Semaine 49

  • Vayéchev
Editorial
Porteurs de Lumière
Que serions-nous si la lumière n’existait pas ? Imaginons un monde plongé dans une obscurité dépourvue de sens, une espèce d’absurdité si pesante qu’elle confinerait à l’oppression, si étouffante qu’elle serait ressentie autant par l’âme et le cœur que par le corps. Dans la longue histoire du peuple juif, il nous a été donné, trop souvent, de connaître ces situations où aucune issue n’apparaît, où l’horizon semble se résumer à un long tunnel sans la moindre lueur, aussi loin que le regard – matériel ou spirituel – porte. Mais les Juifs sont des porteurs de lumière...
Nous nous trouvons dans un monde où la nuit est puissante, si puissante même que des vérités élémentaires, pourtant détentrices de leur propre clarté, s’en trouvent obscurcies. C’est ainsi, par exemple, que les places respectives de l’homme et de l’animal ont tendance à subtilement bouger et que l’amour porté à ce dernier en vient à l’emporter sur celui dû au premier. C’est ainsi encore que la présence éternelle du peuple juif sur sa terre est contestée au prix de pitoyables contorsions historiques. C’est ainsi enfin que des créatures nient absurdement l’existence de leur Créateur. Ce sont sans doute là des attitudes paradoxales mais elles témoignent toutes d’un unique phénomène : la profondeur de l’obscurité ambiante.
Il faut donc que naisse la lumière. Il faut que, du cœur de la nuit, celle-ci monte sans cesse jusqu’à en chasser les dernières traces. Pour le judaïsme, cela s’appelle ‘Hanouccah. Fête née dans un temps de détresse où, dans un Temple de Jérusalem profané par l’occupant, la Lumière du monde semblait s’être évanouie, elle est ce moment d’exception où la nuit s’écarte. Elle est ce temps où les chandeliers rituels, aux portes des maisons et dans l’espace public, annoncent à tous que la Lumière est éternellement plus forte que ses ennemis. Cette Lumière-là envoie à présent son message. Et celui-ci dit la liberté et l’espérance. Il dit que, même si parfois montent les ombres, l’avenir de l’homme se vit dans la Lumière de la conscience retrouvée.
« Les hommes se rassemblent autour de la lumière » dit-on comme pour rappeler une nécessaire évidence. Avec ‘Hanouccah, le temps en est venu : se rassembler, se retrouver. Tout est dit. Joyeux ‘Hanouccah à tous !
Etincelles de Machiah
D.ieu sera Un

Le prophète Zacharie (14 :9) annonce pour les temps messianiques : “En ce jour, Dieu sera Un et Son Nom sera Un”. Cette phrase demande explication: l’unité de D.ieu n’est-elle pas une réalité constante, aussi assurée aujourd’hui qu’elle le sera plus tard ?
En fait, en notre temps, cette unité n’est pas manifeste, à telle enseigne que l’univers créé paraît être une entité indépendante dotée d’une existence autonome. Au contraire, dans l’avenir, l’unité du Créateur sera visible à tous. Chacun verra clairement comment l’univers est fondamentalement inexistant devant la Lumière Divine qui se déverse en lui et l’anime.
(d’après Torah Or, Vaéra, p.55c) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vayéchev : Le moment de solitude

La tragédie de Yossef
La Paracha de cette semaine rapporte le dramatique épisode au cours duquel Yossef, un jeune homme extrêmement beau, capta l’imagination de la femme de son maître. Elle tentait désespérément de l’engager dans une relation qu’il ne cessait de lui refuser.
Et puis vint le jour fatal : « …comme il était venu dans la maison pour faire sa besogne, et qu’aucun des gens de la maison ne s’y trouvait, elle le saisit par son vêtement en disant: «viens dans mes bras». Il abandonna son vêtement dans sa main, s’enfuit et s’élança dehors» (Beréchit 39 : 11-12).
Humiliée et furieuse, elle utilise son vêtement pour prouver que c’est lui qui a tenté d’abuser d’elle. Putiphar, son mari, jette Yossef en prison, où il passera douze ans de sa vie, jusqu’à ce que, par un étonnant renversement de situation, il soit nommé vice-roi d’Egypte.
La question qui nous interpelle est : pourquoi la Torah nous relate-t-elle cet épisode avec tant de détails ? L’objectif de ces chapitres est de nous raconter comment la première famille juive arriva en Egypte. C’est ainsi que nous lisons la vente de Yossef comme esclave en Egypte, sa sentence de prison, la rencontre qu’il y fait avec des ministres du souverain égyptien. Cela le conduit finalement à la libération et à sa désignation comme vice-roi du pays, dans un moment critique, ce qui entraînera son père et toute sa famille à se relocaliser en Egypte.
Pourquoi, donc, la Torah trouve-t-elle nécessaire d’évoquer la laide querelle de Yossef avec l’épouse de son maître ? En quoi est-il important pour nous de connaître tous les détails de l’épisode qui le mena en prison ?

Le visage de Yaakov
Le Midrach explique le sens du passage : «…comme il était venu dans la maison pour faire sa besogne, et qu’aucun des gens de la maison ne s’y trouvait… ». Quel type de travail était-il venu accomplir ?
Le Midrach nous dit que ce «travail» consistait à céder aux avances de cette femme. Après toutes ses supplications, Yossef avait fini par succomber. Cependant, au moment où cela allait se matérialiser, le visage de son père Yaakov lui apparut. Cela l’obligea à la repousser et à fuir.
Mais là encore, nous pourrions nous interroger : qu’avait de si particulier le visage de Yaakov pour réussir à permettre à Yossef de repousser une telle tentation ?

L’esclave solitaire
Réfléchissons plus profondément aux conditions physiques et psychologiques de Yossef, au jour où la femme de son maître réussit presque à le précipiter dans une relation avec elle.
Yossef était un esclave de dix-huit ans, dans un pays étranger. Il ne possédait pas même son propre corps puisque son maître exerçait le contrôle absolu sur sa vie. Il n’avait non plus aucun ami, aucun membre de sa famille au monde. Sa mère, Ra’hel, était morte quand il avait neuf ans et son père le croyait mort. Ses frères le haïssaient, ils étaient ceux qui l’avaient vendu comme esclave et lui avaient volé, très cruellement, sa jeunesse. On peut, dès lors, imaginer très facilement ce qui habitait le cœur de ce tout jeune homme.
C’est dans ce contexte qu’il nous faut comprendre le combat de Yossef. Une personne, tellement isolée, n’est non seulement peu apte à résister, naturellement, à des tentations si puissantes, mais de surcroît, peut arriver à ressentir qu’une action unique ne fait que peu de différences dans le schéma ultime des choses.
Après tout, que se serait-il passé si Yossef avait succombé aux exigences de cette femme ? Il était peu probable que quiconque ne découvre ce qui se serait passé. Yossef n’avait ni foyer où revenir, ni famille, ni communauté lui inspirant des valeurs morales. Il serait toujours aussi seul, après l’événement. En quoi cela aurait-il donc été si grave ?
En outre, il nous faut prendre en considération la puissance qu’exerçait la noble égyptienne qui provoquait Yossef. Elle possédait la force de rendre sa vie paradisiaque ou infernale. En fait, c’est cette dernière option qu’elle choisit, le faisant incarcérer pendant douze ans, sous de fausses accusations.
Quel est donc le secret qui se cachait derrière la droiture de Yossef ? Qu’est-ce qui donna la force à un esclave solitaire et fragile de rejeter une tentation aussi extraordinaire ? Le visage de son père Yaakov !
Mais pourquoi ? Il vivait à des milliers de kilomètres, dans l’ignorance absolue que son fils était encore vivant. Qu’y avait-il de magique dans sa physionomie ?
Le Talmud présente une tradition juive orale selon laquelle : «la beauté de Yaakov reflétait la beauté d’Adam Harichon», le premier être humain formé par le Tout-puissant Lui-même. C’est pourquoi, lorsque Yossef vit le visage de Yaakov, il contempla également celui d’Adam.
Nous le savons, Adam avait reçu de D.ieu l’instruction de ne pas consommer le fruit de «l’arbre de la connaissance». Sa désobéissance à cette directive altéra, à tout jamais, le cours de l’histoire de l’homme et du monde. Bien qu’il eût fait quelque chose qui apparemment semblait insignifiant, le simple fait de manger un fruit unique d’un arbre unique, cet acte minime se réverbère jusqu’à ce jour, dans la conscience de l’humanité.
Pourquoi ? Parce que chaque être humain en particulier fait partie de ce nœud qui lie le ciel et la terre. Le rêve de D.ieu n’était pas d’être Seul mais d’avoir l’humanité pour partenaire dans Sa tâche perpétuelle de soigner le monde. Par le biais de chaque action que nous accomplissons, nous avançons ou faisons reculer le processus qui nous mène à la Rédemption, nous diminuons ou augmentons les forces du mal. Que nous soyons homme, femme ou enfant, dans chaque décision que nous prenons, dans chaque mot que nous prononçons, dans chaque action que nous menons, nous mettons en jeu quelque chose d’Eternel et de Divin.
Quand Yossef vit le visage d’Adam, il reconquit sa dignité inébranlable, semblable à une lumière de D.ieu allumée sur le chemin du monde. Contempler le visage d’Adam rappela à Yossef qu’un acte unique, accompli par un homme unique, à un moment unique, changea l’histoire pour toujours.
Telle est la raison pour laquelle la Torah nous relate cette histoire. Durant nos moments de solitude, de souffrance, quand nous aussi avons le sentiment que personne ne se soucie de nous et que nous nous sentons perdus dans un monde immense, dans un univers indifférent, il ne nous faut jamais devenir la proie facile de satisfactions immorales.
Nous devons nous souvenir que quelque chose de très vrai et de très absolu est en jeu, à chaque moment de notre existence et dans chaque acte que nous accomplissons.
Il nous suffit d’ouvrir les yeux pour voir le visage de notre père nous chuchotant, à travers le vent de l’histoire, que nous ne sommes pas des créatures isolées dans un monde titanesque et que notre comportement n’est pas sans conséquence. En cet instant précis, D.ieu a besoin de nous pour apporter la Rédemption dans Son monde.
Le Coin de la Halacha
Comment allume-t-on les lumières de ‘Hanouccah le vendredi après-midi 14 décembre 2012 ?

Il convient, avant l’allumage, de faire d’abord la prière de Min’ha. On ne peut allumer qu’à partir de 16h 01 (horaire de Paris).
Le maître de maison, et éventuellement tous les garçons de la maison, prononceront d’abord les deux bénédictions :
(1) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Ner ‘Hanouccah.»
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui nous a sanctifiés par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de ‘Hanouccah.
(2) «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéassa Nissim Laavoténou Bayamine Hahème, Bizmane Hazé»
Béni sois-Tu, Eternel notre D.ieu, Roi de l’univers qui a fait des miracles pour nos pères en ces jours-là, en ce temps-ci.
On allumera d’abord la mèche ou la bougie située le plus à gauche puis celle qui la précède, etc. à l’aide de la bougie appelée «Chamach».
On aura pris soin de mettre assez d’huile dans les 7 godets (ou d’avoir prévu 7 bougies assez grandes) pour durer jusqu’à une demi-heure après la nuit, c’est-à-dire jusqu’à environ 18h 20 (heure de Paris). Après l’allumage, on récite «Hanérot Halalou».
Ensuite, les jeunes filles et les petites filles allumeront leurs bougies de Chabbat (après avoir mis quelques pièces dans la boîte de Tsédaka (charité) ; les femmes mariées allumeront au moins deux bougies.
Tout ceci devra être terminé avant 16h 35 (heure de Paris) le vendredi 14 décembre.
Une jeune fille (ou une femme) qui vit seule devra elle aussi procéder d’abord à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah avant d’allumer les bougies de Chabbat, avec les bénédictions appropriées.

F. L.
De Recit de la Semaine
Vous connaissez le 17 ?

Je ne suis ni écrivain ni fils d’écrivain mais je dois vous raconter comment j’ai pu constater cette semaine que le Rabbi n’abandonne personne et continue de s’occuper de chacun d’entre nous.
Vous connaissez l’histoire de Rabbi Chmouel de Loubavitch qui s’était rendu tout spécialement à Paris, dans l’un des plus grands hôtels, afin de rappeler à un certain Juif assimilé de ne pas boire de vin non cachère et l’avait par la suite convaincu de revenir à une vie juive complète.
Je m’étais rendu dans le quartier du Pletzel (le Marais) : là je rencontrai le jeune Chalia’h (l’émissaire) du Rabbi, présent tous les après-midi dans la rue des Rosiers qui est devenue, au fil des années, un endroit où défilent des milliers de touristes et, parmi eux, de nombreux Juifs. Ce Chalia’h leur parle, leur fait visiter «le 17», la petite synagogue au premier étage du 17 rue des Rosiers dans laquelle ont prié quatre des Rabbis de Loubavitch et, en particulier, notre Rabbi qui y rédigea de longs discours ‘hassidiques sur ‘Hanouccah. Dans ce petit oratoire, nul Juif ne reste insensible ; chacun veut voir (et filmer) l’endroit où le Rabbi a prié de 1933 à 1940. Nombreux sont ceux qui acceptent ensuite très volontiers de mettre les Téfilines et, ainsi, d’affirmer leur foi inébranlable dans le D.ieu d’Israël.
Je m’étais installé sur un des bancs du «17» pour étudier ce discours du Rabbi sur ‘Hanouccah. Quelques minutes plus tard, le Chalia’h est entré avec un groupe de touristes : un homme d’âge mûr qui venait d’Australie et parlait anglais accepta, après une longue conversation, de mettre les Téfilines. Pendant ce temps, je pris la relève (je suis Chalia’h à Zhitomir mais aussi partout où je me trouve, n’est-ce-pas ?) et discutai avec un autre touriste. J’étais étonné car il parlait très bien yiddish (en plus de l’hébreu) et j’ai compris qu’il avait certainement déjà un long parcours derrière lui bien qu’il n’ait qu’une vingtaine d’années. Il n’arrêtait pas de filmer l’endroit où le Rabbi avait prié ; quand je lui proposai de mettre les Téfilines, il répondit qu’il les avait déjà mis le matin même et que c’était bien la dernière Mitsva qu’il accomplissait encore bien que, justement la veille, il s’était posé la question de continuer ou non ce rituel. De fait, m’expliqua-t-il, il avait auparavant fréquenté les Yechivot Loubavitch (ce qui expliquait sa maîtrise du yiddish) mais, depuis trois ans, il avait abandonné cette voie et s’était inscrit à l’Université.
Je lui proposai alors d’étudier le discours que le Rabbi avait justement rédigé dans cet endroit. Il accepta avec enthousiasme et se mit à lire avec aisance, en retrouvant les intonations propres à ce genre d’étude. Dans ce discours, le Rabbi explique ce qu’est Klipat Yavane, l’impureté spécifique de la Grèce du temps de ‘Hanouccah : c’est une sorte de boue qui s’enfonce de plus en plus bas (à l’image des lettres hébraïques qui composent ce mot), alors que la sagesse de la Torah élève celui qui l’étudie vers des hauteurs insoupçonnées… Pris par l’étude, le jeune homme réalisa soudain : «Le Rabbi est en train de décrire toute ma vie ! Tout ce qui est écrit là-dedans est véridique dans tous les détails ! J’ai l’impression qu’ici, à Paris, le Rabbi vient personnellement vers moi et est en train de me dire ! ‘Cela suffit ! Jusque-là et pas plus loin !’»
Très ému, le jeune homme photographia avec son iPod les quelques pages du discours et déclara : «Il faut que j’étudie tout cela en profondeur !» Pendant ce temps, ses camarades attendaient avec impatience de pouvoir continuer leur découverte de Paris : ce jeune homme quitta donc physiquement à regret «le 17» mais je suis sûr qu’il s’y trouve encore en pensée. D’ailleurs, il me l’a dit ouvertement : «Je suis sûr de revenir !»
Il était venu à Paris à cause de ses études universitaires et s’était retrouvé dans l’endroit où le Rabbi avait entrepris de guérir les Juifs de «l’impureté de la Grèce».
Oui, j’ai mérité de voir de mes propres yeux comment le Rabbi était arrivé jusqu’à Paris pour aider encore un Juif à retrouver son but dans la vie.
Rav Shlomo Wilhelm – Chalia’h à Zhitomir, Ukraine
Traduit par Feiga Lubecki
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