avant le Don de la Torah, la mila était autorisée la nuit, pourquoi D.ieu ne suscita-t-Il pas de circonstances qui auraient motivé ces Juifs à pratiquer la circoncision durant la journée ? Cela n’aurait-il pas été préférable, même avant le Don de la Torah ?
Certains répondent à ces questions en affirmant que la nuit de la sortie d’Egypte était d’un tel niveau spirituel que «la nuit brillait comme le jour» (Tehilim : 139 :12) et que donc, c’était comme si ces circoncisions s’étaient véritablement produites le jour.
Mais pourquoi attendre de telles circonstances alors que les Juifs de l’époque auraient aisément pu se circoncire le jour ?
La sortie d’Egypte se produisit entièrement à la manière de Pessa’h, «passer au-dessus», au-dessus et au-delà des limites physiques de la nature. Car selon les lois de la nature, il était absolument inconcevable que les Juifs puissent sortir d’Egypte.
Cela était impossible sur le plan matériel : l’Egypte était si puissante que pas même un seul esclave ne pouvait en échapper, a fortiori une nation entière. Mais c’était tout autant impossible sur le plan spirituel : les Juifs étaient si plongés dans la dépravation morale et l’impureté égyptiennes qu’ils ne pouvaient s’extraire seuls de cette souillure.
Ce n’est que par la force de l’illumination divine qui transcenda totalement l’ordre de la nature, où la lumière et l’obscurité, le jour et la nuit furent véritablement unis, où toutes les contraintes et les limites de l’Egypte, qu’elles soient spirituelles ou matérielles, furent abolies, que les Juifs purent quitter ce pays en peuple libre, libre dans leur corps et libre dans leur esprit.
C’est la raison pour laquelle la préparation au départ de l’Egypte consistait en l’offrande du sacrifice pascal et la circoncision car ces commandements indiquent tous deux un service spirituel qui transcende les limites.
Pessa’h, comme nous l’avons mentionné, évoque le fait de «passer par-dessus». Quant à la mila, elle est une alliance éternelle avec D.ieu, alliance ne connaissant ni limites ni frontières.
Cela explique également pourquoi les commandements positifs de Pessa’h et de la mila ont ceci d’unique que si on ne les accomplit pas, à D.ieu ne plaise, cela tombe dans la catégorie des fautes passibles de karèth, «retranchement du lien de l’âme avec D.ieu», quelque chose que l’on ne rencontre pas en ce qui concerne les autres commandements positifs.
Car lorsque nous sommes confrontés à des degrés de sainteté tellement élevés, la possibilité de niveaux intermédiaires n’existe tout simplement pas : ou l’on est lié éternellement et infiniment à D.ieu ou non.
C’est pourquoi la révélation où «la nuit brillait comme le jour» entretenait un lien spécifique avec la mila, car «la nuit brille comme le jour» dénote le niveau absolument transcendant du service du Juif, reflété dans la mila.
Ce véritable «passage par-dessus» de la mila eut précisément lieu avant le Don de la Torah car ce n’est qu’alors qu’il était véritablement infini : il sortit les Juifs du domaine de l’impur et les installa dans celui de la pureté.
Plus encore, la mila du Peuple juif avant la sortie d’Egypte eut pour effet de les sauver des quarante-neuf degrés d’impureté et de les unir avec la révélation de D.ieu dans «toute Sa Gloire et Son essence». C’était un passage qui ne connut véritablement aucune limite. En conséquence, à ce moment-là, toutes les barrières entre le jour et la nuit disparurent également.
Quelles sont les lois et coutumes du mois de Nissan ?
- Le mois de Nissan commence cette année samedi 9 avril (Roch ‘Hodech).
- On évite de manger des Matsot jusqu’au soir du Séder (vendredi soir 22 avril).
- Dans toutes les communautés, on a coutume de ramasser de l’argent afin de pourvoir aux besoins des familles nécessiteuses pendant la fête. Cela s’appelle Maot ‘Hitime, l’argent pour la farine (nécessaire à la confection des Matsot). Le Rabbi a institué que chaque responsable communautaire s’efforce d’envoyer à ses fidèles dans le besoin des Matsot Chmourot (rondes, cuites à la main, spécialement surveillées depuis la moisson du blé), au moins pour les deux soirs du Séder.
- Tout le mois de Nissan, on ne récite pas la prière de Ta’hanoune (supplications).
- On ne jeûne pas durant le mois de Nissan (excepté les mariés avant la cérémonie).
- Après la prière du matin, les treize premiers jours du mois, on lit le sacrifice apporté par le Nassi du jour, en souvenir des sacrifices apportés par les princes des tribus le jour de l’inauguration du Michkane, le sanctuaire portatif dans le désert (Bamidbar – Nombres chapitre 7 et début du chapitre 8). Après la lecture des versets, on ajoute la courte prière de Yehi Ratsone imprimée dans le Siddour, le livre de prières.
- La première fois en Nissan qu’on voit des arbres fruitiers en fleurs, on récite la bénédiction Chélo ‘Hissère Beolamo…
(d’après Chéva’h Hamoadim – Rav Shmuel Hurwitz)
Un jour, le chauffeur de camion dévia de sa route…
Pas de temps mort pour la cacherout et les responsables de la surveillance alimentaire en savent quelque chose. Mais les semaines avant Pessa’h sont vraiment tendues !
Voici ce qui arriva à Rav Sholem Fishbane, administrateur du CRC (Chicago Rabbinical Council) extrêmement occupé alors qu’il devait superviser la cacherout d’un des plus grands hôtels du monde pour un séjour «Cachère LePessa’h».
«J’étais dans mon bureau quand mon secrétaire m’informa qu’un certain Rav Its’hak Hecht voulait me parler au téléphone et que c’était très urgent. Il faut savoir que, jour et nuit, je reçois des appels du monde entier et que je dois y répondre immédiatement car tel est le monde de la cacherout. Et j’ai appris, au fil des années, que mon travail m’impose d’être toujours accessible.
Mais là, ce n’était pas ce que j’attendais…
- Rav Fishbane, avez-vous perdu des Téfilines ?
J’étais stupéfait !
Effectivement, une douzaine d’années plus tôt, alors que je travaillais à Las Vegas pour le compte du CRC, le Talit que ma femme m’avait offert pour mon mariage ainsi que mes Téfiline – hérités de mon grand-père, survivant de la Shoah – avaient été volés avec ma valise dans ma voiture. Mon grand-père, Rav Sholem Romanovski, était décédé deux semaines avant ma naissance et j’avais été le premier descendant à porter son prénom, constituant ainsi une belle revanche sur les nazis. Les parchemins contenus dans ces Téfiline avaient été écrits par un Sofère (scribe) tellement réputé que, quand nous avons appris à ce Sofère que les Téfilines avaient été volés, il s’était évanoui. Maintenant c’était à mon tour de presque m’évanouir.
Que s’était-il passé ? Qui était ce Rav Hecht et comment avait-il retrouvé et les Téfiline et moi-même ?
Tout avait commencé avec un certain Josh D., chauffeur au service d’un hôtel de luxe, un Juif à la pratique et aux connaissances religieuses assez limitées. Un jour, alors qu’il prenait une nouvelle route, il trouva un marché aux puces et remarqua, au milieu d’un joyeux fouillis, une paire de Téfiline et un Talit. Bien qu’il ne connaisse pas grand-chose du judaïsme, il savait que ces objets étaient importants et les acheta, pour 20 dollars, avec des patins à roulettes en prime. Dans le sac de Téfiline, il trouva un Siddour (livre de prières) avec mon adresse et mon numéro de téléphone… mais datant de mon enfance ! A tout hasard, il téléphona et tomba, comble de l’ironie, sur le diocèse de Chicago ! Ne sachant que faire, Josh se souvint que, non loin de chez lui, il y avait une librairie juive avec une synagogue et un centre d’étude. Rav Hecht en était l’administrateur. Quand Josh lui montra le sac de Téfilines, Rav Hecht reconnut immédiatement mon nom : Sholem Fishbane, maintenant bien connu pour mes responsabilités au CRC. Il tapa CRC sur Google, trouva mon numéro et mit le téléphone sur haut-parleur pour que Josh puisse profiter de la conversation. Alors que je reste très rarement à mon bureau, je m’y trouvais justement et, dès que j’entendis la nouvelle, je m’écriai :
- Et où sont mes Téfiline ?
- A Henderson, au Nevada !
- Henderson, Nevada !
Je n’en croyais pas mes oreilles…
Ils auraient pu se trouver n’importe où dans le monde mais ils étaient à Henderson, l’endroit où je devais justement aller superviser la cachérisation de l’hôtel !
Dès que j’arrivai à Henderson, je cherchai Josh qui m’apporta à l’hôtel les précieux Téfiline de mon regretté grand-père. Josh pensait qu’il n’avait été qu’un intermédiaire involontaire mais il ignorait qu’il se trouvait dans un hôtel géré par la famille Werner, des ‘Hassidim de Loubavitch…
Shimmy Werner avait assisté à toute la scène entre Josh et moi-même et, en bon Loubavitch, il proposa immédiatement à Josh de mettre les Téfiline. Or Josh ne les avait jamais mis de sa vie et se trouvait donc dans la catégorie de Karkafta, un «crâne qui n’a jamais mis les Téfilines» et auquel un sort peu enviable est réservé après 120 ans… Bien entendu, nous l’avons aidé à mettre sur le champ les Téfiline et Shimmy a insisté : «Josh, revenez vendredi matin, nous célébrerons votre Bar Mitsva en grand !». C’est ainsi que Josh célébra officiellement sa Bar Mitsva vendredi devant plus de cent invités, avec un somptueux petit déjeuner offert par le patron de l’hôtel.
Les Téfiline de mon grand-père avaient permis à quelqu’un qui ne les avait jamais mis de célébrer sa Bar Mitsva de la manière la plus agréable et la plus émouvante possible. Par la suite, j’ai bien entendu fait vérifier ces Téfiline qui avaient séjourné pendant plus de douze ans dans un garage du Nevada : il s’avéra qu’ils étaient encore parfaitement cachères !
J’ai téléphoné à Josh pour lui proposer de continuer à rester en contact, par exemple en étudiant ensemble la Torah par téléphone. Je vous fais part de sa réponse par email :
«Bonjour, monsieur le rabbin ! J’ai souvent pensé à ce qui nous est arrivé. Je ne pense pas que les choses arrivent par accident et je ne crois pas aux coïncidences. Je ressens que cela devait arriver et je suis content que cela soit arrivé. Cela me conforte dans ce que je ressentais en étant enfant, le fait que ce monde est vraiment un endroit magique !».
C’est ainsi que, malgré mon emploi du temps surchargé, j’ai trouvé une demi-heure chaque semaine consacrée à téléphoner à Josh pour le mener sur la voie de la Torah. Comment expliquer qu’un certain jour, D.ieu l’avait fait dévier de sa route habituelle et, pour vingt dollars, lui avait procuré des patins à roulettes mais aussi une gigantesque Mitsva, celle de rapporter un objet volé à son propriétaire et surtout une magnifique fête de Bar Mitsva et un nouvel ami.
Et certainement une nouvelle façon de vivre son judaïsme !
Seul D.ieu connaît la suite éventuelle de l’histoire. Le monde est réellement un endroit magique !».
Azriela Jaffe – Mishpacha Magazine
Traduit par Feiga Lubecki