Samedi, 9 décembre 2023

  • Vayéchev
Editorial

 Vive la lumière !

Les fêtes que nous célébrons d’année en année ont ce côté bouleversant d’être toujours actuelles. De fait, qu’elles soient des rites prescrits par nos textes ou liées à des événements historiques, elles dépassent très largement le contexte auquel elles se rattachent. Elles possèdent en elles une qualité éternelle d’actualité, même si un tel concept a de quoi surprendre. C’est que, au-delà de leurs enseignements immédiats, c’est aussi de nous qu’elles parlent. Il n’y a sans doute pas d’exemple plus éclatant que celui de ‘Hanouccah.

La célébration commence cette semaine et elle nous raconte un temps d’oppression et de combat. L’oppression est, comme bien souvent, militaire, politique, culturelle et religieuse. Les Grecs occupent Israël et ils veulent que les Juifs laissent leur conscience propre disparaître. Ils veulent que demain ne retentisse que le bruit et la fureur de leur monde à l’exclusion de tout autre. Ils entreprennent donc la destruction spirituelle, morale puis physique de tout ce qui ne leur ressemble pas ou qui ne plie pas devant eux. C’est un temps d’obscurité, et la nuit est si profonde qu’on pourrait venir à en oublier l’existence de la lumière.

Pourtant, certains savent ne jamais désespérer. Au cœur des temps noirs, ils perçoivent qu’un chemin de vie est toujours ouvert et qu’il tient d’abord à la décision de chacun de s’y engager. C’est ainsi que commence la lutte, puis une véritable guerre, qui débouche sur la victoire miraculeuse de ‘Hanouccah mais surtout sur l’allumage du chandelier à sept branches du Temple de Jérusalem, la Menorah. Et depuis, tous les assauts du monde n’ont pas réussi à l’éteindre ou même à en diminuer la puissance. Par sa nature, la lumière a vaincu l’obscurité et elle l’a fait pour toujours.

Aujourd’hui, on peut avoir l’impression que les ombres montent à nouveau. D’un temps de relative sérénité, voilà que l’on semble être revenu à une époque d’incertitude et d’angoisse voire de pure furie. Sachons donc nous regrouper autour de la lumière. Elle est la belle expression de la civilisation des hommes. Elle est aussi ce prodige Divin qui fait que ce qui nous entoure est meilleur. Sachons la diffuser autour de nous par nos actions et notre présence. Cela fait aussi partie de notre mission, pour un avenir de paix et de bonheur. Joyeux ‘Hanouccah !

Etincelles de Machiah

 Corps et âme

Un verset prophétique enseigne (Osée 6:2) : « Il nous fera revivre après deux jours ; le troisième jour, il nous redressera et nous vivrons devant Lui. »

Les Sages interprètent les « deux jours » comme faisant référence à ce monde-ci et au monde futur, au sens d’au-delà. En revanche, le « troisième jour » correspond au monde de la résurrection, le plus haut des degrés qui suivra la venue de Machia’h. Ce dernier niveau est radicalement différent des deux précédents car le corps et l’âme partagent alors le même enthousiasme pour le service de D.ieu. C’est là le but ultime de la création.

(d’après les Iguerot Kodech du Rabbi de Loubavitch, vol. IV, p.452)

Vivre avec la Paracha

 Vayéchèv

Yaakov s’établit à ‘Hévron avec ses douze fils. Yaakov montre de la préférence pour Yossef, son fils de dix-sept ans, en lui réservant un traitement de faveur, comme le don d’une tunique multicolore, suscitant la jalousie de ses autres fils. Yossef raconte à ses frères deux de ses rêves qui prédisent qu’il est destiné à les diriger. Cela accroît encore leur jalousie et leur haine à son égard.

Chimon et Lévi complotent de le tuer mais Réouven suggère de plutôt le jeter dans un puits. Il a l’intention de revenir le sauver. Alors que Yossef est dans le puits, Yehouda le vend à des voyageurs ismaélites. Les frères font croire à leur père Yaakov que Yossef a été dévoré par un animal sauvage.

Yehouda se marie et a trois enfants. L’aîné, Er, meurt jeune et sans enfant et sa femme est mariée, en lévirat, à son second fils, Onan. Onan pêche et lui aussi est frappé par une mort prématurée. Yehouda se refuse à lui donner son troisième fils. Mais Tamar, déterminée à avoir un enfant de la famille de Yehouda, se déguise et attire Yehouda lui-même. Quand Yehouda apprend qu’elle est enceinte, il la condamne à être exécutée mais devant les preuves, il réalise et reconnaît qu’il est le père. Tamar donne naissance à deux fils jumeaux : Pérets (ancêtre du Roi David) et Zéra’h.

En Égypte, Yossef est vendu à Potiphar, ministre du Pharaon. D.ieu bénit toutes ses entreprises dans la maison de Potiphar mais sa femme le convoite et, devant son refus, le fait emprisonner. En prison, il gagne la faveur de l’administration pénitentiaire. Il rencontre le maître échanson et le maître panetier du Pharaon. Il interprète correctement leurs rêves et demande au maître échanson, qui sera libéré, d’intercéder en sa faveur auprès du Pharaon. Mais il oubliera de le faire.

 

Le tableau que nous pouvons observer à l’ouverture de la Paracha de cette semaine est d’une perfection presque idyllique : la famille de Yaakov est complète, ses enfants sont tous fidèles à ses idéaux, il a amassé de grandes richesses et est retourné s’installer sur la terre de ses pères en Terre Sainte. Enfin, il a endossé le manteau du chef de la génération. De plus, il a solidement établi sa réputation en surmontant physiquement et spirituellement trois adversaires : Lavane, Essav et Che’hem. Il est à la fois estimé et craint par la population environnante. Il semblerait donc que désormais, tout ce qui lui reste à faire soit de continuer à élever et guider sa famille jusqu’à ce qu’elle s’élargisse pour former un peuple prêt à recevoir la Torah. Le nom même de cette Paracha, « Vayéchèv » (« et il résida ») évoque une sérénité pastorale.

Mais, comme nous allons bientôt le découvrir, une rivalité s’instaurait entre les frères et quand elle émergea, elle risqua de détruire la famille et d’écraser tout espoir que la fratrie devienne un jour le porte-parole de la vision des Patriarches. Tout d’abord, Yossef fut vendu comme esclave par ses frères. Puis Yehouda se sépara d’eux pour contracter une alliance en dehors de la famille. Yaakov lui-même resta inconsolable de la disparition de Yossef. Il semblerait dès lors que le reste de la Paracha est tout le contraire de ce qu’elle laissait promettre et qu’elle ne reflète en rien la tranquillité qui apparaît dans son nom.

Pour comprendre cette contradiction apparente, rappelons-nous que Yaakov savait que l’accomplissement de la mission divine de faire du monde une Résidence pour D.ieu dépendait de la façon dont il surmonterait la force spirituelle d’Essav et que Yossef représentait les qualités spirituelles qui allaient faciliter cet accomplissement. C’est la raison pour laquelle Yaakov voyait en lui son héritier naturel.

Toutefois, alors que Yaakov se concentrait sur les qualités spirituelles de Yossef, ses frères ne manquèrent pas de constater que son comportement était inquiétant, qu’il montrait une forme d’arrogance et d’orgueil qui leur rappelait le tempérament d’Essav. Le fait que leur père le favorise, semblant ne pas voir ses défauts, ne fit que renforcer leur idée qu’il était comme Essav : après tout, Its’hak avait été dupé et avait pensé que son fils préféré était son héritier légitime, malgré son comportement extérieur. C’est pourquoi les frères conclurent que, tout comme il y avait des enfants dans les deux premières générations dont il avait fallu se séparer, il en allait de même avec la troisième génération. Plutôt que d’être l’antidote à Essav, Yossef était le nouvel Essav et en tant que tel, devait être éliminé.

Une fois que les frères de Yossef furent tous convaincus qu’il était inapte à remplir son rôle futur, la providence Divine devait faire en sorte de les convaincre du contraire. Et c’est ainsi que commença la longue odyssée de Yossef en Egypte.

Celui qui changea innocemment le cours des événements fut le quatrième fils de Yaakov, Yehouda, qui s’avança pour convaincre ses frères de vendre Yossef à une caravane de marchands plutôt que de le tuer. C’est ainsi qu’il retourna la situation qui menaçait d’être la fin certaine de tout en un commencement. Il mit en marche le processus qui aboutirait finalement à la réunion et la réconciliation des frères et en conséquence à la juste prérogative de Yossef de prendre la direction familiale et à l’accomplissement du désir de Yaakov de servir D.ieu dans la paix et la tranquillité.

Cela explique pourquoi la Torah interrompt le récit de l’histoire de Yossef avec un interlude décrivant les alliances extra familiales de Yehouda. Par cette alliance, il engendra Peretz, l’ancêtre du Roi David qui, à son tour, est l’ancêtre du Machia’h. Yehouda ressort donc non seulement comme l’élément déclencheur de la rédemption de la famille de Yaakov mais aussi de la Rédemption ultime de tout le Peuple juif et de l’humanité.

En demandant à D.ieu la tranquillité nécessaire pour mieux accomplir sa Mission Divine, Yaacov demandait simplement sa rétribution pour avoir surmonté les épreuves avec Lavane, Essav et Che’hem. Mais D.ieu voulait lui accorder une paix encore plus profonde qui lui permettrait de remplir sa mission de façon encore plus accomplie. Et cela dépasserait ce qu’il pouvait gagner par ses propres efforts et serait un avant-goût de l’époque messianique. Mais pour pouvoir y accéder, il devait surmonter une épreuve.

Le point commun de ses épreuves précédentes était que chacune d’entre elles était un combat avec une sorte de mal. De telles épreuves peuvent être très éprouvantes, mais au moins elles nous donnent la satisfaction de savoir qu’en les surmontant, nous avons accompli quelque chose de tangible. Par contre, le test d’une souffrance apparemment dépourvue de signification n’apporte pas un tel réconfort. Et c’est précisément à ce genre de test que Yaakov fut maintenant soumis, sous forme de la perte de Yossef et du doute intérieur quant à l’issue du travail de sa vie. Par ces souffrances, Yaacov fut raffiné au point qu’il devint plus tard (dans la Paracha Vaye’hi) le réceptacle dans lequel D.ieu allait déverser une paix et un contentement intérieurs très profonds.

Le premier enseignement que nous pouvons donc tirer de cette Paracha est d’être conscients que la Providence Divine orchestre toujours les événements, même si parfois, cela ne se voit pas. Quelque désespérée que notre situation puisse paraître, la solution se trouve toujours près de nous et le mécanisme de la rédemption peut être déjà en marche.

D’autre part, nous voyons combien il est important de regarder au-delà des vicissitudes du présent et d’aspirer à la Rédemption, ce que nous voyons faire Yaacov au début de la Paracha. Il est instructif de noter que D.ieu ne chercha pas à mettre Yaacov sur le chemin, qui l’aurait mené à cette paix véritable à laquelle il aspirait, avant qu’il ne l’ait spécifiquement demandé lui-même. Ce fut réellement son aspiration à la Rédemption messianique qui lança tout le processus qui nous y conduira.

On pourrait objecter qu’il est préférable de renoncer à la paix et au contentement véritables si le prix à payer est si élevé et que des souffrances incompréhensibles comme celles de Yaakov viennent encore s’ajouter. Mais puisque nous avons déjà tant souffert à travers notre histoire, il est clair que nous nous sommes suffisamment raffinés désormais pour mériter la Rédemption finale. Tout ce qu’il nous reste à faire est de prier D.ieu sincèrement, avec force et conviction et Il nous répondra certainement.

Le Coin de la Halacha

 Comment allume-t-on les 2 lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 8 décembre 2023 ?

Il convient, avant l’allumage, de procéder à la prière de Min’ha. On peut allumer à partir de 16h 01 et jusqu’à 16h 36 (en Ile-de-France).

Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :

(1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr ‘Hanouccah ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah. »

(2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamime Hahème, Bizmane Hazé ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci. »

On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc. à l’aide de la bougie appelée « Chamach ».

On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 2 godets (ou d’avoir prévu 2 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h 21 (en Ile-de-France). Après l’allumage, on récite « Hanérot Halalou ». On ne pourra pas déplacer la Ménorah durant tout le Chabbat.

Avant 16h 36, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsedaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.

Puis, en se couvrant les yeux de leurs mains, elles réciteront la bénédiction :

« Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vétsivanou Léhadlik Nèr Chel Chabbat Kodech ».

« Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat. »

Tout ceci devra être terminé avant 16h 36 (en Ile-de-France) le vendredi 8 décembre.

Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

A l’issue du Chabbat, on récitera la Havdala avant l’allumage de la troisième bougie.

Le Recit de la Semaine

 La Menorah qui attendit 84 ans

C’est dans un endroit très spécial - la grande salle de l’opéra municipal de Nuremberg en Allemagne - qu’a eu lieu, l’année dernière, l’allumage public d’une Menorah très spéciale. Déjà le nom de la ville, Nuremberg, évoque de sinistres souvenirs. C’est dans cette ville que furent édictées par le parti nazi les lois anti-juives en 1935, c’est dans cette ville que furent jugés en 1946, par un tribunal international, quelques-uns des plus grands criminels de la Shoah. Mais Nuremberg abrite maintenant une communauté juive en pleine restructuration sous la direction de Rav Eliézer ‘Hitrick qui s’emploie à redonner aux Juifs locaux l’éducation juive qui leur a tant manqué durant des années.

Le 9 novembre 1938, la synagogue de Nuremberg, comme beaucoup d’autres en Allemagne, fut incendiée lors de ce qu’on a appelé par la suite : la Nuit de Cristal, en référence aux innombrables vitraux (et bâtiments) brisés et détruits cette nuit-là dans un immense pogrom à l’initiative du parti nazi et de ses tueurs.

Deux mois avant ‘Hanouccah l’année dernière, Rav ‘Hitrick avait reçu un coup de téléphone d’un habitant de la ville, signalant qu’il souhaitait rendre à la communauté juive de Nuremberg un chandelier que son oncle avait volé lors de l’incendie de la synagogue principale, celle qui se dressait à quelques mètres de l’opéra. Cela faisait 84 ans que cette Menorah se trouvait dans les affaires de la famille. L’oncle, alors âgé de dix ans, s’était faufilé dans les ruines du bâtiment incendié et avait rapporté cet objet chez lui. Son père l’avait copieusement frappé pour ce vol et avait exigé que l’enfant le rende aux Juifs de la ville. Mais les Juifs qui n’avaient pas été arrêtés ou déportés cette nuit-là s’étaient enfuis et la Menorah était restée dans un grenier, oubliée de tous.

« Dernièrement, raconta le neveu du voleur dans une lettre, j’ai rencontré à Zurich en Suisse une famille juive originaire de Nuremberg. Ces gens m’ont raconté combien ils ont souffert pendant la Shoah, dans les camps d’extermination puis, par la suite, pour retrouver les survivants et recommencer à vivre. C’est cette rencontre qui m’a poussé à boucler la boucle et à enfin rendre la Menorah à la communauté juive que vous représentez, Monsieur le Rabbin ! ».

A la fin de cette déclaration, l’homme conclut : « Je serais heureux que cette Menorah et son histoire soient acceptées en signe de paix et d’apaisement. Personnellement, je vous souhaite, ainsi qu’à toute votre communauté la paix et la bénédiction ».

C’est ainsi que, l’année dernière, à Hanouccah, Rav ‘Hitrick qui est en poste à Nuremberg depuis 19 ans, a accueilli avec émotion la lettre de l’homme ainsi que la Menorah. C’était justement dans la période où on commémorait la Nuit de Cristal, alors qu’on venait aussi de recevoir des photos inédites de l’incendie de la synagogue en novembre 1938. Cette Menorah a donc été réinstallée dans la grande synagogue d’où elle avait été volée alors que la communauté se réunissait pour une grande soirée festive dans la salle de l’opéra municipal. La boucle a été bouclée.

Après que l’histoire ait été publiée dans la presse locale, un autre citoyen allemand a rapporté à Rav ‘Hitrick un vieux chandelier. C’était le grand-père de son épouse qui avait ramassé ce chandelier dans les ruines de la synagogue en feu. « Il est très important, rappelle Rav ‘Hitrick, que les objets volés soient rendus à leurs propriétaires ou, du moins, à leurs descendants spirituels. C’est d’ailleurs notre rôle ici, rendre à cette ville allemande le judaïsme qui en a été banni dans des circonstances si tragiques. C’est à nous de faire briller la lumière de Hanouccah, avec fierté et avec bonheur. Le peuple éternel est porteur d’une lumière éternelle ».

Mena’hem Cohen – Sih’at Hachavoua 1877

Traduit par Feiga Lubecki