Dans la lumière
Tout le monde s’accorde à dire que le mois en cours – Kislev – est un mois de lumière. La formule figurera sans doute dans la majorité des publications communautaires de la période. Bien sûr, l’imminence de ‘Hanouccah n’y est pas étrangère et il conviendra de parler encore de la brillance de l’événement, de l’illumination – hors guirlandes – qu’il incarne. Mais, dès à présent, il faut se garder d’oublier que cette lumière n’est pas uniquement matérielle. Elle porte en elle une richesse spirituelle incomparable.
Il est vrai que la tradition juive utilise souvent l’image de la lumière pour décrire ce que le Créateur donne à la création. Là encore un tel terme n’implique pas l’existence d’une espèce de faisceau d’énergie physique. Il constitue bien davantage une métaphore utile qui permet à l’intellect humain, par nature limité, de comprendre un processus indicible. Ainsi, comme la lumière émane d’une source, ce que nous recevons provient du Créateur. Comme l’essence de la source se retrouve dans le rayonnement, c’est ainsi que nous recevons l’influx Divin. Egalement, la lumière descend jusqu’au plus bas degré et seul un obstacle artificiel peut en gêner l’expansion.
De la même façon, la lumière de l’âme s’étend avec force et vigueur. Elle apporte toutes les bénédictions de la clairvoyance et le réconfort de la connaissance. Cette lumière est multiple. Présente à ‘Hanouccah, elle est déjà parmi nous le 19 Kislev, lorsque se révèle pour ne plus jamais disparaître l’enseignement de Rabbi Chnéor Zalman, la ‘Hassidout. Une fois de plus, le concept de lumière trouve ici sa pleine application. C’est que le monde peut être essentiellement obscur. La matérialité qui le constitue, le rythme incessant du quotidien qui bien souvent interdit de regarder au-delà des apparences, font qu’il joue le rôle de voile devant la Divinité. C’est cet obstacle qu’il faut percer et, pour cela, la ‘Hassidout détient une clé.
En ce moment qui est finalement de toute lumière, il faut saisir toute la puissance du temps qui passe et ne plus jamais la laisser s’échapper. De 19 Kislev en ‘Hanouccah, elle nous accompagne. Elle donne à vaincre toutes les formes de l’obscurité et permet de ne plus avancer à tâtons. Les chemins du progrès sont définitivement ouverts, il suffit de s’y engager.
La place des portes
A propos du verset « ses portes s’enfoncèrent dans la terre » (Lamentations 2 : 9), les Sages enseignent (Midrach Ei’ha Rabba sur ce verset) que les portes s’enfoncèrent et furent ainsi cachées. Ainsi, quand Machia’h viendra et que le troisième Temple « descendra du ciel », les portes réapparaîtront et seront remises à leur place. L’idée est surprenante : comme le Temple lui-même descendra du ciel, des portes auraient pu déjà s’y trouver ?
Mais, comme l’enseigne le Talmud (Baba Métsia 53b), « L’homme préfère un ‘Kav’ en propre (de son travail) plutôt que neuf ‘Kav’ appartenant à son prochain ». Aussi, dans Sa grande bonté, D.ieu laisse à l’homme une part dans l’œuvre d’édification du troisième Temple : les portes qu’il aura à mettre en place.
(D’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parcaht Terouma 5744)
Vayéchev
Yaakov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaakov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’un manteau multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.
Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de plutôt le jeter dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaakov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.
Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.
En Egypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises chez Potiphar mais la femme de ce dernier le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Ce qui est oublié.
La demande non agréée
« Yaakov s’établit dans la terre où avait vécu son père » (Beréchit 37,1).
« Yaakov aspira à s’établir dans la tranquillité mais le souci de Yossef s’abattit sur lui. Quand le Juste cherche la tranquillité, D.ieu dit : ‘Ne suffit-il pas aux Justes ce qui est préparé pour eux dans le Monde futur pour qu’ils recherchent également la tranquillité dans ce monde ?’ » (Rachi).
La plupart d’entre nous avons des aspirations raisonnables : développer notre esprit, joindre les deux bouts, vivre en paix avec nos voisins. Mais de temps à autre, nous rencontrons certains individus, rares, qui ne peuvent apprécier leur repas sachant que quelqu’un, quelque part, a faim. Des individus qui, s’il y a de l’ignorance dans le monde, estiment que leur propre connaissance est défectueuse. Des individus qui, sachant que la discorde règne dans l’univers, ne peuvent être en paix avec eux-mêmes.
Yaakov était un homme de ce type. Des trois Patriarches fondateurs du peuple juif, seuls les noms de Yaakov (« Yaakov » et « Israël ») sont synonymes de « peuple juif ». Cela tient au fait que Yaakov ne menait pas une vie individuelle pas plus que ne lui appartenaient, à lui personnellement, ses combats et ses aspirations. Sa vie et ses actes sur terre ne constituaient que les prémices de la saga de trente-cinq siècles du peuple d’Israël.
Un désir et le refus
Cela explique un commentaire plutôt curieux de nos Sages. Le verset décrit comment, après des décennies d’exil et de combats (Yaakov aux prises avec Lavan, sa confrontation avec Essav, l’abus de Dina et la mort de son épouse bien-aimée, Ra’hel), Yaakov aspirait à s’installer dans la tranquillité en Terre sainte. Et pourtant, cela ne devait pas être puisque, peu après, « le souci de Yossef s’abattit sur lui ». « Quand les Justes aspirent à la tranquillité, dit le Midrach, D.ieu dit : ne suffit-il pas aux Justes ce qui leur est préparé dans le Monde futur pour qu’ils recherchent également la tranquillité dans ce monde ? »
Pourquoi donc les aspirations de Yaakov ne furent-elles pas exaucées ? Yaakov avait atteint l’âge avancé de 99 ans. Il était sorti intact, dans son intégrité et dans sa droiture, de toutes ses épreuves. Ne méritait-il pas du répit ?
Et pourquoi le désir de tranquillité « dans ce monde » empêche-t-il « ce qui est préparé (aux Justes) dans le Monde futur ?
Mais pour Yaakov une tranquillité personnelle était inséparable d’un état d’harmonie universelle, dans le monde de D.ieu. Yaakov n’était pas en quête de paix et de tranquillité dans sa vie personnelle mais de la paix ultime : l’union de l’esprit et de la matière, la pénétration d’un sens dans la matérialité. Pour Yaakov, « s’installer » n’était rien de moins que la Rédemption ultime avec Machia’h.
Agréer immédiatement et d’emblée la requête de Yaakov aurait résulté en une harmonie limitée dans son étendue et dans sa profondeur. Seuls les événements douloureux de la vente de Yossef et de l’exil du peuple juif qui suivit furent nécessaires. Une installation tranquille en Terre d’Israël aurait confiné l’harmonie dans l’environnement le plus immédiat de Yaakov. Tout ce qui était à l’extérieur serait resté exclu, hostile et ne se serait pas développé.
C’est pourquoi « le souci de Yossef » qui accabla Yaakov constituait l’étape suivante vers la paix à laquelle il aspirait. La descente de Yossef en Egypte, la culture la plus pervertie, et son ascension jusqu’à devenir le dirigeant et le maître du pays, permirent à Yaakov et à sa famille d’étendre leur influence jusqu’aux confins de l’environnement le plus corrompu.
Dans un sens plus universel, la descente de Yossef en Egypte amorça l’exil égyptien, le prototype et le précurseur de tous les exils d’Israël.
« Peu nombreuses et déficientes »
Cela explique également le sens qui se cache derrière les paroles qu’adressera Yaakov au Pharaon, vingt-deux ans après la vente de Yossef, une fois que Yaakov et Yossef auront été réunis en Egypte et que Yossef lui présentera son père.
Pharaon demanda à Yaakov : « quel est le nombre des années de ta vie ? »
Yaakov répondit à Pharaon : « Les années de mon séjour sont de cent et trente. Peu nombreuses et déficientes ont été les années de ma vie, et elles n’ont pas atteint les jours de la vie de mes pères… »
Des siècles plus tôt, D.ieu avait établi les années de la vie humaine à « cent et vingt ans ». Et pourtant, Yaakov décrit ses 130 années, pleines d’accomplissements, comme « peu nombreuses et déficientes ». Bien qu’importantes en nombre, veut dire Yaakov, elles sont déficientes en contenu car leurs efforts attendent encore leur réalisation.
C’est en cela que Yaakov détient son unicité parmi les Patriarches. Son grand-père Avraham « est devenu vieux et parvenu dans ses jours ». A l’issue de sa vie, ses jours étaient remplis des fruits de son labeur. Son père Its’hak avait lui-aussi vécu une vie remplie, la vie d’une « offrande parfaite ».
Mais, dit Yaakov, mes propres jours « n’ont pas atteint les jours de la vie de mes pères ». Contrairement à mes pères qui ont conclu le cycle de leurs accomplissements, au cours de leur vie, ma vie n’est que le chapitre d’introduction dans le processus qui couvre l’histoire.
Les femmes et jeunes filles ont-elles l’obligation d’allumer la ‘Hanoukia ?
Réponse : Les femmes et jeunes filles ont subi de terribles restrictions durant l’occupation gréco syrienne. Par ailleurs, la victoire militaire fut en grande partie due à l’action héroïque d’une femme, Yehoudit. C’est pourquoi les femmes et filles ont l’obligation d’assister à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah par un homme. Dans le cas où il n’y a pas d’homme (ou garçon de plus de treize ans) pour les rendre quittes, elles allumeront leurs propres lumières de la fête.
Que doit faire celui qui rentre chez lui très tard le soir de ‘Hanouccah ?
Normalement on doit allumer les lumières de ‘Hanouccah de façon à « publier le miracle », donc quand les gens sont réveillés.
On peut allumer les lumières de ‘Hanouccah en principe toute la nuit, à condition que quelqu’un soit éveillé dans la maison. Si tout le monde dort, il faudrait normalement réveiller au moins une personne.
Cependant, celui qui allume sa ‘Hanoukia alors que plus personne n’est éveillé ne sera pas réprimandé pour cela.
Comment agissent les élèves d’un internat ?
Selon certaines opinions, ils sont considérés comme membres d’une même famille et doivent donc allumer chacun leur ‘Hanoukia dans le réfectoire ; s’ils le désirent, ils peuvent avoir l’intention de ne pas se rendre quittes et allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher qui est considérée comme leur véritable demeure.
D’autres décisionnaires tranchent qu’ils doivent à priori allumer leur ‘Hanoukia dans leur chambre à coucher.
Enfin, certains décisionnaires séfarades estiment que les pensionnaires d’un internat sont rendus quittes de leur obligation d’allumer du fait que leur père allume chez lui à la maison en pensant à eux.
Si on allume la ‘Hanoukia en public, dans une synagogue ou une fête, doit-on prononcer les bénédictions ?
De nombreux décisionnaires tranchent qu’il faut allumer la ‘Hanoukia avec les bénédictions dans tout endroit où des Juifs se réunissent, que ce soit dans une fête, un restaurant, un mariage etc… afin de rendre le miracle public.
Même si on assiste à un allumage public, on doit allumer sa ‘Hanoukia avec les bénédictions une fois qu’on est rentré chez soi.
(d’après Rav Yossef Ginsburgh)
Tchador et ‘Hanouccah
Nous nous tenions serrés autour de la grande Menorah. Mon père chantait les airs traditionnels tandis que ma mère et moi-même, enveloppées dans nos tchadors de cérémonie, servions aux invités les petits gâteaux blancs sucrés traditionnels, avec de grands verres de thé perse bouillant.
- Tu es encore là, soupira ma mère avec un sourire triste. Te souviens-tu que nous t’avions bénie l’année dernière en te souhaitant que, l’année prochaine c’est-à-dire cette année, tu pourrais allumer la Menorah en Israël avec Myriam ? (Ma sœur Myriam était montée en Israël dix ans auparavant).
Nous étions à Téhéran en 1986. La police des Ayatollahs gouvernait avec une main de fer. Des lois cruelles s’accumulaient pour nous rendre la vie amère. Une femme remarquée dans la rue sans son voile était arrêtée et, au commissariat, sévèrement battue. Les exécutions sommaires étaient monnaie courante.
Bien qu’il y ait eu et qu’il y ait encore de l’antisémitisme, cela n’avait rien à voir avec le respect des lois de la Torah – en tous cas pas là où nous habitions. Mes parents étaient très pratiquants. Ma mère étudiait régulièrement la Torah et ne nous permettait pas de manger ce qui n’avait pas été préparé à la maison.
Mon père puis mes frères avaient étudié la médecine puis s’étaient spécialisés en pharmacologie. Personnellement, j’avais une bonne place de secrétaire. Mais sous le règne de Khomeiny, tous les employés juifs furent renvoyés. Je cherchais un autre travail mais en vain.
Onze mois avaient passé. J’avais trente ans et je n’étais toujours pas mariée. Pendant trois ans, nous avions essayé d’obtenir pour moi un visa pour Israël. Mon frère aîné prit l’affaire en mains. Un vendredi, un mois avant ‘Hanouccah, il décida : « Farida, tu pars maintenant ! ». Il m’avait inscrite dans un groupe de jeunes gens juifs dont les familles avaient loué les services de passeurs professionnels.
Je pris hâtivement congé de mes parents. Mon frère paya le passeur et lui remit une grosse somme d’argent que j’avais économisée pour acheter un appartement en Israël et qu’il devait me rendre à la fin du voyage. Quant à moi, je n’emportai qu’une petite valise avec quelques vêtements et des bijoux.
Un peu avant Chabbat, nous sommes arrivés dans un village où une famille juive nous hébergea. A minuit, deux jeeps s’arrêtèrent devant la maison et des passeurs armés nous enjoignirent de les suivre. Les jeeps foncèrent puis arrivèrent dans un autre village.
Après Chabbat, les guides revinrent avec des vêtements de villageois pour nous. Je reçus un pantalon avec une longue robe foncée et un tchador noir.
De retour dans les jeeps, nous avons furieusement traversé le désert. A un moment, la route s’arrêta et les guides nous annoncèrent que nous devions continuer à pied. Nous avions l’interdiction de prononcer un mot. Nos guides avançaient, suivis par les garçons et moi en queue. Au bout de quelques heures de marche, quelqu’un arriva par l’arrière et m’attrapa par le bras :
- Qui êtes-vous ? me demanda-t-il.
Je sursautais de frayeur.
- J’ai entendu qu’il y avait une femme dans ce groupe et je suis venu vous aider pour que vous ne tombiez pas.
Il prit ma valise tout en me tenant par le bras. Je n’osais rien dire mais, soudain, je m’aperçus que nous étions seuls.
- Nous les avons perdus de vue, grimaça mon « accompagnateur ». Alors venez avec moi sinon je vous remets aux autorités !
Je m’assis sur le sol dur. Je levai les mains au Ciel et priai : « Oh mon D.ieu ! Soit Tu m’envoies quelqu’un pour m’aider soit je prie pour que la terre m’engloutisse comme Kora’h ! ». L’homme m’attendait puis décrivit la prison en termes à se faire dresser les cheveux sur la tête. Il s’impatienta : « Allons-y ! ».
Vers une heure du matin, j’entendis des pas. C’était un trafiquant de drogue iranien qui, comme nous, tentait de franchir la frontière illégalement : « Que fait une femme ici ? » demanda-t-il, choqué. Apparemment quelque chose dut l’émouvoir et il me permit de rattraper mon groupe. Mais sans ma précieuse valise. « Maintenant vous marcherez près de moi ! » ordonna le guide.
Nous sommes arrivés à la frontière entre l’Iran et le Pakistan à sept heures du matin. Quatre passeurs nous attendaient. L’un d’entre eux s’étonna : « Jamais nous n’aurions cru qu’une femme réussirait à voyager dans ces conditions dangereuses ! Comment avez-vous fait ? ». J’étais trop épuisée pour répondre.
Nous sommes arrivés le soir dans un village pakistanais. On nous installa dans des écuries, avec les chevaux (!)… Bien plus tard, des jeeps nous emmenèrent dans un autre village, alors que l’odeur de l’écurie collait encore à nos vêtements. Là nous avons enfin pu manger, boire et dormir.
Quatre jours plus tard, ils nous cachèrent sous les sièges d’un autre petit véhicule et, la nuit tombée, nous sommes arrivés au centre du Pakistan. Au matin, nos guides annoncèrent que nous allions rejoindre un bureau des Nations Unies pour obtenir des laissez-passer.
Au moins dans ce bureau, tout se passa comme prévu, nous reçûmes des documents et nous fûmes hébergés dans un hôtel payé par l’Agence Juive. Le premier jour, je contractai un terrible mal de tête et de la fièvre. Les garçons me traînèrent dans une « clinique », de fait une tente constituée de rideaux, envahie par toutes sortes d’insectes et de moustiques. J’y suis restée trois semaines, faible et presqu’inconsciente. Enfin, on nous procura des billets d’avion et nous avons atterri à Zürich. Quand nous sommes arrivés devant le comptoir à l’aéroport pour acheter des billets pour Israël, chacun d’entre nous tendit l’argent que les guides leur avaient donné quand nous les avions quittés. Angoissée, je réalisai que les garçons tenaient mes chèques, mes économies de toute une vie que mon frère avait innocemment confiées à nos guides. L’argent ne suffisait pas. Nous sommes restés sur place, un groupe bizarre, apparemment désireux de voyager mais sans bagages.
Les agents de sécurité nous observaient et tentèrent de communiquer avec nous dans toutes les langues qu’ils connaissaient mais pas le perse. Finalement quelqu’un remarqua que je connaissais un peu d’hébreu et contacta un représentant de l’Agence Juive. Celui-ci s’occupa de nous procurer des billets ainsi que de la nourriture cachère dans l’avion ; il informa aussi nos familles de notre arrivée prochaine.
Ce dont je me souviens de notre arrivée, ce fut des femmes qui n’étaient pas voilées et ma sœur qui m’embrassait longuement en répétant encore et encore : « Je savais que tu arriverais, le Rabbi l’avait promis ! ».
Nous nous sommes installés dans son magnifique salon. Nous avons bu du thé perse brûlant et sucré tout en regardant les flammes qui dansaient dans les godets de la Menorah de mon beau-frère.
Puis elle m’expliqua. Quant trois semaines s’étaient passées depuis que j’avais quitté la maison de mes parents et qu’elle n’avait encore pas obtenu de mes nouvelles, ma sœur avait écrit au Rabbi. De New York, le Rabbi lui avait répondu qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, que j’étais en route et que j’arriverais bientôt en bonne santé. J’ai rapidement calculé que le Rabbi avait répondu cela quand j’étais malade et que ma vie était en danger.
Jusqu’à maintenant, quand je regarde les flammes de la Menorah, je me souviens de ce voyage éreintant qui n’est toujours pas achevé. La dernière étape sera quand nous allumerons tous ensemble la Menorah dans le troisième Temple, puisse-t-il être reconstruit immédiatement !
Farida Farsi
Traduite par Feiga Lubecki