Editorial
A l’avant-garde de la LumièreLes hommes se rassemblent autour de la lumière dit-on. C’est sans doute là une bien ancienne évidence. De fait, depuis les temps les plus reculés, la lumière a joué ce rôle, incarnant une puissante et rayonnante sérénité, créant comme une zone de protection autour d’elle. Elle a constitué comme un halo qui aurait repoussé les éléments négatifs et promettrait de grandir pour s’étendre peu à peu jusqu’à les chasser définitivement. Pour cela, la lumière est plus qu’un simple phénomène physique. Elle est, tout à la fois, un esprit de résistance, une volonté conquérante et pacifique et un espoir invincible.
Notre temps est parfois bien obscur. C’est une sorte de nuit qui semble souvent envahir les consciences. Celle-ci a pour nom violence, perte des repères, renoncement aux valeurs fondamentales, oubli des autres etc. Finalement, elle est l’élément constitutif de cette situation paradoxale qu’on dénomme l’exil où D.ieu Se dissimule dans Son monde et où, chez certains, le Bien le cède à son contraire. Lorsque, au fil des jours, l’homme avance au long de sa route, l’obscurité lui pèse. Il la ressent comme si le long voyage entrepris, celui de l’Histoire, devenait interminable, comme si sa conclusion reculait à chacun de ses pas. C’est justement alors que surgit ‘Hanouccah. Les flammes du chandelier de la fête s’élèvent. Elles éclairent le foyer de chacun et elles illuminent la nuit extérieure. Elles se dressent sur les places publiques et montrent aux hommes le chemin de la lumière.
Comme elle est douce, cette clarté qui monte vers les étoiles ! Comme elle est grande aussi ! Elle dit une vérité éternelle : l’obscurité finit toujours par être vaincue. Aussi puissante paraisse-t-elle être, aussi épaisse soit la façon dont elle parvient à recouvrir le monde, un petit éclat de lumière suffit à la disperser. La clarté de ‘Hanouccah se projette ainsi sur le monde. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, au-delà des événements historiques qu’elle rappelle, elle fait sens pour tous. Lorsque la célébration revient, il nous appartient de nous en pénétrer. D’une certaine manière, nous sommes tous des porteurs de lumière. Ils ont été nombreux ceux qui, au cours des siècles, ont justement voulu l’éteindre. Ils ont connu le sort de toutes les obscurités ; ils ont disparu devant elle. Il nous faut, à présent, la diffuser encore, faire qu’aucun recoin obscur ne subsiste, en nous et à l’extérieur. Les temps de lumière arrivent, les flammes de ‘Hanouccah qui montent en chaque maison et dans l’espace public en sont comme l’avant-garde.
Etincelles de Machiah
La place des portesA propos du verset «ses portes s’enfoncèrent dans la terre» (Lamentations 2 : 9), les Sages enseignent (Midrach Ei’ha Rabba sur ce verset) que les portes s’enfoncèrent et furent ainsi cachées. Ainsi, quand Machia’h viendra et que le troisième Temple «descendra du ciel», les portes réapparaîtront et seront remises à leur place. L’idée est surprenante : comme le Temple lui-même descendra du ciel, des portes auraient pu déjà s’y trouver ?
Mais, comme l’enseigne le Talmud (Baba Métsia 53b), «L’homme préfère un ‘Kav’ en propre (de son travail) plutôt que neuf ‘Kav’ appartenant à son prochain». Aussi, dans Sa grande bonté, D.ieu laisse à l’homme une part dans l’œuvre d’édification du troisième Temple : les portes qu’il aura à mettre en place.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Chabbat Parcaht Terouma 5744) H.N.
Vivre avec la Paracha
VayéchèvEt il m’a tiré d’un puits tumultueux, de la fange de Yavane (Psaumes 40:3)
Yavane signifie la boue (Rachi, ibid)
‘Hanouccah célèbre la victoire de la Judée sur la Grèce, d’une petite troupe de Juifs sur ceux qui tentaient de subvertir leur foi et profaner la sainteté de leur vie.
Dans le cours de presque cinq millénaires de l’histoire juive, de nombreuses idéologies et cultures ont cherché à compromettre notre allégeance à D.ieu et à Sa Torah. Mais quelque chose d’unique caractérise le défi lancé par les Hellénistes, il y a de cela vingt et un siècles, quelque chose qui marque ‘Hanouccah comme le triomphe ultime de l’esprit sur la matière et de la lumière sur l’obscurité.
La terre et la matière
En général, les facteurs qui peuvent miner l’intégrité de la foi d’un Juif et son engagement pour D.ieu entrent dans deux catégories.
Les plus flagrantes sont ceux d’ordre matériel. Le Juif qui vivait dans l’Europe du moyen-âge avait le choix : soit il restait attaché à sa foi et souffrait d’humiliations, de pauvreté, de fréquentes expulsions ou de massacres, soit il acceptait de se soumettre à la foi de ses «hôtes». L’Amérique et l’Europe du vingtième siècle offraient le même choix, quoiqu’en termes plus humains, invitant les Juifs à délaisser le Chabbat, les Tefiline et la Cacheroute pour une lente dissolution dans le «melting pot», la culture environnante et faciliter ainsi l’accession au «rêve américain» ou à l’ «européanisation». Au niveau individuel, nous sommes chaque jour en prise au choix de consacrer notre vie à servir notre Créateur et accomplir le but de notre création ou de poursuivre notre quête de gratifications et de gains matériels.
Les défis idéologiques sont plus subtils : il s’agit de doctrines et de philosophies qui clament n’avoir pour but que la vérité et peuvent même épouser des comportements altruistes et des buts transcendants. Mais elles n’en sont pas moins étrangères à l’âme juive. Un Juif séparé de ses racines et ignorant ou dépréciant son héritage est une proie toute prête pour ces « eaux étrangères » qui lui offrent d’apaiser sa soif spirituelle.
La troisième catégorie est infiniment plus nocive : il s’agit de doctrines qui brassent le matérialisme et les fontaines de la raison pour en faire une boue mortelle.
Un individu enterré dans la matérialité peut creuser et se frayer un chemin qui le mènera vers le soleil. Un homme qui sombre dans la mer d’une rationalisation erronée peut se débattre, faire surface et nager vers la rive. Mais celui qui a ajouté de l’eau à sa terre, qui sature son matérialisme de liquide intellectuel fabrique un bourbier dont il est plus difficile de s’extirper. Quand son âme tente de se détacher de la mondanité et du matérialisme, une armée de rationalisations se soulève pour faire taire cette aspiration. Et quand son esprit commence à s’éveiller devant la fausseté des principes étrangers, la matérialité le saisit et le fait redescendre. Il est constamment récupéré et tous les efforts de l’esprit et de la volonté qu’il investit pour s’ériger au-dessus de son enlisement sont contrés par la tourbière d’un hédonisme idéalisé.
Tel est le défi que durent affronter nos ancêtres durant la domination grecque sur la Terre Sainte. Yavane, le mot hébreu pour désigner la culture helléniste, signifie «boue» (comme dans le verset des Psaumes cité ci-dessus). Les réformateurs hellénistes firent plus que d’attirer et forcer le peuple d’Israël à embrasser le culte du corps grec. Ils cherchèrent également à les endoctriner avec une philosophie qui exaltait la matérialité et faisait de son culte son idéal. Le Grec n’était pas simplement un païen, c’était un païen esthétisé par l’art, glorifié par la poésie et dévoué à la raison. Le Grec n’était pas simplement un matérialiste mais celui qui avait pétri ses aspirations matérialistes dans les eaux sublimes de son intellect pour former un amalgame qui adhérait à l’âme et l’attirait petit à petit, membre par membre dans la boue de Yavane.
Contrairement à l’eau dans laquelle on peut sombrer lentement jusqu’au fond mais d’où l’on peut également remonter, la boue de Yavane agit lentement, attirant la personne vers le bas, peu à peu, pas à pas. Mais son enlisement est régulier et risque d’être irréversible. En fait, tous les efforts pour l’en extraire en utilisant les moyens ordinaires sont voués à l’échec ; il faut faire agir la toute puissance de la foi pour y parvenir.
La boue sainte
Quelle que soit la composition de la boue, même si l’eau utilisée provient du puits le plus pur, quand elle est mêlée à la terre, elle donne de la boue.
C’est la raison pour laquelle nos Sages ont dit : «si l’étudiant en Torah est méritant, la Torah devient pour lui un élixir de vie ; s’il ne le mérite pas, elle devient une potion mortelle pour lui » (Talmud Yona 72b). Le mot hébreu ze’hout («mérite) signifie également «raffinement». Ainsi les paroles que l’on vient de citer peuvent aussi se lire : si l’étudiant dans la Torah se raffine, la Torah devient pour lui un élixir de vie, s’il ne se raffine pas, elle devient une potion mortelle pour lui. S’il ne raffine pas son âme, ne nettoie pas son caractère de la souillure de ses instincts les plus bas, les eaux de la Torah deviennent pour lui un puits de dépravation. Au lieu de sustenter son âme, sa sagesse et sa connaissance, elles ne font que nourrir son ego, justifier ses iniquités et l’aider dans ses manipulations et la distorsion de la vérité.
C’est là la leçon éternelle de ‘Hanouccah : l’intellect peut être la faculté la plus élevée mais il peut également être l’instrument de sa chute vers les abîmes les plus profonds. ‘Hanouccah célèbre la purification du Temple de la corruption helléniste, le triomphe de l’essence la plus pure du Judaïsme représentée par la petite fiole d’huile pure qui brûla dans la Ménorah pendant huit jours, par-dessus la boue de la Grèce.
Chacun de nous possède une telle petite fiole d’huile dans le puits de notre âme, une réserve d’engagement supra rationnel à l’égard de notre Créateur et qui possède la force d’illuminer notre vie d’une lumière pure et inviolable, une lumière qui assure que notre quête d’eau ne nous laisse pas nous enliser dans la boue.
Le Coin de la Halacha
Comment allume-t-on les lumières de ‘Hanouccah les vendredis après-midi 11 et 18 décembre 2009 ?Il convient, avant l’allumage, de faire d’abord la prière de Min’ha.
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamine Hahème, Bizmane Hazé».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui as fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
(Le vendredi 11 décembre, on ajoute) :
(3) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Véhigianou Lizmane Hazé».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi du monde qui nous as fait vivre, exister et parvenir à cet instant.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc… à l’aide de la bougie appelée «Chamach».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les godets (ou d’avoir prévu des bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h 25 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite «Hanérot Halalou».
Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies. Elles réciteront la bénédiction :
«Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidechanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner Chel Chabbat Kodech».
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi du monde qui nous as sanctifiés par Ses Commandements et nous as ordonné d’allumer la lumière du saint Chabbat.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 39 (heure de Paris) le vendredi 11 décembre et avant 16h 35 le vendredi 18 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui habite seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah puis des bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.
F. L.
De Recit de la Semaine
Banc publicLa voiture était magnifique. Tandis que nous admirions notre œuvre à travers les flocons de neige qui dansaient gaiement – certainement en l’honneur de ‘Hanouccah - je dus admettre que c’était effectivement la plus belle voiture-Ménorah que j’avais jamais vue. Cette solide voiture louée, avec la Ménorah fermement attachée sur son toit, avait fière allure : les gens la remarqueraient et s’intéresseraient à tout ce que nous pourrions leur apporter à propos de la fête.
Nous avions projeté de nous rendre dans les centres commerciaux et les maisons de retraite – n’importe où, de fait, où nous pourrions répandre le message de ‘Hanouccah.
Le véhicule était bourré de petits chandeliers en aluminium et de paquets de bougies que nous – sept ou huit étudiants de Yechiva – étions chargés de distribuer aux Juifs que nous allions rencontrer.
Mes camarades discutaient des dernières merveilles de la technologie qui permettaient aux ampoules placées dans la Ménorah de la voiture d’illuminer le monde. Quant à moi - peu au fait de la différence entre un alternateur et un générateur - je décrochai et me mis à observer la sérénité de la nuit hivernale à l’extérieur.
Nous arrivions à destination, un énorme complexe résidentiel de Brooklyn, non loin de notre Yechiva (université talmudique).
Dans les années 70, les portes de l’URSS s’étaient entrouvertes et Trump Village était devenu un point d’accueil pour des milliers de nouveaux immigrants.
Souvent âgés, ces Juifs avaient survécu à des dizaines d’années de lavage de cerveau communiste et avaient gardé intacte leur identité juive. Ils étaient peu intéressés à l’étude de la Torah ou à la pratique des commandements. Nous espérions cependant parvenir à allumer au moins l’une ou l’autre flamme.
Je l’ai aperçu, un homme de 70 ou 75 ans, assis sur l’un de ces bancs publics que les New Yorkais connaissent si bien. En bois vert, le banc faisait face à une table d’échecs. L’homme restait juste assis, observant les voitures qui fonçaient dans la nuit glaciale.
«Joyeux ‘Hanouccah ! Venez, allumons la Ménorah !» dis-je en sautant de la voiture, espérant qu’il m’aiderait à accomplir le but que je m’étais fixé, inspirer au moins 10 Juifs à allumer les lumières de la fête ce soir-là.
- Laissez-moi tranquille ! me répondit-il en yiddish. Cela ne m’intéresse pas !
Je tentai d’assouplir ses positions, j’expliquai l’histoire de ‘Hanouccah, j’ai plaidé autant que je savais le faire (et, à l’époque, j’étais jeune et peu diplomate…) mais il restait ferme : «Non ! Merci ! Bonne nuit !»
Sentant malheureusement que l’occasion me filait entre les doigts, je n’étais néanmoins pas résolu à tout laisser tomber. Je lui tendis une petite Ménorah en aluminium, la posai sur la table d’échecs, insérai quatre bougies en couleur dans les «godets» qui semblaient toujours avoir été prévus pour des bougies plus minces que les miennes. Je les allumai et me tournai vers le vieil homme : «Voici la Ménorah ! Si vous la voulez, elle est à vous ! Et sinon, tant pis !» Je laissai aussi le reste de la boîte de bougies sur la table.
L’homme ne réagit pas ; je rejoignis mes amis dans la voiture.
Nous avons continué notre expédition, frappant pratiquement à toutes les portes et, D.ieu soit loué, nous avons réussi à ce que de nombreux Juifs allument, ce soir-là les quatre bougies de la fête et s’engagent à continuer les quatre jours suivants.
Il se faisait tard, il était temps de rentrer chez nous pour allumer nos propres chandeliers.
Je continuai de penser à ce vieux Juif russe assis seul sur le banc face à l’autoroute.
«Repassons par l’endroit où nous avons stoppé près de ce vieil homme». J’étais curieux : qu’avait-il fait de la Ménorah ? L’avait-il jetée ou peut-être l’avait-il laissé se consumer, une pauvre petite Ménorah abandonnée sur une table d’échecs ?
Il y a des images qui ne vous quittent pas, des événements qui laissent une impression indélébile sur votre psyché et dont même 30 ans plus tard, vous vous souvenez clairement.
C’en était une.
Je revois cet homme assis sur le banc. Les yeux humides, une grosse larme coulant sur sa joue gauche. Les bougies sont presque éteintes, il les regarde. Il les regarde et il pleure. Des flammes rencontrent des flammes et une âme s’allume.
J’ignore où il se trouve maintenant. Je ne connais même pas son nom.
Mais je sais que j’ai eu le privilège d’assister à un événement marquant ce soir-là.
Chaim Drizin
www.chabad.org
traduit par Feiga Lubecki