Semaine 51

  • Vayéchev
Editorial
Que le jour se lève !

C’est une histoire ancienne et nouvelle à la fois. Dans la semaine du 19 Kislev, «Roch Hachana de la ‘Hassidout», elle s’impose avec une urgence impérative : «Un jour, le Baal Chem Tov laissa son âme s’élever dans les mondes spirituels. Là, il parvint jusqu’au ‘Palais du Machia’h’. Il posa alors à ce dernier l’éternelle question : ‘Maître, quand viendras-tu ?’ ‘Quand les sources de tes enseignements se seront répandues au dehors’ lui fut-il répondu.» Cette histoire fait partie de ce fonds traditionnel qui a le secret de réapparaître à chaque fois que l’on en a besoin, et toujours de manière opportune. N’est-ce pas, cependant, l’occasion d’en retrouver toutes les implications ? L’image est véritablement vertigineuse : le Baal Chem Tov, fondateur du ‘hassidisme, interrogeant le Machia’h sur le temps de sa venue… Il est vrai que cette question est sur les lèvres de tous depuis que le monde fut créé et qu’elle ne cessera d’être posée que lorsque l’avènement tant attendu se sera enfin concrétisé. Pourtant, un tel dialogue interpelle. Il nous dit que l’attente est constante et partout, que les mondes spirituels eux-mêmes l’expriment. Il nous dit aussi que la réponse est largement entre nos mains.
De fait, Machia’h, interrogé, livre ici une clé : la diffusion des enseignements du Baal Chem Tov, la ‘Hassidout, est le secret de sa venue. Il est loisible de s’interroger sur cette relation. L’étude de la Torah est toujours essentielle, dans toutes ses parties. Pourquoi la ‘Hassidout joue-t-elle particulièrement comme un rôle de catalyseur des efforts millénaires du peuple juif ? Elle est l’essence ultime, que D.ieu révéla parce que la lumière doit toujours l’emporter sur l’obscurité. Elle est cette essence qui pénètre tout et ne se confond avec rien tant elle transcende tous les niveaux qu’elle peut rencontrer. Elle est cette essence qui anime tout ce en quoi elle se revêt.
Mais cette «diffusion» doit aller plus loin encore. Elle ne doit pas se contenter de rester limitée à un cercle d’initiés, voire à un large groupe d’érudits enthousiastes. Elle doit atteindre «l’extérieur» : ce domaine où tous les efforts, même les mieux intentionnés, renoncent. Elle doit atteindre aussi «l’extérieur» personnel de chacun, cette zone d’ombre de la personnalité que la lumière ne parvient pas toujours à percer. La ‘Hassidout ? Une étude, une vision, une lumière. Voici que le jour se lève.
Etincelles de Machiah
Se plonger dans la ‘Hassidout

Celui qui désire Machia’h et chaque jour, quand il dit la prière de la Amida, dit ces mots avec concentration et avec tout son cœur et s’attache à ces mots et ne les dit pas superficiellement, montre qu’il veut de tout son cœur et toute son âme mériter d’accueillir Machia’h. Tout le sens de sa vie est de dire : «Quand ce jour arrivera-t-il ?» Pour cela, il méritera de se réjouir avec la venue de Machia’h.
(Yalkout Méam Loez) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayéchev : Comment Yossef put-il garder sa sérénité ?

Le Baal Chem Tov suscita une révolution populaire à travers l’Europe entière, ce que l’on appelle le ‘Hassidisme.
Au centre de la philosophie ‘hassidique, il développa le concept de hachga’hah pratit, la Providence Divine, la croyance que c’est véritablement D.ieu Qui dirige tout et qu’Il gère chaque détail le plus insignifiant de notre vie. La trajectoire d’une feuille qui vole est ainsi voulue par D.ieu. Il rencontra une très sévère opposition dirigée par de nombreux détracteurs. Peut-être craignaient-ils que cette croyance pousse les gens à se dérober à leurs responsabilités et à adopter une attitude passive ? Mais le Baal Chem Tov enseignait qu’une véritable compréhension de la hachga’hah pratit, bien loin d’entraîner la passivité, ouvre au contraire à une activité débordante.
Comment est-ce possible ? L’observation attentive du récit biblique à propos d’épisodes de l’histoire de Yossef vient nous éclairer.
La description que livre la Torah de Yossef ne jette aucun doute sur le fait qu’il était un homme qui s’engageait totalement dans sa foi en la Divine Providence. Quand il révéla sa véritable identité à ses frères, il les aida à se libérer de leur culpabilité paralysante en partageant avec eux sa version du récit de sa vente :
« Mais maintenant, ne soyez pas tristes et ne soyez pas troublés par le fait que vous m’avez vendu ici, car c’était pour préserver la vie que D.ieu m’a envoyé avant vous. Car déjà deux années de famine [sont passées] au sein du pays et [pendant] encore cinq ans, il n’y aura ni labour ni récolte. Ainsi D.ieu m’a-t-Il envoyé avant vous pour faire pour vous un lieu de résidence dans le pays et pour [le] préserver pour vous pour une grande délivrance ».
En réalité, ses frères s’étaient emparés de lui, un fils précoce dans l’illustre famille de Yaakov, et l’avait transformé en un morceau de viande à mettre aux enchères dans une foire. Mais il n’était pas en colère contre eux parce qu’il ne les tenait pas pour responsables de son humiliation. Dans son esprit, c’était D.ieu et seulement D.ieu Qui dirigeait sa destinée.
Et l’histoire de Yossef en Egypte alla de mal en pis. Au début, il fut vendu à Potiphar, dignitaire égyptien, chez lequel il réussit fort bien. Mais il fut arrêté. Son prétendu crime avait été fabriqué par la femme de Potiphar pour se venger du fait que Yossef avait repoussé ses avances. Il fut incarcéré pendant des années.
Mais tout le temps de son emprisonnement, il resta fidèle à sa croyance que D.ieu conduisait le cours de sa vie et que tout ce chaos devait avoir un sens.
Et puis, un jour, Yossef remarqua deux codétenus complètement abattus. Le chef échanson et le chef cuisinier du Pharaon avaient été emprisonnés pour mauvais comportements dans leurs charges. Leur douleur toucha Yossef qui les approcha : «Pourquoi vos visages sont-ils si sombres, aujourd’hui?»
«Nous avons fait un rêve, répondirent-ils, mais personne ne peut nous l’interpréter!»
Yossef interpréta très précisément leurs rêves. Deux ans plus tard, le chef échanson, alors libéré, mentionna à Pharaon le nom de Yossef. En effet, le maître de l’Egypte avait lui-aussi fait des rêves déconcertants. Yossef réussit avec brio à les interpréter pour lui et tout le reste est de l’Histoire. Il devint le vice-roi du Pharaon et sauva l’Egypte et toute sa famille de la famine.
Mais revenons à la question originelle qui engendre toute la suite de ces événements : «Pourquoi vos visages sont-ils si sombres, aujourd’hui ?»
Si Yossef s’était senti démuni et courroucé, sentiments qu’aurait éprouvés quiconque dans sa situation, il aurait été incapable de répondre à la douleur de quiconque, en dehors de la sienne propre. Les gens en colère ne peuvent voir ceux qui souffrent autour d’eux. Et pourquoi Yossef aurait-il cherché à aider des employés d’un gouvernement qui l’avait injustement emprisonné ?
Mais Yossef n’était pas en colère, ni contre le gouvernement, ni contre la femme de Potiphar ni contre ses frères. Et c’est ainsi qu’il put maintenir une attitude sereine, même en prison, même dans des conditions où tout le contraire aurait été légitime.
Et c’est pourquoi il fut sensible à la souffrance d’autrui et put donc commettre ce petit acte de bonté et gentillesse sans savoir que c’était cela qui allait changer le monde.
La conviction que D.ieu est ici, qu’Il dirige tout ce qui arrive, nécessite de notre part un ajustement de notre vision. Notre centre d’intérêt ne doit plus se porter vers la frustration mais vers la curiosité.
La réponse instinctive : «cela n’aurait pas dû m’arriver à moi» devient : «c’est certainement une opportunité. Sinon, pourquoi cela m’arriverait-il à moi?»
Notre travail consiste à chercher les occasions de faire la différence. Et parfois, une petite fenêtre s’ouvre et cette occasion apporte un monde entier d’air frais !
Un jour un reporter de la CNN se tenait dans la fameuse «queue du dollar» devant le 770, quartier général mondial de Loubavitch. Quand son tour arriva de se tenir devant le Rabbi, il demanda : «Quel est votre message au monde ?»
Le Rabbi lui répondit : «Machia’h est maintenant prêt à venir. Nous devons juste, tous, faire quelque chose de plus dans le domaine de la bonté et de la gentillesse.»
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la ‘Halla ?

Une pâte (à pain ou à gâteau), qui appartient à un Juif et qui est composée au minimum de farine et d’eau, est soumise à l’obligation du prélèvement de la ‘Halla.
A l’époque où le Temple existait, ce prélèvement («‘Halla») était offert au Cohen (prêtre descendant d’Aharon). De nos jours, puisque même les Cohanim ne sont pas en état de pureté rituelle, la ‘Halla est, si possible, brûlée ou, au moins, soigneusement enveloppée avant d’être jetée.
De Recit de la Semaine
Chabbat au Kibboutz

Vendredi après-midi sur les routes de Galilée. Une dizaine d’étudiants de Yéchiva (institut rabbinique) avaient passé plusieurs heures à aller à la rencontre d’autres Juifs sur les marchés, dans la rue, à la sortie des bureaux… pour leur proposer de mettre les Téfilines, de faire vérifier leurs Mezouzot ou juste pour leur remettre des prospectus sur les prochaines fêtes.
Il était temps de retourner à la Yéchiva.
L’un d’entre eux n’avait pas dormi la veille ; il préféra s’éloigner un peu, loin de la conversation de ses compagnons, pour se reposer enfin. Il dormit tant et si bien que, quand il se réveilla, il était seul ! Ses amis étaient repartis et l’avaient tout simplement oublié !
Il se dirigea vers la route, espérant trouver une voiture qui le prendrait en stop mais en vain. Le soleil allait bientôt se coucher, ce serait Chabbat mais où passerait-il la journée sacrée ? Sans hésiter, il avança courageusement sur la route, regardant chaque vallée pour y découvrir peut-être un village juif.
C’est alors qu’il aperçut un Kibboutz. Quelle chance ! Des Juifs avec qui il pourrait passer Chabbat. Mais… il comprit que les habitants de ce Kibboutz n’étaient pas du tout pratiquants. Il n’avait pas le choix. Il s’adressa au premier venu, demanda s’il pouvait passer Chabbat sur place. On lui conseilla de demander au responsable dans la troisième maison à droite. Le secrétaire comprit la situation et lui proposa gentiment de l’inviter à sa table. L’étudiant de Yéchiva déclina l’offre poliment, expliquant qu’il se contenterait de pain et de quelques fruits et légumes pour des raisons évidentes de cacherout. Il se retira dans la chambre qu’on lui avait assignée, chanta par-cœur les prières dont il se souvenait, récita le Kiddouch sur le pain et savoura son repas de Chabbat : pain, eau, tomates et concombres.
Le lendemain, il dut prier tout seul, par cœur puisqu’il ne disposait pas de ses livres, sans écouter la lecture de la Torah, sans la joie du repas pris avec ses camarades de Yéchiva.
Après son «repas de fête» - au menu semblable à celui de la veille - il réalisa qu’il avait encore plusieurs heures à passer dans ce Kibboutz et il remarqua des enfants désœuvrés qui cherchaient visiblement à «tuer le temps». C’est alors qu’il se reprit : «Si déjà je suis là, je pourrais réunir les enfants, leur raconter des histoires, leur donner un peu de judaïsme !»
Effectivement, les enfants n’étaient que trop heureux qu’on s’occupe d’eux et ils se rassemblèrent autour de lui. Quelques moniteurs du Kibboutz surveillaient la scène de loin d’abord puis se rapprochèrent pour mieux entendre ce que «le Loubavitch» pouvait bien raconter.
Celui-ci se mit à chanter et les enfants captèrent très vite le rythme et les paroles. Insensiblement, ils se mirent à battre la mesure avec leurs mains et leurs pieds. Puis il raconta la Paracha de la semaine agrémentée de récits ‘hassidiques. Les enfants étaient captivés, c’était la première fois qu’ils avaient un contact avec un judaïsme authentique et la sincérité de ce Loubavitch les enthousiasmait.
Finalement, il confia aux enfants : «Vous devez savoir que tout arrive dans le monde sous l’effet de la Providence Divine. Le Créateur du monde guide et prépare les pas de chacun. Où que nous allions, nous avons une mission divine à accomplir même si nous n’en sommes pas pleinement conscients, même si nous ne comprenons pas toujours tout ce qui nous arrive. Regardez-moi par exemple : j’étais supposé passer Chabbat avec mes amis à la Yéchiva et je me retrouve ici avec vous ! Je suis sûr que ce n’est pas «par hasard». Et ce n’est certainement pas un hasard non plus si aucune voiture n’est passée et que j’ai finalement atteint un village juif, votre Kibboutz. Pourquoi ? Je ne connais pas la réponse mais…»
Son discours fut soudain interrompu. Une des monitrices s’exclama : «Moi je sais pourquoi vous êtes arrivé ici…!»
Tous se tournèrent vers elle, interloqués : «Je me suis toujours intéressée à notre judaïsme, dit-elle, et j’ai toujours voulu en apprendre davantage. Je savais que vous, les Loubavitch, vous organisez des réunions dans les villes et villages alentours. J’avais demandé au secrétaire du Kibboutz responsable de la culture d’organiser ce genre de «soirée ‘Habad» mais, j’ignore pourquoi, il a toujours refusé, bien que cela ne nous aurait rien coûté.
En désespoir de cause, j’ai fait quelque chose que je n’avais jamais fait auparavant : comme je n’avais personne à qui me confier, je me suis tournée vers D.ieu. J’ai prié. Je Lui ai demandé de m’aider. Je me suis dit que s’Il existe, Il pouvait aussi répondre à mes prières. Toute cette semaine, j’ai prié à ma manière pour que D.ieu envoie un Loubavitch dans ce Kibboutz et j’ai été exaucée ! Vous voilà ici… !»

Rav Tuvia Bolton (www.ohrtmimim.org)
traduit par Feiga Lubecki