Samedi, 13 décembre 2014

  • Vayéchev
Editorial

 Un regard de lumière

L’obscurité de l’époque paraît parfois si épaisse que rien ne parvient à la percer. C’est ainsi qu’elle peut régner sans partage sur les esprits et les cœurs au point de parvenir à refouler toute autre réalité jusque dans les confins de la conscience. Pour tous les hommes que la nuit des âmes et des intelligences indispose, c’est là une expérience douloureuse.

Pourtant, comme un grand rythme qui dépasse les soubresauts du quotidien, voici revenu le mois de Kislev. Dès son ouverture, il a apporté ce qu’il recèle depuis toujours : une lumière sereine. C’est là, en effet, ce qui le caractérise. Dans cette période du 19 Kislev et de la fête de ‘Hanoucca, il est celui où, d’abord spirituellement, l’ombre recule. Alors que nous en terminons la première moitié, son influence redonne à la période les couleurs de l’espoir et de la vie. De fait, Kislev est ainsi un temps de ressourcement. Il est un mois où rien ne peut remettre en cause la puissance et la grandeur de ce nouveau matin du monde.

Certes, en une époque de bouleversement, alors que le monde fait déferler toutes les formes du malheur des hommes et que la vérité et l’honnêteté semblent remisées pour longtemps au magasin des accessoires, ce n’est pas à une vision de lumière que nous sommes invités. Pourtant, celle-ci est là présente, juste à la limite du regard. Elle grandit de jour en jour et laisse présager sa victoire éternelle. Car les choses sont ainsi faites : devant le jour qui se lève, la nuit ne peut que reculer. Plus encore, celle-ci n’a pour désir profond que de s’effacer peu à peu.

Nous sommes justement les acteurs de ce changement infini. Nous pouvons trouver la sérénité et l’harmonie reconquises. Nous pouvons être les hommes de la lumière qui font surgir, au cœur du monde, le bonheur de tous. Nous en possédons la clé. 19 Kislev : la libération de Rabbi Chnéor Zalman et, avec lui, de la sagesse profonde de la Torah telle qu’enseignée par le Baal Chem Tov. ‘Hanoucca : la victoire de la liberté sur l’oppression dans un Temple de Jérusalem véritable phare pour l’humanité. Tout cela en une si courte période... Vivre Kislev n’est-il pas aussi une affaire de regard ?

Etincelles de Machiah

 Au niveau de l’essence de l’âme

L’étude de la ‘Hassidout est une préparation au dévoilement des secrets de la Torah lors de la venue de Machia’h.

Ce dévoilement révèle l’essence de l’âme de chacun et cette révélation même amène celle de « l’âme générale » du peuple juif, Machia’h.

(D’après Séfer Hasi’hot 5750 vol. 1 p. 285)

Vivre avec la Paracha

 Youd Teth Kislev

La Paracha de cette semaine est habituellement lue le Chabbat qui suit Youd Teth Kislev (célébré cette année jeudi), date qui commémore la libération de prison de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi des prisons de la Russie tsariste. Connu sous le surnom d’Admour Hazaken, il fut le fondateur de l’approche du ‘hassidisme ‘Habad. Sa libération est considérée comme marquant le Roch Hachana du ‘hassidisme parce qu’à partir de ce jour, l’initiative de répandre les sources de la ‘Hassidout prit un nouvel essor.

En effet, un jour, le Baal Chem Tov, fondateur du ‘hassidisme dans son ensemble, s’éleva dans les mondes spirituels. Il y rencontra l’âme du Machia’h et lui demanda : «Quand viendras-tu ?». Le Machia’h répondit : «Quand les sources de ton enseignement se répandront à l’extérieur».

La libération de Rabbi Chnéor Zalman est considérée comme un tournant dans ce processus parce que, grâce à ses enseignements, le ‘hassidisme fut rendu intellectuellement compréhensible et, par là-même, accessible à chaque Juif.

Avant que ne se révèle le ‘hassidisme, la masse du Peuple Juif commençait à perdre contact avec son héritage spirituel. Il est sûr qu’il restait des Juifs fiers, mais la prière et l’étude ne présentaient pas pour eux le même intérêt qu’antan. Une certaine froideur s’était insinuée dans la pratique juive et une distance s’était installée entre certains groupes de la communauté.

Le Baal Chem Tov alluma l’étincelle du feu Divin vibrant dans le cœur de chaque Juif. Car chacun de nous possède une âme, réelle partie de D.ieu, et le Baal Chem Tov montra comment accéder à ce potentiel spirituel et insuffla ainsi de la vie et de la vitalité au Judaïsme.

Rabbi Chnéor Zalman nous donna les outils intellectuels pour comprendre et communiquer la teneur de ces principes. C’est ainsi qu’ils furent mis à la portée de tous les Juifs, y compris de ceux dont le cheminement vers le sentiment spirituel commence avec l’intellect.

Vayéchev

Sur le verset qui ouvre la Paracha de cette semaine : «Et Yaacov résida dans la terre du séjour de son père», nos Sages commentent : Yaacov désirait vivre dans la prospérité. D.ieu le constata et s’exclama : «Ce qui est prévu pour le Juste dans le Monde Futur n’est-il pas suffisant ?». Et tout de suite après, Yaacov fut confronté à l’épreuve de la disparition de Yossef.

Ce passage est difficile à comprendre. Nous aspirons tous à vivre dans la prospérité. Pourquoi cela serait-il refusé au Juste ? Pourquoi recevoir une part du Monde Futur empêcherait-il de vivre une existence confortable dans ce monde ci ?

Pour répondre à ces questions, il nous faut comprendre le processus d’interrelation entre l’existence spirituelle et l’existence matérielle. Chaque entité matérielle possède une force spirituelle qui permet son existence. Sans cette énergie spirituelle, elle ne pourrait tout simplement pas être.

Néanmoins, un chiasme sépare le matériel du spirituel. Bien qu’intellectuellement, nous puissions comprendre qu’existe cette force spirituelle, nous ne pouvons voir, entendre ou sentir cette force vitale par nos sens physiques.

Un Juste tel que Yaacov veut mener une vie d’intégrité, voir le spirituel reflété dans le matériel. Il ne veut pas une simple prospérité matérielle. Mais il désire que ce lien avec D.ieu s’exprime dans toutes les dimensions de sa vie, y compris dans le royaume de la matérialité. Il cherche à ce que le matériel et le spirituel fonctionnent en harmonie, comme le corps et l’âme.

Après ses luttes et ses confrontations avec Lavan et Essav, Yaacov pensait avoir atteint un niveau de conscience où une telle connexion était possible. Sa confiance et sa foi en D.ieu avaient été mises à l’épreuve dans des tribulations variées et il avait appris à voir la main de D.ieu dans toutes les expériences qu’il avait traversées.

Malheureusement, une grande partie de sa vie avait été empreinte de beaucoup d’adversité. Quand on est confronté à la difficulté, il est plus facile de comprendre que toutes les épreuves viennent de D.ieu. En effet, face aux défis de la vie, on est obligé de marquer un temps d’arrêt et de réfléchir. Et quand un Juste tel que Yaacov réfléchit, il prend conscience de la main de D.ieu.

Quand, par contre, les choses vont bien, nous avons une tendance naturelle à en profiter pour ce qu’elles sont et à ne penser à rien d’autre. Il est plus difficile de ressentir le spirituel quand l’on n’y est pas obligé. Yaacov pensait qu’il avait dépassé ce niveau. Il sentait qu’il était désormais prêt à apprécier le spirituel, tout en jouissant de succès et de bien-être.

Mais D.ieu pensait différemment. C’est pourquoi Il lui envoya une autre épreuve, peut-être la plus difficile, car son amour pour Yossef était bien grand. Il lui rappelait sa mère, Ra’hel, qui avait disparu.

Quel but avait le fait de le faire passer par cette angoisse ? Lui apporter la prospérité qu’il désirait. Car comme nous le verrons en dernier ressort, quand Yossef serait établi comme vice-roi d’Egypte, le Pharaon enverrait chercher Yaacov et il vivrait dix-sept années dans le luxe, enseignant la Torah à ses fils et ses petits-fils. Mais pour que Yaacov puisse parvenir à cette harmonie entre le matériel et le spirituel, il avait besoin d’une dernière leçon.

Les perspectives

L’expression ultime de la fusion entre la matériel et le spirituel surviendra avec l’Ere de Machia’h. Car alors, «il n’y aura ni famine, ni guerre, ni envie, ni compétition car les bonnes choses couleront en abondance et tous les plaisirs seront librement accessibles comme la poussière ».

Cependant, une harmonie absolue régnera entre le matériel et le spirituel puisque «l’occupation du monde entier sera exclusivement consacrée à connaître D.ieu» et «la terre sera remplie de la connaissance de D.ieu comme les eaux couvrent le lit de l’océan».

L’expérience de Yaacov sert de modèle à ses descendants en tant qu’entité. Ses épreuves et ses tribulations lui permirent d’apprécier la main de D.ieu dans chaque détail de sa vie et la dimension spirituelle de la prospérité qui serait plus tard la sienne. Par le même cheminement, les épreuves qu’a subies notre Peuple dans l’exil ont aiguisé notre perception et nous ont préparés à l’appréciation directe de la Divinité qui caractérisera l’Ere de Machia’h.

Le Coin de la Halacha

 

Comment se préparer à la prière ?

Dans les synagogues ‘hassidiques, la prière commence généralement plus tard que dans les autres, surtout le Chabbat : en effet, la prière remplace les sacrifices offerts dans le Temple de Jérusalem. Le Cohen (prêtre chargé du culte) devait alors se préparer en s’immergeant d’abord dans un Mikvé (bain rituel), en revêtant les vêtements traditionnels et en vérifiant que l’animal qui allait être sacrifié n’était pas affecté de défauts. De même, le ‘Hassid se trempe au Mikvé puis met des vêtements corrects (veste ou redingote, chapeau, gartel (ceinture de prière) et étudie la Torah, en particulier la ‘hassidout, même pour quelques minutes. Cette préparation affecte la nature et l’effet de la prière.

Quiconque entrait dans le Temple devait se débarrasser de sa bourse afin de ne pas se laisser distraire par des considérations matérielles. C’est pourquoi il convient de mettre son téléphone hors d’état de sonner ou même de vibrer pendant la prière. Même si on ne fait que regarder ses messages ou si on sort de la synagogue pour répondre à un appel, cela dérange la concentration des autres fidèles et perturbe leur prière. Le Rabbi déclara qu’il ne fallait pas répondre au téléphone quand on étudiait la Torah – exactement comme Chabbat ! Si telle était son exigence vis-à-vis de l’étude, à plus forte raison pour la prière qui doit constamment se dérouler avec la conviction qu’on se tient devant le Roi ! Le Rabbi conseilla à plusieurs reprises d’étudier le début du chapitre 41 du Tanya avant de prier afin de bien réaliser comment D.ieu se tient avec chaque Juif et connaît ses pensées.

La prière doit prière doit être récitée en veillant à ce que chaque mot soit prononcé correctement : en effet, les 22 lettres de l’alphabet hébraïque sont un canal par lequel l’essence même de l’âme se lie à l’Essence même de D.ieu. Le Maharil écrivait que la prononciation correcte des mots était en partie la cause pour laquelle son frère, Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi, avait rédigé le Siddour.

F.L. (d’après Rav Yaakov Schwei – Perspectives)

Le Recit de la Semaine

 Téfilines et roc

Après l’université, j’ai commencé à travailler à l’hôtel Best Western de Southern Connecticut comme directeur des ventes et du marketing. Un jour, un des clients de l’hôtel ne parvenait pas à imprimer des papiers importants dont il avait besoin pour son travail. Il me demanda de l’aider mais, n’y parvenant pas non plus, je lui proposai d’utiliser l’imprimante de mon bureau. Nous avons engagé la conversation : il s’appelait David Greer, avait 62 ans, était un ancien soldat de la Marine américaine, était originaire de Pittsburgh mais vivait à Murrieta en Californie ; il était ingénieur d’une entreprise de construction. Comme ma famille envisageait de déménager à Las Vegas, nous avons discuté des avantages et des inconvénients de la ville et nous avons sympathisé. Par la suite, chaque fois qu’il avait besoin d’imprimer des cartes et des plans, il me les envoyait directement par mail et je les imprimais.

Ce soir de mai 2014 alors que je quittais l’hôtel, David entra. Nous avons bavardé et, avant de partir, je lui demandai tout de go : «Avec un nom pareil, David Greer, vous êtes sans doute juif !». Il fit une grimace et murmura : «Euh… Pas vraiment». J’ai souri et répliqué : « Moi, je suis juif. Soit on l’est, soit on ne l’est pas ! Votre mère est-elle juive ?».

Il hésita puis reconnut : «Oui !».

- Et qu’en est-il de la mère de votre mère ?

- Oh oui ! Elle était juive ! Et pratiquante d’ailleurs !

- Donc vous êtes juif vous aussi, David ! affirmai-je.

Durant la conversation animée qui suivit cette «révélation», je demandai à David s’il avait entendu parler des Téfilines et, en même temps, je mimai inconsciemment le geste d’enrouler les lanières autour de mon bras. Non, il ignorait de quoi je parlais. Je lui expliquai que c’était très important pour un Juif de mettre les Téfilines, ajoutai que moi-même, je les mettais maintenant depuis quelques temps et que cela me faisait me sentir lié à D.ieu. Je constatai sur son visage de l’étonnement et aussi une certaine excitation. Je suggérai qu’on se rencontre dans un endroit tranquille dans les prochains jours (il faisait déjà nuit et on ne pouvait plus mettre les Téfilines).

Effectivement, une semaine plus tard, David arriva à l’hôtel et je demandai à être remplacé dans mon bureau pour quelques minutes. Je pris dans ma voiture mon sac en velours contenant mes Téfilines et ma remplaçante thaïlandaise s’étonna : pourquoi me rendais-je dans la chambre de ce client ? Je répondis que c’était pour «une expérience religieuse, spirituelle même» et elle approuva d’un hochement de tête.

Dans la chambre de David, au septième étage, je plaçai une Kippa sur sa tête et lui mis les Téfilines. Il répéta après moi mot à mot la bénédiction et le Chema Israël. Je suggérai qu’il adresse en ce moment si particulier des prières personnelles à D.ieu et je pus constater son extrême concentration tandis qu’il fermait les yeux et que son visage prenait une expression très sérieuse. En enlevant les Téfilines, il reconnut qu’il avait ressenti une expérience spirituelle intense, sans doute la plus puissante de sa vie. Dans la journée, il m’envoya un texto : «Scott, merci du plus profond de mon cœur ! Ce fut un honneur et une bénédiction que vous m’avez fait partager !». Je répondis en toute modestie : «Je vous en prie ! Je suis à votre disposition pour recommencer cette grande Mitsva tous les jours. Mais Celui que vous devez vraiment remercier, c’est D.ieu qui nous a fait nous rencontrer et qui m’a fait partager avec vous cette expérience. Sans Lui, rien de tout cela n’aurait été possible !».

David répondit : «Oui ! Et je Le remercie tous les jours !».

Je lui envoyai une photo de lui avec les Téfilines et il répondit : «Oh ! Quelle photo ! Elle est vraiment très spéciale, surtout avec les rayons du soleil par derrière ! Scott, on dirait que vous avez capté toute l’ambiance de ce moment si unique !».

Le lendemain, David me confia qu’il n’avait jamais dormi aussi bien que cette nuit-là : «Comment pourrais-je vous rembourser le bien que vous m’avez fait ?», demanda-t-il très sérieusement et je répondis : «Juste continuez à le faire chaque fois que vous en aurez la possibilité, tous les jours même !».

Quelques jours plus tard, David me raconta qu’il travaillait depuis des semaines sur un projet : avec son équipe, il devait procéder à des excavations pour construire ce qui devait aboutir à produire de l’énergie propre, une technologie semblable à celle qui fait fonctionner les stations orbitales dans l’espace. Ils rencontraient de grosses difficultés pour fendre un bloc de granit correctement et cela retardait tout le projet au point qu’il allait être abandonné.

Un jour, ils parvinrent justement à fendre ce rocher. Le technicien qui manœuvrait la machine déclara qu’il n’avait jamais effectué une brisure aussi parfaite depuis 25 ans qu’il était dans ce métier ! On parlait encore de ce cas extraordinaire dans la société d’excavations en reconnaissant la «chance» nécessaire pour que cette opération réussisse à ce point. Ce «miracle» s’était produit juste quelques jours après que David ait mis les Téfilines pour la première fois de sa vie… David lui-même attribue la «fente parfaite» à son nouveau lien avec D.ieu et affirme : «Ce rocher, seul Lui pouvait le briser !».

Scott David – L’Chaim N° 1348

Traduit par Feiga Lubecki

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